Description et statistique agricole du canton de Wissembourg : typographie et aperçu historique de chaque commune, usages locaux qui y sont en vigueur... / par A. Rigaut,... (2024)

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Titre : Description et statistique agricole du canton de Wissembourg : typographie et aperçu historique de chaque commune, usages locaux qui y sont en vigueur... / par A. Rigaut,...

Auteur : Rigaut, Adolphe (1815-1887). Auteur du texte

Éditeur : G. Silbermann (Strasbourg)

Date d'édition : 1860

Sujet : Histoire locale -- Wissembourg (Bas-Rhin, France ; région)

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb31217474d

Type : monographie imprimée

Langue : français

Format : 1 vol. (VII-391 p.) ; in-8

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Description : Contient une table des matières

Description : Avec mode texte

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k9775708q

Source : Bibliothèque nationale de France, département Sciences et techniques, S-33729

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 01/05/2017

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DESCRIPTION

ET

STATISTIQUE AGRICOLE DU CANTON DE WISSEMBOURG.

DESCRIPTION

ET

STATISTIQUE AGRICOLE DU CANTON DE WISSEMBOURG.

TOPOGRAPHIE ET APERÇU HISTORIQUE DE CHAQUE COMMUNE.

USAGES LOCAUX QUI Y SONT EN VIGUEUR.

Ouvrage couronné par la Société impériale et centrale d'agriculture, et par l'Académie nationale agricole de Paris.

PAR

A. RIGALT,

JUGE AU TRIBUNAL CIVIL DE WISSEMBOURG.

« L'homme ignore trop ce que la nature peut "pour lui, et ce qu'il peut pour elle. »

BUFFON.

STRASBOURG,

TYPOGRAPHIE DE G. SILBERMAMV -1860.

INTRODUCTION.

Faire connaître aussi complétement que possible la situation agricole du canton de Wissembourg; indiquer ses besoins et les moyens qui me paraissent les plus sûrs pour porter l'agriculture au degré de perfectionnement auquel elle peut atteindre; établir une statistique d'une scrupuleuse exactitude; donner quelques indications historiques très-rapides sur chaque commune, en signalant les anciennes coutumes sous l'empire desquelles se trouvaient autrefois les différentes localités composant le canton ; présenter un résumé succinct des ressources agricoles de chaque localité; enfin, constater les usages locaux auxquels diverses dispositions de nos lois ont laissé une valeur légale: tel a été le but de mon travail.

La tâche que je m'étais imposée a présenté d'assez nombreuses difficultés, car très-souvent, là où je croyais d'abord trouver un système de culture uniforme, j'en découvris bientôt une innombrable variété; là où je ne voyais au premier moment qu'une négligence personnelle, je ne tardais pas, après un examen plus approfondi, à constater une incurie presque générale; là enfin où je pensais rencontrer une méthode raisonnée, il n'y avait en définitif qu'un déplorable esprit de routine.

Tant d'obstacles ne pouvaient être surmontés que par une volonté énergique et persévérante; dès lors tous mes

efforts ont dû tendre à bien m'assurer de la nature et de la réalité des faits que j'avais à signaler.

Pour atteindre le but que je m'étais proposé, je suis entré de plain-pied dans le domaine agricole et je l'ai scruté de toute part. J'ai consulté des praticiens éclairés, mais surtout j'ai vu par moi-même, et me suis tenu en garde contre les renseignements erronés.

Les premiers chapitres de ce travail renferment les notions générales sur la topographie, le climat, le sol du canton; ils traitent de la population agricole, de la composition des propriétés rurales, des instruments aratoires, des ouvriers employés à la culture du sol, de l'instruction agricole et de l'instruction primaire dans nos campagnes, des engrais et amendements, du drainage, des assolements.

Les chapitres suivants sont consacrés à la culture des plantes, aux prairies naturelles et artificielles, aux cultures arborescentes et aux forêts.

Puis je me suis occupé de ce qui concerne le bétail; j'ai donné quelques courts renseignements sur l'apiculture, la sériciculture, la fabrication de la poterie, de la tuilerie, et sur les différentes professions qui se rattachent à l'agriculturcou à l'industrie agricole.

Enfin, dans un dernier chapitre, j'ai examiné quelles sont les circonstances locales qui paraissent retarder les progrès de l'agriculture dans le canton ; quelles sont les causes de l'émigration des habitants des campagnes vers les villes; et quelles sont celles du paupérisme envisagé sous le point de vue agricole.

Dans une seconde partie, j'ai tracé à grands traits, l'historique de chaque commune, indiqué les ressources agri-

coles que présentent son territoire, et établi la statistique monumentale du canton.

La troisième partie a été consacrée à la constatation des usages locaux. Elle est le résultat des recherches faites dans cet ordre d'idées par la commission spéciale que je présidais et dont j'ai rédigé les travaux.

Je ne me dissimule pas, que, malgré mon vif désir de faire une œuvre utile, je suis souvent resté au-dessous de mon sujet; mais, si les forces ont quelquefois fait défaut à mon zèle, je puis affirmer du moins, que jusqu'au bout, j'ai consciencieusement rempli ma tâche.

Le vote si flatteur et deux fois répété du Conseil général du Bas-Rhin m'a décidé à livrer mon travail à l'impression. Je désire vivement qu'il puisse faciliter et provoquer des constatations semblables dans les autres localités du département. La situation des différents cantons rendue publique, ne manquerait pas d'exciter une louable émulation ; on y verrait ce que chacun a fait, ce qui reste encore à faire, et ce ne serait pas un des moindres bienfaits de la statistique.

Décembre 1859.

DESCRIPTION

ET

STATISTIQUE AGRICOLE DU CANTON DE WISSEMBOURC.

PREMIÈRE PARTIE.

Situation et statistique agricole du canton.

TOPOGRAPHIE. — CLIMAT.

Situé en partie dans une plaine fertile et en partie dans les montagnes des Vosges, le canton de Wissembourg, qui formait autrefois une partie de la Basse-Alsace, a pour limites les cantons de Soultz-sous-Forêts, Wœrth, Niederbronn, Lauterbourg et Seltz ; au Nord il est borné par la Bavière rhénane.

Du sommet du Pigeonnier, qui est pour nous le point culminant de la chaîne des Vosgesl, on peut saisir une grande partie de l'ensemble du canton. Là un vaste panorama se déroule aux regards. D'un côté, s'étend d'abord un réseau de montagnes couvertes de magnifiques forêts, puis une série de coteaux tous soigneusement cultivés, puis encore des vallées où presque toujours serpentequelque ruisseau. De l'autre, se développe l'immense plaine du Rhin, parsemée de nombreux villages, et, tout au fond de l'horizon, se dessine la

' Wissembourg se trouve à 160 mètres, d'altitude, et le plus haut point de la Scherhol ou Pigeonnier, mesure 507 mètres.

majestueuse basilique de Strasbourg. Rien de plus beau, de plus varié et de plus pittoresque que le contraste que présente cet ensemble de plaines, de vallées, de coteaux et de montagnes où le cultivateur est appelé à. exercer son industrie ; peu de localités, sous ce rapport, sont aussi favorisées que le canton de Wissembourg.

Sa superficie totale est de 16,023 hectares 9 centiares. Il compte 14,037 habitants répartis ainsi qu'il sera indiqué plus tard entre les treize communes qui le composent.

Comme dans tous les pays où le sol est fortement accidenté , le canton de Wissembourg renferme des climats très-variés ; cependant ils y sont généralement bons et salubres.

La moindre pluie qui tombe refroidit assez sensiblement l'atmosphère. Quand souffle le vent du Nord,. l'air aussitôt devient vif et piquant ; le vent du Midi réchauffe la température et fait fondre les neiges tombées en hiver mais souvent il est suivi d'un retour du vent du Nord y alors que le sol est encore fortement mouillé, la terre se gèle et se contracte, au premier dégel elle reprend son volume et les plantes se trouvent déchaussées ; cet état de choses est souvent funeste aux récoltes.

Les vents normaux sont ceux du Nord-Est et du Sud-Ouest, ceux qui soufflent dans une autre direction sont des vents transitoires. Les plus redoutés par les cultivateurs du canton sont ceux du Nord et du Nord-Ouest ; ce dernier surtout amène après lui des pluies et un froid très-sensible.

En été le vent du Sud précède ordinairement les orages. Les pluies sont assez fréquentes, l'on a rarement à craindre de trop grandes sécheresses ; les inondations sont aussi extrêmement rares.

Les orages d'été, assez nombreux, amènent parfois- de très-grandes pluies; la grêle les accompagne rarement, et ses ravages sont d'ordinaire insignifiants dans le canton.

Le printemps est presque toujours pluvieux, surtout depuis quelques années. Il n'est pas rare de voir les pluies de

la Pentecôte durer pendant une quinzaine de jours, elles causent alors une perte réelle au cultivateur en faisant cou 1er les neurs du seigle et du froment. Les gelées tardives d'avril et de mai ne laissent pas de causer aussi par fois un grand préjudice aux récoltes.

L'été est généralement court. Octobre assez désagréable, laisse à peine au cultivateur le temps nécessaire aux travaux multipliés de cette saison.

La neige et les froids commencent à la fin de novembre. Les brouillards sont peu fréquents, même le long des cours d'eau ils se produisent sans grande intensité. Cependant depuis deux ans il y en a eu d'assez nombreux.

(Voy. les deux tableaux, p. 4 et 5.)

RIVIÈRE ET COURS D'EAU.

Une partie du canton est arrosée par la Lauter, rivière qui prend sa source à trois kilomètres en amont de Hinterweitenthal (Bavière rhénane) et se jette dans le Rhin près de Lauterbourg.

La Lauter entre dans le département du Bas-Rhin et dans le canton de Wissembourg, près du village de Weiler, qu'elle traverse, ainsi que Wissembourg et Altenstadt.

Ses eaux sont d'ordinaire très-limpides, mais après de fortes pluies, elles charrient une assez grande quantité de sable rouge provenant de détritus du grès des Vosges, qui, lors des débordements, heureusement fort rares, se déposent sur les prairies et causent de notables dommages.

Nous devons à l'obligeance de M. vVohlwerth, pharmacien à Wissembourg, une analyse des plus exactes des eaux de la Lauter.

Voici les résultats qui ont été obtenus :

Trois litres ou kilogrammes d'eau à l'état normal, c'est-à-dire claire, limpide, mais non filtrée, évaporés avec tous les soins convenables ont fourni après une dessiccation de vingt minutes au bain-marie, un résidu pesant Ogr,14 Par une

Plus forte chaleur de l'année, le 28 juillet.

6h du matin. Midi. 7h du soir.

+ 2-2. +30. +30.

TABLEAU MÉTÉOROLOGIQUE POUR 1857.

Froid le plus intense, le 3 février.

6h du matin. Midi. 7h du soir.

-10. -5. -4,5.

MOYENNE MOYENNE NOMBRE DE JOURS DE DE L'ÉTAT DB L'ÉTAT

MOIS. THERMO- DU RAROMETRE.

BellUx. Neige. Glacc. blanche. Gelée nerre, Ton- Sereins" yerts. Cou- Mixtes. (centigrade). MÈTRE

mm mm Janvier 0 5 8 15 6 0 et 0 0 2 18 7 —0,9 759 724 Février 0 3 0 18 0 0 3 0 4 14 8 — | ,0 760 740 Mars 1 10 5 7 9 0 0 0 1 13 11 +5,5 760 737 Avril 0 9 5 0 4 0 0 0 3 12 8 +9,8 754 73) Mai 2 7 0 0 2 1 2 2 6 13 9 +15,9 752 740 Juin 4 5 0 0 0 0 0 3 9 8 6 +18,9 758 744 Juillet 7 4 0 0 0 0 0 0 7 15 8 +22,0 759 745 Août 9 3 0 0 0 1 0 2 4 9 8 +21,10 757 741 Septembre 12 1 0 0 0 2 0 1 1 10 10 +16,75 762 747 Octobre 8 8 0 0 0 0 9 0 4 12 14 +12,0 758 741 Novembre 4 7 1 1 3 2 8 0 6 15 11 +5,13 768 742 Décembre 2 3 2 3 2 0 9 0 4 li 8 +3,0 771 758

Totaux .. , 49 65 21 44 26 6 31 8 51 153 108 +10,9 766 740 n;:';:r.3: 753

VENTS.

Nombre de fois qu'ils ont soufflé aux trois époques d'observations, faites chaque jour, dans le courant de 1857.

MOIS. N. N. E. E. S. E. S. S. O. 0. N. 0.-

F. f. F. f. F. /. F. f. F. /. F. f. F. f. F. f.

Janvier .... 3 6 11 G 0 0 0 0 0 0 12 11 1 0 1 0 Février .... 6 2 lo 20 0 0 0 0 0 0 6 5 4 0 4 1 Mars 8 10 10 6 2 0 0 0 2 0 17 10 2 0 7 2 Avril 1 0 6 3 0 0 0 0 1 0 18 4 0 0 6 0 Mai 0 0 15 11 0 0 1 0 0 0 13 6 1 0 11 7 Juin 1 1 16 13 0 0 0 0 1 2 12 7 1 0 4 2 Juillet .... 1 0 2 7 1 1 0 0 1 0 16 10 3 1 12 7 Août 3 1 13 12 0 0 0 0 2 1 7 8 1 0 10 8 Septembre ... 5 4 9 6 0 0 0 0 0 0 13 9 7 2 5 2 Octobre .... 2 0 14 13 0 0 0 0 0 2 6 12 5 7 4 6 Novembre ..' 1) 2 12 18 3 6 2 0 0 0 3 5 1 0 3 2 Décembre ...11 8 9110 0 0 0 0 0 9 8 3 2 5 3

Totaux ... 46 34 132 120 6 7 3 0 7 5 132 95 29 12 72 40

F. signifie fort; f. signifie faible ou modéré.

calcination de vingt minutes dans un creuset de porcelaine, ce même résidu perdit encore 3 1/2 centigrammes et devint plus blanc (évidemment par la destruction de quelques parties organiques solubles).

Traité par l'acide nitrique étendu, il y fut dissout en partie avec une légère effervescence, et il s'en sépara une poudre grumeleuse (silice). La solution diluée avec de l'eau distillée et filtrée fut ensuite traitée par les réactifs suivants :

L'ammoniaque, qui y produisit un léger trouble (alumine); L' o'calate d'ammoniaque, qui fit naître un abondant précipité blanc dans la liqueur traitée d'abord par l'ammoniaque (chaux).

L'oxalate de chaux ayant été séparé au moyen du filtre, la liqueur fut traitée par le phosphate de soude et l' ammoniaque en excès, et un nouveau précipité blanc vint indiquer la présence de la magnésie.

Quoique le cyanure de fer et de potassium ait produit une légère coloration bleue, la présence du fer, en solution dans l'eau, peut être mise en doute, l'eau qui avait servi à l'évaporation n'ayant pas été préalablement filtrée.

Il résulte donc de cette analyse que les eaux de la Lauter sont d'une grande pureté relative et ne contiennent que fort peu de matières étrangères en dissolution 0gr,046 par kilogramme. Le résidu de l'évaporation se compose : 1° de matières organiques ; 2° de silice ; 3o de traces d alumine ; 40 de chaux, et 5° de magnésie.

Le fer ne se trouve dans l'eau qu'à l'état de suspension. La Lauter ne traversant depuis sa source jusqu 'au-des-,;us ' de Weiler que des vallées de grès vosgien, il n'est pas étonnant que ses eaux soient d'une grande pureté, la silice dont ce grès. est composé étant presque insoluble dans l 'eau. La présence de la chaux, de la magnésie et de l'alumine s 'explique par son passage depuis la ferme de Saint-Germain jusqu'à Wissembourg sur les alluvions et le muschelkalk renfermant des dolomies.

Même quand elles sont le plus limpides, les eaux de la Lauter tiennent en suspension un peu de fer (à l'état d'ocre ou d'oxide), et un peu de sable très-fin (silice).

En été, lorsque de fortes pluies d'orages éclatent dans les Vosges et lavent les montagnes à grandes eaux, le sable rouge et l'ocre (oxide de fer) communiquent à la rivière une couleur passagère d'un rouge assez foncé.

Le lavage des minerais de fer qui se fait près de Schlettenbach est une autre cause de trouble et de coloration de ses eaux.

La Lauter est la seule rivière qui passe par le canton ; les autres cours d'eau ne sont que des ruisseaux. Leur importance est cependant assez majeure ; ils permettent l'irrigation de nombreuses prairies qui y sont adjacentes, et plusieurs alimentent de petites usines.

Les différents ruisseaux dont les eaux serpentent à travers diverses parties du canton sont :

Le Sauerbach, qui traverse la banlieue de Lembach ;

Le BecheLbach ou Herrenbœchel, dans la banlieue de Cléebourg;

Le Bremmelbach, qui arrose une partie de la même banlieue;

Le Forbach, qui, après avoir parcouru les bans de Wissembourg et d'Altenstadt, se jette dans la Lauter en aval de cette dernière commune;

Le Marckbach, près de la porte de Landau à Wissembourg, qui passe par cette ville et une partie de la banlieue d'Altenstadt , pour se jeter ensuite dans la Lauter dont il est une dérivation ;

Le Seltzbach, qui prend sa source sur les hauteurs de la forêt du Mundat, à un kilomètre de Rott, et traverse les bans de Rott, Oberhoffen, Steinseltz et Riedseltz;

LaSteinbœchel, qui coule à travers les banlieues de Wingen et de Lembach., où il se jette dans le Sauerbach ;

Le Steinbach, qui prend sa source près d'Obersteinbach,

traverse les banlieues d'Obersteinbach, Niedersteinbach et Lembach, et se déverse dans le Sauerbach entre ces deux derniers villages.

Il existe en outre dans le canton de nombreuses sources et eaux souterraines.

Les eaux de la ville de Wissembourg sont fournies par des sources qui sortent presque toutes des hauteurs situées à l'Occident, et qui coulent à travers le sable siliceux, ou sortent sur la faille-limite qui sépare le grès des Vosges des terrains plus modernes. L'eau des sources dont nous parlons est généralement claire, limpide, libre de toute partie étrangère, sans odeur ni saveur. Les alcalis, les acides, le protoxide de plomb, le nitrate de mercure et d'argent, le chlorure d'ammoniaque, le carbonate de potasse, n'y produisent qu'un précipité presque imperceptible dû à la petite quantité de gaz acide carbonique que l'eau tient en solution; elle reste claire, même après plusieurs jours de repos; elle bout rapidement et dissout complétement le savon.

A Lembach, des sources assez volumineuses sortent du grès des Vosges ; à Wingen et à Petit-Wingen elles découlent du grès bigarré. La température de ces dernières est de -10,2 degrés; c'est celle de la plupart des sources du canton, qui ne subissent en général que de faibles variations.

ROUTES.

Ainsi que la plus grande partie du département du Bas-Rhin, le canton de Wissembourg est sillonné de nombreuses voies de communication et de chemins ruraux qui permettent l'accès facile de toutes les propriétés.

Il compte une route impériale :

No 63. Route impériale de Strasbourg il Wissembourg et Landau, passant par Riedseltz et Wissembourg et allant aboutir à la frontière bavaroise près de Schweigen.

Trois routes départementales :

No 8. De Bilsch à Lauterbourg, traversant Obersteinbach , Niedersteinbach, Lembach, Climbach, Wissembourg et Altenstadt.

No 26. De Wissembourg à Candel, conduisant de Wissembourg à la frontière bavaroise.

No 17. De Wissembourg à Fort-Louis, qui prend son origine à Altenstadt et ne traverse dans le canton qu'une partie de la banlieue de cette commune.

Cinq chemins d'intérêt commun :

No 40. De Roll à la route départementale no 17, près du Geitershof, traversant Rott, Oberhoffen, Steinseltz, Riedseltz et en partie la banlieue d'Altenstadt.

No 44. D'Altenstadt à Scheibenhard, passant par une grande partie du ban d'Altenstadt.

No 51. De Climbach à Soultz-sous-Forêts, ne traversant dans le canton que la commune et une partie de la banlieue de Climbach. Ce chemin prend son origine à la route départementale no 8, près de la commune de Climbach.

No 76. De Cléebourg à Rittershoffen, passant par une partie la banlieue de Cléebourg.

Ho 77. De Wissembourg cf, Draehenbronn, traversant les banlieues de Wissembourg, Rott et Cléebourg.

Une ligne de grande, communication :

No 14. De Wissembourg à Dahn, passant par Wissembourg et Weiler.

Le chemin de fer de l'Est, de Strasbourg à la frontière bavaroise, traverse sur une petite étendue une partie des banlieues de Riedseltz, Wissembourg et Altenstadt; il ne peut point servir dans le canton de communication de commune à commune.

Bien plus, l'agriculture de tout l'arrondissement ne trouve pas dans cette voie de transport rapide les avantages qu'elle devrait y rencontrer pour l'expédition de ses produits vers les différents centres d'écoulement. Le tarif des places est beaucoup trop élevé pour que nos cultivateurs puissent

profiter de ce moyen de locomotion; aussi la campagne ne fournit-elle que très-peu de voyageurs.

Il serait vivement à désirer qu'une notable diminution dans le prix des places vînt mettre la voie ferrée à la portée de la généralité des habitants de la campagne. La Compagnie du chemin de fer y trouverait également un avantage, car sans nul doute, le nombre des voyageurs se décuplerait au moins, tandis que les frais resteraient toujours les mêmes.

Les chemins vicinaux ordinaires se trouvent indiqués dans le tableau ci-contre.

Outre ces voies de communication, il existe encore de nombreux chemins ruraux, qui sillonnent les banlieues de toutes les communes. La plus grande partie de ces chemins est assez convenablement entretenue.

Depuis quelques années surtout les chemins ruraux ont été l'objet d'améliorations notables. Le comice agricole de l'arrondissement décerne tous les ans des récompenses honorifiques à ceux de MM. les maires qui se distinguent par le bon entretien des voies vicinales et rurales, et par l'établissement de nouveaux chemins dans des cantons isolés, Cette mesure a déjà produit d'excellents effets.

SOL.

Dans le canton, la nature du sol est extrêmement variée, Presque dans chaque commune l'on trouve depuis les terrains sablonneux les plus légers, jusqu'à la lourde glaise.

Le relief du sol présente une configuration tout aussi peu uniforme ; on y distingue :

1° Une région montagneuse qui est formée par une partie de la chaîne des Vosges ;

2o Des collines d'une largeur variable;

3o Enfin une plaine unie qui s'étend du côté du Rhin. Outre l'humus, les principales terres végétales du canton ont pour base :

CHEMINS VICINAUX ORDINAIRES DU CANTON DE WISSEMBOURG.

NOMS |.l DÉSIGNATION POINTS PRINCIPAUX LIEUX DES COMMUNES. || DES CHEMINS. - DE DÉPART. TRAVERSÉS.

De Schweighoffen à Altenstadt .... La limite bavaroise . Route départie no 8.. Allensladt,

ALTE'.\ST,tl)T .... 3 De Steinscltz à Altenstadt. Route impériale no 63 Route départ ENO 17 Ferme du Geisberç.

De Schleitlial au moulin du hie*nw'ald . Chemin no 44.... Route depart'e no 8 . Foret du Mundat fr.

S De Cléebourg à Wissembourg .... Chemin nO 76.... Chemin no 40.... Cléebourg.

C' U.EROI .. RI,...' 2 > De la Pfaffenschlick à Ingolsheim .. La Pfaffenschlick .. Route împetiale no 63 Forêt de Cléebourg. CLIMBACH .... 1 De Climbach à Lembach Route départie no 8 . Route déparlle no 8.. Climbach.

ÎDe Lembach à Wœrth (par la vallée).. Idem Route départ'e no 16 Lembach.

De Schœnau à Lembach Frontière bavaroise.. Route départie no 8.. »

De Lembach à Wœrth (par Soulzbacli). Route depart'e no 8.. Chemin vic'" de Lem- et bacli à W cei-Lit ... Lembach , Mattstall Langensoultzbach, De la Pfan'ensch)ick à Lembach ... Chemin no 51.... Route départie nO 8.. Lembach et le Pl'aflenbrunnerhof.

De Climbach à Lembach (par Wingen) . Route départ'e no 8 . Idem Wingen et Lembach, De Lembach à la forêt communale .. Idem Idem Lembach.

NIEDEI\STEINllACU.. i De IN i od e is t e i n b a cl i à Schrcnau .., Idem La limite bavaroise.. Wenckelsbaclufermc). OuEHHoi'l'EN.... 1 D'Obel'ilOfIcn à Wissembourg .... Chemin no 40.... Chemin de Cleebourg à Wissembourg .. »

D'Oberstcinbach à ReichshofTen ... Route déparlle no 8 . Chemin n° 40.... Weneckcrthal. OBEBSTEINBACII .. 3) U'Obersteinbach à Ludwigswinkel .. Idem La limite bavaroise . »

D'Obersteinbach à Langensoullzbach . Chemin de Lembach à

Wœrth Route déparlle n° 8.. L. , Soultzbach, Soultzthal, Obersteinbach. RIF.DSELTZ .... 0 » » " "

ROTT 1 De Cléebourg à Wissembourg .... Chemin n(l 79.... Chemin no 40. »

c a De Wissembourg à Steinseltz .... Route impériale no 63 Idem. » STEINSELTZ .... i De Sleinseltz à Altenstadt Idem Route dcpart'e nO 17 . Le Geisenberg.

w INGEN a De Climbach à Lembach Climbach Lembach Wingen.

z De Petit-Wingen à Bobenthal .... Chemin de Climbach à

Lembach .... Frontière bavaroise . Petit-Wingen.

De Cléebourg à Wissembourg .... Chemin no 77.... Route impériale no 63 »

De Lembach à Wissembourg .... Route départIe no 8.. Chemin no 77.... Les lignes.

Wis,;r.)inouRG «t D'Oberhoffen à Wissembourg, .... Chemin nü 40. .. Chemin de Cléebourg et à Wissembourg .. »

w WËtLER ... ( De Schweigen à Wissembourg.... Route impériale no 63 Ligne no 14. »

J De Schweigen à Altenstadt ..... Idem Roule départie nO 8 • La Wormmuhl.

7 f De Rott à W'eiler ........ Route départ'e no 8 . Ligne iio 14. »

l De Weiler à Rott ......... Chemin Leichlenhohl. Forêt de Wissembourg. »

1° Le grès des Vosges, qui donne un sol léger et sableux, assez peu favorable à la culture ;

2o Le grès bigarré, qui, beaucoup plus argileux que le grès des Vosges, donne un sol froid, sur lequel cependant la végétation se produit avec plus de vigueur;

30 Le lœss, formé d'un mélange d'argile, de carbonate de chaux et de sable fin. Les terres de cette nature sont généralement très-fertiles, elles sont propres à toute espèce de culture, particulièrement à celle du froment et des plantes oléagineuses , mais elles exigent un travail soutenu ;

40 Le limon jaune, qui est beaucoup moins propre à la culture des céréales;

5° Le sable quartzeux diluvien, qui, provenant de la désagrégation du grès des Vosges, est aussi peu favorable à la végétation.

La connaissance de la constitution géologique d'un pays peut être d'une grande utilité en agriculture, puisqu'elle permet de reconnaître quelles sont les localités qui se trouvent dans des circonstances identiques en ce qui concerne la nature du sol, et qu'elle fait épargner dès-lors de nombreux tâtonnements de culture.

Nous croyons donc indispensable d'indiquer succinctement la constitution géologique du canton.

Le grès des Vosges s'étend sur presque toute la chaîne de ces montagnes qui traverse le canton. La continuité de ce dépôt n'est interrompue que sur un seul point, à Weiler, où des lambeaux de terrain plus ancien forment des pointements très-restreints.

Le grès des Vosges est exploité pour les constructions comme moellon et comme pierre de taille dans les localités où l'on ne peut pas se procurer aussi facilement le grès bigarré. On choisit pour cela les variétés de cette roche dont le grain est le moins grossier.

Les collines qui s'étendent vers la plaine du Rhin sont constituées en partie par des terrains triasiques et tertiaires.

- Quant à la plaine, elle est presque exclusivement formée par des alluvions.

La colline qui s'élève dans la vallée de la Lauter, près de Weiler, renferme un filon de porphyre brun intercalé dans le terrain de transition. Le filon, que l'on exploite, a deux mètres d'épaisseur; il se ramifie à peu de distance de là. Ce porphyre sert à Wissembourg pour le pavage, et dans une partie du canton pour l'empierrement des routes.

L'on trouve sur la même colline, affleurant au milieu du grès des Vosges, une veine de schiste qui pourrait peut-être présenter quelques avantages pour l'agriculture.

En effet, le schiste argileux forme dans le val de Villé la base du sol qui sert à la culture des vignes, et leur végétation s'en trouve bien.

Nous pensons que les viticulteurs de Wissemhourg devraient essayer si, au moyen du schiste employé comme amendement , l'on ne parviendrait pas à améliorer une partie des terrains de nos vignobles. Nous avons vu employer ce système à Wachenheim (Bavière) et il y réussit à merveille.

Des couches de grès bigarré se rencontrent dans la vallée de Lembach, près du Petit-Wingen, elles sont exploitées comme pierre de taille.

Le muschelkalk, c'est-à-dire le calcaire coquiller, se montre aux environs de Wissembourg et pénètre dans la vallée de Lembach.

Certaines dolomies inférieures du muschelkalk fournissent de la chaux hydraulique; on l'exploite pour cet usage aux environs de Lembach. La dolomie de Wingen a été utilisée pendant quelque temps comme castine pour le haut-fourneau de Schœnau.

Dans les environs de Wissembourg on rencontre des terrains tertiaires au fond de presque toutes les vallées.

Vers 1760, l'on exploitait à Cléebourg du lignite bitumineux, qui ne s'y trouve plus aujourd'hui qu'en très-minime quantité.

Une concession pour cinquante ans a été accordée le 20 novembre 1809 pour l'exploitation du lignite de pétrole et de malthe qui s'étend, entre autres, dans les banlieues de Cléebourg, Rott, Steinseltz et Climbach.

Des couches tertiaires offrant de l'analogie avec les gîtes bitumineux existent près de Wissembourg, dans la colline dite Wormberg.

Les couches tertiaires fournissent encore dans le canton de l'argile assez estimée que l'on exploite particulièrement à Wissembourg pour la fabrication de la poterie.

En Alsace on a donné vulgairement le nom de lœss ou de leimen à un dépôt marneux d'un gris jaunâtre qui se trouve dans les banlieues de plusieurs communes du canton.

Le long du grès des Vosges, entre Wissembourg et Climbach, le leimen passe au sable quartzeux des Vosges.

Il existe sur le territoire de Riedseltz des dépôts de sable et de gravier provenant évidemment de la destruction du grès vosgien; les cailloux consistent en quartzite brun ou blanc, ils sont recouverts d'un lit de limon jaune. Les dépôts de ces cailloux s'élèvent au moins à 45 mètres au-dessus des eaux courantes du voisinage.

Les terrasses diluviennes, formées de gravier et de sable du grès des Vosges et de limon jaune qui bordent la rive droite de la Lauter, ont servi à l'établissement des lignes de Wissembourg.

Il n'est pas douteux que les nombreux fragments de quartz blanc, que l'on trouve vers l'entrée de la vallée de Lembach, ne fassent partie du diluvium des Vosges.

Dans cette même vallée, et dans la sinuosité que présente la chaîne vosgienne, entre Wissembourg et Niedersteinbach, le limon jaune couvre une assez grande étendue de terrain.

A l'ouest de Lembach l'on remarque une proéminence en forme de digue formée de blocs erratiques. Les blocs de grès des Vosges sont aussi nombreux dans la vallée de la Lauter, entre Rott et vVeiler.

A Riedseltz l'on trouve de l'argile grise utilisée dans la fabrication du grès cérame.

Des filons de minerai de fer se rencontrent dans différentes régions de la chaîne des Vosges. Un des groupes principaux existe en partie dans le canton de Wissembourg, non loin de la ville, et en partie dans la Bavière; un autre dans les environs de Lembach. Il y a passé un siècle, le minerai de cette dernière localité était exploité au profit d'une usine qui se trouvait alors bâtie sur le Schmeltzbaechel près de Lembach. Aujourd'hui la veine est épuisée.

On trouve aussi quelques petits filons de fer parmi les affleurements de roches ignées de Weiler, et quelques veines aux environs de Rott et de Cléebourg.

Dans le çanton de Wissembourg la superficie du sol cultivable est de 6,498 hect. Les terres arables mesurent 4,467 hect.; les prairies 1,581 hect. ; les vignes 450 hect.

La quantité d'hectares occupés par chaque nature de terrain est la suivante :

Les terrains à base d'alluvion modernes ont une étendue de. 405h Ceux à base de lœss de... 2,304 Ceux à base d'alluvions anciennes des Vosges de . 490 Ceux à base de terrain tertiaire marin, presque toujours recouverts par les alluvions anciennes et modernes de .... 140 Ceux à base de terrain tertiaire palustre, également recouverts par des alluvions de 120 Ceux à base de muschelkalk de 915 Ceux à base de grès bigarré de 474 Enfin, ceux à base de grès des Vosges de ... 1,650

Total 6,498h

Les forêts domaniales, communales et particulières du canton occupent une superficie de 8,731 hectares.

Les différentes natures de sol se partagent ainsi qu'il suit cette étendue :

Terrain à base de loess 152h Grès vosgien 7,234. Terrain calcaire 440 -Terrain argilo-calcaire 542 Grès bigarré 363

Totale .... 8,731lr

Nous venons de faire connaître très en abrégé la construction géologique du canton et les substances utiles qui sont enfouies dans son sol; il ne nous reste plus, pour terminer ce chapitre, qu'à indiquer, sous le point de vue de l'agriculture, quel est le prix des différents terrains, eu égard à leur qualité.

La valeur vénale par hectare, des immeubles ruraux du canton, peut en moyenne être fixée ainsi qu'il suit :

f lre classe.... 4,800 fr.

Terres labourables. . j 2e classe.... 3,200 »

( 3e classe.... 2,400 » ( .dé classe.... 4,000 »

Prés naturels..... j 2e classe.... 3,000 »

( 3e classe.... 2,000 »

Vignes........ Îlre classe .... 6,400. »

2e classe.... 4,700 » 3e classe.... 3,000 ».

Le prix des immeubles ruraux varie très-sensiblement d'une commune à l'autre.

La valeur vénale des forêts est aussi très-variable. Suivant «

les essences de bois dont elles se composent, le prix de l'hectare s'élève à la somme de 1,600 fr., ou descend à celle de 800 fr. et même au-dessous.

1 Pour la description minéralogique du Bas-Rhin l'on consultera avec fruit l'excellent ouvrage publié en 1852 par le savant professeur M. Daubrée.

TABLEAU GÉOLOGIQUE DU CANTON DE WISSEMBOURG.

ALLUVIONS ALLUVIONS TERRAIN TERRAIN MUSCHEL- GRÈS GRÈS FILONS LIGNITE " g: » S

LOESS. ANCIENNES DES TERTIAIRE TERTIAIRE „,, „ TOURBE.

MODERNES. MARIN. PALUSTRE. KALK" BIGARRE. DES VOSGES. DE FER. g-pS

CI

Wissembourg. Altenstadt. Wissembourg. Cléebourg, Wissembourg. Wissembourg. Climbach, Wissembourg. Wissembourg. Cléebourg. Weiler, Altenstatt. Lcmbacli. Clécbourg. Altenstadt. Oberhoffcn. Rott. Climbach, Wingcn. Cléebourg. Clécbourg. Climbach.

Oberhoflcn. Riedsellz, Lembach. Weiler, Climbach. Lembach, Roll Riedseltz. Wingcn. Lembach, Rott.. Stcinsellz,

Rott. Niedersteinbach Weiler.

Steinseltz. Ouersteinhach.

Weiler, Wingcn.

Lembacll, Weiler.

MODES DE JOUISSANCE DU SOL.

Presque tous les cultivateurs aisés du canton de Wissembourg exploitent des biens qui leur appartiennent. La propriété étant extrêmement divisée, la plupart des habitants de la campagne possèdent au moins un petit champ qui leur est propre et qu'ils cultivent; mais, soit défaut de connaissances suffisantes, soit manque de capitaux, beaucoup d'entre eux suivent une culture trop routinière et ne cherchent pas à y introduire d'améliorations.

Le nombre total des parcelles d'immeubles ruraux du canton se décompose ainsi qu'il suit :

Terres labourables 34,248 parcelles. prés 12,040 » Vignes 10,384 » Forets 1,071

Jardins et vergers 2,432 »

Total ..... 59,875 parcelles.

Les corps de fermes appartenant à des propriétaires non exploitants, sont loués par baux, moyennant un fermage en argent. Ces baux sont d'ordinaire passés devant notaire pour une durée de trois, six ou neuf années ; peu sont faits sous seing privé. L'époque de l'entrée en jouissance est la Saint-Martin ou le 11 novembre.

Les paysans peu aisés prennent aussi à ferme des parcelles disséminées; c'est même là le cas le plus ordinaire. Les baux sont passés alors, soit devant notaire, soit par actes sous signatures privées, soit même verbalement, suivant l 'importance de l'immeuble loué.

Le fermage est presque toujours stipulé payable en argent. Trois mille trois cent quarante-sept propriétaires possèdent des parcelles d'immeubles dans le canton sans y demeurer; trois cent quarante-neuf habitants du canton ne cultivent pas eux-mêmes.

L'on ne connait pas dans le canton l'exploitation par métayer, colon partiaire, ni régisseur.

Le taux moyen du fermage par hectare, tant des terrains loués en corps de ferme qu'en pièces isolées est :

j 1,@e classe... 100 fr.

Pour les terres labourables . ] 2e classe... 80 »

( 3e dasse... 60 » ( lre classe... 80 »

Pour les prés ..... 2e classe... 60 »

( 3e classe... 40 »

Les vignes et les bois ne se louent pas.

ÉTENDUE ET COMPOSITION DES EXPLOITATIONS RURALES.

L'étendue des exploitations rurales du canton varie à l'infini. L'on n'y compte que quarante-neuf fermes.

Vingt-six de ces exploitations ont moins de 5 hectares. Dix-sept ont une étendue de 5 à 10 hectares.

Il y a une ferme de 18 hectares et trois de 20 hectares. Le Schaafbusch mesure environ 50 hectares et le Gutleuth 40.

Quant aux propriétés appartenant aux habitants de chaque localité, leur étendue est aussi extrêmement variable. Tel cultivateur possède et exploite 8 à 10 hectares et plus, tandis que tel autre ne cultive que 15 à 20 ares et souvent beaucoup moins.

Néanmoins il est à remarquer que les terres sont généralement assez bien exploitées, sans cependant qu'on leur fasse rendre tout ce qu'elles pourraient produire.

Ce qui fait défaut, surtout au petit fermier, ce sont les engrais. Ses modestes ressources ne lui permettent pas d'éle\ er une quantité suffisante de bestiaux ; de là rareté d'engrais, et par conséquent récolte moins belle qu'elle pourrait l'être dans de bonnes conditions.

Le principe de l'àgrieulture locale semble être, non pas la production par l'engrais, mais la production par le travail ; principe fatal qui peut bien donner de beaux résultats tant que la terre est riche, mais qui, avec l'épuisement du sol, amène inévitablement la ruine du cultivateur.

C'est donc un mal auquel il faudrait chercher à porter remède.

La proportion des bestiaux, bien inférieure dans presque toutes nos communes aux besoins de l'exploitation, entraîne encore après elle une plaie des plus graves : l abus du cheptel pratiqué par les israélites qui y trouvent un moyen d usure presque toujours à l'abri des poursuites judiciaires.

Si la moyenne et la petite culture dominent dans le canton de Wissembourg, il ne faut pas en induire qu'il n'y existe point d'agriculteurs habiles. Plusieurs se distinguent par les soins intelligents et les améliorations constantes qu ils apportent à leurs exploitations, comme aussi par les progrès qu'ils font faire à l'agriculture.

CLÔTURES.

D'ordinaire les exploitations rurales ne sont pas clôturées. Les jardins seuls et les vergers sont entourés de palissades, ou plus souvent de haies vives, constituées par l'aubépine, le charme, le prunier épineux, le sureau ou l'orme.

La séparation des héritages n'est marquée que par des sillons , des piquets ou des pierres bornes.

Il y a peu d'années encore, une grande partie des propriétés rurales disséminées n'étaient pas régulièrement abornées. De là des discussions continuelles entre voisins. Aujourd'hui cet inconvénient tend à disparaître. Chacun a senti qu'il était de son intérêt d'avoir des limites fixes; et dans presque toutes les communes du canton des arpenteurs-géomètres ont été appelés à faire un arpentage et une délimitation régulières.

De nombreuses plantations d'arbres fruitiers sont établies,

sur les héritages le long des routes. L'on trouve même assez souvent des arbres disséminés dans les champs.

A la campagne, presque chaque habitant a son jardin potager et son verger.

CONSTRUCTIONS RURALES.

Les habitations rurales et les bâtiments d'exploitation revêtent des formes et des dispositions très-diverses ; cependant le plan le plus généralement suivi par les cultivateurs, est l'établissement d'une maison d'habitation indépendante des bâtiments ruraux. La maison se trouve d'ordinaire placée sur l'un des côtés de la cour qui occupe le milieu de la propriété, de l'autre côté sont établis les fosses à fumier, au fond les étables et les granges.

Ces bâtiments sont construits en bois et en pierres, rarement en briques; quelquefois en bois et torchis. Ils sont tous recouverts en tuiles plates.

Le logement consiste ordinairement en un rez-de-chaussée élevé, auquel on arrive par un perron. Cependant les cultivateurs riches ou aisés possèdent par fois des maisons à un étage. On en voit un assez grand nombre dans les communes importantes.

La maison d'habitation se compose de deux ou trois pièces, d'une cave, d'un grenier et d'une cuisine qui se trouve presque toujours placée vis-à-vis de la porte d'entrée ; dans cette cuisine est établi le four.

Les habitations à la campagne sont généralement placées dans des conditions favorables à la salubrité. Cependant dans quelques localités on a encore la mauvaise habitude de laisser écouler près de l'habitation les eaux ménagères qui ne tardent pas à former des mares dont les émanations sont très-insalubres ; et aussi d'établir les fumiers à trop grande proximité des constructions habitées. Ces causes produisent par fois les fièvres qui exercent surtout leurs ravages parmi les

enfants des campagnes ; il convient donc de les éviter avec soin.

Les domestiques logent dans une autre pièce que celle occupée par les maîtres et leur famille.

Un ou deux lits placés dans une alcôve, une table, des bancs, une armoire, un bahut, un certain nombre de chaises, une horloge de la Forêt-Noire et quelques images encadrées composent le mobilier de la plupart des cultivateurs.

Les granges forment de vastes hangars, la partie supérieure sert à loger les gerbes de céréales et les fourrages. Dans la partie inférieure on abrite les charrettes et les instruments aratoires ; c'est là aussi que se trouve l'aire à battre les grains.

Les étables et les écuries sont placées à côté de la grange, elles ont de 2m,50 à 2m,75 de hauteur, rarement plus. Les râteliers faits en bois, ont une inclinaison de Om,40 environ, et sont posés au-dessus de la crèche aussi en bois, qui s'élève de Om,80 à Om,90 au-dessus du sol. Les écuries sont percées de distance en distance, vers la grange, d'ouvertures par lesquelles on jette le fourrage aux animaux.

Le principal défaut de ces constructions est d'être trop restreintes pour les bestiaux qu'elles doivent contenir. Rarement on y trouve des fenêtres susceptibles de procurer une bonne ventilation. Les seuils de portes d'écuries sont presque toujours trop élevés.

Il y aurait en résumé beaucoup d'améliorations à apporter dans le canton, au point de vue de l'assainissement des étables, comme aussi sous le rapport de leur construction.

(Voy. le tableau ci-contre, p. 23).

OUVRIERS EMPLOYÉS A LA CULTURE DU SOL.

Presque tous les cultivateurs du canton exécutent eux-mêmes les travaux que réclament leurs terres ou celles qu'ils tiennent à ferme. Lorsque le train de culture est considérable,

TABLEAU INDICATIF

du nombre et de la valeur des maisons de chaque commune, ainsi que de la proportion d'habitants qui y logent.

NOMS NOMBRE VALEUR NOMBRE PROPORTION VALEUR

" MOYENNE D'IUBITANTS D'HABITANTS TOTALE DES DE .,UNE MAISON de par DES MAISONS , COMMUNES. MAISONS. de CHAQUE CHAQUE TERRAINS CULTIVATBUR. COMMUNB. MAISON. NON COMPRIS, FR. FR.

ALTENSTADT I ... 207 2,500 1,183 5, 71 607,500 CLÉEBODRG 2 ... 139 1,500 630 4, 53 248,500 CLIMBACH .... 76 2,500 470 6, 18 190,000 LEMBACH 3 .... 294 3,000 1,624 5, 52 1,072,000 NLEDERSTEINBACH 4 . 75 1,500 460 6, 13 132,500 OBERSTEINBACH 3. - 96 2,000 610 6, 35 212,000 OBERHOFFEN ... 37-- 1,500 152 4, 11 55,500 RIEDSELTZ 6.... 222 2,000 1,244 5, 64 494,000 ROTT 7 128 1,500 528 4, 12 230,000 STEINSELTZ 8 ... 120 3,000 603 5, 02 420,000 WEILER9 .... 108 1,200 544 5, 13 182,200 WINGEN 10 .... 139 1,800 749 5, 39 280,200 WISSEMBOURG 11 .. 613 4,000 5,240 8, 54 3,395,000 TOTAUX pour le canton 12 2,252 2,637 14,037 6, 23 7,519,400 Observations.

1 D'après les indications ci-dessus la valeur des maisons d'Altenstadt serait de 517,500 fr. ; mais il y a lieu d'y ajouter un chiffre de 5,000 fr- pour dix maisons, de 10,000 fr. pour deux maisons, et de 20,000 fr. pour une , ensemble 90,000 fr., ce qui fait un total de 607,500 fr.

2 La valeur totale, d'après la moyenne admise, serait de 208,500 fr. ; mais pour obtenir le chiffre exact de la valeur des propriétés bâties de Cléebourg, il faut ajouter 2,000 fr. pour dix maisons, et 10,000 fr. pour deux, ensemble 40,000 fr., ce qui fait un total de 248,500 fr.

3 En admettant comme moyenne de la valeur de chaque maison le chiffre de 3,000 fr., l'on obtient un total de 882,000 fr- ; mais vingt maisons valent 5,000 fr. de plus, cinq 10,000 fr., deux â0,000 fr., soit 190,000 fr. ; de sorte que le total est de 1,072,000 fr.

■*Si l'on prend pour base de la valeur moyenne d'une maison la somme de 1500 fr., l'on obtient pour les 75 un chiffre de 112,500 fr. ; mais pour arriver à une somme indiquant exactement la valeur de toutes les maisons, il faut ajouter 5000 fr. pour quatre, ce qui donne alors 132,500 fr.

5 Avec la moyenne de 2,000 fr. l'on obtient un chiffre de 192,000 fr. pour la valeur des maisons d'Obersteinbach. Il y a lieu d'ajouter à cette somme : 2,000 fr. pour quatre maisons, et 6,000 fr. pour deux, ce qui fait ensemble 212,000 fr.

6 D'après la moyenne admise, la valeur totale des maisons de cette commune serait de 444,000 fr. ; mais pour dix maisons il faut augmenter de 5,000 fr. cette moyenne , soit ensemble 50,000 fr., ce qui donne alors un total de.494,000 fr.

7 Valeur totale 192,000 fr. en admettant la somme de 1,500 fr. comme moyenne ; mais il faut y ajouter 5,000 fr. pour quatre maisons et 2,000 pour dix, ensemble 40,000 fr., ce qui donne alors un total de 230,000 fr.

8 Avec la moyenne de 3,000 fr. la valeur totale des maisons de Steinseltz serait de 360,000 fr. Il faut augmenter ce chiffre de 4,000 fr. pour dix maisons , et de 20,000 fr. pour une, soit de 60,000 fr., de sorte que le total exact est de 420,000 fr.

9 La valeur totale, d'après la moyenne admise, serait de 127,200 fr. Pour obtenir le chiffre exact de la valeur des propriétés bâties de Weiler, il faut ajouter 2,000 fI'. pour cinq maisons, 5,000 fr. pour une, et 20,000 pour deux, ensemble 35,000 fr.

10 Total, d'après la moyenne de 1,800 fr., 250,200 fr. Il faut ajouter à ce chiffre 2,000 fr. pour cinq maisons, etlO,000 pour deux, ensemble 30,000 fr., cequi donne alors 280,200 fr.

il Trois vingtièmes à 1,500 fr., quatre vingtièmes à 2,000 fr., cinq vingtièmes à 4,000 fr., trois vingtièmes à 6,000 fr., deux vingtièmes à 8,000 fr., un vingtième à 10,000 fr., un vingtième à 12,000 fr., un vingtième à 15,000 fr., dix maisons à tD,000 fr., trois à 30,000 fr.

12, -Ls.valeur totale des propriétés bâties du canton de Wissembourg, non compris les bâtiments départementaux et communaux , se trouve donc être de 7,519,1i.00fr.

En divisant ce total par le nombre d'habitants du canton, l'on trouve que le capital représentant la valeur de l'habitation de chacun d'eux est de 535 fr. 68f. ~j

ils se font aider par des garçons de labour ou des filles retenus à l'année et qui, outre la nourriture et le logement reçoivent des gages en argent. Ces gages varient pour les hommes de 80 à 150 fr., suivant l'aptitude des serviteurs. Les servantes de fermes reçoivent de 60 à 80 fr. et quelques vêtements.

Aucune disposition législative n'imposant en France aux ouvriers agricoles l'obligation d'être munis du livret exigé par la loi du 22 juin 1854, pour les ouvriers des autres corps d'état, il en résulte que nos cultivateurs ne trouvent pas dans le louage des domestiques attachés a-ux fermes, ou des ouvriers qui y sont employés, les garanties qu'ils seraient en droit d'attendre, puisque la plupart du temps les maîtres sont dans l'impossibilité de s'édifier sur l'identité et sur la probité des journaliers qu'ils emploient. De là un grand nombre de déceptions qu'il serait facile d'éviter en rendant applicables aux ouvriers des campagnes les dispositions de la loi du 22 juin 1854. L'adoption d'une semblable mesure, en présentant d'incontestables avantages pour le maître, ne saurait blesser en rien les intérêts des ouvriers honnêtes, qui, bien au contraire, trouveraient dans leur livret une véritable lettre de recommandation.

Le nombre moyen des domestiques d'une maison est très-difficile à établir pour le canton ; le chiffre en est extrêmement variable, et dépend de la position personnelle du maître, tant sous le rapport de l'âge que sous celui de la fortune.

Il est rare qu'un cultivateur, même très-aisé, ait plus d'un garçon et d'une servante à gages.

Lors des travaux de la moisson et de la fenaison, et quand il s'agit de battre engrange, le cultivateur s'adjoint des auxiliaires payés à la journée. Le salaire d'un journalier est ordinairement de 1 fr. 20 c. à 1 fr. 50 c., suivant le genre de travail auquel il est employé.

La journée des femmes se paie 60 à 80 centimes. Elles sont surtout occupées au sarclage des récoltes, à la fenaison et aux vendanges.

En temps ordinaire, le canton fournit un nombre suffisant de travailleurs, soit 780 journaliers et à peu près autant de journalières. Mais à l'époque de la moisson et à celle des vendanges, il y a toujours pénurie de bras. Alors on voit arriver par troupes des journaliers qui viennent des départements voisins et de la Bavière pour offrir leurs services. On compte jusqu'à 275 hommes et passé 800 femmes de ces ouvriers nomades, qui séjournent chaque année quelques semaines dans le canton. Ils n'y trouvent de l'occupation que pendant quinze à vingt jours et s'en retournent ensuite.

Les vignerons reçoivent pour la culture des vignes un salaire proportionné à l'étendue qu'elles ont. Ce salaire est de 1 fr. par are, plus un litre de vin blanc de l'année, ou de 1 fr. 20 c. à 1 fr. 30 c. sans vin. Moyennant ce prix, les vignerons doivent, en temps convenable, tailler, labourer et piocher la vigne.

. Néanmoins, depuis un certain temps, beaucoup de propriétaires de vignobles font exécuter tous les travaux à la journée. Ce système est préférable lorsque l'on peut surveiller soi-même ses travailleurs ; dans le cas contraire, il vaut mieux faire travailler à l'accord.

Moyennant l'abandon que l'on fait au vigneron de l'herbe qui croît dans les sillons, il doit ébourgeonner et lier la vigne. On lui abandonne le déchet du bois pour l'indemniser du façonnage des piquets.

INSTRUCTION AGRICOLE ET INSTRUCTION PRIMAIRE.

Il n'existe pas dans le canton d'établissement public ou privé d'enseignement agricole.

En 1850 un agronome de Wissembourg ouvrit dans cette ville une école d'agriculture spécialement destinée aux jeunes Alsaciens ; mais la création d'un semblable établissement demandait au commencement des sacrifices pécuniaires que le fondateur ne put point faire. La prospérité de cette école en

fut entravée, et après une existence assez courte elle dut cesser de fonctionner.

L'instruction primaire, assez satisfaisante d'ailleurs, n'a rien de professionnel. Cela est d'autant plus regrettable, que les instituteurs pourraient rendre de grands services à l'agriculture en apprenant à leurs élèves les principes de cette science. Ce serait certainement faire faire un pas immense au progrès agricole, que de donner aux enfants et aux jeunes gens de la campagne la connaissance élémentaire, mais raisonnée, d'une bonne culture, et des principales opérations manuelles qu'elle exige.

Dans les observations générales consignées à la fin de la première partie de ce travail, nous appelons la sollicitude de l'administration et du gouvernement sur l'établissement de cours élémentaires d'agriculture dans les écoles primaires, et la création de petites fermes-modèles, où nos cultivateurs seraient à même de s'éclairer de l'expérience des chefs chargés de les diriger.

En effet, pour que l'instruction agricole présente des résultats sérieux et progressifs, il faut de toute nécessité qu'elle soit pratique et à la portée de tous; il faut que son but tende à former des cultivateurs et non des hommes de science seulement.

Portons un instant nos regards vers le Wurtemberg, ce petit royaume si avancé sous le rapport de l'agriculture. L'enseignement agricole y est l'objet de la préoccupation constante d'un gouvernement qui cherche, par tous les moyens possibles, à élever l'agriculture au rang qu'elle mérite d'occuper, et à améliorer le sort des cultivateurs , en les rendant capables d'exploiter avec profit leurs propriétés..

Plusieurs écoles y sont spécialement consacrées à l'étude de la science agricole. Parmi ces différentes institutions, la plus utile à la masse des cultivateurs, celle qui mériterait surtout d'être créée dans notre belle Alsace, c'est l'école d'agriculture pratique.

Cette institution est annexée à l'institut agronomique et à l'école forestière de Hohenheim. Elle est destinée à la formation de bons ouvriers ruraux. Les élèves n'y sont admis qu'à l'âge de seize à dix-huit ans. A leur entrée, ils doivent justifier d'une bonne instruction primaire et de quelques connaissances pratiques. A l'école, tout leur temps est destiné à raisonner et à mieux exécuter les différents travaux de l'exploitation que les élèves pratiquent eux-mêmes.

Celte exclusion presque complète des principes de l'économie agricole nous parait fâcheuse. En donnant à la théorie un peu plus d'extension, l'on parviendrait à former, non pas seulement des ouvriers habiles, mais aussi des cultivateurs intelligents et instruits. Or, dans le Wurtemberg, comme dans nos contrées où la propriété est extrêmement divisée, il ne faut pas seulement des ouvriers, mais aussi et surtout beaucoup de vrais cultivateurs.

Les candidats les plus pauvres sont admis à l'école, pourvu qu'ils possèdent les connaissances exigées pour l'examen ; les habillements sont même fournis aux plus nécessiteux. On ne paie point de pension. Les élèves reçoivent chaque jour de 80 à 90 c. de rétribution pour leur travail, et avec cette somme ils pourvoient facilement à tous leurs besoins.

Des encouragements leur sont accordés à la fin de l'année; ils consistent en distributions de petites sommes d'argent variant de 20 à 30 fr.

Le temps que l'on passe à l'école d'agriculture pratique est de trois années, pendant lesquelles les jeunes travailleurs sont alternativement chargés des différents services de l'exploitation.

Le gouvernement wurtembergeois veille avec une sollicitude toute paternelle, sur tout ce qui a rapport à l'instruction et à la pratique agricole. Aussi ne saurait-on nier que l agi iculture a fait dans ce pays des progrès immenses et réels. Presque tous les travaux de la campagne s'exécutent avec intelligence, méthode et célérité. La routine est impitoyable-

ment bannie, les cultivateurs comprennent et raisonnent leurs opérations. Les animaux sont traités avec soin.

Le peuple a compris le zèle désintéressé du souverain, et il y a rendu le plus bel hommage en avançant d'un pas résolu et assuré dans la voie de prospérité qui lui était indiquée.

Le résultat ne s'est pas fait attendre, et parmi tous les États de l'Allemagne, le Wurtemberg occupe certainement un des premiers rangs, tant sous le rapport de l'instruction agricole, que sous celui d'une, agriculture vraiment progressive.

Disons de suite pour l'honneur de notre pays, que depuis plusieurs années la culture rurale est entrée en France dans l'immense mouvement de progrès qui s'accomplit autour d'elle. Faute d'éléments d'instruction suffisants, sa marche est encore un peu timide dans nos èontrées, mais sous la protection d'un gouvernement qui place l'agriculture au premier rang des grands intérêts de la patrie, son horizon s'agrandit chaque jour, et, grâce à l'appui d'une administration bienveillante et à la noble émulation excitée par les comices, de nombreuses et d'importantes améliorations ont déjà été réalisées.

Il existe à Lahayevaux, près de Neufchâteau, dans les Vosges, une ferme-école dont l'organisation se rapproche beaucoup de celle de l'école d'agriculture pratique de Hohenheim. Cette ferme-école fut fondée par arrêté ministériel du 29 juin 1849.

L'admission des élèves a lieu après un concours ouvert tous les ans vers la fin du mois de mars. Les candidats doivent être âgés de seize ans au moins. Ils ne sont interrogés que sur les éléments de l'instruction primaire, mais il leur est tenu compte de leurs occupations antérieures et de leur aptitude aux travaux de la culture. Le trousseau que doivent apporter les élèves est simple et peu coûteux. La nourriture, l'instruction et tous les frais d'entretien sont gratuits. En outre les élèves reçoivent annuellement chacun une prime d'encouragement qui est mise en commun pour être, à l'ex-

piration des trois années de séjour, partagée entre eux en raison de leur conduite et de leur travail, suivant un état de répartition dressé par le directeur et soumis à l'approbation du ministre de l'agriculture. L'élève qui obtient le premier rang à l'examen de sortie, reçoit en plus une somme de 400 fr.

L'enseignement est théorique et pratique. Sous la direction. de leurs chefs, les élèves font tous les travaux de l'exploitation, se familiarisent avec les bonnes méthodes de culture, là conduite des attelages, l'élevage et les soins des animaux, leur appréciation pour l'achat et la vente, etc.

L'irrigation des prairies, l'utilisation des engrais et amendements, la culture de la vigne, du houblon, des arbres fruitiers et forestiers, les soins que demandent les jardins, vergers et serres leur sont enseignés d'une manière spéciale.

Ils sont exercés aussi à la réparation et à la confection des outils et instruments les plus simples, et à la ferrure des animaux de travail.

Par décision ministérielle du 10 avril 1855, les jeunes gens du département du Bas-Rhin ont été autorisés à se présenter comme candidats à la ferme-école de Lahayevaux , mais jusqu'à ce jour, très-peu ont profité de cette autorisation. La principale cause de cette abstention est certainement le peu de facilité qu'ont les jeunes gens de nos campagnes de s'exprimer en français. Il est peut-être fâcheux que la langue française ne fasse pas de plus grands progrès dans nos contrées , mais c'est un fait qui existe et qui n'est pas de nature à exclure nos populations des bienfaits d'une bonne instruction agricole.

Cette différence de langage est un des nombreux motifs qui nous font souhaiter ardemment la création dans le Bas-Rhin d'une école d'agriculture pratique à la portée de nos cultivateurs, c'est-à-dire d'une école où une partie de l'instruction au moins serait donnée dans la langue du pays. De cette manière les leçons profiteraient non-seulement aux élèves qui fréquenteraient les cours, mais encore aux populations

agricoles tout entières. Ils trouveraient un guide précieux dans le chef de l'établissement.

Ajoutons cependant que la ferme-école de Lahayevaux est une institution utile, qui, depuis sa création, a déjà formé un assez grand nombre d'excellents élèves.

Il y a aussi dans le Bas-Rhin deux institutions de bienfaisance, faisant de l'agriculture l'occupation principale de leurs jeunes colons. Ce sont : Le Willerhof, situé dans les communes d'Ebersmünster et de Hilsenheim, canton de Marckolsheim ; et l'asile pénitentiaire d'Ostwald, à six kilomètres de Strasbourg.

Le Willerhof a été fondé en 1840, en faveur des orphelins pauvres des deux sexes, appartenant aux départements du Haut et du Bas-Rhin.

Les enfants y sont admis gratuitement depuis l'âge de huit jusqu'à douze ans; ils y restent jusqu'à dix-huit.

On élève les filles, soit pour servir dans les fermes, comme femmes ou servantes d'agriculteurs; soit pour exercer à leur sortie d'autres professions plus en rapport avec leur aptitude.

Jusqu'à l'âge de quatorze ans, les garçons fréquentent, dans la maison, des cours dont le programme est celui des écoles primaires ordinaires. A partir de cet âge, ils commencent les études et les travaux agricoles qui continuent progressivement pendant quatre années.

Quoique l'orphelinat du Willerhof ne borne pas son éducation à l'agriculture, il a cependant déjà rendu dans cette sphère des services réels. Il est fâcheux que cette institution ne s'étende qu'aux orphelins et aux enfants d'un seul culte.

Ostwald est une colonie agricole de jeunes détenus. Fondée en 1841 par la ville de Strasbourg, pour servir d'asile aux vieillards indigents et abandonnés, elle fut, en 1847, convertie en colonie pénitentiaire. Le personnel des jeunes détenus varie de trois à quatre cents, il est en moyenne de trois cent cinquante.

L'agriculture, l'horticulture et les professions qui s'y rat-

tachent, forment la base de l'éducation professionnelle des colons, qui reçoivent en outre une instruction élémentaire conforme à celle donnée dans les écoles communales.

Tous les enfants de la colonie appartiennent au culte catholique.

Depuis les dix années qu'existe cette institution de bienfaisance, il n'a pas encore été possible de déterminer d'une manière certaine, quels sont pour l'agriculture les résultats de l'éducation professionnelle donnée aux jeunes détenus d'Ostwald. Certainement ces résullats ne peuvent avoir été qu'avantageux, mais ce n'est pas là une véritable école d'agriculture pratique, comme nous voudrions en voir établir dans notre belle Alsace. Au surplus, cet établissement n'appelle il lui qu'une seule classe d'individus.

Nous avons dit que l'enseignement primaire est généralement satisfaisant dans le canton.

En voici la situation exacte.

Les treize communes du canton comptent :

Écoles primaires publiques spéciales aux garçons .. 8 Spéciales aux filles 8 Écoles primaires publiques mixtes dirigées par des instituteurs 15 Ecole dirigée par une institutrice 1 Écoles libres 2 Salles d'asile publiques 4 Total des établissements ..... 38

Dix-neuf de ces écoles reçoivent spécialement des élèves du culte catholique ;

Seize reçoivent ceux du culte protestant ;

Une est destinée aux enfants du culte israélite ;

Deux admettent des élèves des trois cultes.

Les huit écoles spéciales aux garçons comptent. 690 enfants. Les dix spéciales aux filles 819 » Les seize écoles mixtes, 411 garçons et 395filles. 806 » Les quatre salles d'asile sont fréquentées par . 494 »

Total ...... 2809 enfants.

Ces enfants reçoivent dans les écoles la première éducation et l'instruction élémentaire.

Sur les trente-huit écoles seize sont notées bonnes, et donnent des résultats satisfaisants ; les autres sont notées seulement passables. Ajoutons que c'est moins au manque de zèle des maîtres qu'à l'incurie des parents qu'il faut attribuer la cause de cette faiblesse dans certaines écoles. En effet, sur les 2809 élèves, qui doivent fréquenter les classes, été comme hiver, les deux tiers seulement soit 2000 environ, viennent pendant la belle saison, et encore cette fréquentation est-elle très-irrégulière.

D'après le dernier recensement, la population du canton de Wissembourg s'élève à 14,037 habitants.

Dans ce chiffre figurent :

Enfants au-dessous de six ans dont l'instruction n'est pas

commencée 4,976 Personnes des deux sexes ne sachant ni lire ni écrire. 1,202 Ne sachant lire et écrire qu'en allemand 4,439 Sachant lire et écrire en francais... -.-.. 6,420

Nous sommes entré dans ces détails, parce que nous croyons que l'enseignement primaire est appelé à exercer une influence heureuse sur le sort et les mœurs des cultivateurs, et que, dirigé vers les études agricoles, il peut devenir pour les habitants de nos campagnes une source bienfaisante à laquelle ils puiseront les premiers éléments d'une science qui leur procurera certainement une existence plus lucrative et dès lors plus assurée et plus heureuse.

ENGRAIS ET AMENDEMENTS.

La préparation des engrais laisse beaucoup à désirer dans le canton. A peine peut-on citer une dizaine de propriétaires chez lesquels la manipulation des fumiers est l'objet de soins particuliers. Dans la plupart des exploitations, ils sont traités avec une négligence qui ne fait qu'ajouter à la pénurie d'engrais dont on pourrait se plaindre avec raison.

La litière, après avoir séjourné plus ou moins longtemps sous les animaux, est jetée dans une fosse et mise en tas sur le sol, exposée aux vents, au soleil et à la pluie. Presque nulle part il n'existe des réservoirs pour recueillir les urines des bestiaux ; le purin s'échappe des étables et va se perdre dans les cours, ou transforme les chemins en cloaques.

Souvent on se contente, pour toute préparation d'accumuler les fumiers sans les tasser ni les disposer en cube régulier, ils restent ainsi exposés pendant six à huit mois à l'action de l'atmosphère, et quand on les transporte sur les terres, ils se trouvent presque réduits à l'état de litière.

Pour remédier autant que possible à ce mal, qui est général , non-seulement dans le canton de Wissembourg, mais dans tout le département du Bas-Rhin, le conseil général, sur la proposition de M. le préfet, a voté au commencement de cette année un crédit de 1,500 fr., à titre d'encouragement pour la production des engrais. M. le préfet a adressé à tous les maires une circulaire détaillée dans laquelle il indique les meilleures méthodes qui doivent être suivies pour traiter convenablement les fumiers. De son côté le Comice agricole de l'arrondissement s'efforce d'encourager chez les cultivateurs la bonne préparation des engrais en démontrant l'immense avantage que présentent les fumiers convenablement traités. Il n'est pas douteux que dans un avenir peu éloigné nos cultivateurs n'abandonnent leur vieille et mauvaise routine.

Les bêtes à cornes sont celles qui fournissent la plus grande masse d'engrais ; les chevaux viennent après, puis les moutons que l'on envoie parquer sur les terres dépouillées de leurs récoltes, puis enfin les porcs.

Un engrais puissant, dont l'efficacité a été constatée par des expériences pratiques, et qui est généralement perdu à la campagne, c'est l'urine.

Sous le rapport de l'azote, la partie la plus fertilisante et

la plus chère des fumiers, les urines ont une valeur dont nos paysans se doutent peu.

Le fumier de ferme non desséché et de moyenne qualité

contient Ok,60 p. 0/° d'azote.

L'urine de vache au fourrage vert . Ok,40 » L'urine au fourrage d'hiver .. Ok,96 D L'urine de cheval 2k,61 » L'urine de porc Ok,23 » L'urine de mouton 1 k,31 » L'urine d'homme ...... lk,33 »

En prenant des moyennes, on trouve que 100 kilog. de fumier de ferme contiennent autant d'azote que 100 kilog. d'urine de vache, que 31k,7 d'urine de cheval, que 45k,8 d'urine de mouton, que 41k,4 d'urine d'homme.

La valeur minimum en azote seulement perdue par le non-usage de l'urine des bêtes à cornes du canton peut être évaluée à 70,000 fr., non compris l'urine de cheval, de mouton et de porc.

Le degré de fumure appliquée aux terres ne saurait être apprécié d'une manière très-exacte; il varie nécessairement dans chaque exploitation, suivant le nombre des animaux qu'on y tient et la manière dont ils sont nourris.

Elle est en moyenne d'environ 320 quintaux métriques par hectare.

Dans le canton, le mode le plus général d'emploi des fumiers consiste à les transporter sur les champs à l'aide de chariots. Ceux-ci sont vidés en plusieurs tas, que l'on étale ensuite à la fourche. Un labour donné seulement quelque temps après, sert à recouvrir de terre le fumier.

Trois ou quatre propriétaires se servent de la matière fécale pour fertiliser leurs terres. Il serait à désirer que cet exemple fùt suivi partout, car c'est là un engrais des plus énergiques.

Les engrais artificiels sont fort peu en usage, on pourrait

même dire que jusqu'à présent ils n'ont été employés dans le canton qu'à titre d'essai.

Le défaut de marne exploitée dans le pays, ne permet pas de faire usage de ce mode d'amendement.

Le chaulage des terres et des prairies n'a lieu que par exception ; le plâtre.et les cendres sont aussi trop peu employés.

Voici la nomenclature de la quantité et du prix des différents engrais et amendements achetés pour être employés dans le canton :

Boues des rues .... 700 quint, métr. 700 fr. Fumier d'étables .... 15,000 » ■ 9,750 » Engrais commercial... » 500 » Chaux ....... 1,000 hectolitres 1,000 » Plâtre 4,824 » 5,450 » Cendres 600 » 1,200 »

...... Total ..... 18,600 fr.

Dans ce chiffre ne se trouve pas compris la valeur du fumier produit, mais non acheté et cependant employé sur les terres du canton; ni le prix payé pour le parcage sur le sol, qui n'est usité que pour les moutons.

Pour qu'un champ rapporte, il faut deux choses : le travail et l'engrais.

La grande culture opère ordinairement par l'engrais bien plus que par le travail; la petile culture, au contraire, qui ne peut entretenir que peu de bestiaux et manque généralement de capitaux, fournit à la terre le travail en plus grande quantité. Pour rester en harmonie avec le sol, il faudrait que cette dernière culture ne fût appliquée que sur des terres douées d'une fertilité assez grande; malheureusement l'extrême morcellement des propriétés dans ce canton fait qu'elle s'étend aussi aux contrées stériles; elle%ne produit alors la plupart du temps que l'impuissance et souvent la misère.

DRAINAGE.

Les améliorations du sol, au moyen du drainage ont été commencées dans très-peu de communes du canton. Il faut en attribuer la cause, un peu à l'incurie et à l'insouciance des cultivateurs, et beaucoup au manque dans les localités mêmes, de bons chefs draineurs et à l'absence sur place de machines à fabriquer les tuyaux, car les dépenses de fabrication et de transport sont trop considérables pour que le petit cultivateur qui ne possède que trois ou quatre parcelles disséminées dans la banlieue de sa commune puisse en faire l'avance.

Les communes du canton, dans les banlieues desquelles on a fait exécuter des travaux de drainage, sont :

1° Wissembourg, où quelques grands propriétaires ont fait drainer environ 10 hectares de terres et prés;

20 Altenstadt. Dans le ban de cette commune, une partie du canton dit Vorbach, d'une étendue d'environ 8 hectares, a été soumise à l'opération du drainage ;

3o Rott, où différents propriétaires ont fait drainer quelques petites parcelles d'une contenance totale d'environ 1 hectare;

4o Steinseltz, où des travaux d'aussi peu d'importance ont été exécutés par divers cultivateurs ;

50 Lembach, dans la banlieue duquel on n'a encore drainé qu'une superficie insignifiante de 70 ares.

Comme on a pu s'en convaincre par les indications qui précèdent, à l'exception des travaux de drainage exécutés sur le territoire de la commune d'Altenstadt et sur celui de Wissembourg, tous les autres sont insignifiants.

Est-ce à dire que le drainage serait sans grande utilité dans les autres communes?

Certainement non.

Parmi les communes dont les banlieues obtiendraient les résultats les plus avantageux il faul citer :

10 Rott, dont les quatre cinquièmes du ban devraient être drainés.

2° Steinseltz, dont la moitié de la banlieue se trouverait dans le même cas.

3° Riedseltz, où l'on pourrait drainer au moins 150 hectares. 4° Lcmbach, dans la banlieue duquel les travaux de drainage seraient de la plus grande utilité pour les cantons dits Thal, Zwischengraben et Unschlichmatt, qui mesurent ensemble une quarantaine d'hectares.

50 Oberhoffen, où l'on pourrait faire drainer avec avantage environ 100 hectares.

60 Cléebourg, où de semblables travaux devraient se faire sur une étendue de 50 hectares.

70 Wingen, dont le quart du ban devrait être drainé.

80 Altenstadt, où il reste encore un terrain d'une étendue d'environ 125 hectares à drainer.

90 Enfin Wissembourg, où le drainage serait avantageux pour un tiers des terres, un cinquième des vergers, un cinquième des prés et un vingtième des vignes.

Examinons maintenant quelle est l'influence réelle du drainage au point de vue des productions agricoles, soit en qualité, soit en quantité.

Pour qu'un sol soit bon et productif, il faut que sa composition contienne certaines parties dont l'ensemble forme l'humus, qui est le principe de la fertilisation, et dans lequel les racines des plantes viennent puiser les forces de la végétation.

Dans plusieurs communes du canton, et particulièrement à Lembach et à Wingen, le sous-sol est composé de matières plus ou moins friables, quelquefois très-dures et presque toujours imperméables. Les eaux pluviales sont retenues, et ne s'écoulent que par des infiltrations extrêmement lentes. Il en résulte que, là où la terre végétale a assez de profondeur pour produire, il y a trop d'eau pour laisser développer la plante, tandis que là où il n'y a point ou presque point de terre végétale , elle ne peut trouver l'alimentation nécessaire et elle périt.

Dans de telles circonstances les céréales sont plus sensibles aux influences atmosphériques ; aussi quand les grandes pluies automnales se prolongent, la récolte, surtout celle du seigle est mauvaise. Si les pluies, au contraire, ont lieu au printemps, les récoltes en avoine et en pommes de terre sont également presque nulles.

D'autres localités, comme Riedseltz, Steinseltz, Rott, Cléebourg, possèdent une grande quantité de terrains marécageux, couverts de joncs, de prairies mouvantes alimentées par des sous-sources qui jamais ne se dessèchent. Dans de telles conditions, l'assainissement est de première et absolue nécessité.

Le terrain étant drainé, les eaux se jettent dans le fossé évacuateur et sont entraînées à travers le sol fouillé. Il ne reste donc jamais d'eaux stagnantes si nuisibles aux plantes. L'eau, ne se trouvant plus là pour délayer la terre, il s'ensuit que les engrais dont on a fait usage, et qui, dans le cas contraire, au:" raient perdu toute leur force, conservent alors toute leur action, laquelle est infiniment plus durable, ce qui fait qu'avec le drainage on n'a pas besoin de renouveler aussi souvent les amendements et les engrais.

L'influence du drainage est telle, que le cultivateur est pour ainsi dire constamment libre de son sol, que sa culture est toujours certaine, qu'elle peut être naturellement augmentée ou diminuée suivant les influences des saisons, mais qu'il peut être sûr d'une moyenne invariable.

Les expériences déjà faites dans le canton, par exemple à Wissembourg et à Altenstadt, ont prouvé que là où le drainage a été employé, on a notablement augmenté le produit d'une année moyenne r et ce résultat n'a pas été obtenu uniquement sur les terres arables, mais encore et surtout sur les prairies. L'on a également acquis la certitude que les produits des terrains drainés étaient supérieurs en qualité à ceux venus-sur des terres qui n'ont pas été soumises au drainage.

(Voy. le tableau ci-contre, p. 39).

RAPPORT

entre le rendement des terrains non drainés et les rendements après l'exécution des travaux de drainage.

RENDEMENT g » g DEPE.\SE PLUS PLUS NATURE , JS >-2 MOTENt E VALUE VALUE (ANNEE MOYENI\E) O = pour en argent en pOl dS g| le drainage par par CULTURE. d'un hectare d'un hectare = S "= d 'un hectolitre. hectoi. non drainé. drainé. ¡:., w ¡:., hectare.

Hectolitres. Hectolitres. Fr. Fr. Fr. lilogr. Froment... 18 à 20 24 à 28 6 à 8 15 250 90 à 120 3 à5 Seigle... 16 à 20 22 à 28 6 à 8 10 id. 60 à 80 2 à 4 Orge .... 25 35 10 11 id. 110 3 Avoine ... 28 36 8 8 id. 64 4 à 5 Colza.... 12 à 1.4 16 à 20 4 à 6 28 id. 112 à 168 3 Pommes de terre 170 220 50 3 id. 150 j

I 35 Betteraves, topi- Quint. m. Quint. m. Quint. m. j « nambours. .. 200 250 50 2 id. 100 V

I

Prairies'... 1) » » » id. » S Co). Vignes* ...» » » » 250 à 300 » f S

k Chanvre, hou- I blon, lin, ta- 1 ^ bacs1 ... » M » » 250 1) ^

La grande sécheresse de l'année 1857 a été cause que les drainages exécutés sur les prés n'ont pas donné de résultats cette année. Les prairies ont généralement souffert du manque d'eau.

- L'assainissement des vignes par le drainage n'a eu lieu dans le canton que sur une échelle très-restreinte. Des résultats sérieux n'ont pas encore pu être constatés.

3 Les terrains drainés livrés aux cultures industrielles sont jusqu'à présent de peu d'étendue. Cependant l'on peut admettre que ceux, assainis par le drainage, ont donné une production presque double de celle du même terrain non drainé.

INSTRUMENTS ARATOIRES.

Les principaux instruments de grande culture employés dans le canton de Wissembourg sont :

La charrue du pays.

C'est un instrument un peu trop primitif qui retourne passablement la terre, mais inégalement et pas à une assez grande profondeur. Néanmoins l'ancienne charrue du pays peut être rangée parmi les bonnes charrues, lorsque l'ouvrier a eu l'adresse de la bien confectionner. La difficulté consiste surtout dans la forme du versoir. Le charron fait le travail principal, que le maréchal couvre de fer laminé. Le soc s'emmanche au sep qui est en bois comme le montant et le versoir, le tout garni de fer. La charrue de cette espèce peut être bonne dans les premiers temps de sa construction, mais l'influence de l'humidité et de la sécheresse la dérange souvent, et il est alors très-difficile de la réparer. Un autre inconvénient que présentent ces charrues, c'est que, n'étant pas soigneusement construites, et, ni les versoirs, ni les socs n'ayant une dimension égale, il est impossible de travailler sur le même champ avec deux instruments, ce qui souvent est nécessaire lorsque l'on a-une étendue un peu considérable de terrain à labourer ; le travail devient inégal et dès lors mauvais.

Cette ancienne charrue d'Alsace a servi de point de départ à des constructions récentes. Merck l'a maintenue, seulement il a remplacé le bois par le fer et a donné au versoir la forme de la charrue Dombasle.

Une charrue du pays ne coûte qu'environ 25 fr.

La charrue de Bohême.

Depuis une quinzaine d'années, on a introduit dans le canton la charrue de Bohême. Le versoir est en même temps couteau et soc. Le bon marché de cette charrue a favorisé sa propagation. Elle se recommande pour les terres légères et lorsque

le sol est bien ameubli. Comme le sillon qu'elle forme est large, et qu'elle ne coupe pas une bande du sol pour la retourner, mais bien pour la soulever et la renverser, son travail produit l'effet de la bêche ; après le labour on ne voit plus de trace du sillon. Elle est moins bonne pour les terres fortes; aussi le Ruchadlo commence-t-il à perdre de sa faveur, tandis que la charrue de Merck gagne de la vogue.

La charrue perfectionnée de Merck, de Schœnenbo'Urg t.

Construite d'après un système bien étudié et qui ne varie pas dans ses proportions suivant le caprice de l'ouvrier, cet instrument réunit les conditions essentielles exigées d'une bonne charrue. Le soc est plat et tranchant, il n'a qu'une seule aile et coupe horizontalement la bande de terre que le versoir renverse parfaitement en laissant le fond du sillon bien évidé. Elle laboure aisément à une profondeur de 22 centimètres avec une paire de bœufs, et à 30 centimètres avec deux chevaux. Son avant-train est léger et a récemment été perfectionné par le sieur Merck.

Cette charrue coûte de 35 à 40 fr.

Ses avantages sur la charrue du pays sont les suivants :

Le corps de la charrue est en fer; l'age ou la flèche n'est pas traversée par le coutre, ce qui donne plus de solidité à l'instrument; le versoir en fer conserve une forme constante, de sorte que toutes les charrues du même modèle peuvent se suivre et donnent le même sillon.

La charrue Dombasle, dont le Comice agricole possède un modèle, est très-peu en usage dans ces contrées.

Dans les treize communes qui composent le canton, l'on compte six charrues sans avant-train; sept ayant une roue ou un sabot ; neuf cent quatre-vingt à avant-train ; douze scarificateurs et extirpateurs.

'Au Concours rcgionnal agricole de Strasbourg, celte charrue a obtenu une médaille d'argent.

La herse.

Sur les terres fortes l'émottage, à l'aide de la herse, est très-souvent le complément obligé des labours à la charrue.

La herse quadrangulaire , presque toujours imparfaitement confectionnée, est la seule dont on fasse usage dans le canton.

L'on ne trouve de bonnes herses que chez quelques propriétaires qui comprennent toute l'importance des instruments perfectionnés ; les cultivateurs de la campagne n'ont généralement que des herses défectueuses. Les dents sont pdur la plupart simplement fichées dans le bois, au lieu d'y être fixées solidement à l'aide de boulons en fer ; elles n'ont ni la force, ni l'inclinaison voulues, et, défaut plus grave, souvent leur distribution est telle, qu'au lieu de tracer chacune une raie particulière, elles se confondent dans les mêmes lignes et ôtent ainsi à l'instrument une partie de son énergie et de son action.

La herse de Flandre, qui, dans une récente occasion a été expérimentée devant de nombreux agriculteurs, remplacerait avec avantage toutes les herses plus ou moins défectueuses que l'on rencontre aujourd'hui, non-seulement dans le canton de Wissembourg, mais encore dans une grande partie de l'arrondissement et même du département.

L'on ne saurait trop engager les cultivateurs à ne se servir que de bons instruments aratoires; car, sans nul doute, le rendement des terres dépend beaucoup de la manière dont elles ont été travaillées et préparées.

Les Comices agricoles, qui fonctionnent aujourd 'hui avec une utilité incontestable, sont appelés à contribuer de tous leurs efforts à l'introduction dans les communes rurales d'instruments perfectionnés; ils le feront avec zèle et discernement tout à la fois.

Le rouleau.

Le rouleau, cet instrument éminemment utile, puisqu'il sert à ameublir le sol et à compléter le travail de la charrue et de

la herse, n'est pas d'un usage assez répandu dans le canton. Il devrait figurer parmi les instruments aratoires obligés, chez tous les bons cultivateurs, et on ne le trouve que chez le plus petit nombre.

Dans les localités où le terrain est argileux, le rouleau sert à briser et à diviser la terre ; dans les contrées sablonneuses , au contraire, son but est d'affermir le sol, de le plomber et d'unir sa surface.

Pour le premier cas, il est bon que le rouleau soit cannelé et armé de pointes métalliques nombreuses. Au contraire, pour effectuer les plombages, le rouleau doit être à surface unie. C'est généralement de ce dernier instrument que ceux de nos cultivateurs, qui le possèdent, font indistinctement usage même pour briser les mottes. Il est évident qu'ils ont tort d'en agir ainsi ; car l'on peut se convaincre facilement que sur les terres fortes, encore hnmides, la pression exercée durcit le sol et le rend peu propre à recevoir la semence. Dans ces conditions, le rouleau à pointes rendrait de grands services en ameublissant les terres.

Le rouleau uni est surtout nécessaire pour empêcher le sol fraîchement labouré d'être desséché par le soleil, pour assurer une bonne répartition de la semence et favoriser la germination des graines.

C'est un instrument peu coûteux et facile à se procurer. Il suffit de le construire avec un bloc en bois dur ayant 1 mètre 25 centimètres de longueur sur 80 centimètres de diamètre. Si l'on veut l'améliorer encore, on place à 6 ou 8 centimètres de la surface du rouleau une barre rigide que l'on fixe par deux boulons, et que l'on nomme décrottoir. L'on aura ainsi à peu de frais , non pas un instrument modèle, mais un instrument utile et à la portée de tous.

La plupart des rouleaux en bois dont on se sert dans nos localités, sont trop légers; ils ne pèsent en moyenne que 200 kilogrammes et n'ont que 50 centimètres de diamètre.

Il n'existe dans tout le canton qu'un seul rouleau à dents.

Le semoir el le rayonneur.

Dans les communes rurales, on ne se sert pas de ces instruments qui présentent cependant de grands avantages. Les grains se sèment généralement à la volée.

A Wissembourg des agriculteurs habiles ont fait usage du semoir et du rayonneur, ils en ont été très-satisfaits.

Ce sont de bons instruments que l'on doit chercher à propager à la campagne, ils y rendront des services réels.

La houe à cheval.

C'est encore un instrument d'agriculture peu connu des cultivateurs du canton. Quatre ou cinq propriétaires en font usage à Wissembourg et ils n'ont qu'à se louer des résultats qu'ils en obtiennent.

Le comice agricole possède différents instruments perfectionnés qu'il prête aux cultivateurs qui désirent en faire l'essai. Ce sont : Une grande charrue Doml)asle ; un extirpateur ; un semoir, modèle de IIohenheim; un semoir, brouette de Dombasle ; une houe à cheval ; un petit extirpateur, etc.

Les voitures.

Les transports des récoltes et des engrais s'exécutent avec des chariots à quatre roues, et aussi avec des charrettes à deux roues.

Suivant les localités, des chevaux, des bœufs ou des vaches servent aux attelages.

Pour les matières fécales, on emploie des tombereaux ; pour le purin, des tonneaux d'une contenance moyenne de cinq hectolitres, placés sur des voitures.

L'on compte dans le canton 910 chariots à quatre roues et 422 charrettes à deux roues.

Les instruments à bras les plus employés dans le canton, sont :

Le tarare. Cet instrument est adopté par la généralité des

cultivateurs de nos communes ; partout il a remplacé le van et le crible.

On construit à Wissembourg, dans les prix de 35 à 40 fr. de fort bons tarares avec engrenages en fonte. Ils présentent l'avantage de n'exiger que très-peu de force pour faire tourner le jeu de palettes, mettre en mouvement toutes les pièces de l'appareil et produire une forte ventilation.

Le résultat que l'on obtient par l'emploi de cet instrument est des plus satisfaisants. Il sépare convenablement le bon grain de tout ce qui lui est étranger.

On ne se sert dans le canton que de tarares simples. Au dire des agronomes les plus entendus, ce sont les meilleurs et on les préfère à la plupart des instruments de ce genre auxquels on donne le nom de perfectionnés et qui, en réalité ne sont que plus compliqués.

On ne saurait trop apprécier en agriculture les instruments simples et peu coûteux. Les machines trop soigneusement montées, celles surtout dans lesquelles le perfectionnement ne s'obtient que par la complication du mécanisme, sont d'un prix élevé et d'un entretien trop difficile pour la généralité des agriculteurs de nos contrées.

Aussi ne peut-on, selon nous, trop recommander l'emploi des instruments agricoles qui, à un certain degré de perfectionnement, joignent la simplicité de construction, la solidité et le bon marché. Ce sont ceux-là surtout, dont peut user la petite culture, car le manque de capitaux suffisants ne lui permet pas de s'en procurer d'autres.

La bêche; la houe ordinaire pour casser les mottes et aplanir le sol, butter les pommes de terre, etc. ; la grande houe, large et très-recourbée et la houe bidentée qui servent principalement dans la culture de la vigne ; la fourche ; les crocs à deux dents, pour le fumier ; les râteaux en fer pour les terres, et en bois pour la fenaison, sont des instruments d'un usage général.

La faux et la petite faucille ne diffèrent en rien de celles employées dans toute l'Alsace. La faux à faucher les prairies

est composée d'une lame d'une longueur variable de 60 à 65 centimètres, d'un manche et d'une poignée. Pour affiler les faux, on se sert généralement du marteau.

La plus grande partie des lames nous venait autrefois d'Allemagne ; nos cultivateurs leur donnaient la préférence sur celles fabriquées en France. Il n'en est plus de même aujourd'hui. Nos usines ont dépassé celles de Styrie et le monopole que s'était créé l'Allemagne a disparu. Ce sont les fabriques de Saint-Etienne qui fournissent maintenant à l'agriculture du canton la majeure partie des faux dont on a besoin.

Parmi les autres instruments à bras les plus employés dans nos localités, il faut citer encore les fléaux, le hache-paille et enfin la brouette.

Nous ne terminerons pas ce chapitre sans témoigner le regret que nous éprouvons de ce qu'aucune machine à battre le grain n'ait encore été introduite dans le canton de Wissembourg. Il n'est pas douteux qu'on s'en trouverait aussi bien ici, que dans tous les pays où l'expérience a prouvé 1 utilité de ces machines. Quelle économie de main d'œuvre , et cela sans altération, sans perte aucune pour le grain, ni même pour la paille, lorsque l'instrument est choisi judicieusement !

ASSOLEMENTS.

Une grande partie du canton possède un sol riche qui convient à presque toutes les plantes; il se laisse travailler sans trop de peine quand on sait le prendre à propos. Ce qu'il lui faut surtout ce sont des récoltes fourragères établies sur de larges bases et un bétail assez nombreux pour fournir les engrais nécessaires. C'est là un résultat auquel on doit tâcher d'arriver, et alors la culture du canton n'aura rien à envier à quelque localité que ce soit.

Ici, comme du reste dans presque tout le département, il n'y a point ou presque point de jachère ; elle est remplacée par une sole à plantes fourragères ou à récoltes fumées, ou encore à récoltes sarclées et fumées ; de cette façon les terres

se trouvent généralement utilisées, et pour qu'elles donnent les plus riches produits, elles ne demandent qu'à être conduites avec intelligence.

Il n'existe pas non plus dans le canton d'assolement déterminé. Le cultivateur s'est affranchi de ce joug régulier qui assigne aux récoltes un ordre de succession invariable.

Est-ce un mal? Nous ne le pensons pas. Mais un reproche à faire à nos agriculteurs, c'est de ne pas partager, de ne pas alterner toujours avec assez de discernement les terres qu'ils cultivent.

Dans une culture bien dirigée, l'on doit combiner les récoltes de manière à alterner les plantes amendantes avec les plantes épuisantes. On trouvera dans cet alternat, économie de culture, variété utile de produits et de travail et conservation de fertilité pour la propriété.

Que le cultivateur se pénètre surtout de cette idée : c'est que, si la culture des céréales, des plantes oléagineuses et légumineuses destinées à la vente lui présente un avantage immédiat, toute plante, quelle qu'elle soit d'ailleurs, cultivée pour la nourriture des bestiaux, et par conséquent pour être consommée entièrement dans la ferme, lui donne aussi un agent puissant de reproduction, des engrais.

Or, on ne peut trop le répéter, l'emploi des engrais bien appliqués, est l'une des sources les plus fécondes de la richesse agricole.

Voici, en tant qu'il est possible d'assigner une rotation régulière aux assolements du canton, ceux qui sont le plus suivis.

Assolement de quatre ans.

Fumure, soit 320 quintaux métriques par hectare.

lre année. Colza ou navette , ou tubercules.

2e » Froment, épeautre ou orge.

3e » Trèfle.

4e o Froment, seigle ou épeautre.

Assolement de six ans.

Fumure (environ 320 à 350 quintaux métriq. par hectare). Ire année. Colza ou navette, ou plantes tuberculeuses.

2e » Froment, orge ou épeautre.

3e » Seigle.

4e » Avoine.

5e » Trèfle.

6e » Froment ou épeautre.

Assolement de huit ans.

Forte fumure, soit 400 quintaux métriques par hectare.

lre année. Colza, navette ou tubercules.

2e » Froment ou épeautrè.

3e » Seigle.

4e » Avoine.

5e » Trefle (demi-fumure).

6e » Froment ou colza.

7e » Orge, épeautre ou froment.

8e » Avoine, trèfle.

Tel est quelquefois l'assolement des grandes exploitations. La petite culture suit volontiers la rotation triennale pour ne retirer de sa terre que les produits destinés à son usage personnel ; mais les récoltes, ainsi placées , laissent beaucoup à désirer tant pour le rendement que pour la qualité.

Dans les terrains médiocres de la montagne, le cultivateur généralement peu aisé, plante la première année des pommes de terre, la seconde il sème du seigle, et sur le seigle pour la troisième année du trèfle si la terre n'est pas trop médiocre ; puis il recommence par les pommes de terre.

Quant aux propriétaires dont la culture est en progrès ils ne s'astreignent point, ainsi que nous l'avons déjà dit, à une formule rigoureuse ; l'état du sol, et les ressources en fumier décident de l'assolement.

CULTURES.

Froment.

Le froment est principalement cultivé dans la partie basse du canton ; la montagne ne l'admet que par exception et seulement dans les vallons encaissés et les localités protégées par des abris naturels contre le climat un peu rude qui règne sur les hauteurs de la chaîne des Vosges; sa région moyenne comporte mieux la culture du seigle. Cependant cette céréale devient très-belle dans les environs de Lembach.

Les sols argilo-sableux sont sans contredit ceux qui conviennent le mieux au froment, mais grâce à l'emploi plus abondant des engrais, beaucoup de nos cultivateurs ont pu se convaincre qu'il est possible d'étendre avec avantage sa culture à des terrains qui semblaient lui être peu propices.

Un des points essentiels pour la réussite du froment, c'est que le sol soit bien purgé de toutes les mauvaises herbes.

Dans le canton on fait généralement succéder le froment aux cultures fumées et aux plantes jachères. On le sème aussi souvent après le trèfle, qui est avec raison considéré comme une excellente préparation pour le blé.

Les variétés de froments les plus communes dans le canton, sont, pour le blé d'hiver : 1° Le froment sans barbe à épis rouges et à épis blancs. La première variété, aussi rustique que productive, est surtout cultivée dans les terres fortes. Son grain est plus coloré que celui du blé à balle blanche ou jaune. 2° Le froment barbu à grains jaunes et à grains blancs. C'était, il y a une trentaine d'années, le blé le plus répandu dans le canton, mais sa culture a beaucoup diminué au profit des blés sans barbe auxquels on accorde plus de valeur.

Pour le blé d'été :

Le froment barbu qui devance un peu en précocité le blé de mars sans barbe, auquel il est inférieur par la qualité de la paille, mais non par celle du grain. Puis aussi le blé sans barbe.

Les semailles se font du 20 septembre au 20 octobre, sur un terrain antérieurement fumé ou sur un retour de trèfle avec demi-fumure et même souvent sans nouvel engrais.

La plupart de nos cultivateurs emploient presque exclusivement les engrais de litière. Ils les donnent d'abord aux plantes sarclées qui ouvrent la rotation, et obtiennent ensuite, sans addition de fumier jusqu'à deux céréales séparées par un trèfle, l'une la seconde, l'autre la quatrième année.

Suivant leur nature, on fume les terres à froment à raison de vingt-deux à trente voitures à deux chevaux de fumier pour un hectare. La voiture contient environ vingt quintaux métriques.

Ainsi que nous l'avons dit, le fumier employé pour les céréales est presque invariablement un compost de fumier d'étable, de fumier de cour et dans certaines localités, de feuillages mêlés de bruyère.

L'usage du semoir est extrêmement restreint. On sème presque partout à la volée. Le semeur porte le grain dans un sac qu'il suspend à l'épaule droite et qui pose sur la hanche gauche de façon à présenter son ouverture à la main droite du travailleur; celui-ci y plonge la main à chaque deux pas qu'il fait, en tire une poignée de grains et la répand à une distance d'environ un mètre de chaque côté de la ligne qu'il parcourt.

Selon la bonté du sol, ou sa préparation on emploie par hectare depuis 1 hectolitre 50 litres, jusqu'à 2 hectolitres 50 litres de semence. Deux hectolitres par hectare représentent la proportion le plus généralement usitée.

Il est à observer que l'époque des semailles fait perdre plus ou moins de grain. Plus on sème tard plus on est obligé semer dru.

Il faut au froment 16,5 degrés pour fleurir, c'est la température moyenne du commencement de juin ; il ne mûrit qu'après avoir reçu les plus fortes chaleurs de juillet.

Dans ce canton on n'a pas l'habitude de sarcler le blé.

On récolte les grains en pleine maturité, ordinairement à la fin de juillet ou dans la première quinzaine du mois d'août.

La moisson se fait à la faucille, à la tâche et à la journée. Le prix de faucillage d'un hectare et de 16 à 20 fr. sans nourriture.

A la journée on compte qu'il faut douze personnes pour fauciller un hectare.

Le battage des grains s'exécute avec le fléau. Le blé battu est nettoyé au moyen du tarare.

Le produit moyen par hectare est de 20 à 22 hectolitres de grains.

Avec le rendement de 22 hectolitres par hectare, qui, pour 1857 a été le chiffre moyen, l'on peut dire que l'exploitant a opéré dans de bonnes conditions, puisque le produit en blé et en paille a été de 243 fr. net par hectare, impôts et intérêts du sol non déduits.

Mais, lorsque le rendement s'abaisse à 15 hectolitres, le cultivateur ne retire plus d'ordinaire un certain revenu net qu'à force d'ordre, d'activité et d'économie ; au-dessous de 15 le revenu disparaît, et il devient négatif pour un rendement inférieur à 12 hectolitres.

En prenant la moyenne de dix années , l'on trouve que, pour le petit cultivateur surtout, le revenu en froment est infiniment minime, et que, non-seulement son travail n'est par payé, mais encore qu'il n'arrive à la moisson suivante qu'avec des prodiges d'abstinence et d'économie.

Le rendement en paille est de 20 quintaux métriques.

Le poids moyen d'un hectolitre de froment est de 76 kilogrammes.

Un hectolitre de blé a donné en 1857 :

Cinquante-huit kilogrammes de farine et 48 litres de son. Le prix actuel de l'hectolitre de froment est de 15 fr. 25 c. Le quintal métrique de paille coûte 4 fr.

Le prix moyen de l'année est :

Pour le froment de 21 fr. 15 c. Pour la paille de 3 fr. 90 c. En 1857 il a été cultivé dans le canton 1295 hectares 24 ares de froment.

Les maladies auxquelles le froment est sujet sont. : la carie, la nielle et la rouille ; elles détruisent annuellement pour le canton environ 1500 hectolitres de grains.

Les moyens le plus généralement employés dans ces contrées contre la carie des blés sont : 4° le chaulage au sulfate de soude, et 2o le chaulage à la chaux hydratée, avec addition de sel ou d'urine de vache.

Épeautre.

Depuis cinq ou six ans la culture de l'épeautre a pris dans le canton une assez grande extension. A Cléebourg, par exemple, elle a presque entièrement remplacé celle du froment. Des semis importants ont aussi été faits cette année à Altenstadt, Riedseltz, Rott et Wissembourg.

Nos cultivateurs trouvent ce blé moins délicat que le froment, d'un rendement tout aussi fort et d'une réussite plus certaine.

L'épeautre se distingue du froment ordinaire pas l'épi qui a une tout autre forme, et par ses balles très-adhérentes au grain.

La variété adoptée dans le canton est l'épeautre sans barbe à épi blanc.

La culture de l'épeautre est la même que celle du froment. On sème ordinairement en automne, à la volée, à raison de 4 hectolitres de graine non dépouillée par hectare.

Les épeautres sont moins difficiles sur la qualité du terrain que les autres froments; cependant ils s'accomodent très-bien d'un sol riche. Ils réussissent presque toujours, résistent facilement à l'humidité et se déchaussent rarement. Leurs tiges sont vigoureuses et peu sujettes à verser. Enfin la rouille qui occasionne souvent de grands dégâts parmi les champs de blé, atteint peu les épeautres.

Ils fleurissent par une température moyenne de 46 degrés, d'ordinaire du 4er au 8 juin. Pour mûrir il leur faut 20 degrés, qui arrivent à la fin de juillet.

Le grain donne une farine très-fine et très-blanche, surpassant la farine de froment ordinaire.

Avant de soumettre ces blés à la mouture, on est obligé de sortir les grains des balles ; c'est ce que l'on nomme dépouiller les grains. On y parvient en les faisant passer une première fois sous la meule un peu soulevée, ainsi que cela se pratique pour l'orge.

Les graines se conservent beaucoup mieux quand on les laisse dans les balles; de cette façon elles ne sont pas aussi facilement attaquées par les vers et ne moisissent pas. Aussi nos cultivateurs ont-ils l'habitude de ne dépouiller les grains qu'au moment de les faire moudre.

La moisson de l'épeautre commence généralement à la fin de juillet. Pour le couper, on attend que le grain soit mûr.

La faucille est l'instrument employé pour scier l'épeautre. Le faucillage d'un hectare revient à environ 18 fr.

Le produit moyen par hectare a été, en 1857 de 48 hectolitres de grains, balles comprises.

Soit 20 hectolitres de grains dépouillés et 28 hectolitres de balles.

Le rendement en paille a été de 16 quintaux métriques.

Le poids moyen d'un hectolitre d'épeautre non dépouillé est de 30 kilogrammes.

Un hectolitre de grains dépouillés donne 55 kilogrammes de farine et 50 litres de son.

Le prix de l'hectolitre d'épeautre non dépouillé est de 7 à 8 fr. Le quintal métrique de paille se vend à raison de 4 fr.

Les différents salaires à payer pour la culture d'un hectare de cette céréale s'élèvent à 120 fr.

En 1857 il a été cultivé dans le canton 268 hectares 44 ares d'épeautre.

Pour la nourriture des chevaux l'épeautre peut rivaliser avec l'orge et l'avoine, un grand nombre de cultivateurs le trouvent même préférable; on le leur donne non dépouillé. Cependant, dans le canton il est peu employé à cet usage.

Epeautre loaular.

Quoique faisant l'objet d'une culture assez étendue dans une partie de l'arrondissement, l'épeautre locular (Dinkel J triticum monococcum) n'occupe dans le canton qu'un emplacement très-restreint (environ 4 hectares).

Cette céréale se distingue par son épi barbu, étroit, aplati, composé de deux rangées d'épillets à un seul grain. Elle réussit dans presque toutes les terres et donne d'assez bonnes récoltes sur un sol trop pauvre pour toute autre espèce de blé. Sa paille est mangée avec plaisir par le bétail, et son grain mondé est employé dans le pays à la confection de bouillies et de potages très-substantiels et d'un excellent goût.

La culture et la récolte de l'épeautre locular se font de la même manière que celles des épeautres ordinaires.

La seule chose à remarquer, c'est qu'on sème quelquefois cette céréale vers la fin de l'hiver (février) ; mais les semis d'automne réussissent généralement mieux.

Le produit moyen par hectare a été pour l'année 1857 de 18 hectolitres de grains et de 15 quintaux métriques de paille. Le poids moyen d'un hectolitre d'épeautre locular est de 72 kilogrammes.

Le prix de l'hectolitre a été pour 1857 de 14 fr. 50 c.

Seigle.

La culture du seigle est la même que celle du froment. Presque exilée de la plaine, elle n'apparaît que de loin en loin et seulement sur les terres médiocres ; mais dans la partie montagneuse le seigle remplace le blé commun.

C'est sans contredit une céréale précieuse ; son grain donne une farine moins blanche que celle du froment, mais qui produit un pain sain et se conservant longtemps; dans presque toutes nos communes rurales, on n'en mange pas d'autre.

On ne cultive dans le canton que le seigle ordinaire.

Nulle part le seigle n'est sarclé ou hersé au printemps; aussi les mauvaises herbes n'y font-elles pas défaut.

Il se sème dans la dernière quinzaine de septembre ou dans la première d'octobre. L'on dépasse rarement cette époque, car nos cultivateurs se sont convaincus que plus la plante reste en terre, plus sa récolte est belle.

La floraison a lieu un mois après l'épiage, à la fin de mai, lorsque la température moyenne s'élève à 14 ou 15 degrés. Cette période de végétation plus hâtive est aussi par cette raison plus critique pour le seigle que pour les autres céréales. Une gelée blanche, un temps pluvieux, froid, venteux nuisent à la fécondation. On estime à cause de cela que le produit du seigle est plus casuel que celui du froment.

On coupe le seigle avec la faucille, du 15 au 30 juillet ; il est lié aussitôt que la paille est suffisamment sèche ; on le bat au fléau dans le courant de l'hiver.

Le seigle s'exporte peu, c'est un objet de consommation intérieure.

En 1857 il a été cultivé dans le canton 366 hectares de seigle.

La semence répandue peut être évaluée à 2 hectolitres 55 litres par hectare.

Le produit moyen, aussi par hectare a été en grains de 20 hectolitres.

En paille de 24 quintaux métriques.

La quantité totale produite dans le canton en 1857 est de 7326 hectolitres.

Le poids moyen de l'hectolitre de seigle a été de 70 kilogrammes.

Un hectolitre de seigle donne en farine 50 kilogrammes ; en son 52 litres.

Le prix actuel de l'hectolitre de seigle est de 10 fr. 30 c. (fin décembre 1857).

Celui de la paille de 3 fr. 60 c. par quintal métrique.

Le prix moyen de l'année a été de 12 fr. 38 c. l'hectolitre. La valeur de la paille n'a pas subi de variation sensible. D'après ces données la valeur totale en argent du seigle pro-

duit dans le canton a été en grains de.... 90,695 fr.

En paille de 31,622

- Ensemble de ... 122,317 fr.

Les maladies, les insectes , les sinistres ont détruit environ 250 hectolitres de cette céréale.

Le total des salaires à payer pour la culture d'un hectare de seigle (labourage, ensemencement, moisson, etc.) peut être évalué à 105 fr.

Dans le canton, le seigle est peu cultivé pour fourrages. C'est cependant le plus hâtif que l'on puisse obtenir au printemps; dès la fin d'avril et quelquefois même plus tôt, on peut le faire pâturer ou bien le couper pour le donner en vert à l'étable. Comme les épis se forment promptement, et qu'alors il n'est plus bien mangé par le bétail, il convient de ne faire qu'une étendue restreinte de ce fourrage, par exemple, celle que l'on peut faire consommer dans l'espace de douze à quinze jours au plus.

La maladie la plus ordinaire du seigle est l'ergot; elle exerce rarement ici de grands ravages. On sait que cette altération consiste en une excroissance cornée, qui se développe à la place des grains, en offrant l'aspect d'une petite corne ou bien Jl'un ergot de coq. Ce n'est que lorsque le seigle est en fleur et un peu après la fécondation que la maladie commence à se manifester.

La cause qui produit l'ergot est encore assez obscure, mais on sait fort bien en agriculture que la nature du sol, le mode, de culture, et divers phénomènes météorologiques ont une influence décisive sur le développement de cette maladie.

Ainsi il est généralement admis que :

1° Plus le sol est humide , plus il y a d'ergot;

20 Il se montre plus abondamment dans les années pluvieuses ;

3° Les champs abrités en offrent plus que ceux qui sont bien aérés ;

40 Dans les champs en pente la partie basse en offre plus que la partie haute ;

50 Les semis sur défrichements en montrent plus, toutes choses égales d'ailleurs, que ceux faits dans des terres cultivées ;

6° Il est ordinairement plus abondant sur la lisière des champs que dans le milieu.

L'ergot est absolument impropre à la nutrition ; son emploi peut même donner lieu à des accidents fort graves.

Orge.

La culture de l'orge n'occupe dans le canton qu'une étendue de terrain relativement assez restreinte.

Pour 1857 cette étendue a été de 141 hectares 16 ares.

Ce n'est pas que ce soit là une mauvaise plante; pour maint usage elle conviendrait certainement mieux que l'avoine qu'on lui préfère généralement. Mais ce qui détourne probablement de cette culture, c'est qu'elle demande plus d'engrais que l'avoine et, comme nous l'avons déjà fait observer, les engrais ne se trouvent pas toujours en assez grande quantité chez nos cultivateurs.

Que l'on se contente donc pour le moment de la rusticité de l'avoine, en attendant qu'on soit en mesure d'augmenter la culture de l'orge, plante plus profitable, mais aussi plus exigeante sous le rapport de la fécondité du sol et de sa préparation.

L'orge le plus généralement cultivée est l'orge blanche à épis plats et à deux rangs, barbe en éventail.

Elle se sème du 1er avril au 15 mai. La préparation du sol consiste en deux labours avec hersage; on recouvre un peu profondément.

Les cultivateurs soigneux donnent un roulage après l'ensemencement; par là on évitera pénétration des vents desséchants, et puis le grain, bien pris dans la terre, germe plus vite et plus uniformément.

L'orge est souvent cultivée sur pommes de terre, parce qu'on

trouve alors la terre plus meuble et plus propre. Lorsque l'on fume, c'est avec des fumiers d'étable; en le faisant on assure la réussite du trèfle qui se sème presque invariablement avec ce grain.

On attend la complète maturité de l'orge pour commencer sa récolte, qui a lieu dans la première quinzaine d'août.

On la coupe aussi près de terre que possible, et l'on a soin d aiguiser souvent les faucilles, parce que la paille d'orge est molle et se déracine facilement.

Les autres détails de moisson, d'engerbement, de battage et de nettoyage, sont les mêmes que pour le froment.

On ne laisse l'orge sur terre que le moins possible. Quand elle a reçu de l'eau, on ne peut plus en faire de pain, et on est obligé de la vendre aux brasseurs.

L'orge étant plus difficile à battre que le froment, on en bat un peu moins par jour.

La quantité de semence employée par hectare est en moyenne de 2 à 3 hectolitres.

Le produit moyen doit être évalué pour 1857 à 30 hectolitres de grains et à 12 quintaux métriques de paille par hectare.

Celle-ci étant fort courte, et malgré les soins donnés à la coupe, la proportion du chaume qui reste sur le sol est relativement considérable.

Le poids moyen d'urt hectolitre d'orge a été de 60 kilogrammes. Il produit 44 kilogrammes de farine et 56 litres de son.

Les frais de labourage, hersage, ensemencement, moisson, etc., d'un hectare d'orge s'élèvent environ à la somme de 106 fr.

L'orge peut être attaquée par le charbon, cryptogame parasite, et par le chlorops, petite mouche qui vit aux dépens de la plante.

Dans nos contrées leurs ravages sont rarement considérables.

Avoine,

L'avoine noire de printemps et l'avoine blanche sont les variétés cultivées dans le canton. On dit la noire plus rustique et plus productive que la blanche d'hiver.

De toutes les céréales, celle-ci est la plus facile sur le choix du sol et sur sa préparation.

Dans les assolements l'avoine prend place après le seigle, quelquefois, mais rarement, apprès le froment. Elle vient bien sur quelque récolte que ce soit. Jamais on ne lui applique directement le fumier ; ce n'est point pour elle une dépense essentielle et elle n'en couvrirait pas les frais.

On donne à l'avoine deux labours, et un hersage lorsqu'on n'y a pas mêlé de trèfle. Les semailles se font en mars, à la volée. Quelquefois, surtout dans les terrains légers, nos cultivateurs sèment à la surface du champ non labouré et couvrent à la charrue; ils prétendent qu'alors un seul labour divise suffisamment les terres et qu'enfoncés à une plus grande profondeur les grains prospèrent mieux.

Pour l'ensemencement d'un hectare on emploie 3 hectolitres 85 litres à 4 hectolitres de grains.

L'avoine est peu sujette aux maladies, la seule qui l'atteigne quelquefois, est la rouille, mais cela est rare.

Quelques cultivateurs prétendent à tort que l'avoine étouffe les plantes parasites. Les faits ne confirment nullement cette opinion, car les récoltes, surtout celles des terres fortes, sont généralement sales et remplies d'ivraie et de coquelicots.

On ne sarcle pas l'avoine. On la herse lorsqu'elle commence à taller.

Sa moisson a ordinairement lieu au commencement d'août. On n'attend pas, comme pour le froment, que la récolte soit tout à fait mûre. Partout on fauche, près de terre, à la faucille.

Le prix de moisson est le même que pour le blé.

Les détails d'engerbement sont aussi les mêmes que pour le froment. Les gerbes sont un peu moins pesantes, malgré la

plus grande longueur de la paille, car c'est surtout le grain qui alourdit la gerbe.

En 1857, une étendue de 197 hectares 60 ares a été ensemencée d'avoine.

Le rendement moyen par hectare a été en grains de 32 à 35 hectolitres, selon les localités; en paille, de 15 quintaux métriques.

Le poids d'un hectolitre d'avoine est de 40 à 44 kilogrammes. Le prix actuel de l'hectolitre d'avoine est de 8 fr. 80 c.

Le prix moyen a été pour l'année 1857 de 8 fr. 65 c.

La paille vaut 4 fr. le quintal métrique.

Nos cultivateurs ne vendent presque plus l'avoine qu'au poids, la vente à la mesure tend à disparaître peu à peu.

Maïs.

Le maïs ne figure en quelque sorte que pour mémoire dans la série des plantes agricoles du canton. Il a été introduit en Alsace, vers le milieu du seizième siècle, mais sa culture a été très-lente à s'étendre.

Les semailles sont faites en lignes dans le courant d'avril. Pour la reproduction on choisit d'ordinaire les plus beaux grains sur les épis les mieux développés. Les grains de la partie moyenne des épis sont toujours plus parfaits que ceux de la base ou du sommet. La levée du maïs est assurée quand il reçoit une pluie peu de temps après sa mise en terre. Trois semaines après sa plantation, on lui donne une première façon à la main et on l'éclaircit. Quinze jours plus tard, quand il a atteint 30 centimètres environ de hauteur, on le butte avec la houe.

Dans les terrains riches, il arrive souvent que d'assez nombreux rejetons se produisent aux pieds du maïs, on a soin alors de les élaguer avant la floraison ; en même temps on retranche tous les épis faibles pour n'en laisser que deux ou trois au plus à chaque plante.

La floraison du maïs, il laquelle il faut une température de

19 degrés, arrive ordinairement dans nos contrées vers la première quinzaine d'août.

Cette plante est monoïque ; les fleurs mâles réunies deux à deux forment une panicule au sommet de la tige ; les fleurs femelles sont disposées en épi à la partie inférieure. Cet épi axillaire est pourvu d'une enveloppe serrée, formée par des gaines de feuilles dont le limbe est avorté; il est, en outre, surmonté d'une houpe soyeuse constituée par les styles filiformes et allongés, de couleur correspondante à celle des graines du maïs cultivé.

On étête aussitôt que la fécondation est opérée ; beaucoup de cultivateurs prétendent que le panache des fleurs mâles devient alors inutile.

Les panicules passent pour une bonne nourriture pour les bestiaux. Cependant il résulte d'expériences répétées à Carlsruhe que la perte résultant de l'étêtement du maïs est bien plus considérable que le bénéfice qu'on retire des sommités employées comme fourrage.

Le maïs, dans les années ordinaires, est récolté à la fin de septembre. Néanmoins, lorsque la saison est peu favorable, il arrive quelquefois que cette plante n'atteint sa complète maturité que beaucoup plus tard.

Pour remédier à cet inconvénient, nous avons vu employer dans une ferme des environs, un moyen extrêmement simple, et qui a toujours fort bien réussi. Il consiste à débutter le maïs lorsque l'épi est formé ; les racines recevant alors plus de soleil et de chaleur, les épis mûrissent plus vite et le grain devient plus gros, mieux nourri et plus pesant. Ces expériences ayant eu un succès comparatif constant, il serait à désirer que nos cultivateurs pratiquassent à leur tour cette méthode, qui n'occasionne que peu de frais, et qui est à la portée de tous.

On enlève les épis du maïs et on en retourne les tuniques, de façon à pouvoir les attacher ensemble. On réunit cinq ou six épis et on les suspend à l'air devant les granges ou les toits des maisons, de façon à les bien faire sécher.

Nos cultivateurs laissent les épis de maïs suspendus jusqu'à ce que la graine ait visiblement diminué de volume en séchant, ce qui facilite l'égrenage. Cette opération s'exécute à la main.

Le nombre d'hectares ensemencés avec du maïs dépasse rarement, pour le canton, la moyenne de 10 à 15.

En 1857 il a été de 13 hectares 35 ares.

La quantité de semence employée par hectare est d'environ 40 litres.

Le rendement moyen en grains est de 25 hectolitres par hectare, en paille choisie de 5 quintaux métriques.

Le poids moyen d'un hectolitre de maïs est de 72 kilogr. Un hectolitre produit 66 kilogrammes de farine et 16 litres de son.

Le prix moyen de l'hectolitre de maïs a été de 15 fr.

Dans le canton, le maïs ne s'emploie pas, ou du moins très-peu, pour la nourriture de l'homme. On s'en sert principalement, pour l'engraissement des oies et des porcs.

Les pieds desséchés sont employés comme combustible. Les tuniques, qui recouvrent immédiatement les graines, servent pour le remplissage des paillasses.

Les corneilles, les petits rongeurs, certaines larves font par fois d'assez grands ravages dans les champs ensemencés en maïs. Afin de préserver la semence on fait souvent, avant le semis, tremper la graine dans l'eau pendant quelques heures, pour la ramollir et activer la germination, puis on la saupoudre de plâtre.

Pendant sa végétation, le maïs est exposé à trois espèces de charbons : l'un qui attaque l'épi, l'autre la tige et le dernier les fleurs mâles.

Enfin il arrive quelquefois que les grains sont envahis par les charançons et l'alucite.

Consommation de grains el farineux.

11 résulte du tableau placé à la fin de ce chapitre, que dans le canton de Wissembourg la quantité approximative de grains

consommés par chaque individu est annuellement de 35G litres, ce qui représente environ 1 litre de grains par personne et par jour, équivalant à Ok,58 de farine ou Ok,70 de pain.

Cette consommation n'est pas très-forte, mais cependant elle dépasse de beaucoup la moyenne admise en Allemagne.

En Prusse, par exemple, la consommation des céréales par tête d'habitant n'est évaluée qu'à environ 250 litres.

Dans la plus grande partie des États allemands, le pain de seigle est le seul usuel, le pain de froment ne se fabrique guère que dans dans la proportion des gâteaux chez nous.

L'énorme consommation des pommes de terre, qui s'élève en moyenne pour chaque individu à un chiffre presque égal à la quantité de grains consommée, et pour les populations rurales seules à un chiffre certainement supérieur, doit, sans nul doute, avoir beaucoup contribué à la réduction de l'usage des farineux.

Nous ferons observer, au surplus, que chaque habitant de la campagne est loin de consommer en moyenne Ok,70 de pain par jour; ce chiffre n'est aussi élevé qu'eu égard à la consommation faite par les personnes qui habitent la ville.

Nous venons de dire que l'usage du pain tend à décroître à cause de la grande quantité de pommes de terre mangées dans les campagnes. En effet, on a constaté en Prusse, qu'il y a une soixantaine d'années la consommation moyenne des céréales s'élevait à 330 litres par tête, tandis qu'aujourd'hui elle n'est plus que de 250 litres, ce qui fait par an une diminution de 80 litres par personne.

L'absence de documents authentiques, fournissant pour le canton de Wissembourg des chiffres qui puissent servir de point de comparaison, ne nous permet pas d'établir la différence qu'il doit y avoir entre la consommation individuelle des céréales à cette époque et celle d'aujourd'hui; mais nous sommes fondé à penser que cette différence existe chez nous, tout comme en Allemagne.

(Voy. le tableau ci-contre, p. 64).

TABLEAU INDICATIF

de la quantité de grains et de farineux annuellement nécessaire pour la consommation, dans les différentes communes du canton de Wissembourg.

ESPÈCES NOMBRE PRODUIT QUANTITÉ APPROXIMATIVE COMPARAISON

D'HECTARES TOTAL D'HECTOLITRES DE GRAINS ET DE FARINEUX TOTAL DU PRODUIT

DE GRAINS BNSBMENCÉS BN CUAOt1B °\ZT NÉCESSAIRES DES BESOINS A YEC LA CONSOMMATION.

ET eipèce DE GRAINS ; ;—

DE GRAINS RT DB pour la nourriture de pour pour les DE FARINEUX. ET DB FARINEUX^ 1 \ la nourriture animaux pour distille- ANNUELS.

v Vs^- chaque tous les des animaux les semences, ries ou tARINLUX. EN tSj/. individu habitante. domestiques. brasseries Hectares. ir. Hectolitres. H. Lit. Oeet. Lit. Bect. Lit. Btct. Lit. Hectolitres. llcet. Lit. Htct. Lit. llict. lit. Froment .... 1,295 24 29,656 1 70 23,862 90 — 2,752 — — 26,614 90 3,041 10 —

Épeautre .... 268 44 13,690 0 90 12,616 — — 1,074 — — 13,690 — — —

Seigle 366 30 7,354 0 75 10,527 — 2,000 — 934 — — 13,461 — — 6,107 — Orge 14116 4,276 0 15 2,105 — — 360 — 1,256 3,721 — 555 — — Maïs 13 35 286 — — 500 — 5 35 — 505 35 — 219 35 Avoine 197 60 6,469 — — 6,000 — 750 — — 6,750 - — 281 — Légumes secs .. 71 96 1,409 0 06 842 22 401 28 165 50 — 1,409 — —

TOTAUX .. 2,354 05 63,140 3 56 49,952 12 8,901 28 6,040 35 1,256 66,151 25 3,596 10 6,507 35 Pommes de terre 871 30 130,650 3 — 42,111 — 60,000 — 9,585 — 5,000 116,696 — 13,954 - — En 1857 la qualité des blés a été généralement bonne; au battage ils Les légumes secs ont été peu abondants à cause de la sécheresse. ont beaucoup rendu. Les excédants s'écoulent dans le département, et c'est du département Les pommes de terre ont été d'une bonne qualité. La maladie ne que l'on tire les grains et les légumes secs pour combler le déficit. s'est pas montrée. Une certaine quantité de denrées nous vient aussi de la Bavière.

Lè prix du pain a beaucoup diminué, mais celui des autres denrées Au surplus, pour 1857, il y a compensation entre l'excédant et le se maintient à un taux élevé. déficit.

RACINES.

Pommes de terre.

La pomme de terre est avec le froment la culture la plus importante du canton. Elle entre pour près de moitié dans l'alimentation générale des habitants de la campagne, où elle est devenue d'un plus grand intérêt pour la subsistance que les céréales elles-mêmes.

Les variétés de pommes de terre cultivées dans le canton sont très-nombreuses ; les principales sont :

10 Une jaune ronde de la grosseur du poing, jaune à l'intérieur ;

2o Une variété rouge hâtive mûrissant vers la Saint-Jean ; 3° Une rouge rose, ronde, blanche à l'intérieure, très-farineuse ;

4o Une précoce jaune ;

5° Quelques variétés de grande culture remarquables par leur grosseur.

Les pommes de terre précoces produisent ordinairement un quart, un tiers et même moitié moins que les autres.

Ce qui généralise dans le canton la culture de la pomme de terre, c'est qu'elle peut venir sur des terres de nature très-diverse; toutefois elle se plaît particulièrement dans les terrains sablonneux et frais ; elle y acquiert plus de qualité que dans les sols argileux ou calcaires.

On plante la pomme de terre au mois d'avril, sur un terrain préparé par deux labours et un hersage. Elle est considérée comme une excellente récolte préparatoire, une véritable plante jachère. On la cultive souvent à la tête de l'assolement, sa végétation profite alors de l'engrais, et les sarclages qu'on lui donne, remédiant aux inconvénients de la fumure directe, améliorent la texture du sol et relèvent, au profit des récoltes ultérieures, sa puissance amortie par la production des céréales.

Néanmoins on la place, et on peut la placer sans inconvé-

nient après toute espèce de récolte, même après celles qui détruisent le plus la puissance du sol. Elle réussit après elle-même plusieurs fois de suite, et le cultivateur pauvre, qui ne cultive qu'une ou' ?eux petites parcelles de terre, est malheureusement dans la nécessité d'avoir recours à cette plantation continue pour se procurer une substance alimentaire si nécessaire pour lui et sa famille. Mais c'est là un mauvais système. Peu à peu les tubercules se rapetissent, et leur produit va er diminuant.

Le mode de reproduction usuel consiste à planter des tubercules entiers s'ils sont de moyenne grosseur, coupés en deux ou trois morceaux si leur volume est considérable. Les trop petits tubercules sont rejetés avec raison de la plantation.

On espace les plants à environ 125 ou 30 centimètres entre eux et à 40 ou 50 entre les raies.

Le sarclage se fait lorsque les pousses ont une hauteur de 10 à 15 centimètres. Une vingtaine de jours après, on butte lçs pommes de terre. Cette opération s'exécute avec la houe.

La quantité moyenne de semence employée dans le canton pour la plantation d'un hectare, n'est que de 12 hectolitres. Il conviendrait d'en employer environ un quart en sus, le rendement en serait bien plus considérable.

On récolte les pommes de terre à bras, avec une houe large et bifurquée.

Lorsque l'on emploie des journaliers, l'ouvrage s'exécute à la journée, rarement à l'accord.

Un homme peut arracher par jour de 6 à 8 hectolitres de pommes de terre.

Une étendue de 871 hectares 30 ares a été consacrée en 1857 à la culture de ces tubercules.

Le produit moyen par hectare a été de 150 hectolitres. Quoique plus élevé que les années précédentes, ce produit est encore trop minime.

En effet, il résulte de la statistique officielle que le rendement moyen serait en France de 164 hectolitres par hectare,

et l'on prétend que dans de bonnes conditions, il peut s'élever jusqu'à 300 hectolitres pour cette étendue de terrain.

La'faiblesse de ce produit doit être attribuée au manque de soins donnés à la culture, à la pénurie des engrais et à la petite quantité de semence souvent employée.

Le chiffre moyen de la production des pommes de terre, année ordinaire, est pour le canton de 100 à 120,000 hectolitres.

Pour 1857, elle a été de 130,650 hectolitres.

Le prix moyen d'un hectolitre de pommes de terre a été cette année de 3 fr. 75 c. Il se paie aujourd'hui 3 fr.'

La récolte, extraite du sol, est déposée dans des caves ou d'autres lieux où elle se trouve à l'abri du froid; on en place aussi dans des silos.

La dernière maladie de la pomme de terre, si terrible par son étendue et l'intensité de ses ravages, semble s'être arrêtée dans sa marche. Cette année ses atteintes ont été presque insignifiantes pour le canton.

Parmi les moyens préservatifs essayés, l'un de ceux qui a donné les meilleurs résultats est l'emploi de la chaux. En répandant à la volée sur un champ de pommes de terre de la chaux en poudre, un mois environ avant l'époque ordinaire de l'invasion, et en recommençant la même opération au bout de six semaines à deux mois, on prévient ou l'on atténue le plus souvent les ravages du fléau. Il faut employer la chaux de grand matin, avant l'évaporation de la rosée. Cette pratique mérite d'autant plus d'être adoptée par nos cultivateurs, que le chaulage ne peut avoir que d'excellents résultats pour les récoltes qui suivront celle des pommes de terre.

Dans sa FLoTe d'Alsace) M. le professeur Kirschleger donne, sur l'introduction |de la pomme de terre dans nos contrées, les renseignements suivants : « Ce tubercule décrit et figuré en «1590, par Cas. Bauhin, dans son Phytopinax) sous le nom «de Solarium tuúerosurn, a eu une dispersion lente et difficile ((jusqu'au commencement du dix-huitième siècle. Vers 1720

«à 1730, il était très-répandu dans nos régions rhénanes. «Néanmoins sa large vulgarisation ne date que de 1796 ; aujourd'hui , 50,000 hectares sont plantés en pommes de terre «dans les deux départements du Rhin. »

Nous avons vu que le canton de Wissembourg figure dans ce chiffre pour plus de 870 hectares.

Betteraves.

Voici encore une culture qui n'est pas sans importance dans cette partie de l'arrondissement, puisqu'en moyenne la plantation de la betterave y occupe annuellement une étendue de 220 à 250 hectares.

On cultive dans le canton plusieurs variétés de betteraves; celles qu'on emploie le plus communément à la nourriture des bestiaux sont : 1° La betterave longue rose, connue sous le nom de racine de disette, dont la racine croît en partie hors de terre; 2o la grosse betterave jaune.

Cette plante réussit dans presque toutes les banlieues de nos communes; cependant la terre qui lui convient le mieux, c'est une terre profonde et substantielle, et il lui faut en général de bonnes conditions ; elle s'accommode aussi dans des sols sablonneux et argileux, pourvu qu'ils soient riches naturellement ou qu'ils aient été bien fumés.

On repique la betterave. Pour cela on sème d'abord en pépinière, puis du 20 mai au 15 juin l'on s'occupe du repiquage sur labour frais et avec du plant de la longueur du petit doigt.

Certains cultivateurs effeuillent les betteraves à partir du mois d'août. Cette pratique est mauvaise et doit être combattue; elle diminue beaucoup la récolte, sans compensation; car les feuilles des betteraves sont peu nourrissantes, et de nombreuses expériences ont démontré que l'effeuillage sur pied nuit beaucoup à la récolte des racines. Il ne faut donc effeuiller qu'à l'arrachage. Cet arrachage s'opère dans le can-

ton du 20 septembre au 20 octobre, à la main et au moyen de la houe.

Nous avons dit que les feuilles de betteraves sont peu nourrissantes; néanmoins, elles ne constituent pas, comme le prétendent quelques agronomes, un aliment nuisible à la santé des animaux. MM. Payen et Huzard, à la suite d'expériences réitérées, ont constaté que ces feuilles possèdent des propriétés laxatives, mais qu'il ne s'ensuit pas qu'on doive les supprimer entièrement dans le régime alimentaire des animaux. Alliées à d'autres aliments dans la proportion d'un quart ou d'un cinquième, elles rendent les rations rafraîchissantes, sans être nuisibles.

La betterave se conserve facilement; dans les silos bien faits on peut en garder jusqu'en juin.

La méthode généralement usitée pour la formation des silos destinés à recevoir les betteraves ou les navets que l'on veut conserver pendant l'hiver est la suivante : On creuse sur le bord des champs des fosses en forme de parallélogramme ayant une longueur variable de 2 à 3 mètres, une largeur de 1 mètre et une profondeur d'à peu près Om,40. Après avoir tassé la terre du fond, on y place les betteraves en une pyramide dont le parallélogramme de la fosse forme la base; l'on donne une hauteur d'environ Om,75 à 1 mètre au-dessus du niveau du champ. Sur les racines ainsi empilées on étend une couche de paille d'une épaisseur de 4 à 5 centimètres, et on recouvre le tout de terre bien tassée. Au sommet du silo, on ménage quelquefois une petite ouverture de Om,1 0 à Om,15 pour faciliter l'évaporation et la circulation de l'air atmosphérique. L'extraction se fait, suivant les besoins, soit en une seule fois, soit partiellement; dans ce dernier cas, l'on pratique une coupure du quart ou de la moitié du silo. Après l'extraction partielle on a soin de refermer la tranchée en la recouvrant de paille et de terre.

Le produit moyen par hectare a été en 1857 de 220 quintaux métriques.

Ce rendement pourrait être sensiblement augmenté si l'on avait soin : 1° De défoncer profondément le terrain; 2o d'y accumuler beaucoup d'engrais; 3o de resserrer les plants; 4o d'arroser tous les quinze jours quand il ne pleut pas; 5o de donner un binage après chaque irrigation ; 6° de châtier toutes les plantes qui veulent monter en graine; 70 de s'abstenir de l'effeuillage; 80 enfin de n'arracher que le plus tard possible, quand tout l'acte de la végétation est accompli.

On ne connaît pas ici de maladie spéciale à la betterave.

Navets. Carottes.

La culture des navets et des carottes est assez peu étendue dans le canton; aussi ne mérite-t-elle qu'une mention très-sommaire.

Les navets les plus répandus sont : le navet commun, le navet de Suède et le navet rond à collet vert d'Alsace, ce dernier est l'un des plus productifs; après lui viennent encore le navet blanc long et le navet jaune long que l'on cultive aussi beaucoup.

Le navet se sème du 1er juin au 15 juillet et souvent après la récolte du seigle. On répand environ 21/2 kilogrammes de graine par hectare. Un champ de navets bien réussis fournit à la récolte environ 260 quintaux métriques de racines par hectare. Ce produit dépasse en poids celui obtenu des betteraves, mais il ne réprésente pas la même quantité de substance alimentaire.

On arrache les navets dans le courant du mois d'octobre et après les avoir préalablement décolletés on les conserve à la cave ou dans des silos.

Ils forment une bonne nourriture pour les ruminants domestiques.

La variété de carottes que l'on cultive le plus et qui semble le mieux convenir à la grande culture, c'est la carotte blanche à collet vert. Elle se distingue de toutes les autres en ce que sa racine, au lieu de végéter complètement cachée dans la terre,

montre son collet à plusieurs centimètres au-dessus de la surface du sol, ce qui facilite l'arrachage et permet de cultiver cette plante dans des terres d'une profondeur ordinaire.

Pour l'alimentation du bétail, la carotte passe ici, avec raison, pour une des meilleures racines que l'on connaisse. Mais c'est peut-être celle dont la production est la moins facile et la plus dispendieuse ; aussi ne la cultive-t-on en général, que sur de petites étendues et sur des terres fertiles.

On n'obtient jamais la carotte en seconde récolte après une autre plante, mais on la cultive assez souvent simultanément avec une autre, en double récolte.

Le semis se fait au mois de mars, sur place, à raison de 3 kilogrammes de semence par hectare, après avoir eu soin de froisser fortement la graine avec du sable ou des cendres. Quelques cultivateurs sèment aussi la carotte dans le colza, dans l'orge et quelquefois même dans le blé.

Pendant la végétation, on a l'habitude de réitérer deux ou trois fois les sarclages.

La récolte a lieu ordinairement à la fin d'octobre. L'arrachage se fait comme pour les betteraves.

Le produit moyen par hectare a été cette année d'environ 250 quintaux métriques.

Topinambours.

Le topinambour est la plante tuberculeuse qui se cultive le moins chez nous ; on n'en constate annuellement la plantation dans le canton, que sur une étendue d'environ 5 à 6 hectares, et cependant elle rendrait de grands services dans les sols pauvres, rebelles à la culture des autres récoltes-racines.

On trouve souvent le topinambour dans les vergers, et il n'y souffre nullement du voisinage des arbres à hautes tiges. Il est le fléau des herbes parasites, il en délivre totalement le sol, sans le secours du sarclage.

Les porcs en sont très-avides et on le donne aussi aux bêtes à corne et aux chevaux qui s'en nourrissent avec profit.

Dans le canton, on a l'habitude de l'associer aux betteraves, aux pommes de terre et aux fourrages secs avant de le donner aux bestiaux.

Le topinambour se cultive ici exactement de la même manière que les pommes de terre.

La terre préparée en hiver par un labour profond reçoit un second trait de charrue avant la plantation qui a lieu depuis le commencement de mars jusque dans le courant d'avril. Les tubercules que l'on dépose en terre sont entiers et placés à 75 centimètres en tous sens, on les recouvre de terre avec la houe et si le temps est sec, on passe le rouleau sur la pièce ensemencée.

On évalue à 8 ou 10 hectolitres la quantité de tubercules nécessaire pour l'aménagement d'un hectare.

A l'époque de la levée, on donne un binage suivi peu de temps après d'un buttage effectué à deux reprises.

La récolte du topinambour se fait, ou immédiatement lorsque les tiges sont complétement sèches, ou bien à fur et à mesure des besoins de l'exploitation. Les tubercules se conservent parfaitement en terre sans avoir à craindre les inconvénients de la gelée; hors de terre, il faut le préserver du froid.

Le rendement du topinambour est plus faible que celui de la betterave ; il n'a donné en moyenne que 160 à 200 quintaux métriques de tubercules par hectare. Mieux cultivé il pourrait rendre facilement 250 hectolitres ou 22,000 kilogrammes.

Néanmoins la différence de rendement qui existe en faveur de la betterave n'est pas aussi considérable qu'on pourrait le supposer, car, comme l'a fait observer M. Boussingault, la betterave ne contient que 12 p. 100 de matière sèche et le topinambour en contient 20 à 22 p. 100.

Ce tubercule donne aussi de très-bons produits à la distillation. On a fait dans le canton des essais qui ont constaté qu'à poids égal il donne plus d'alcool que la betterave.

Les tubercules se réduisent beaucoup à la cuisson ; 100 kilogrammes rendent environ 22 kilogrammes de pulpe et 4 litres 50 centilitres d'alcool absolu soit 5 litres de trois-six à 90 degrés.

Or, un hectare de terre de bonne qualité rendant facilement 250 hectolitres ou au minimum 21,000 kilogrammes de tubercules on en obtiendrait '10 hectolitres 50 litres de trois-six.

En résumé la culture du topinambour présente des avantages qui ne sont pas assez connus de nos cultivateurs.

Ce sont les suivants :

Ses tubercules forment une excellente nourriture pour les bestiaux ; traités par la distillation ils donnent également de bons produits.

Ses tiges présentent aussi une assez grande utilité. Vertes, elles conviennent beaucoup à la nourriture des moutons ; sèches elles fournissent encore un bon fourrage, que presque tous les animaux mangent volontiers. Les tiges séchées peuvent aussi servir à chauffer les fours.

Enfin les détritus provenant de la chute des feuilles et de la décomposition des tiges ont la propriété de fertiliser les sols les plus stériles.

Une culture plus étendue de cette plante rendrait de vrais services à l'agriculture, notamment dans les communes de Niedersteinbach, Obersteinbach, Climbach et Wingen.

GRAINES OLÉAGINEUSES.

Colza et navette.

Le colza est pour nos cultivateurs une plante de rapport dont la graine est presque exclusivement destinée à la vente; c'est la plus importante de nos plantes oléagineuses de grande culture; c'est elle aussi qui donne le produit net le plus élevé, et qui trouve le plus naturellement sa place dans les meilleurs assolements.

L'étendue moyenne du terrain cultivé dans le canton en colza et navette est annuellement d'environ 200 hectares.

En 1857 elle a été de 238 hectares.

Le colza vient avec succès sur des terres de natures variées ; il réussit partout où réussit le blé ; mais il lui faut un sol bien préparé, riche, ou bien fumé.

Si le colza demande beaucoup d'engrais, il possède l'avantage de supporter et de payer largement les plus fortes fumures, sans qu'on ait, avec lui, à redouter la verse ou l'exubérance stérile de l'expansion foliacée.

Dans toute la contrée on sème sur place. Le semis exige 3 ou 4 litres de semence par hectare, il se fait au commencement d'août.

Avant la semaille le champ reçoit deux labours ; l'on sème sur la terre récemment labourée, et autant que possible, lorsqu'elle vient d'être humectée par une pluie, afin d'activer la végétation.

Au mois d'octobre on bine et on éclaircit les colzas et on en repique sur les places 0\1 ils n'ont point levé. Le binage se fait à la main, au moyen d'une petite houe, le repiquage, avec le plantoir ou la houe.

Il est important de veiller à ce que les plants soient exactement enterrés jusqu'au collet.

Nos cultivateurs soigneux, ne manquent pas d'assainir les terres au moyen de rigoles ; car ils savent par expérience que rien ne nuit plus au colza qu'un sol pénétré d'humidité pendant l'hiver.

La récolte a lieu, dans le canton, du 1er au 15 juillet, elle » commence lorsque la majeure partie des graines est encore d'une nuance rousse et qu'un très-petit nombre est parvenu à la couleur noire qui révèle la maturité parfaite.

On coupe avec soin à la serpe ou à la faucille afin que le colza ne s'égrène pas. Après être coupé, il est laissé quelques jours sur le sol, pour que sa maturité se complète.

Le battage du colza se fait souvent au dehors, au fléau.

Dans le champ même où s'est fait la récolte on dresse une aire d'où on enlève avec soin les pierres et les tronçons des tiges de colza, et sur cette aire on tend une bâche en forte toile dont on tient les bords relevés au moyen d'un bourrelet de paille que l'on met dessous. Cette toile est déplacée deux ou trois fois dans le courant de l'opération suivant l'étendue du terrain, afin d'éviter le transport de la paille à de grandes distances. Quelques cultivateurs préférent rentrer le colza et la navette pour les battre dans la grange. En faisant transporter la récolte sur des voitures garnies de grandes toiles, ils évitent la perte des graines, qui s'échappent facilement des siliques.

Lorsque le colza est battu, on le laisse mélangé avec une certaine quantité de débris de siliques; ils favorisent sa conservation, en empêchant le contact immédiat des graines entre elles et en permettant l'accès de l'air dans la masse, de manière à activer sa dessiccation.

Le colza, transporté à la maison, est mis en couches minces sur le plancher du grenier et fréquemment remué dans les premiers temps, pour éviter qu'il ne s'échauffe et ne moisisse ; ce n'est qu'après une dizaine de jours qu'on le met en tas.

On nettoie généralement la graine au tarare au moment de la vente.

Un tort qu'ont souvent les cultivateurs du canton, c'est de ne pas vendre immédiatement leur colza et d'attendre plusieurs mois, dans l'espoir d'une hausse. Or, le volume de cette graine se réduit d'une manière sensible ; il n'est pas rare au bout de trois à quatre mois de trouver un déchet de 10 p. 100 sur le produit de la récolte; en conséquence, la vente immédiate du colza à raison de 20 fr. l'hectolitre est tout aussi avantageuse, que si elle avait lieu quatre mois plus tard au prix de 22 fr. 20 c.

Dans le canton, le produit moyen par hectare est de 12 à 14 hectolitres de graine.

Ce rendement est évidemment trop faible; quiconque possède un sol favorable et peut disposer d'une masse d'engrais suffisante doit prétendre à 25 hectolitres au moins à l'hectare. En Flandre le colza donne, dans de bonnes conditions de culture 35 à 40 hectolitres de graine à l'hectare.

En temps ordinaire, le prix d'un hectolitre de colza est de 25 fr.

En 1857 il a été de 38 fr.

Un hectolitre de graine .de colza rend 29 litres d'huile et 35 kilogrammes de tourteaux qui servent à l'engraissement des bœufs et des vaches.

Le prix moyen de l'huile a été cette année de 115 fr. l'hectolitre.

Le kilogramme de tourteaux se vend 15 c.

Les frais de culture d'un hectare de colza s'élèvent à environ 150 fr.

La paille de colza, dont on obtient environ 100 kilogrammes par chaque hectolitre de graine, est employée comme litière.

Le produit de la navette est toujours moindre que celui du colza. La graine moins riche en huile, se vend constamment à un cours moins avantageux.

Différents insectes exercent sur les colzas des ravages souvent fort importants. Ce sont :

D'abord un charançon appartenant au petit genre grypidius, que M. Focillon propose de nommer grypidius brassicœ. Il a 2 ou 3 millimètres de longueur. Il pénètre à travers les parois de la silique jusqu'au centre de la graine et laisse pour trace extérieure de ses dégâts un trou très-fin dans les valves de la silique et une déformation du fruit.

Puis, quatre espèces du genre altise. Ces insectes font peu de mal aux siliques, dont elles rongent parfois le parenchyme sans paraître nuire aux graines. L'instant où le colza les redoute est l'époque de sa levée, époque où le jeune plant peut périr dévoré par les altises.

Outre ces insectes, différentes larves doivent être rangées parmi les ennemis les plus sérieux des colzas. Les deux espèces principales sont :

Une larve longue de 3 millimètres sur 1 millimètre de largeur, blanche, apode, avec une tête écailleuse noire et luisante. Elle habite l'intérieur de la silique, y dévore trois ou quatre grains et produit une altération des tissus du fruit reconnaissable à la coloration noirâtre de ce dernier.

La seconde larve plus petite que celle dont nous venons de parler, est blanche durant la plus grande partie de sa vie. Les siliques qu'elle attaque ne tardent pas à suinter intérieurement d'une sorte de suppuration, et finissent par se flétrir. On lui donne communément le nom de petit ver blanc.

PLANTES TEXTILES.

Lin.

La culture du lin est très-peu répandue dans le canton de Wissembourg, cette année l'étendue de terrain qui lui a été consacré était de 5 hectares 13 ares.

La préparation du sol est généralement très-soignée. La terre ne doit pas être trop grasse, aussi nos cultivateurs ont-ils soin de mélanger intimement l'engrais avec la terre.

On sème à la volée et on recouvre la graine à la herse ou au râteau. La quantité de semence employée par hectare varie de 150 à 180 kilogrammes.

L'époque de la semaille est le courant d'avril, quand on ne craint plus les gelées.

Le lin lève au bout de huit à dix jours; pendant sa croissance on lui donne deux sarclages.

On commence la récolte du 15 au 20 juillet, aussitôt que la plante jaunit et que ses feuilles tombent.

Le lin s'arrache par poignées dont chacune est liée avec un brin et posée sur le champ. Après avoir été égréné ou le porte au routoir où il reste huit à dix jours, puis on l'étend

sur l'herbe et on le laisse sécher durant quatre ou cinq jours.

Le produit moyen par hectare en graine a été d'environ 7 hectolitres.

Le produit en filasse de 2 quintaux métriques. L'hectolitre de graine vaut 20 fr. ; il rend de 15 à 16 litres d'huile.

Le prix moyen d'un quintal métrique de filasse est de 100 fr. Les champs de lin sont souvent infestés par des herbes parasites d'une nature spéciale; ce sont : le camclinalinicola, le cuscuta epilinum, le galium agreste et le lolium linicola.

Chanvre.

Le chanvre est l'objet d'une culture plus étendue que le lin, mais il n'entre pss dans la rotation des assolements.

En 1857, 36 hectares 55 ares ont été ensemencés avec du chanvre.

Cette plante réussit dans toute terre riche, profonde, meuble et fraîche. Une argile tenace et peu profonde ne lui convient pas; elle s'accomode d'un sable frais, mais dans une terre pierreuse et sèche elle manque tout à fait.

Le chanvre est très - épuisant; dans ce pays, les choux exceptés, nulle autre plante n'est plus fortement fumée. Néanmoins, au contraire des autres plantes, le chanvre peut se cultiver tous les ans sur le même sol sans le détériorer , et lorsque la culture est faite avec soin, la plante n'est pas moins belle la troisième et la quatrième année que la première.

L'on ne cultive ici que le chanvre commun.

Afin que l'engrais puisse être, par les diverses actions qui précèdent le semis, intimement mélangé avec le sol, nos cultivateurs ont l'habitude de fumer avant l'hiver les terrains destinés à recevoir le chanvre.

Pour ensemencer, ils se servent toujours de graine de la dernière année.

Les semis se font dans la première quinzaine de mai, lorsque les dernières gelées ne sont plus à craindre.

On répand la graine à la volée sur une terre fraîche, après une pluie afin de s'assurer d'une prompte germination.

La quantité employée varie de 2 à 3 hectolitres par hectare, suivant qu'on veut obtenir une filasse fine, ou des plantes à fibres plus épaisses.

Immédiatement après le semis, on recouvre légèrement à la herse ou au râteau.

Le chanvre fleurit par une température moyenne de 19 degrés, qui, en temps ordinaire, correspond dans nos contrées au milieu de juillet ; pour arriver à maturité complète il lui faut 22 degrés et demi.

La récolte se fait un peu avant l'entière maturité des graines. Après une dizaine de jours, lorsque le chanvre est débarrassé de sa graine, on le soumet au rouissage, soit en le plongeant dans l'eau, soit plus souvent en l'exposant, sur un pré fauché, à l'action des pluies et de la rosée.

Lorsque le chanvre est suffisamment roui et avant d'en extraire la filasse, on le hale ou dessèche au moyen du feu. Cette opération se fait en étendant une certaine quantité de chanvre au-dessus d'un trou creusé en terre, dans lequel on allume un feu vif.

Le procédé usité dans le canton pour obtenir la filasse est d'abord le broyage à la main à l'aide d'un instrument que l'on nomme broie ; puis le passage à la meule, pour assouplir cette filasse ; enfin le peignage qui consiste à la passer entre les dents d'un peigne qui dispose tous les brins dans un même sens et en opère le triage.

Après cette opération la filasse est mise en paquets.

On compte vingt à vingt-cinq journées. d'ouvriers pour opérer à la main, le broyage du chanvre produit par 1 hectare de terrain.

Le rendement moyen par hectare en graine est de 10 hectolitres; en filasse de 7 quintaux métriques.

Le prix moyen d'un hectolitre de graine est de 19 fr. ; celui d'un quintal métrique de filasse de 50 fr.

Exercée avec intelligence, la culture du chanvre est une des plus productives connues, car avec de bons soins, on peut obtenir par hectare 1400 à 1500 kilogrammes de filasse, dont la valeur selon la qualité varie de 50 à 80 fr. les 100 kilogrammes.

Les frais de culture d'un hectare de chanvre, y compris la récolte, s'élèvent à environ 225 fr.

On a assez l'habitude dans le canton de semer de la graine de chanvre sur le bord des champs de pommes de terre, de maïs, de haricots, etc. ; ces pieds isolés se ramifient beaucoup et fournissent une grande quantité de graine dont on se sert pour les semis.

LÉGUMES SECS.

Une étendue de 60 à 70 hectares est annuellement consacrée dans le canton à la culture des légumes secs.

Voici les différents genres de légumineux de cette catégorie que l'on trouve disséminés dans les champs :

1° Le haricot.

Ce n'est pas une plante de grand produit, et elle est le plus communément employée à la nourriture de l'homme.

Dans quelques circonstances, on introduit avec avantage le haricot dans le cours d'une rotation, entre deux récoltes de céréales, par exemple, mais cela a lieu très-rarement.

Les inconvénients que nos cultivateurs reprochent à cette culture sont les suivants :

Le haricot, disent-ils, supporte mal une fumure abondante récemment déposée dans le sol ; il est épuisant et ne fournit pas de nourriture au bétail ; enfin son produit est assez précaire; il redoute la sécheresse et l'humidité; les plus petites gelées l'endommagent et par fois le détruisent.

Ces reproches nous paraissent fondés en tous points.

Le haricot est mis en terre au commencement de mai, dans de petites fossettes espacées de 30 à 35 centimètres,

et dans lesquelles on dépose cinq ou six graines à 3 centimètres de profondeur.

Il faut environ lh,50 de semence par hectare.

On donne deux binages : le premier quelque temps après que la plante est sortie de terre, le second lorsqu'elle arrive à la floraison. Cette floraison a lieu par une température moyenne de 40 degrés vers le milieu de mai; la maturité se produit par 16 degrés.

Les haricots mûrissent inégalement et sont souvent récoltés en différentes fois.

En 1857, il a été cultivé dans le canton 22 hectares de haricots.

On obtient en moyenne 15 hectolitres par hectare.

Le prix moyen, année ordinaire, est de 20 fr. l'hectolitre. Pour 1857 il a été de 19 fr.

2o La fève et la féverole.

Ces deux plantes annuelles de la famille des légumineuses , sont de la même espèce, mais de races distinctes.

La fève a les semences larges et plates, on la nomme aussi fève de pourceau.

La féverole a les graines petites et presque globuleuses, on lui donne aussi le nom de fève de cheval.

Cette dernière race est beaucoup moins connue dans le canton que la première.

Les fèves forment une nourriture excellente pour les ani- maux. Comme elles sont très-nutritives on les réserve ordinairement pour l'engraissement du bétail et surtout des porcs.

Les fèves ne sont pas cultivées sur une grande échelle ; elles pourraient cependant, comme plantes jachères, occuper une place assez importante dans la culture des terres fortes et tenaces, sur lesquelles elles réussissent fort bien.

La fève s'accommode d'une forte fumure, mais elle est loin d'être une récolte épuisante, elle forme au contraire une excellente préparation pour le froment.

On sème la fève au mois de mars, sur un terrain préparé par de profonds labours. Elle est généralement cultivée en lignes espacées de 50 centimètres et profondes de 5 à G. Elle fleurit au commencement de mai, il suffit pour cela que la température moyenne atteigne 11 degrés.

La quantité moyenne de semence employée par hectare est de 180 litres pour les féveroles et de 350 litres pour les fèves.

Dans le courant de leur végétation, les fèves reçoivent au moins deux binages à la houe. Elles arrivent à maturité par 18 degrés vers le milieu de juillet, mais on n'attend pas pour la récolte que cette maturité soit complète, car alors les gousses s'entr'ouvrent et les graines se perdent. On coupe les tiges au pied, avec une faucille, au moment où les semences prennent une couleur bise. On laisse sécher pendant quelques jours, ensuite on forme de petites gerbes qu'on dresse dans les champs.

Lorsque la dessiccation est achevée, on engrange.

La préparation du grain, le battage et le nettoyage ont lieu à peu près de la même manière que pour les céréales.

Cette année la culture des fèves a occupé dans le canton une superficie de 16 hectares.

Le produit moyen par hectare de fèves ou de féveroles est ordinairement de 16 à 18 hectolitres. En 1857, il n'a été que de 15 hectolitres.

La féverole pèse 90 kilogrammes l'hectolitre.

La fève pèse 80 kilogrammes seulement.

Le prix moyen de l'année a été de 17 fr. l'hectolitre.

Qn se sert de la paille pour le bétail.

30 Les pois.

Ainsi que les haricots, les pois ne peuvent pas être rangés dans nos localités parmi les plantes de grande culture ; aussi n'occupent-ils qu'une place assez restreinte dans l'étendue de terrain affectée aux légumes secs. On ne rencontre cette cul-

ture dans les exploitations que comme objet d'alimentation pour les propriétaires ou pour le fermier.

En 1857, 33 hectares ont été ensemencés de pois.

C'est dans la sole des plantes sarclées succédant au froment qu'on place ordinairement les pois.

On prépare le terrain par un labour à la charrue ou à la bêche, rarement on fume pour cette récolte.

Les semis se font en raie au commencement de mars.

Les pois fleurissent par 8 degrés de chaleur moyenne, c'est la température qui correspond d'ordinaire au milieu d'avril ; pour mûrir ils n'exigent que 140,5.

Ils ne reçoivent qu'un seul binage à la main dans le cours de la végétation.

On cueille les gousses au fur et à mesure des besoins de la consommation.

Pour récolter les pois, on n'attend pas que la graine soit complétement mûre; on coupe à la faucille ou plus souvent on arrache les pieds lorsqu'ils sont encore un peu verts. On laisse sécher pendant quelques jours, puis on dépique au fléau sur l'aire ou à l'aide de gaules. Les pois sont ensuite vannés pour en séparer les fragments de gousses et les débris de feuilles.

On évalue à 15 hectolitres le rendement moyen d'un hectare. L'hectolitre vaut année ordinaire de 18 à 20 fr.

HOUBLONS. (BIÈRE).

L'étendue des différentes houblonnières dont en 1857 on a constaté l'existence dans la canton, n'est que de 9 hectares 61 ares.

A l'exception des terres sèches et arides ou marécageuses, le houblon vient dans toute espèce de terre, forte ou légère, sableuse, argileuse ou calcaire. Un terrain meuble, substantiel , profond et frais, est celui où le houblon prospère le mieux.

Nos cultivateurs le placent autant que possible sur des

champs en pente douce exposés au sud ou sud-est. Cette exposition est très-convenable au houblon, car on a constaté que l'air, la lumière et la chaleur sont des éléments essentiels à la prospérité de cette plante.

Le houblon se cultive sur le même terrain pendant dix à douze années consécutives. Il consomme beaucoup d'engrais, et n'en produit pas. C'est là sans doute un des motifs pour lesquels sa culture n'est pas plus étendue dans la canton. Une autre circonstance qui vient encore limiter l extension que l'on voudrait lui donner, c'est le grand nombre de bras qu'elle exige à un moment déterminé et dont l'absence ou seulement le retard met toute une récolte en péril.

En résumé, la culture du houblon n'est pratiquée ici que par des agriculteurs possédant une grande aisance, le petit cultivateur ne s'y livre pas.

Avant la plantation on fume, remue et ameublit profondément le terrain. On multiplie au printemps par drageons ou rejets. Les pieds sont espacés de lm,60 à 2 mètres en tous sens et le plus souvent on les dispose en lignes parallèles aux grands côtés du champ.

Les pieds femelles sont les seuls qui produisent des cônes.

Aussi la plupart des cultivateurs du canton ont-ils l habitude d'extirper de leur plantation tous les pieds mâles. C est peut-être un tort. En effet, en Angleterre où la culture du houblon a une très-grande extension, les plus savants agronomes ont toujours soin de mettre quelques pieds mâles dans leurs houblonnières ; ils prétendent que la qualité de la lupuline s 'en trouve notablement améliorée.

L'essai vaut la peine d'être tenté par nos cultivateurs de houblon, il ne leuv occasionnerait point de frais et pourrait contribuer à augmenter la qualité et même la quantité des produits.

La première année on donne au houblon un binage et on butte légèrement les nouvelles plantes que l'on soutient au moyen d'échalas. A la fin de l'été, il ne s'est développé qu'un

très-petit nombre de cônes, dont la récolte est insignifiante.

Ce n'est que l'année suivante que la plantation comporte les travaux habituels des houblonnières.

Après chaque récolte, on laboure le sol avec soin. Pendant l'hiver on applique la fumure annuelle. La plante est taillée vers la fin d'avril, on supprime aussi près que possible des racines toutes les pousses inutiles, et le jet central est raccourci à deux ou trois yeux d'où sortent les nouvelles tiges productives.

Après la taille, nos cultivateurs ont l'habitude de recouvrir le pied d'un peu de terre fine et de disposer l'engrais autour des jets conservés ; c'est alors aussi qu'ils leurs donnent des perches de 7 à 8 mètres de hauteur.

L'achat des perches forme un objet de dépense important. En moyenne on emploie 2500 perches par hectare. On se procure ces perches dans le canton même. Elles coûtent rendues sur place 35 à 40 fr. le cent.

Pour former chaque pied de houblon, on ne laisse que deux ou trois tiges, on retranche les autres et on attache à la perche celles qui restent. Les rameaux qui croissent à la partie inférieure des tiges, sont toujours supprimés.

Pendant tout le cours de la végétation on donne plusieurs binages et on amasse la terre au pied des plants.

La cueillette du houblon se fait dans la première quinzaine de septembre.

On coupe à environ 50 centimètres de haut, les tiges qui entourent les perches puis chacune de ces perches dégagée du sol est placée obliquement de façon à ce que les cônes soient mis à la portée des ouvrières. Celles-ci les cueillent un à un en y conservant environ un centimètre du pédoncule.

Quelques-uns de nos cultivateurs ne font pas cueillir les cônes sur place; ceux-ci, après avoir coupé les ceps de houblon, les détachent des perches, lient en bottes les branches auxquelles il y a des fruits et les font rentrer de suite dans

les hangars où elles sont déliées de crainte qu'elles ne s'échauffent, puis les fruits sont cueillis dans des paniers.

Aussitôt que les cônes sont détachés des ceps on les étend sur le plancher d'un grenier bien aéré pour être desséchés. Les perches débarrassées des tiges qui les entouraient sont dressées en faisceaux sur le terrain mème de la houblonnière, Le produit moyen d'un hectare a été pour l'année 1857 de 900 kilogrammes de houblon sec.

Le prix de vente s'est élevé à 300 fr. les 100 kilogrammes. On peut établir de la manière suivante, pour cette année, les recettes et les dépenses correspondant à la surface d'un hectare de houblonnière :

Le produit a été de . 2700 fr. Les dépenses y compris le dépérissement des perches et l'intérêt de leur prix d'acquisition se sont élevés à 1160

Ce qui laisse un bénéfice de ....... 1540 fr.

sur lequel il y a lieu d'imputer les intérêts de la valeur du sol et les impôts.

Ce bénéfice qui est exceptionnel, peut au premier abord sembler très-élevé ; cependant il ne l'est réellement pas autant qu'il le paraît. En effet sur trois récoltes, il y en a tout au plus une qui réussisse et souvent les produits des deux autres ne couvrent pas les frais de culture.

De 1847 à 1857, le produit a varié dans le canton de 85 à 1150 kilogrammes et ne s'est élevé en moyenne qu'à 800 kilogrammes par hectare.

Quant aux recettes et aux dépenses correspondant à la même

surface, les premières ont été année moyenne de . 1600 fr. les dernières de 1160

Ce qui fait un bénéfice de ....... 440 fr.

Dans l'espace de ces dix années, le prix de vente s'est trouvé en moyenne de 2 fr., après avoir varié de 1 fr. à 4 fr. 50 c. le kilogramme.

Les différences qu'on remarque dans le prix du houblon proviennent de la casualité de cette culture. Peu de plantes sont exposées à des accidents plus nombreux. Outre les vicissitudes de l'atmosphère, telles que gelées, pluies continues, sécheresses, etc., le houblon souffre des attaques des insectes et d'une maladie plus redoutable encore, la miellée, dont jusqu'à présent on est resté impuissant pour arrêter le développement et les ravages.

Les feuilles de houblon ne présentent que très-peu d'utilité pour la nourriture du bétail ; quant aux tiges dépouillées de leurs feuilles, on les convertit en fagots pour le chauffage des fours.

Bière.

La fabrication d'une bonne bière exigeant l'emploi d'une certaine quantité d'orge et de houblon, et la consommation de ces produits se rattachant essentiellement à la statistique agricole, nous allons indiquer sommairement, non pas la marche des diverses opérations qu'exige la confection de cette boisson, mais le chiffre aussi exact que possible des productions qui y sont employées, ainsi que le profit qui résulte pour le canton de cette manipulation.

Pour fabriquer un hectolitre de bière, nos brasseurs emploient ordinairement 50 litres d'orge.

La quantité de houblon dépend de l'élévation de la température , de la force que l'on veut donner à la bière, et du temps pendant lequel on veut conserver cette boisson ; on prend rarement plus d'un demi-kilogramme de houblon par hectolitre.

Il existe dans le canton neuf brasseurs qui en moyenne fabriquent par an 4000 hectolitres de bière.

Cette année la fabrication s'est élevée à 4500 hectolitres. Ce sont donc 2250 kilogrammes de houblon qui ont été employés dans le canton. Or, en 1857 le produit total des houblons a été de 8649 kilagrammes, en sorte que 6399 kilogrammes ont pu être exportés.

TABAC.

La culture du tabac n'a été autorisée dans l'arrondissement de Wissembourg que depuis deux ans.

Nous considérons cette mesure comme un véritable bienfait pour la contrée, car nous sommes persuadé que cette plante sera une source de richesse pour le canton , surtout si on ne tracasse pas trop ses exploiteurs.

Ainsi rien que du Palatinat on a exporté en 1856 pour 6 millions de feuilles, et cependant le tabac ne vaut sur place que 8 à 10 fr. les 100 kilogrammes. Les terres propres à cette culture se vendent 5 et même 6000 fr. l'hectare, non-seulement dans le Palatinat, mais encore dans le Wurtemberg, dans le pays de Bade et dans beaucoup d'autres parties des provinces d'outre-Rhin.

On sait que le tabac n'a commencé à être cultivé en Alsace, comme plante agricole, qu'en 1621. En 1680 on ne constatait, pour toute la province, qu'une culture de 128 arpents ou environ 32 hectares.

Les quantités de terres qui, dans chaque département peuvent être plantées de tabac pour l'approvisionnement des manufactures de l'État sont fixées tous les ans par une décision du ministre des finances.

Le conseil de préfecture fait ensuite la répartition de ce contingent entre les différents arrondissements.

Pour 1857 le département du Bas-Rhin a été autorisé à planter en tabac 2550 hectares, sur ce chiffre 125 hectares ont été réservés à notre arrondissement.

Le canton de Wissembourg n'en a cultivé que 3 hectares 10 ares; savoir :

Altenstadt 5 planteurs, 7 parcelles .... lh,30a Riedseltz 4 » 6 » .... 1 Steinseltz 4 » 8 » .... 0 80

Ensemble 13 planteurs , 21 parcelles .... 3h,10a

Un arrêté réglementaire de M. le préfet du département en date du 10 novembre 1856 a fixé les modes de culture, de livraison et d'exportation des tabacs.

Les termes de cet arrêté sont tellement clairs et explicites, la marche qu'il indique comme devant être suivie pour obtenir l'autorisation de culture, est si bien indiquée, qu'il est inutile d'entrer à cet égard dans les moindres explications. Il suffira de se reporter à cet arrêté pour avoir, sur les formalités à remplir, tous les renseignements désirables.

La culture du tabac consiste en trois opérations distinctes qui, cette année, ont été trop peu soignées dans la canton.

1° Le semis. Pour obtenir de bon tabac, il faut planter tôt, afin de pouvoir récolter de bonne heure. Le succés de la cul ture dépend donc beaucoup des soins donnés aux semis. Il faut que ceux-ci soient bien exposés, bien établis, bien conditionnés; il faut que le fond du sol sur lequel on sème, soit composé de fumier de cheval et non de fumier de bétail, la partie supérieure de terreau et non de terre ordinaire. Le cultivateur doit soigner ses semis, comme on soignerait des couches. Or, ici tout cela a fait défaut.

20 Le terrain auquel on confie les jeunes plantes de tabac doit avoir été préparé avant l'hiver par deux labours successifs et au printemps par un troisième labour plus profond. Il demande à être nettoyé avec un soin tout spécial, fécondé par des engrais riches et abondants; enfin le sol doit toujours être maintenu meuble et léger. Ces prescriptions encore n'ont été qu'imparfaitement suivies par nos planteurs.

30 L'écimage, le nettoiement des plantations, l'ébourgeonnement, auraient pu être mieux faits, principalement dans les communes d'Altenstadt et de Steinseltz, où les planteurs ont montré trop d'indifférence ; on leur reproche d'avoir, malgré la température favorable de l'année, fait la cueille trop tardivement.

Ce qui manque encore à nos cultivateurs, ce sont de bons moyens de dessiccation.

Les frais de culture d'un hectare de tabac peuvent être évalués à 650 fr.

Le produit moyen d'un hectare a été de 1830 kilogrammes. La valeur en argent de ce produit est de 1304 fr.

En soignant mieux la culture, un hectare pourrait facilement produire pour 15 à 1600 fr. de feuilles.

M. Boussingault, dans un remarquable mémoire sur la statique des plantes, donne pour le tabac les résultats généraux suivants :

Il évalue à 12,980k,40 le poids des plants secs venus sur une étendue d'un hectare.

D'après son analyse ces plants contiendraient :

4501k,60 de carbone,

436kJ 14 d'azote,

115k,53 d'acide phosphorique,

441k,33 de potasse.

Pour fournir aux plants les éléments indiqués il leur aurait fallu 106,244 kilogrammes de fumier de ferme. Mais le savant chimiste fait remarquer qu'une partie seulement des feuilles de tabac sont enlevées. Les petites pousses et les tiges reviennent au sol, sont brûlées ou enfouies vertes. Or, déduction faite des éléments contenus dans les feuilles livrées à la régie, il reste encore de la récolte totale :

292k,29 d'azote,

91k,15 d'acide phosphorique,

349k,41 de potasse.

C'est donc moins une consommation qu'une avance considérable d'engrais, que la plantation du tabac exige du cultivateur.

D'après les règlements, aussitôt la cueillette des feuilles pratiquée, les plants de tabac doivent être arrachés. Néanmoins, dans sa culture, M. Boussingault a cru-devoir en laisser un certain nombre, dans le but de savoir ce que deviendraient de très-petites feuilles que portaient les tiges. Cela lui

a donné l'occasion d'observer une végétation nouvelle dont le résultat eût été, pour la totalité, de 545 kilogrammes de tabac sec. En présence de ce résultat, on se demande s'il ne serait par bon d'autoriser les cultivateurs de tabac à tirer par ce moyen tout le parti possible de leurs peines et de leurs avances, c'est-à-dire de leur permettre de conserver leurs plants de manière à en obtenir une sorte de regain.

C'est une question que l'administration fera sans doute examiner, et si la solution devait en être avantageuse pour le planteur, il est certain que l'autorisation dont il s'agit ne lui serait pas refusée.

JARDINS.

L'étendue des jardins potagers et autres dont les produits sont consommés soit en totalité, soit en partie seulement par leurs possesseurs est, dans le canton, d'environ 48 hectares.

Les principales plantes qui y sont cultivées sont : les choux, différentes variétés de carottes, les salades, les pois, les haricots , les oignons, et en plus ou moins grande quantité toutes les verdures, tous les légumes maraîchers acclimatés en Alsace.

La valeur des différents produits des jardins peut être fixée à environ 18 ou 20,000 fr.

Les frais de culture atteignent un chiffre moyen de 8 à 9000 fr.

Il existe en outre environ.2 hectares de jardins cultivés par des jardiniers de profession et dont le produit est destiné à la vente.

Cette culture consiste tout particulièrement en légumes fins et primeurs, replants de différentes espèces, fleurs rares et du pays, pépinières d'arbres à fruits et d'arbres d'ornement, etc.

La valeur des divers produits vendus par ces jardiniers est d'environ 8000 fr.

Les irais de culture, y compris la valeur du travail des possesseurs , peuvent être évalués à 3000 fr.

PLANTES FOURRAGÈRES.

Prairies artificielles.

Sous le rapport de la culture des fourrages artificiels, le canton de Wissembourg n'est pas à la hauteur à laquelle il devrait être placé. Il est vrai que les cultivateurs de la plaine admettent les prairies artificielles dans leurs assolements, mais ils leur accordent une place trop restreinte, tout juste ce qu'il faut pour l'entretien rigoureux de leurs bêtes de trait.

C'est un grand tort.

Dans un pays où les céréales sont le principal objet de la culture, il n'y a de véritable salut pour le cultivateur, que dans les fourrages artificiels, alternant, dans de bonnes conditions et des proportions convenables, avec les récoltes épui- * santes; sans cela les grains sont produits chèrement et presque sans profit; partant point de progrès.

L'étendue des prairies artificielles du canton n'est que de " 431 hectares, il devrait être au moins d'un tiers en sus ; l'élève du bétail y gagnerait et l'agriculture également.

Trèfle.

Dans nos contrées le trèfle rouge est le plus généralement adopté. Cependant depuis quelques années on cultive aussi le trèfle incarnat.

La plus grande partie de nos plantes fourragères, et notamment le trèfle ordinaire, la luzerne, le sainfoin, n'étaient que fort peu répandus au commencement du seizième siècle; ce n'est que vers 1775 que les deux premiers furent cultivés sur une grande échelle dans la haute et basse Alsace. La culture du sainfoin ne s'est pas vulgarisée dans le canton de Wissembourg.

Le trèfle se sème ordinairement dans l'avoine, l'orge et les blés d'hiver. Dans ce dernier cas on herse. Quelques cultivateurs passent avec le râteau sur le blé pour couvrir la graine, d'autres emploient seulement le rouleau.

Quand le sol est propre, on ne donne au trèfle qu'un hersage préparatoire sans labour, et un hersage sur la semaille. Si la terre n'est pas bien nette, on laboure une fois avant le hersage. Quelques cultivateurs négligent néanmoins les précautions nécessaires pour assurer la réussite des semailles de trèfle ; ils se contentent de jeter la semence sur le sillon brut, sans herser ni rouler le terrain. Dans ces circonstances une mauvaise récolte est souvent le résultat de leur insouciance.

On sème le trèfle dans la proportion de 20 à 25 kilogrammes par hectare.

Le plâtrage, sans être d'un usage général dans le canton, est cependant employé par un grand nombre de propriétaires qui prétendent s'en très-bien trouver, surtout pour les terrains secs.

Le plâtrage a lieu au printemps à la dose d'environ 4 hecto-titres par hectare.

Le trèfle occupe le sol pendant deux années. On en fauche la plus grande partie pour être consommée en vert. Soit que l'on fauche en vert, soit que l'on fasse du foin, c'est toujours à la seconde coupe que l'on récolte la graine.

L'année où il a été semé, le trèfle donne quelquefois une coupe, mais elle est de peu d'importance. La deuxième année il en fournit deux, avec la graine, trois sans graine. Il réussit rarement la troisième année.

On évalue le produit d'une première coupe de deuxième année à 40 quintaux métriques de foin par hectare. La seconde coupe rapporte 30 quintaux métriques de trèfle à graine, qui rendent de 150 à 400 kilogrammes de graine, suivant l'année.

On fauche à la faux, ou à la faucille lorsque l'on ne veut en couper qu'une petite quantité à la fois.

Les détails de fenaison n'ont rien de particulier.

On bat la graine de trèfle à fond sur l'aire. On la nettoie au tarare et aussi au crible.

Le prix moyen d'un kilogramme de graine varie de 1 fr. à 1 fr. 50 c.

Le trèfle incarnat n'est cultivé ici que dans de très-petites proportions.

On lui réserve d'ordinaire de bonnes terres argileuses. Aussitôt la moisson faite, c'est-à-dire vers la fin de juillet, on retourne légèrement la terre et on sème la graine en bourre à raison de 6 hectolitres environ par hectare.

Le semis se fait à la volée. Nos cultivateurs recouvrent la semence au moyen d'un hersage.

Le trèfle incarnat est fauché en avril ou en mai, lorsqu'il commencè à fleurir.

La moyenne du produit par hectare est de 35,000 kilogrammes.

Cette légumineuse est très-avantageuse pour le cas de disette de foin, car elle fournit un fourrage vert très-précoce.

Luzerne.

Quoique la luzerne soit la plus importante des plantes propres à former des prairies artificielles ou temporaires, le canton ne possède qu'une très-petite étendue de luzernières; c'est que cette plante demande un sol riche et que sa durée se prolongeant au delà de cinq ou six ans, met les terrains qui en sont couverts en dehors de l'assolement usité.

Avant de semer la luzerne, nos cultivateurs préparent le sol par un labour de défoncement avec une charrue très-pénétrante. Quand le champ a été vigoureusement hersé, roulé et émotté, ils procèdent aux semailles.

Le semis à la volée est le seul usité. On sème au printemps, dans une céréale qui succède elle-même à une plante sarclée.

On sème dru, le double du trèfle; souvent on ajoute à la semence de la graine de cette dernière plante. La proportion est de 20 pour 100 environ. A Rothenfels, qui peut passer pour une des fermes-modèles du pays de Bade, on mêle ordinairement à la luzerne un cinquième de raygrass. Ce mélange produit un excellent effet; nos cultivateurs devraient l'adopter.

On enfouit la semence avec la herse ou le râteau. Elle ne commence à pousser que dans les premiers jours de mai par 10 degrés de température moyenne.

La luzerne fournit deux coupes dès l'année des semailles; les années suivantes on en obtient quatre ou cinq.

Le rendement de la luzerne est plus considérable que celui de toute autre plante fourragère. Si l'on compare un bon pré à une bonne luzernière, on peut évaluer le produit de cette dernière à moitié en sus de celui du pré.

Les procédés de dessiccation ne diffèrent pas en général, de ceux employés pour le foin et le trèfle..

D'ordinaire les récoltes de luzerne ne se vendent pas ; c'est un fourrage que nos cultivateurs réservent exclusivement à leurs bestiaux.

On rompt une luzernière par un labour profond donné pendant l'hiver, et sur lequel au printemps on sème une céréale d'été qui donne une récolte double et même triple de celle qu'on obtient dans les conditions de l'assolement ordinaire.

Après la rupture d'une luzernière le champ se trouve fumé pour trois ou quatre ans, sans qu'il ait besoin d'aucun autre engrais.

Prairies naturelles.

Les prairies naturelles sont nombreuses dans le canton. On pourrait presque dire : autant de vallons autant de prairies.

Elles sont généralement un peu étroites, resserrées par des coteaux et des montagnes, et parcourues par des ruisseaux.

L'étendue totale des prairies est pour le canton de 1590 hectares.

Les trois quarts environ de ces prairies exigeraient des travaux d'assainissement complets ou partiels, des nivellements, des systèmes d'irrigation mieux combinés. Nos cultivateurs bornent en général les travaux d'entretien des prairies à quelques rares fumures, à l'extraction plus ou moins soignée des plantes nuisibles et à la destruction des taupes.

Il existe malheureusement trop de propriétaires qui se contentent de demi-mesures. Que leurs prairies soient trop humides, ils se borneront à y pratiquer quelques rigoles d'écoulement, presque toujours insuffisantes pour en faire disparaître complètement les joncs et les mousses. Qu'elles soient trop sèches, ils attendront que la pluie vienne les arroser, ou, tout au plus, utiliseront-ils au profit d'une partie de leur fonds, les eaux qui par leur pente, et avec quelques minces travaux, auraient pu le fertiliser tout entier.

Ces prairies qu'on abandonne ainsi aux soins de la nature, ne sauraient-elles donc recevoir d'amélioration par ceux de l'homme? La culture doit-elle en être bannie?

Certainement non.

Ces cultivateurs insouciants ont devant les yeux l'exemple qui leur est donné chaque jour par les travaux d'agriculteurs éclairés et infatigables. Ils peuvent se convaincre facilement qu'il est peu de prairies naturelles qui ne puissent être améliorées par des soins assidus. Les engrais, les amendements, le desséchement, le drainage, l'irrigation, peuvent produire des effets surprenants.

Qu'on se mette donc à l'œuvre, et bientôt nos prairies se couvriront d'une luxuriante végétation, et là où poussait à peine de quoi maigrement nourrir une vache, on récoltera la quantité nécessaire de fourrage pour entretenir plusieurs bestiaux.

En général l'irrigation n'est pratiquée que dans les prés où elle est très-facile et où le terrain la commande pour ainsi dire; ses avantages seraient cependant incontestables. Elle pénètre la terre et apporte aux racines des plantes les principes fertilisants que l'eau contient. Il est prouvé aujourd'hui que les prairies irriguées avec soin donnent une récolte bien supérieure à celle des prés non irrigués. Nos cultivateurs le savent, mais une déplorable apathie fait qu'ils négligent souvent d'entreprendre les travaux qui permettraient de distribuer à propos l'eau qui fertiliserait leurs propriétés.

Pour l'agriculteur intelligent, qui la dispense avec discernement sur la surface du sol, l'eau est une source inépuisable de richesse. Si le cultivateur y réfléchissait d'avantage, il se dirait : « Les prairies nourrissent nos bestiaux, les bes« tiaux donnent du fumier, le fumier fait pousser toutes les « plantes; le foin, c'est donc pour nous le bien-être. Qui a « du foin a du pain. » Au lieu de raisonner ainsi, il continue son ancienne routine, ou pour mieux dire, il ne fait rien et il éprouve par sa faute des pertes immenses.

On ne saurait assez engager nos cultivateurs à irriguer leurs prairies. Dans la plus grande partie des banlieues des communes du canton c'est une opération assez facile; elle est toujours très-productive.

L'eau produit de l'herbe sur tous les terrains, cependant il n'est pas douteux que son action varie dans ses effets, suivant la composition et la disposition du sol sur lequel elle s'exerce; et aussi, suivant la nature de l'eau irrigante.

Voici à cet égard quelques données dont l'expérience a prouvé l'exactitude.

Au moyen de l'irrigation, les sols sableux peuvent être facilement convertis en bonnes prairies. Pour cela il faut les recouvrir de gazon convenablement tassé afin de fixer le sable. La première irrigation doit être abondante, et si l'eau est trouble, cela n'en vaut que mieux, car le limon qu'elle dépose contribue à raffermir l'engazonnement.

Les meilleures prairies se trouvent sur les sols moitié sable moitié argile ; toutes les eaux leur profitent, pourvu qu'elles ne soient pas de mauvaise nature. Ces terrains n'exigent qu'une faible quantité d'eau.

Les sols calcaires ne conviennent bien aux prés que lorsqu'ils sont arrosés ; car chauds de leur nature, ils sont exposés à souffrir de la sécheresse. Pour eux toutes les eaux sont bonnes, et notamment celles de sources.

L'irrigation est également avantageuse aux prés tourbeux, et même^L^jbre/jmpçécageiix; l'eau trouble et chargée de vase

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est la meilleure pour les uns et pour les autres, mais il faut qu'ils aient été préalablement drainés.

Les sols glaiseux conviennent peu aux prairies ; l'irrigation y est difficile, elle ne doit pas être prolongée, et il ne faut y employer que les eaux des ruisseaux, des rivières ou des sources non froides.

Avant de commencer les travaux d'irrigation, le cultivateur fera donc bien d'examiner la nature du sol sur lequel il voudra opérer; de cette façon, et en suivant les indications sommaires que nous venons de consigner ici, et qui ont été savamment développées dans un excellent travail de M. le professeur Malagllti, il sera certain d'un résultat toujours avantageux.

L'usage admis est de donner aux rigoles maîtresses environ 25 centimètres de largeur, et 18 à 20 centimètres de profondeur ; aux rigoles d'écoulement, 15 centimètres sur 10.

Pour ce travail on coupe la terre gazonnée, sur les deux côtés de la rigole, avec la bêche, ou mieux, avec un instrument spécialement approprié à cet usage. Le gazon étant détaché on l'enlève et on cure le fond de la rigole. On donne de la pente si cela est nécessaire et on laisse ensuite couler l'eau sur la prairie suivant les besoins. Quand on veut arrêter l'irrigation, on place le gazon il l'endroit où arrive l'eau, ce qui en intercepte l'entrée.

On attend toujours la maturité pour la fauchaison ; elle commence, dans nos contrées, à la Saint-Jean, et souvent en juillet.

Ici se présente la question suivante : A quelle époque le foin est il réellement mûr pour la récolte ; et quand cette récolte doit-elle avoir lieu?

En thèse générale, si le foin est destiné à des bêtes à cornes, il faut le couper le plus tôt possible ; s'il doit être donné à des chevaux, c'est le contraire qu'il faut faire. Les bêtes bovines aiment le foin qui a été fauché de bonne heure; les chevaux aiment un foin sec et fibreux.

Ceux de nos cultivateurs qui ne considèrent la valeur du

fourrage que par son poids brut, attendent pour faucher que la plupart des graminées qui composent leur prairie, aient amené leurs graines à maturité. C'est une faute. Si le foin gagne en poids, il perd souvent en qualité.

Il convient de faucher un grand nombre de plantes à l'époque de la floraison plutôt qu'à celle de la maturité des graines. Nous citerons les suivantes qui se rencontrent assez communément dans les prairies du canton : Avoine jaunâtre, avoine des prés, brome stérile, brome à plusieurs fleurs, fétuque élevée, houlque mou, paturin des prés, houlque laineux, fétuque des prés, etc. Il est préférable d'attendre l'époque de la maturité des graines pour les prairies qui sont principalement composées d'agrostis traçant, de dactyle pelotonné, de fléole des prés, de fétuque rouge, de flouve odorante, d'ivraie vivace, de paturin commun, etc.

Les foins se coupent à la faux et presque toujours à la journée.

La journée d'un faucheur est de 1 fr. 50 c. sans nourriture. Le fauchage d'un hectare revient de 6 à 8 fr.

Le fanage se fait comme partout et ne comporte aucune pratique spéciale au canton ou au pays.

On rentre le foin non bottelé dans les greniers.

Les regains se font à la fin d'août ou au commencement de septembre.

Sur les 1590 hectares de prairies naturelles 364 hectares seulement sont irrigués artificiellement, tandis que 800 au moins pourraient l'être sans grandes difficultés.

Le produit moyen en foin par hectare de prairie non irriguée est de 32 quintaux métriques ; sur les prairies irriguées on en récolte 40 à 42 quintaux.

Le prix moyen du quintal métrique de foin a été cette année de 6 fr.

Les frais de récolte et autres par hectare sont d'environ 50 fr.

Les prairies du canton donnent ordinairement deux récoltes,

le foin et le regain ; quelques-unes, d'une qualité exceptionnelle, donnent une seconde coupe de regain en octobre.

Les principales plantes fourragères, graminées et légumineuses , qui composent les bonnes prairies du canton, sont les suivantes :

Dactylis glomerata (dactyle pelotonné), c'est une des meilleures graminées fourragères ; elle est-très-rustique et réussit parfaitement dans tous les terrains.

Festuca pratensis (fétuque des prés), qui forme la base des meilleurs fourrages verts tardifs.

CynOSttr1ts cris ta tus (crételle des prés), cette plante se rencontre surtout dans les terrains élevés; elle est l'indice certain d'une'prairie de bonne qualité.

Holcus lanatus (houlque laineux), on trouve cette graminée dans presque tous les prés, cependant elle préfère ceux qui sont humides ou irrigués.

Phleum pratense (grande fléole), c'est dans les terrains. humides, argileux et marécageux que l'on rencontre principalement la fléole; c'est là qu'elle vient le mieux. Excellent fourrage.

Anthoxanthum odoratum (flouve odorante), graminée qui communique au foin une très-bonne odeur.

Festuca elatior (fétuque élevée), excellente plante, fourrage abondant et de première qualité. On la trouve dans les terrains bas et frais.

Poa pratensis (paturin des prés), fourrage très-hâtif et de bonne qualité. Toute espèce de terrain lui convient.

Bromus mollis (brome doux) , végète bien dans les prés les plus secs et même dans les sables arides.

Lolium perenne (ivraie vivace, raygrass anglais), affectionne les lieux montagneux et frais.

Àvena flavescens (avoine jaunâtre), c'est une des meilleures graminées pour les terrains secs.

Avena elatior (fromental), se plaît surtout dans les terrains frais et substantiels.

Trifolium repens (trèfle blanc nain), plante vivace, réussissant bien dans tous les terrains.

Lotus corniculatus (lotier), fourrage recherché de tous les bestiaux.

Vicia Cracca (vesce multiflore) ;

Vicia sepium (vesce des haies), plantes vivaces, produisant dès le premier printemps un fourrage abondant et d'excellente qualité.

Lathyruspratensis (gesse des prés), qui réussit dans les plus mauvais terrains.

Poterium Sanguisorba (pimprenelle), plante précieuse par la faculté qu'elle a de résister aux plus grands froids, et dans les étés chauds et secs de continuer à végéter malgré la chaleur.

Parmi les plantes nuisibles ou mauvaises qui abondent dans quelques-unes de nos prairies de qualité inférieure, il faut ranger d'abord les laiches et les joncs ; ils produisent des foins aigres de peu de valeur. Puis, le colchique, les prèles, les mousses, les euphorbes, la ciguë, la jusquiame et toutes les espèces de renoncules. Ces dernières sont surtout nuisibles aux animaux, quand on les leur donne en vert.

, PATURAGES OU PRÉS NON FAUCHABLES, BRUYÈRES ET PATIS.

Les pâturages, bruyères et pâtis occupent dans le canton une étendue de 523 hectares.

Ce genre de terrains ne se compose généralement que de parties marécageuses presque improductives,- ou bien encore de bruyères indéfrichables.

Le nombre de, quintaux métriques de foin produit par ces pâturages peut être évalué annuellement à 2520.

La valeur totale de cette production est en moyenne de 5040 fr.

Le nombre approximatif de quintaux métriques de foin re-

coltés, 1° dans les forêts est de 3200 ; 20 dans les prés fauchés, le long des chemins, les fossés, etc., de 15,800.

La valeur totale de ces quantités est d'environ 18,000 fr. Une grande partie de ces fourrages est abandonnée aux bêtes à laine que l'on conduit au pâturage ; ou aux bestiaux des cultivateurs pauvres.

NOMENCLATURE DES PLANTES CARACTÉRISTIQUES DES DIFFÉRENTS TERRAINS QUE L'ON RENCONTRE DANS LE CANTON DE WISSEMBOURG.

Terrains argileux.

Les principales plantes qui dans le canton, se trouvent sur les terrains de nature argileuse sont : les Tussilago Farfara (tussilag-e, pas-d'âne), Potentilla reptans (quinte-feuille), Polentilla argentea (argentine).

Terrains calcaires.

On y trouve : les Tussilago Farfara (tussilage, pas-d'âne) , Campanula glomerata (campanule, clochette), Galium (gaillet), Lilhospermum officinale (grémil), Veronica spicata (véronique) , Clematis vitalba (clématite).

Terrains ferrugineux.

On y rencontre surtout: les Oxalis acetosella (oxalide), Rumex Acetosa (oseille sauvage des prés), Rumex Acetosella (petite oseille des champs).

Gravier.

Le sol de cette nature est caractérisé par les Arenaria rubra (sabline), Veronica verna (véronique printannière), Veronica triphyllos (véronique à trois feuilles).

Terrains tourbeux.

Les plantes qui affectionnent cette nature de terrain sont : les Vaccinium Oxycoccos (canneberge), Erica vulgaris (bruyère), Tormentilla (tormentille).

Terrains humides (submergés).

Ces terrains produisent : les Lythrum Salicaria (salicaire ordinaire), Calthapalustris (populage).

Terrains d'alluvion secs.

On y trouve : les Polygonum amphibium (renouée), Thymus SerpyUum (serpolet), Arundo Phragmites (roseau commun).

Terrains d'alluvion cultivés.

Ils sont caractérisés par : les Stachys palustris (épiaire des marais), Anagallis arvensis (mouron), Lithospermum arvense (grémil), Sherardia arvensis (shérarde).

Terrains d'alluvion froids et peu fertiles.

Equisetum arvense (prèle des champs).

Terres meubles d'alluvion; sables mouvants.

Spergula arvensis (spargoute ou espargoute).

Lœss léger et fort.

Senecio arvensis (seneçon).

Terrains d'alluvion sablonneux légers.

Thlaspi bursa pastoris (bourse à pasteur), Lamium purpureum (ortie morte).

Terrains très-secs.

On y rencontre surtout le Scleranthus annuus (gnavelle). Sur les bords de la Lauter on trouve fréquemment : le Bunium verticillatum, le Carex Linnœana, le Centunculus minimus, le Juncus ericetorum, le Scutellaria minor, le Sagina nodosa, etc.

Dans les marécages et les fossés qui se rapprochent de la chaîne des Vosges on rencontre en profusion l' Helosciadium nodiflorum et le Nasturtium officinale.

(Voy. les deux tableaux, p. 104 et 105.)

TABLEAU COMPARATIF DES PRODUCTIONS.

^ ^ ÉTENDUE PROPORTION ÉTENDUE ÉTENDUE DE L'ÉTENDUE CULTIVÉE DESIGNATION DES TERRES CULTIVÉES DES TERRES DES TERRES DES PRAIRIES AVEC CELLE DES PRAIRIES CULTIVEES EN ARABLES

DES - CÉRÉALES A EN GÉNÉRAL,

EN FROMENT , EN CELLES CULTI- NON COMPRIS

COMMUNES. EPEAUTRE, POMMES DE VËES EN POM- LES PRAIRIES ARTIFICIELLES NATURELLES. ARTIFICIELLES NATURELLES.

SEIGLE ET TERRE MES DE TERRE. ARTIFICIELLES

ORGE. liante..

Hecl. Ar. llect. ir. Hect. Ar. Uect. Ar. Uect. Ar. Hect. Ar. Hect. Ar. llect. Ar, WISSEMBOURG 229 — 80 — 2 86 413 70 42 — 150 — 9 85 2 75 ALTENSTADT 581 96 174 23 3 24 1073 34 100 13 352 04 10 61 3 05 CLÉEBOURG 101 96 38 80 2 62 206 21 35 24 133 95 5 56 1 54 CLIMBACH 41 — 33 — 1 24 81 19 13 14 37 62 6 17 2 18 LEMBACH 335 — 174 — 1 92 559 50 90 — 300 — 6 21 1 86 NIEDERSTEINBACH .... 58 — 70 — 1 20(') 136 60 4 — 35 — 34 15 3 90 OBERSTEINBACH 55 17 61 18 1 LL(') 141 19 9 — 57 — 15 68 2 47 OBERHOFFEN 53 — 25 — 2 12 85 72 12 — 77 70 7 14 1 10 RIEDSELTZ 318 —I 73 — 4 30 597 25 41 — 205 — 14 56 2 91 ROTT 77 — 24 — 3 20 130 — 25 — 64 96 5 80 2 01 STEINSELTZ 96 37 38 19 2 52 194 02 29 65 108 05 6 54 1 79 WINGEN 135 — 70 — 1 93 230 — 30 — 69 — 7 66 3 33 WEILER n'a point de banlieue. — — — — — —

RÉSUMÉ pour le canton. 2081 46 861 40 2 41 3848 72 431 16 1590 32 8 92 2 42

(1) En faveur des pommes de terre.

PRODUCTION DES PRAIRIES NATURELLES ET ARTIFICIELLES.

PRÉS ARROSÉS NATU- PRÉS ARROSES ARTIFI-- ...,PRtï> ARTIFICIELS.

PRES . NON IRRIGUES. RELLEMENT. CIELLEMENT.

COMMUNES.

ÉTENDUE PRODUIT VALEUR ÉTENDUE PROPUIT VALEUR ÉTENDUE PRODUIT VALEUR ÉTENDUE PRODUIT VALEUR

CD hectares J,)"",",) en ol'gent. en hectares. |"#) en argent, en hectares. en argent. en hectares. m40) on argent.

Ilect. Ar. Fr. Ilcct. Ar. l'r. lIect. 4r. Fr. lleet. Ar. Fr.

WissEMBOURG... 123 — 3,886 27,202 28 — 1,120 7,840 — — — 42 — 1,680 11,760 ALTENSTADT ... 352 04 11,124 77,768 — — — — — — 100 13 4,005 28,035 CI,ÉEBOURC.. ... 8655 2,735 19,145 47 40 1,896 13,272 — — — 35 24 1,408 9,856 CLIMBACH .... 39 — 1,232 8,634 8 62 344 2,408 — — — 13 14 525 3,675 LEMBACII .... 60 — 1,896 13,272 40 — 1,600 11,200 200 — 7,200 50,400 90 — 3,600 25,200 NIEDERSTEINBACH . 5 — 158 1,106 — — 30 — 1,080 7,560 4 — 160 1,120 OBERHOFFEN ... 23 25 734 5,138 — — — 55 — 1,980 13,860 9 — 360 2,520 OBERSTEINBACH .. 16 14 510 3,570 _ _ — 38 71 1,393 9,751 12 — 480 3,360 RIEDSELTZ ... 190 — 6,004 42,028 5 — 200 1,400 — — — 41 — 1,640 11,480 ROTT 64 96 2,052 14,364 — — — — — _ 25 — 1,000 7,000 STEINSELTZ ... 106 61 3,268 22,876 — — — 1 44 51 357 29 65 1,186 8,302 WINGEN .... 30 — 9q,8 6,636 10 - 400 2,800 39 — 1,404 9,828 30 — 1,200 8,400

TOTAL ... 1087 15 34,547 241,739 139 02 5,560 38,920 364 15 13,108 91,756 431 16 17,244 120,708

Les pâturages, bruyères, pâtis, etc., couvrent 523 hectares et produisent une récolte de 2520 quintaux métriques qui valent 5,040 fr.-Les fourrages récoltés sur les terres en chômes, les fossés, etc., s'élèvent à environ 18,000 quintaux métriques, et représentent une valeur de 18,000 fr.

VIGNES.

La culture de la vigne joue un rôle important dans les communes de Wissembourg, Rott, Steinseltz, Cléebourg, Riedseltz et Oberhoffen.

La vigne est presque généralement plantée sur des collines à l'exposition du levant et du midi. Dans toutes les localités où elle est cultivée, elle est l'objet d'une attention toute particulière.

L'influence du sol sur la vigne ne saurait être mise en question; mais en présence de la variété de terrains où cette plante prospère, il est impossible de déterminer d'une manière absolue le sol par excellence que la vigne préfère.

Le choix des cépages, combiné avec celui du terrain, voilà en définitif le grand secret pour obtenir des vins de mérite. Certaines bases minéralogiques ont aussi une part prépondérante dans la production des vins fins.

Dans nos contrées l'altitude la plus favorable à la vigne est celle de 200 à 300 mètres.

La plantation s'opère à fossés et à défoncement ; le terrain est travaillé à bras par un labour profond, puis on y plante en lignes régulières et à un mètre de distance, deux crossets de vignes que l'on a préalablement élevés en pépinière pendant un ou deux ans. Après les avoir recouverts de terre, on raccourcit ces crossets à deux yeux.

L'époque le plus ordinairement choisie pour la plantation est le mois d'avril ou le commencement de mai. Dans les terrains chauds on plante quelquefois en automne.

Quand les vignes sont nouvellement plantées, on y multiplie autant que possible les labours. On utilise pendant deux ans le terrain en associant à la jeune vigne différentes plantes légumineuses

Le provignage ne se fait que par exception, lorsqu'un cep vient à manquer; alors on prend un fort sarment de la souche voisine, on le couche dans un trou de 25 à 30 centimètres

de profondeur, on le recouvre de terre et on taille à deux yeux.

Après la première pousse on détache à demi le provin de la, souche mère, et la seconde année on le détache en entier.

Dans tout le canton, la vigne est plantée en berceaux formés à la hauteur d'un mètre au-dessus du sol. On emploie à cet effet des pieux ou piquets fortement fichés en terre, et par-dessus ces pieux, on fixe des traverses auxquelles on attache les branches des vignes.

Pour un hectare il faut environ 6400 pieux et 6000 traverses. Le cent de pieux coûte 15 à 16 fr. , le cent de traverses 20 à 24 fr.

La taille de la vigne se fait à la serpette.

Lorsque le cep est assez fort, on y laisse trois arceaux. La vigne est piochée en mars et avril-, on la bine en juillet et août. La disposition des vignes rend ce travail très-pénible ; le vigneron est obligé de se tenir fortement courbé pour pouvoir passer sous les berceaux et parfois même il ne peut travailler qu'agenouillé.

D'ordinaire on fume après la première plantation, puis tous les quatre ou cinq ans, quand la vendange est faite. La quantité" d'engrais employée par hectare est très-variable ; pour une bonne fumure on emploie 450 à 500 quintaux métriques de fumier.

La floraison de la vigne coïncide, en général, avec une température de 15 à 16 degrés centigrades; elle est dans toute sa plénitude à 18 degrés; au delà de ce terme, lorsque la température s'est élevée à 20 degrés, la vigne a passé fleur. Un temps sec et chaud favorise la floraison; la fleur, au contraire, est sujette à couler quand le temps est froid et pluvieux.

Dans le canton de Wissembourg, pour que la qualité du vin soit bonne, il faut que la vigne fleurisse du 15 au 30 juin et que cette floraison ne soit pas contrariée par la pluie ou le froid.

En 1857, le temps atmosphérique a été généralement favo-

rable à la vigne. La température moyenne de juin s'est élevée à 180,9, et après avoir atteint, au mois d'août un maximum de 380,5, elle n'est pas descendue au-dessous de 16 degrés pendant tout le mois de septembre. Du 1er avril au 30 septembre il n'y a eu que 29 jours de pluie.

Toutes les fois que ces circonstances météorologiques se reproduisent sans grandes variations, on peut être assuré que les vendanges seront bonnes, et que le vin sera de qualité supérieure. Au contraire, lorsque la température moyenne de l'été ne dépasse pas 16 à 17 degrés, on peut, prédire que le vin sera mauvais.

On ne pince et on n'ébourgeonne qu'assez exceptionnellement.

Dans le canton, les vignes ont une durée approximative de cinquante à soixante-ans ; cela dépend de l'espèce de cépage, de la nature des terrains et de causes diverses, qu'il est impossible d'énumérer dans leur ensemble. La longévité et la fertilité de la vigne se prolongent plus ou moins, suivant qu'elle se trouve dans un terrain plus riche, mieux préparé, et que sa culture est dirigée avec une intelligence et des soins plus soutenus. Dans les sols ordinaires, les produits de nos vignes atteignent, en général, leur maximum d'élévation de la dixième à la trentième année à compter de leur plantation, puis elles vont en diminuant jusqu'à la cinquantième année, époque où il faut remplacer par du jeune plant les ceps vieillis et rabougris.

Dans les terrains privilégiés, ces produits se soutiennenl jusqu'à l'âge de quatre-vingts et même de cent ans, surtout si la végétation est soutenue et favorisée par des engrais distribués avec discernement.

La vendange a lieu le plus souvent dans le courant d'octobre. Les bans qui en déterminent l'époque, sont généralement respectés.

La récolte se fait ainsi qu'il suit :

Les raisins sont coupés par des femmes et jetés dans des

baquets qu'elles vident dans des tandelins. Lorsque les tandelins sont remplis, des hommes les transportent vers de petites cuves placées à proximité de la vigne, ils y jettent les raisins, qui, immédiatement après, sont pilonés et réduits en moût. Le moût est mis dans de grandes cuves ; l'usage est de l'y laisser fermenter pendant quelques jours, puis on soutire et on porte le marc au pressoir. Après le pressurage on met le vin en tonneau et il y reste jusqu'au printemps, époque où on le sépare de la lie.

Les marcs sont utilisés, soit à la distillation pour en obtenir une eau-de-vie connue sous le nom d'eau-de-vie de marc, soit à la fabrication du vinaigre, soit enfin, mais très-peu dans ce canton, à la nourriture des bestiaux. Avec le résidu de la distillation nos tonneliers font des mottes à brûler.

Les vins du pays sont blancs ou rouges ; le vin blanc prédomine.

Ils sont trop peu renommés et pas assez recherchés, car ils ne manquent pas de mérite, et lorsque l'année est favorable, le vin rouge surtout est fort bon. Lors de l'exposition générale de 1855, les vins de Wissembourg ont obtenu à Paris une médaille de première classe.

La consommation locale et celle des communes voisines forment presque les seuls débouchés des vins produits dans le canton.

Avant 1822, les produits de nos vignobles trouvaient un placement facile et avantageux dans les localités du Palatinat qui nous avoisinent. Mais depuis cette époque la confédération germanique a frappé l'importation des vins de France d'un impôt qui s'élève aujourd'hui au chiffre exorbitant de 60 fr. l'hectolitre. La vente dans les états du Zollverein devient dès lors impossible pour nos vignerons, et les vins du ' pays sont privés d'un débouché précieux.

Alarmés de cet état de choses, les viticulteurs du canton , et ceux de toute l'Alsace, ont porté au gouvernement leurs

justes réclamations. Malheureusement il leur a été impossible jusqu'à présent d'obtenir une solution conforme à leurs vœux, c'est-à-dire une juste et libérale réciprocité dans l'entrée et la sortie des vins étrangers et des vins français.

La vente des vins se fait par les propriétaires avec l'intervention des tonneliers qui règlent le prix de vente.

On estime qu'un hectare de vignes produit par année environ 60 hectolitres de vin. Le prix moyen est, année ordinaire, de 20 fr. l'hectolitre. Depuis 1853, ce prix a éprouvé une hausse considérable, et à la Saint-Martin dernière les vins de 1857 se sont vendus, le rouge à raison de 50 fr. l'hectolitre, et le blanc à raison de 27 fr.

Les frais d'exploitation d'un hectare de vignes peuvent être évalués ainsi qu'il suit :

1° Dépérissement des pieux et traverses, en moyenne. 84 fr. 2o Frais généraux de culture et engrais 364 3° Vendanges et décuvation 150 4o Charrois de la vendange 30 5° Intérêts des sommes avancées pour la plantation . 152 Cette dépense s'établit ainsi qu'il suit :

Plantation d'un hectare .... 2,328 fr.

Travaux pendant quatre ans .. • 128

Fumure 576

3,032 fr.

6° Intérêts des sommes engagées pour cuves, tonneaux, pressoirs, etc., dépérissement et entretien de ce matériel 120

Total des frais annuels d'un hectare de vignes, les impôts non compris .......... 800 fr.

Pendant les quatre premières années de la plantation de la vigne, la rente de la terre est couverte par les produits des plantes potagères qu'on y cultive.

Les différents cépages sont confondus dans la plupart des

vignobles du canton ; leur maturité inégale, précoce pour les uns, tardive pour les autres, nuit essentiellement à la qualité du vin. Un second motif de l'infériorité de nos vins vis-à-vis d'autres placés dans les mêmes conditions de climat et de culture, c'est que petit a petit, on a abandonné des espèces de vignes peu productives sans doute, mais meilleures en qualité, pour les remplacer par d'autres moins bonnes, mais à produits plus abondants.

Les espèces de vignes les plus répandues dans le canton sont, pour les vins blancs ordinaires : les Elbling (bourgeois) ; Sylvaner (picarneau) ; Gutedel (chasselas) ; Sùssling (petit mielleux).

Pour les vins fins, les Riessling, Tokai et Traminer.

Pour les vins rouges le Schwarzer Burgunder et le Ruhlænder. Voici la nomenclature des différents cépages cultivés dans le canton :

Plants blancs.

Elbling (bourgeois). Cep d'une pousse vigoureuse, fertile, d'une durée très-longue. Vin ordinaire franc de goût.

Sylvaner ou Œstreicher (picarneau). Cep assez fertile, d'une durée peu prolongée. Ses raisins sont bons à manger, mais ne donnent qu'un vin faible, sujet à devenir filant et qui ne se conserve que peu de temps. Bouquet agréable.

Guledel (chasselas). Fertilité assez prononcée, maturité demi-précoce. Vin très-médiocre sous le rappport de la spiriluosité et de la durée. Raisin de table.

Ces deux dernières espèces mêlées avec d'autres rendent le vin plus agréable , plus mielleux (Schleim-süss).

Süssling (petit-mielleux). Maturité précoce. Cépage qui convient aux terrains froids et humides. Vin doux et agréable.

Schemper, Heunsch (huns). Vitalité du cep assez prolongée. Plant de peu de valeur. Vin très-médiocre, d'un goût doux-acide souvent aqueux.

Will ou Treutsch (gros-fendant). Sous cette dénomination un désigne dans le canton un cépage assez productif donnant

une bonne qualité de vin. Le will, grande espèce, nous est venu du Palatinat et n'est pas à dédaigner pour les vins ordinaires , mais il ne peut servir de raisin de table.

KRiessling (gentil-aromàtique). Cépage précieux, d'une fertilité moyenne. Le moût obtenu bien mûr donne un vin sec, frais, limpide et spiritueux. Il a une grande finesse et un bouquet aromatique fort suave. Il se conserve très-longtemps.

Traminer (gentil-duret). Variété fort délicate. Demande une terre riche et entretenue par de fréquentes fumures. Cep d'une durée moyenne, assez peu fertile. Vins doux et aromatiques, même semi-liquoreux. Le Traminer gris est plus fertile que le blanc. Il faut avoir soin de bien choisir les pieds lors de la plantation.

Weiss-Burgunder (pineau-blanc). Assez semblable au pineau-gris dont il sera fait mention ci-après. On le plante peu et il mériterait d'être propagé.

Velteliner (valtelin). Pousses très-vigoureuses, mais qui sont fort sensibles au froid. Cep d'une durée moyenne. Vin d'une qualité médiocre. Culture à abandonner dans notre pays.

Hartheinisch (orléanais). Culture fort restreinte. Maturité tardive. Cépage assez fertile donnant dans les bonnes années un vin alcoolique ayant beaucoup de bouquet.

Plants rouges.

Schwarzer-Burgunder (pineau-rouge). Assez productif les vingt premières années. Se plaît dans les terres légères qui contiennent beaucoup de sous-carbonate de chaux. Vin de bonne qualité.

Ruhlœnder, Traminer (pineau-gris). Plant peu vigoureux, durée de la souche moyenne. Produits très-estimés.

Welschtrauben, Rothwelscher, Malvasier (malvoisie). Forte végétation. Cépage de longue durée. Grains très-gros, mûrissant rarement. Raisin de peu de valeur pour ces contrées, où

il ne donne qu'un vin sans mérite. Sa culture pour la vinification devrait être abandonnée dans le canton.

Rouge de Lampertsloch (grande espèce de pineau). Autrefois on ne plantait dans le canton que le pineau originaire de Bourgogne connu dans le pays sous le nom de Alter-satz. Des variétés plus productives ont été introduites dans nos vignobles. Le Neuer-salz est de peu de valeur pour la qualité, mais il est recherché pour la quantité de ses produits.

En 1857, l'oïdium, qui a attaqué un assez grand nombre de treilles, ne s'est presque pas montré dans les vignobles.

Nous croyons utile de consigner ici les récentes expériences faites dans le grand-duché de Bade, à l'effet de prévenir les ravages de l'oïdium ou de les arrêter.

Dans un pays où, de même qu'en Alsace, la propriété est extrêmement divisée et qui compte un grand nombre de petits cultivateurs, il était d'un intérêt réel de découvrir les moyens de remplacer le soufre par une matière moins coûteuse et qui fût cependant aussi efficace.

Encouragé par la Société centrale d'agriculture de Carlsruhe, M. le pasteur Schwartz essaya de saupoudrer la vigne avec de la poussière des routes, et l'effet fut presque instantané.

Trois opérations répétées à différentes époques de l'année, permirent à M. Schwartz de constater que la poussière est un excellent moyen curatif pour les parties de la vigne qui naissent au commencement du printemps, mais qu'elle est sans effet sur celles qui apparaissent peu de temps avant ou après la floraison.

La Société d'agriculture de Carlsruhe voulut faire expérimenter elle-même ce procédé, et à la suite de plusieurs essais, on acquit la preuve que les vignes saupoudrées de poussière étaient plus rapidement guéries de l'oïdium que celles qui avaient été traitées par le soufre.

Si par malheur, la maladie de la vigne se reproduisait dans nos vignobles, on ferait bien d'essayer le remède dont nous venons de parler, d'autant plus qu'il ne peut jamais nuire et qu'il n'entraîne qu'une dépense insignifiante.

(Voy. le tableau ci-contre, p. 114).

PRODUIT DES VIGNES DEPUIS 1828 JUSQU'EN 1887.

(Étendue des vignes du canton 450 hectares.)

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^ ce 12. ID. rouge blanc.

Dectol. ilectol. Hectol. Ilectol. Fr. Fr. Fr.

1828 80 36,000 3200 32,000 18 13 484,000 Médiocre. 20 oct. 1829 4 1,800 160 1,640 14 10 18,640 Mauvaise. 20 oct. 1830 65 29,250 2600 26,650 30 22 664,300 Moyenne. 18 oct. 1831 12 5,400 480 4,920 44 24 139,200 Bonne. 20 oct. 1832 88 39,600 3520 36,080 38 24 999,680 Bonne. 17 oct. 1833 92 41,400 3680 37,720 24 18 767,280 Moyenne. 7 oct. 1834 90 40,500 3600 36,900 30 24 993,600 Très-bonne. 26 sept. 1835 96 43,200 3840 39,360 15 10 451,200 Bonne. 13 oct. 1836 50 22,500 2000 20,500 21 15 349,500 Moyenne. 17 oct. 1837 60 27,000 2400 24.,600 13 9 252,600 Moyenne. 25 oct. 1838 41 18,459 1640 16,810 26 16 311,600 Moyenne. 19 oct. 1839 68 30,600 2720 27,880 18 14 439,280 Bonne. 10 oct. 1840 88 39,600 3520 36,080 18 11 460,240 Bonne. 12 oct. 1841 25 11,250 1000 10,250 26 15 179,750 Assez bonne. 30 sept. 1842 82 36,900 3280 33,620 29 22 834,760 Très-bonne. 13 oct. 1843 52 23,400 2080 21,320 20 10 254,800 Moyenne. 26 oct. 1844 34 15,300 1360 13,940 28 18 289,000 Mauvaise. 13 oct. 1845 40 18,000 1600 16,400 32 20 379,200 Mauvaise.. 27 oct. 1846 90 40,500 3600 36,900 34 24 1,008,000 Très-bonne. 30 sept. 1847 94 42,300 3760 38,540 20 14 614,760 Moyenne. 20 oct. 1848 52 23,400 2080 21,320 28 16 779,360 Bonne. 9 oct. 1849 60 27,000 2400 24,600 24 12 352,800 Moyenne. 15 oct. 1850 65 29,250 2600 26,650 18 9 286,650 Médiocre. 23 oct. 1851 25 11,250 1000 10,250 16 9 108,250 Médiocre. 3 nov. 1852 34 15,300 1360 13,940 30 18 291,720 Médiocre. 16 oct. 1853 40 18,000 1600 16,400 35 20 384,000 Médiocre. 24 oct. 1854 6 2,700 240 2,460 65 35 101,700 Assez bonne. 20 oct. 1855 16 7,200 640 6,560 58 32 247,040 Médiocre. 25 oct. 1856 3 1,350 120 1,230 47 33 46,230 Moyenne. 23 oct. 1857 54 24,300 2160 22,1401 50 27 705,780 Très-bonne. 5 oct.

CHATAIGNIERS.

Il est hors de doute qu'il existait autrefois d'importantes châtaigneraies dans certaines parties du canton. Aujourd'hui cette essence d'arbres ne couvre plus qu'une étendue d'environ 68 hectares.

Le châtaignier commun est le seul que l'on trouve dans le pays.

Il laisse pendre ses longs chatons mâles par 170,5 de chaleur moyenne, et ses fruits commencent à se dépouiller de leur enveloppe quand la température est redescendue à 16 degrés.

Dans sa jeunesse le bois de châtaignier est très-liant; il n'en est pas de meilleur pour faire des cercles et on l'emploie beaucoup à cet usage. Plus tard, il fournit des pieux et des traverses de vignes, qui durent bien plus longtemps que ceux de chêne et de tout autre bois.

On ne s'en sert pas, ou très-peu du moins pour le chauffage. Comme arbre fruitier, lé châtaignier n'offre dans le canton qu'un intérêt assez minime. La châtaigne est vendue au marché , pour être livrée à la consommation, ou bien elle entre dans la nourriture du possesseur. On la donne peu aux animaux, qui s'en trouveraient cependant fort bien. Il est prouvé que crue, cuite on macérée, elle est mangée avec plaisir par le cheval, lui donne de la force et de la vigueur, et peut le refaire en peu de temps. Le porc, les ruminants, les oiseaux de basse-cour, en sont également friands ; elle les nourrit parfaitement, les engraisse même et produit toujours une excellente viande.

Par sa décomposition, la feuille des châtaigniers forme un terreau de première qualité. Elle fournit une bonne litière et le fumier qui en provient est gras et léger tout à la fois.

Le châtaignier affectionne les terres sablonneuses et substantielles; le terrain composé de grés vosgien lui convient beaucoup.

On exploite annuellement une étendue de châtaigneraie

indéterminée, mais qui fournit environ 500 stères de bois à pieux pour les vignes.

On peut évaluer à 10,000 le nombre de traverses façonnées tous les ans avec le bois de châtaignier.

Le stère de bois à pieux se vend 15 fr. et produit environ 100 piquets.

On paie 200 à 220 fr. le mille de traverses.

POMMIERS. POIRIERS. CIDRE.

Les variétés de pommiers et de poiriers cultivées dans le canton sont fort nombreuses, et il n'y a pas de désignation d'espèce assez fixe et précise, pour qu'il soit possible de les énumérer.

La plupart produisent des fruits à cidre, ou destinés à être sécbés.

Les propriétaires ont reconnu aujourd'hui l'inconvénient de planter des arbres à travers champs. La perte qui résulte de leur ombre pour la récolte n'est pas compensée par le bénéfice retiré des fruits. C'est sur les bords des champs, le long des routes que les arbres sont placés.

Dans nos contrées les poiriers épanouissent leurs fleurs par une température moyenne de 2 degrés seulement, vers le milieu de mars. Les pommiers fleurissent par 8 degrés, au commencement d'avril.

Ou peut évaluer à 9 ou 10,000 le nombre de pommiers et de poiriers disséminés dans le canton.

Le dixième environ de leurs fruits est mangé frais ou séché ; le reste est converti en cidre.

On recueille ordinairement les pommes et les poires à cidre à la fin de septembre.

Les fruits sont broyés de deux manières : soit à l'aide d'une meule en pierre qui est mise en mouvement à force de bras ou par un cheval, et qui tourne dans une auge circulaire; soit, mais plus rarement, dans un moulin à bras. Un habi-

tant de Wissembourg a inventé tout récemment une machine à broyer qui paraît appelée à rendre de bons services.

Après le broiement on dépose les fruits dans de grandes cuves pendant environ vingt-quatre heures avant de les soumettre au pressoir. Le lendemain du jour où ils y ont été mis, on taille les bords du marc et on place ces résidus au-dessus pour achever d'en extraire le jus.

On laisse le cidre faire sa première fermentation dans des tonneaux débouchés. Dix ou quinze jours après on le soutire.

Quand la fermentation est passée, on bouche les tonneaux et on remise le cidre pour le livrer ensuite à la consommation.

On mélange d'habitude les poires avec les pommes pour la fabrication du cidre. Dans les localités où il existe des vignobles on fait passer le jus sur le marc de raisin, afin de lui donner plus de corps.

Presque partout le marc de pommes est considéré comme n'étant d'aucune utilité et on le jette au fumier. Cependant nous avons vu ce résidu employé très-utilement à l'alimentation du bétail et surtout à celle des vaches.

A cet effet on prend le marc tel qu'il sort du pressoir, on le met dans une cuve et, après l'avoir convenablement foulé, on verse par-dessus environ quatre fois son poids d'eau. La fermentation établie, on prend ce mélange, on le sale et on le fait bouillir pendant environ une demi-heure. Quand la masse est refroidie, on y mêle quelques poignées de.son, et lorsqu'on la distribue au bétail on y ajoute de la paille hachée ou des racines coupées.

Le marc de pommes ainsi préparé constitue un aliment très-frais et très-nourrissant.

On peut en donner sans inconvénient de 5 à 6 kilogrammes par jour à chaque tête de bétail. Ce régime produit surtout de bons résultats pour les vaches à lait.

Le cidre nouveau dépose une lie assez abondante, que

quelques cultivateurs croient utile de lui laisser. C'est une erreur; le soutirage ne peut que profiter au cidre.

Ap rès la première expression de la pulpe des fruits, beaucoup de personnes ajoutent environ 100 à 150 litres d'eau pour un résidu de 6 à 8 hectolitres, pressurent de nouveau et font ce que l'on nomme du petit cidre, qui doit être bu immédiatement.

La quantité de cidre produite annuellement dans le canton est d'environ 900 hectolitres. Le prix moyen de l'hectolitre est de 10 fr. La fabrication du cidre, broyage, pressurage et tirage revient à environ 2 fr. l'hectolitre.

PRUNIERS (Zwetschenbâume).

Le prunier (Zwetschenbaum) est un des arbres fruitiers qui se rencontre le plus communément dans le canton ; il vient aisément partout et réussit à toutes sortes d'expositions.

Le prunier étant très-sujet à la gomme qui altère la sève, on se borne à lui enlever le bois mort et on le laisse pousser à volonté.

Il y a dans le canton environ 25,000 pruniers.

Le fruit mûrit à la fin de septembre ; on ne cueille pas la prune, mais on l'abat à l'aide de perches.

Le produit moyen annuel est de 5,000 hectolitres de fruits. L'hectolitre de prunes a valu cette année 5 fr.

Le produit en argent a donc été pour le tout de 25,000 fr. Un tiers des fruits est mangé frais ou sec, les deux autres tiers sont livrés à la distillation.

Un hectolitre de prunes donne en moyenne 16 litres d'esprit. Le prix d'un litre d'eau de prune est de 80 c.

La dessiccation des prunes forme dans le grand-duché de Bade une industrie assez importante pour certaines communes. Il serait à désirer que le canton de Wissembourg imitât cet exemple, d'autant plus que depuis quelques années la valeur des prunes sèches a éprouvé une forte hausse, et que la marchandise est très-recherchée pour l'approvisionnement de la marine, des hôpitaux et des grandes villes.

CERISIERS.

Les cerisiers et les merisiers se trouvent en assez grande quantité dans les banlieues des communes de Cléebourg, Climbach, Wingen et Lembach. Leurs fruits sont employés à la préparation d'une liqueur fermentée, généralement estimée, à laquelle on donne le nom de kirschenwasser, kirsch.

Dans nos contrées, les merises parviennent à leur entière maturité vers la fin de juillet. On les cueille alors, on les écrase et on les abandonne à la fermentation pendant deux ou trois semaines, puis on distille à l'alambic.

Lorsque la distillation s'opère dans de bonnes conditions et avec soin, le kirsch a un goût et un parfum de noyaux très-prononcé qui en fait une liqueur des plus agréables. Malheureusement la méthode de fabrication est souvent vicieuse; elle ne produit alors qu'un alcool sans mérite.

On estime que 100 kilogrammes de merises rendent en moyenne 8 litres de kirsch à 54 degrés, soit environ 4 litres d'alcool pur. Le prix du kirsch de bonne qualité varie de 2 à 8 fr. le litre. En 1857, il s'est vendu 2 fr. 50 c.

Les différentes communes où l'on trouve le cerisier, distillent, année moyenne, environ 25 hectolitres de liqueur, qui, à raison de 250 fr. l'hectolitre, font un total de 6250 fr.

La plus grande partie du kirsch fabriqué dans le pays, est immédiatement vendue ou livrée à la consommation.

Pour le conserver, on le dépose dans de grandes cruches en grès, qu'on ne bouche que légèrement, afin de permettre une légère évaporation qui, après quelques semaines, lui donne un cachet de vétusté très-précieux.

NOYERS.

Les noyers disséminés dans les banlieues des différentes communes du canton, sont au nombre de 4500 environ. Dans ce chiffre ne figurent que les arbres assez forts pour produire une récolte d'une certaine importance.

On rencontre les noyers dans les champs sur la lisière des routes.

Ils s'accommodent de tous les terrains, mais ils se plaisent surtout dans les terres grasses.

La végétation du noyer commence de très-bonne heure; il fleurit en mars et avril. Cette précocité l'expose aux gelées qui viennent souvent détruire la récolte entière, et par fois, font périr les arbres.

La limite de la culture du noyer dans nos contrées peut, selon l'exposition, être fixée à une altitude de 450 à 500 mètres ; d'ordinaire il montre ses feuilles tendres par 90,5 à la mi-avril.

Les noix commencent à se dépouiller de leur brou quand la température moyenne est encore d'environ 16 degrés.

Les fruits sont abattus au commencement d'octobre.

Le quart des noix est vendu pour être mangées fraîches ou sèches ; des trois autres quarts on fait de l'huile.

Dans le canton, le produit moyen des noyers peut être évalué annuellement ainsi qu'il suit :

Chaque noyer donne en moyenne 100 litres de noix. Soit pour 4500 arbres, 4500 hectolitres.

L'hectolitre vaut 7 fr.

La production totale a donc une valeur de 31,500 fr.

Le quart des noix qui sont livrées à la consommation, fraîches ou sèches, représente dès lors une somme de 7875 fr.

Ainsi que nous venons de le dire, avec les trois autres quarts, faisant 3375 hectolitres, on fait de l'huile.

D'un hectolitre de noix on tire environ 8 litres d'huile.

Le litre d'huile de noix vaut 1 fr. 50 c.

Le rendement d'un hectolitre de noix en tourteaux est de 30 kilogrammes.

La valeur des 100 kilogrammes de tourteaux est de 15 fr. L'huile de noix, qui est d'une saveur agréable quand elle est récemment préparée, est surtout employée pour l'usage de la table.

(Voy. le tableau ci-contre, p. 121)

VALEUR DES PRODUITS AGRICOLES DU CANTON DE WISSEMBOURG.

(Terres, vignes, prés, jardins et vergers.) Année 1857.

PRO- FRAIS VALEUR TOTAL VALEUR ESPÈCE DE CULTURE. DUIT GÉN^RAUX des des nettede la brut. CULTURE, semences. déboursés. produetion.

Fr. FR. Fr. FR. fr.

FROMENT i grains . 434,547t 166 QQO 49,364 215,364 315 665 ( paille 96,482F

ÉPEAUTRE $ grains • 96,637) 32 ,160 7 ,040 39 ,200 N ^7 L paille . 16,800)

SEIGLE ) grains 90,695, 38 ^ 11 ,196 49,626 66 ,305 1 paille . 25,236)

ORGE grains 53,983 5,957 14,946 4,577 19,523 40,417 } paille . 5,957F

MAÏS | gl'ains " 4,828J. 1,625 75 1,700 3,910 ( paille . 792)

AVOINE..... \ grains . 60,860) ^ 6 ,82,0 '-)7 ,505 ^ ( paille . 11,550;

POMMES DE TERRE 489,937 143,715 41,808 185,523 304,4H HARICOTS 6,270 2,750 820 3,570 2,700 FÈvEs 4,080 2,000 576 2,576 1,504 Pois 8,910 4,125 1,320 5,445 3, 165 LIOCBLON 25,947 11,600 » 11,600 14,347 TABAC 4,040 1,950 » 1,950 2,090 COLZA ET NAVETTE 142,800 39,270 23,800 63,070 79,730 CHANVRE I graines. 3,600) 7 4M 900 8 ,300 7 ^ ( filasse . 12,600~

LiN | graines. 700) 850 160 1 010 6G() ( filasse . 1,000\

JARDINS 26,000 12,000 » 12,000 14,000 CULTURE MARAÎCHÈRE ( C-IIOUX,

salades, etc.) 22,650 6,620 275 6,895 15,755 VIGNES (vin) , 705,780 360,000 » 360,000 345,780 PRAIRIES (foins et regains)... 516,163 170,300 » 170,300 345,863 FOURRAGES DIVERS (betteraves,

navets, carottes, topinambours , etc.) 166,000 68,392 4,980 73,372 92,628 CHATAIGNES 2,500 Il Il » 2,500 POMMES ET POIRE, 20,000 2,500 » 2,500 17,500 PRUNES 25,000 2,850 » 2,850 22,150 Noix 31,500 3.150 » 3,150 28,350 TOTAUX .. 3,113,844 1,113,318 153,711 1,267,029 1,846,815 *

Observation. — L'intérêt du sol et les impôts ne sonl pas déduits de ce produit.

BOIS ET FORÊTS.

Les forêts du canton présentent une grande importance, tant par leur étendue que par la valeur de leurs produits. A l'exception de la forêt du Mundat inférieur qui est située dans une vaste plaine, toutes les autres sont plantées sur des coteaux ou couronnent la chaîne des Vosges. Elles fournissent de très-beaux bois de construction, du bois de chauffage, des écorces et des taillis pour charbon.

Les forêts du canton peuvent être classées en quatre catégories :

10 Forêts appartenant à l'État;

2° Forêts propriétés des communes ;

3o Forêts appartenant à des établissements publics ;

4o Bois particuliers.

Les premières sont d'une importance de .. 3,055h 70' Les deuxièmes de 3,873 60 Les troisièmes de 6 » Les quatrièmes de 1,802 »

Les principales essences qu'on rencontre dans les forêts situées dans le canton sont : le chène, le hêtre, le pin et un peu de bois blanc.

Les forêts domaniales sont :

lo A Altenstadt, la forêt du Mundat inférieur qui appartient par indivis à l'État et à la ville de Wissembourg et mesure 1221 hectares 39 ares.

Située à trois kilomètres de la ville , cette forêt est entièrement en plaine. Ses produits sont consommés 7/10 par la ville de Wissembourg et 3/10 par les communes limitrophes; ils consistent en écorces, bois de chauffage et fagots ; il n 'y a pour ainsi dire pas de bois de service ou d'industrie.

2o Sur le territoire de Wissembourg, la forêt du Mundat supérieur, également indivise entre l'Etat et la ville, d'une

contenance de 782 hectares. Elle est située dans la montagne à quatre kilomètres de Wissembourg; ses produits, de même nature que ceux du Mundat inférieur, sont entièrement absorbés par la ville de Wissembourg.

Ces deux forêts étaient grevées au profit des communes d'Altenstadt, Cléebourg, Oberséebach, Oberhoffen, Riedseltz, Rott, Sleinseltz, Schleithal et Weiler, de différents droits d'usage qui avaient été réglés ainsi qu'il suit, par un jugement du tribunal de Wissembourg en date du 24 février 1837.

Ce jugement reconnaissait que lesdites communes et tous les habitants qu'elles renferment ont droit aux usages suivants , qu'ils doivent exercer conformément aux lois et règlements forestiers, savoir :

A. A l'enlèvement du bois sec gisant (Lesholtz), les chablis exceptés.

B. Au parcours dans les cantons déclarés défensables, à charge par chacun des usagers de payer annuellement aux propriétaires la rétribution dite Wald- und Weidgeld et qui est de :

3 batz ou 40 c. par chef de maison qui ne possède pas de bête de trait ;

6 batz ou 80 c. par chef de ménage qui a voiture à deux chevaux ou quatre bœufs ou vaches ;

12 batz ou 1 fr. 60 c. pour celui qui a un plus grand nombre de chevaux, bœufs, etc. ;

1 1/2 batz ou 20 c. pour une veuve n'ayant ni chevaux ni bêtes de trait.

C. A la glandée pendant deux mois, avec défense d'abattre ou de faire la cueillette des glands.

D. Aux feuilles mortes dans les cantons qui leur sont assignés.

E. Aux pierres à bâtir, à charge de ne les prendre que dans les carrières ouvertes par les propriétaires de la forêt.

F. Au chauffage en bois mort, en cimes et en racines, au mort bois, et en cas d'insuffisance, en bois de toute essence, le chêne excepté, sans toutefois que les usagers, quelle que soit

la possibilité de la forêt, puissent exiger plus de six charrettes de bois, et à charge de payer pour chaque stère de bois 2 fr. , le façonnage restant à leurs frais.

G. Au bois de marnage, sans qu'en aucun cas un usager puisse exiger plus de 18 pieds pour une maison neuve, et à charge de payer pour chaque arbre chêne 8 fr. et pour chaque sapin ou autre arbre 5 fr., quelle que soit leur grosseur, indépendamment des frais d'abattage et de façonnage, et sauf imputation sur ces jouissances en bois de chauffage et de marnage de ce à quoi les usagers auront droit comme affouagers dans les forêts communales respectives.

Le jugement statue en outre que, quels que soient la possibilité de la forêt, le nombre et l'étendue des besoins des usagers, ceux-ci n'auraient droit qu'aux 4/10 ou 2/5 des fruits de la forêt, les trois autres cinquièmes devant rester aux propriétaires, ainsi que les fruits qui excéderaient les besoins des usagers.

L'État et la ville de Wissembourg ayant voulu affranchir les forêts du Mundat des droits d'usage en bois dont elles se trouvaient grevées au profit des neufs communes indiquées, l'administration des domaines fit procéder à cet effet aux opérations préparatoires d'un cantonnement.

Les communes usagères donnèrent leur adhésion aux propositions des experts, sous la réserve, toutefois, de ceux de leurs droits dont le rachat ne se trouvait pas consommé par le cantonnement.

La seule commune de Rott se réserva le droit au bois sec gisant sur les parties des forêts qui seraient laissées aux propriétaires.

En conséquence de ce consentement, et suivant procès-verbal de délimitation des cantonnements abandonnés aux communes usagères en date du 8 novembre 1855, approuvé par un décret impérial du 30 juillet 1857, chacune de ces communes prit possession de la partie de la forêt qui lui avait été assignée, en sorte qu'aujourd'hui elles n'ont plus droit,

dans les deux Mundat, qu'au parcours, à la glandée, aux feuilles mortes et aux pierres à bâtir.

La commune de Rott a conservé en outre son droit à l'enlèvement du bois sec gisant.

Les autres forêts domaniales sont :

3° A Climbach la forêt de Sickingen qui mesure 76 hectares et dont l'essence consiste en 6/10 de hêtre, 3/10 de chêne et 1/10 de bois blanc.

40 A Lembach, la forêt dite Frœnschbourg, d'une contenance -de 402 hectares. Les essences de cette forêt sont : 7/10 de hêtre et 3/10 de chêne.

50 A Niedersteinbach, la forêt du Wasenstein dont l'étendue est de 286 hectares 95 ares et l'essence pour 7/10 de hêtre, pour 2/10 de chêne et pour 1/10 de pin.

60 A Obersteinbach, la forêt de ce nom, ayant 608 hectares, et composée de 6/10 essence de chêne, 2/10 de pin, 2/10 essences diverses.

70 A Wingen. A. La forêt de Stürzelbronn qui mesure 149 hectares 6 ares.

Cette forêt qui faisait jadis partie des immenses propriétés de l'abbaye de Stürzelbronn, ne forme qu'une minime portion des forêts, presque toutes situées dans le département de la Moselle, qui sont grevées d'une servitude de fourniture de bois au profit de la famille de Dietrich.

Voici en peu de mots l'origine de cette servitude. Possesseur de vastes forêts, l'abbaye de Stürzelbronn, se trouvait souvent embarrassée d'en écouler les produits ; lorsqu'en 1766 la construction des forges sur le ruisseau de Graffenweyer lui fournit l'occasion de faire un placement avantageux de ses bois.

Par traité intervenu le 7 juin 1766 entre les religieux de cette abbaye et M. Jean de Dietrich, ce dernier s'obligeait à prendre et recevoir d'eux tous les ans et à perpétuité la quantité de 4368 cordes de bois. (La corde devait avoir huit pieds de Lorraine de long, sur quatre pieds de haut, et la buche

quatre pieds de longueur). Par contre ils promettaient de délivrer annuellement ces 4368 cordes de bois, à prendre à proximité de Graffenweyer, dans la généralité de leurs forêts de Lorraine, d'Empire ou d'Alsace. Enfin l'acte fixait différentes conditions d'exploitation imposées à M. de Dietrich, qui à son tour s'engageait à payer à l'abbaye une rente de 15,000 livres par année au cours de France. « Cette somme, « dit le traité, sera payée de six mois en six mois à perpétuité « aussi longtemps que la dite abbaye fera la fourniture an« nuelle du bois , car au cas de cessation de la dite fourniture (( la rente cessera d'avoir cours et le sieur de Dietrich et ses « biens en seront libres et déchargés.

« Ladite rente de 15,000 livres sera non rachetable et « le paiement en sera fait exactement, quand même le sieur « de Dietrich aurait négligé de faire enlever les 4368 cordes « de bois. »

Après la révolution de 1789 les biens de l'abbaye revinrent à l'État; puis en vertu du traité de paix de 1815, une portion des forêts qui faisaient partie des domaines appartenant autrefois à l'abbaye resta à la France, tandis qu'une autre fut cédée à la Bavière.

De 1815 jusqu'en 1829 la fourniture des 4368 cordes de bois fut exactement faite à la famille de Dietrich, mais à cette époque des difficultés s'élevèrent entre elle et le domaine.

Un procès s'ensuivit. Il fut résolu par arrêt de la Cour de Metz du 9 janvier 1833.

Cet arrêt décide « que les titres de la famille de Dietrich « relatifs à l'affectation des 4368 cordes de bois dans les forêts « de l'ancienne abbaye de Stiirzelbronn lui confèrent des droits « irrévocables, perpétuels et non en contravention aux lois « existantes, ordonne, en conséquence, qu'ils continueront « d'être exécutés à perpétuité selon leur forme et teneur, aux « clauses et conditions exprimées en l'acte de 1766, à moins « que les forêts dont il s'agit et qui restent à la France par le « traité de 1815 ne suffisent pas pour délivrer cette quantité de

« bois, dans quel cas, il serait fait une diminution au prorata « sur la rente des 15,000 livres. »

Les droits et les obligations réciproques de la famille de Dietrich et du domaine de l'État sur les forêts ayant fait partie des propriétés de l'ancienne abbaye de Stiirzelbronn se trouvent ainsi définitivement réglés.

B. Celle de Sickingen d'une contenance de 532 hectares. Ces deux forêts ont 7/10 de leur essence en hêtre, 2/10 en chêne, 4/10 en bois blanc.

Sauf quelques réparations à faire aux chemins de vidange, et sauf le curage d'un certain nombre de fossés d'assainissement qui reste encore à exécuter, toutes nos forêts domaniales se trouvent dans un état d'entretien satisfaisant.

L'administration forestière, si préoccupée des intérêts bien entendus des forêts, s'occupe d'aviser à l'exécution des améliorations qui restent à faire.

Les forêts communales se répartissent ainsi qu'il suit :

10 La ville de Wissembourg possède la moitié du Mundat supérieur et inférieur, soit pour sa part 1001 hectares 69 ares.

Plus une petite forêt d'une étendue de 19 hectares 38 ares dont les essences sont pour 8/-10 pin et pour 2/10 diverses.

20 La commune de Climbach possède une forêt de 238 hectares 18 ares. 6/10 hêtre, 4/10 chêne.

30 La forêt communale de Cléebourg a une étendue de 254 hectares. 4/10 chêne, 4/10 hêtre, 2/10 pin.

40 La forêt de Lembach mesure 1129 hectares. 5/10 hêtre, 4/40 chêne, 1/10 bois blanc.

50 Celle de Niedersteinbach mesure 344 hectares 50 ares. 4/10 chêne, 5/10 hêtre, 4/10 bois blane.

60 Celle d'Oberhoffen, 88 hectares. Elle contient 7/40 hêtre, 3/10 chêne.

7o Celle de Rolt, d'une étendue de 47 hectares 22 ares. 7/10 pin, 3/10 chêne.

8° Celle de Steinselz, mesurant 137 hectares. 6/10 chêne, 4/10 hêtre.

9° Celle de Wingen, 631 hectares 5 ares. 5/10 hêtre, 3/10 chêne, 2/10 bois blanc et pin.

10° Enfin la commune de Weiler possède une petite forêt de 13 hectares 12 ares qu'elle a reçue lors du cantonnement du Mundat. L'essence de cette forêt se compose de 9/10 pin et de 1/10 bois blanc.

Ces forêts se trouvent toutes dans un bon état de culture, cependant une grande partie de leurs chemins de vidange réclament des réparations.

Plusieurs fossés d'assainissement des forêts de Lembach et de Wingen devraient être curés. Enfin quelques plantations seraient à faire dans les parties dénudées.

Nous avons dit que l'étendue des différentes forêts du canton appartenant à des particuliers est de 1802 hectares. Elles se divisent quant à l'essence en 1478 hectares hêtre, 207 chênes et 117 pins.

Le sol forestier non boisé a une étendue de 447 hectares 50 ares.

Les bois taillis sont ordinairement exploités à l'âge de 30 ans.

Les hautes futaies sont divisées en cantonnements et aménagées à 100 ou 120 ans, suivant règlements d'exploitation, de façon que tous les ans on y coupe une certaine quantité de bois.

Le produit total annuel est pour le canton , en bois à brûler :

Essence de chêne de 7,670 stères.

» de hêtre de 14,990 »

» de pin de 4,850 »

» de bois blanc de 3,710 »

Ensemble d'environ ... 31,220 stères.

Le bois d'œuvre peut être évalué à 2650 stères.

Le prix moyen d'un stère de bois à brûler a été pour 1857 :

Pour le chêne de 6 fr. » c.

» le hêtre de 7 50

» le pin de 3 50

» le bois blanc de" 2 75

Le prix moyen d'un stère de bois d'oeuvre peut être évalué à 12 fr.

Les frais de la coupe et du façonnage d'un stère de bois pris dans les hautes futaies, peuvent être évalués en moyenne à 80 c.

La coupe et le façonnage d'un hectare de taillis sous futaie (10 stères de bois et 1000 fagots) reviennent en moyenne à 43 fr.

La dépense est à peu de chose près la même pour l'exploitation d'un hectare de taillis simple.

Les frais annuels d'entretien et de surveillance peuvent être évalués par hectare à environ 2 fr. 90 c.

Les forêts particulières ne sont généralement soumises ni à une exploitation ni à un aménagement réguliers.

Dans plusieurs localités où le hêtre domine, on fabrique des sabots, qui sont pour certaines communes l'objet d'un commerce intérieur assez étendu.

Une partie très-notable du bois de chêne est soumise à l'écorcement.

On évalue à 25,000 bottes les écorces produites chaque année dans les forêts du canton.

Un stère de bois rend en moyenne cinq bottes d'écorces. Le poids de vingt-cinq bottes est d'un quintal métrique. Les cent bottes ont une valeur vénale variable de 40 à 60 fr. Dans les environs de Wissembourg les prix atteignent le maximum indiqué ; à Obersteinbach et à Niedersteinbach au contraire, ils dépassent rarement le minimum.

Les frais de façonnage reviennent à 20 fr. par cent bottes. Le bois de chêne écorcé, pris en forêt vaut environ 6 fr. le

stère. Le cent de fagots également écorcés se vend de 8 à 10 fr.

Les écorces produites dans ce canton sont vendues aux tanneurs de Wissembourg, Lembach et Wœrth.

Avec le tan épuisé nos tanneurs font des mottes à brûler qu'ils vendent en moyenne à raison de 10 fr. le mille.

L'exportation du bois d'œuvre qui se pratique sur une vaste échelle dans quelques cantons de l'arrondissement et notamment dans celui de Seltz, n'a point lieu pour le canton de Wissembourg.

D'après les circonstances statistiques que nous venons d'exposer, il est aisé de reconnaître que si les forêts constituent un placement certain et quelquefois avantageux, leur exploitation forme un des plus minces revenus qu'on puisse obtenir d'une surface donnée. Aussi remarque-t-on une tendance assez prononcée à la conversion des forêts en terres arables. On ne saurait nier qu'un sol de bonne nature couvert en bois rapporte moins qu'une terre arable de la même qualité. Il peut donc être utile d'autoriser le défrichement des bois situés dans la plaine et dont le sol s'est enrichi de détritus séculaires. Mais comme le déboisement est un des plus grands malheurs qui puissent affliger un pays, l'administration doit veiller à ce qu'une relation nécessaire subsiste entre la destruction des forêts et leur création sur de nouveaux terrains.

Nous pensons qu'elle atteindrait ce but en n'autorisant les défrichements qu'après que des semis auraient été faits sur de nouveaux emplacements, situés autant que possible sur les hauteurs, et d'une contenance égale au moins à ceux à défricher. Car, ne l'oublions pas, reboiser nos montagnes, c'est accroître nos richesses forestières, tout en créant de véritables drainages naturels d'une utilité incontestable.

(Voy. le tableau ci-contre, p. 181).

DANS LE CANTON DE WISSEMDOURG.

NOMS DÉSIGNATION DES FORÊTS TL^FORITTS^ ESSENCES DES FORÊTS

TOTAL. NATURE DU SOL.

DES COMMUNES. DOIl4- cojmo-

DOMANIALES. COMMUNALES. nialks. NALES. DOMANIALES. COMMUNALES.

II. Ar. Il. Ar. Il, Ar.

Wis-jembourg Mundat .... Mundat .... 1001 69 1021 47 2023 16 Chêne, hêtre, Chêne, hêtre, Grès vosgien , sables et pin, bois blanc. pin, bois blanc- environ 100 hectares de terre glaise. Altenstadt. — — — — — — — _ CLLEBOUIIC, ... — de Cléebourg .. — 254 06 251 OTI — Chêne, hêtre, Grès vosgien.

pin.

CLUlllACII .. Sickingen ... de Climbach .. 76 — 238 18 314 18 Hêtre, chêne, Heti-e, chêne.

bois blanc.

LL)IDACII .... Frœnsbourg... de Lembach ... 40-2 — 1129 1531 — Hêtre, chêne. Hêtre, chêne, Grès des Vosges et ter-bois blanc. rain calcaire. ÎNiedehsteinbach . W'asenstein... de Niedersteinbach 286 95 344 50 631 45 Hêtre, clléne, Chêne, hêtre, Grès vosgien.

pin. ' bois blanc.

Oni.nnoFFEN... - d Obcrhoflen... — 88 - 88 - — Hêtre, chêne- Terrain argilo-calcaire. OuEusTEirsuACii • d Obersteinbach • — GG8 — 608 - chêne t pin, — Grès vosgien.

bois blanc.

Riedseltz ... — — ___ — _

ROTT — de Rott .... — 17 22 17 22 _ Pin, chêne. Terrain argilo-calcaire , -, vosgien. STEINSR,LTZ ... — de Steinseltz .. — 137 — 137 — — Chêne, hêtre. Argilo-calcaire. Weiler .... — Mundat .... — 13 12 13 12 — Pin, bois blanc Grès vosgien.

W INGEN Stiirzelbronn 149 06 Hêtre, chêne, Chêne hêtre, Grès des Vosges, grès ' 1 ' ' ' et deWingen .. 149 06 1312 - bois blanc. bois blanc et bigarré et terrain ar-Sickingen. 532 — pin. gilo-calcaire.

3055 70 3873 60 6929 30

servitudes dont les forets sont grevées. — Les seules forêts doma- sembourg, en date du 24 février 1837, le parcours, la glandée, les feuilles niales ou communales du canton qui soient grevées de servitudes sont: mortes et des pierres à bâtir. La commune de Rott a en outre droit à les deux Munilats et la forêt de Stürzelbronn. l'enlèvement du bois sec gisant.

Le Mundat doit aux habitants des communes d'Altenstadt, Cléebourg, La forêt de Stürzelbronn, en tant qu'elle faisait partie des vastes do-Oberséebach, Obei-lioffen , Riedseltz, Steinscltz, Rott, Schleithal et maines de l'abbaye de Stiirzelbronn, est grevée d'une servitude de foui--Weiler, dans les limites fixées en un jugement du tribunal civil de Wis- niture de bois au profil de MM. de Uietrich.

Les forêts appartenant à des établissements publics ou à des particuliers, mesurent ensemble 1808 hectares. Leurs essences sont : le chêne, le hêtre, le pin, le châtaignier et un peu de bois blanc.

BÉTAIL.

Par les détails renfermés dans les chapitres précédents on a pu se convaincre que bien des réformes agricoles pourraient être introduites dans le canton de Wissembourg. Si son agri culture , tout en méritant des éloges, n'est pas aussi florissante que nous voudrions la voir, la cause principale réside dans l'insuffisance du bétail et dans le peu de soins dont il est l'objet. Cette cause entraîne la pénurie d'engrais et le peu de valeur des bestiaux.

Le bétail est l'élément matériel le plus puissant comme le plus indispensable de la richesse d'une contrée. Sans animaux, en effet, il n'y a pas d'agriculture possible; sans eux, la production végétale comme la production animale disparaissent.

Les communes où l'aisance règne le plus, sont généralement celles qui élèvent et entretiennent le plus de bestiaux.

Dans le canton, on n'a pas jusqu'ici, attaché assez d'importance à cette grave question de richesse locale et de bien-être.

Le mode d'entretien du bétail ne saurait être l'objet d'une critique trop sévère. Si l'on excepte un petit nombre de propriétaires tout à fait exemplaires, chez lesquels le bétail est bien nourri et bien tenu, on aura beaucoup de peine à trouver des étables qui ne soient pas mal distribuées, privées d air et souvent d'espace.

Où rencontrer, par exemple, une écurie munie de cheminées d'appel, laissant une libre circulation à l'air? où trouve-t-on le sol de l'étable suffisamment garni de litière permettant au bétail de se reposer à l'aise? Combien pourrait-on citer de cultivateurs qui rationnent la nourriture journalière de leurs bestiaux, de manière à rendre les distributions uniformes?

Que de reproches on serait en droit d'adresser à cet égard à l'immense majorité des cultivateurs du canton!

On peut affirmer sans crainte, que l'insouciance avec laquelle beaucoup de personnes traitent cette branche la plus

importante de la culture, occasionne des non-valeurs et des pertes énormes.

Il faut donc chercher par tous les moyens possibles à faire comprendre aux cultivateurs, que l'élevage du bétail est une véritable source de richesse, mais que pour cela, il faut lui donner des soins intelligents. La peine qu'ils auront, sera amplement compensée, d'abord, par la revente avec profit des bêtes engraissées convenablement, puis et surtout, par une production plus grande d'engrais sans lesquels il n'y a ni bonnes terres, ni bon agriculteur.

Que la préoccupation constante de nos cultivateurs soit donc d'augmenter la quantité des fumiers dont ils puissent disposer; c'est la première, la plus urgente et la plus importante des améliorations, le point de départ de toutes les autres.

Espèce bovine.

Les bêtes à cornes du canton appartiennent presque toutes à la race de Deux-Ponts plus ou moins heureusement croisée. Dans son ensemble, cette race, qui pourrait bien provenir de celle d'Anspach dégénérée, est de qualité moyenne, les vaches sont assez rustiques, laitières passables, dures au travail et s'engraissent convenablement.

On ne saurait douter que, si cette race était maniée par des mains habiles, elle n'arrivât en peu de générations, au moyen d'accouplements et de croisements judicieux et par une nourriture constamment abondante, à une supériorité marquée.

Les taureaux employés à la monte sont tirés de préférence de la Suisse, du Simmenthal, et de Quirenbach.

La question qui divise les meilleurs agronomes du pays, est celle de savoir quel est le croisement qui doit être considéré comme le plus avantageux.

Les uns prétendent qu'on doit donner la préférence à la race croisée suisse.

Les autres soutiennent que pour la reproduction d'une

belle et bonne race, il vaut mieux se servir des taureaux de Quirenbach.

Il n'est pas douteux que les croisements avec des reproducteurs de la Suisse ne produisent des bêtes fort belles et d'excellentes vaches laitières; mais il faut reconnaître aussi que, du moment où les bestiaux issus de la race suisse ne reçoivent plus un fourrage de toute première qualité, du moment où ils ne sont pas entourés de soins de tous les instants, ils dépérissent sensiblement. Un autre inconvénient de cette race, c'est la grosseur de la tête qui occasionne souvent des accidents lors de la parturition. Ce n'est qu'à la seconde ou à la troisième génération qu'une partie de ces inconvénients disparaissent.

Le croisement au moyen de taureaux de la race de Quirenbach ou du Glan, doit être considéré comme préférable. Il fournit d'ordinaire des bêtes d'une taille un peu moins élevée que celles provenant de la race croisée suisse, mais les vaches sont aussi bonnes laitières et elles sont plus rustiques. Les bestiaux issus de ces accouplements s'engraissent facilement et s'accommodent d'une nourriture de qualité même très-médiocre.

Il est hors de doute que dans notre canton, des croisements judicieux seraient utiles et même nécessaires; mais il faut qu'ils soient bien compris, bien dirigés, bien adaptés entre races qui se conviennent.

Ne nous abandonnons pas à des idées théoriques, mais avant tout essai, étudions à fond les ressources de l'agriculture qui doit adopter les races sujettes à métisser.

D'assez nombreux croisements ont déjà été faits dans le canton ; examinons quels en ont été les résultats.

Ainsi que nous l'avons dit, les vaches du pays ont été mélangées avec des types suisses et d'autres du Glan.

La Suisse avait fourni de beaux taureaux, remarquables par leurs formes arrondies et par leur aspect robuste. Le résultat du croisement a produit une amélioration assez sensible de

notre race commune, les vaches métisses étaient meilleures laitières et leur viande avait gagné en qualité. Mais outre les inconvénients signalés plus haut, elles avaient un défaut grave pour les connaisseurs : elles manquaient de finesse, leur peau était épaisse et leurs os trop gros, caractères qui sont loin d'être ceux d'une bonne qualité de viande et d'un engraissement facile.

L'accouplement du type du Glan avec les vaches du pays a généralement paru plus satisfaisant. Le résultat du métissage semble avoir été avantageux tant sous le rapport d'une belle conformation que du développement des qualités laitières. Aussi, dans le canton, a-t-on en général donné la préférence au type de Quirenbach.

Doit-on s'arrêter à ces essais ?

Nous ne le pensons pas.

Plusieurs éleveurs sont d'avis qu'il serait avantageux pour améliorer la race du pays de se servir de types hollandais. Sans prétendre nous prononcer dans une question aussi délicate et qui exige pour être résolue, des connaissances approfondies et spéciales, non-seulement en agriculture, mais en histoire naturelle générale, en anatomie, en physiologie et en hygiène, puisqu'il s'agit de modifier une race par une autre dans le but de l'améliorer, nous ne pouvons nous empêcher de signaler le type hollandais comme l'un des meilleurs types laitiers connus; sa conformation est belle, il a une grande finesse et un beau développement.

Le croisement au moyen du taureau hollandais nous paraît donc présenter tous les avantages désirables, et nous pensons qu'il pourrait être très-utile pour l'amélioration de notre espèce bovine.

11 est malheureusement d'usage dans le canton de livrer la génisse au mâle dès qu'elle donne les premiers symptômes de chaleur et souvent à quatorze et quinze mois, où elle est loin d'être assez développée pour faire de bonnes productions.

La personne qui entretient les taureaux d'une commune en

est ordinairement indemnisée; elle reçoit, soit la jouissance gratuite d'un terrain, soit une somme fixe d'argent en dehors du prix de saillie qu'elle est en droit d'exiger.

Il y a néanmoins dans le canton plusieurs localités où l'entretien des taureaux est entièrement abandonné à la libre concurrence. C'est là un régime qui nous semble défectueux. Il ne présente pas, à notre avis, assez de garantie sous le rapport du choix des reproducteurs. L'entretien des taureaux par entreprise nous paraît devoir produire de meilleurs résultats, puisque cette mesure soumet les entrepreneurs à une surveillance évidemment efficace.

On vend les veaux depuis l'âge de trois à quatre semaines, jusqu'à deux ou trois mois, rarement plus tard; ils se paient alors de 15 à 18 fr. pièce.

Les génisses sont presque toujours gardées, cependant on conserve plus volontiers pour l'élevage celles nées dans les mois de mars, avril et mai. On est sûr alors d'avoir de quoi les nourrir.

Les bœufs ne commencent à labourer qu'à deux ou trois ans; on les emploie d'abord à des travaux plus légers.

Dans les sols de consistance moyenne une paire de bœufs laboure une trentaine d'ares par jour.

Ils travaillent jusqu'à six ou sept ans ; passé cet âge on les engraisse pour les vendre.

On a l'habitude de les atteler deux à deux. Ils tirent par la tête, au moyen d'un joug peu coûteux fixé sur le front par deux courroies qui entourent la base des cornes et soutiennent ce joug.

L'engraissement à l'étable est le plus pratiqué. Il dure. trois ou quatre mois. On estime qu'un bœuf qui arrivera à peser 200 kilogrammes, chair nette, doit consommer par jour 10 à 12 kilogrammes de foin, 18 à 20 kilogrammes de pommes de terre, ou 25 à 30 kilogrammes de navets ou de betteraves. Vers la fin de l'engraissement, on ajoute aux racines de la farine.

Un bœuf, avec cette nourriture doit gagner par jour en moyenne 7 ou 800 grammes.

Dans le canton, la valeur d'un bœuf de travail est d'environ 200 fr. ; celle d'un bœuf engraissé est de 320 fr.

On conserve les bonnes vaches jusqu'à l'âge de douze à quatorze ans.

Le nombre de veaux donnés par une vache jusqu'à l'âge où on l'abat est de huit ou neuf.

On évalue à 1100 litres la quantité moyenne de lait donné annuellement par une vache du pays; mais les bonnes laitières , convenablement nourries fournissent un rendement qui dépasse presque toujours 2000 litres de lait par an. La comparaison du produit de nos vaches prises en bloc et du produit de vaches chez qui l'aptitude lactifère est un peu développée, prouve que beaucoup de nos cultivateurs ne donnent pas encore assez de soins au choix de ce genre de bestiaux. Ils devraient s'appliquer davantage à n'introduire dans leurs étables que les bonnes espèces, et ils y arriveraient au moyen d'une étude plus sérieuse des signes qui indiquent chez les vaches de tout âge l'aptitude lactifère.

Le prix ordinaire d'un litre de lait est de 10 c.

Il faut environ 30 litres de lait pour 1 kilogramme de beurre. Douze litres suffisent pour donner 1 kilogramme de fromage.

Il existe dans le canton 2664 vaches, et nous avons dit qu'une vache commune du pays produit en moyenne par an 1100 litres de lait.. Soit ensemble 2,930,400 litres.

Mais il faut admettre, qu'en raison du vêlage et des autres circonstances qui, pendant un certain temps, empêchent de recueillir le lait, un sixième de cette production ne peut pas être utilisé pour l'alimentation; en sorte qu'il n'est livré à la consommation que 2,442,000 litres.

Ce lait est employé :

10 Directement à l'alimentation, sans qu'on lui fasse subir aucun changement, dans la proportion d'un tiers (814,000 litres).

2° A la fabrication du beurre, du lait caillé et du fromage, pour les deux autres tiers (1,628,000 litres).

La quantité de beurre faite anuellement dans le canton est d'environ 46,650 kilogrammes.

Environ 3400 litres de crème ne sont point convertis en beurre. Le lait caillé écrêmé entre pour une partie importante dans la nourriture des habitants de nos campagnes. Une faible portion est convertie en fromage blanc ou frais ; beauconp moins encore en fromage yec ou ferme. Le babeurre sert au paysan peu aisé à faire de la soupe. Le cultivateur jouissant d'une certaine aisance le donne aux porcs, pour lesquels il forme une bonne boisson.

Pour contenir le lait on se sert dans le canton de pots en terre cuite faits dans le pays ; ils ont le plus souvent Om,25 de hauteur, Om,11 de diamètre à la base, Om,15 au milieu et om,10 à la partie supérieure. Ils contiennent environ 2 litres à 2lil,50.

Pour battre la crème et en faire du beurre, on n'emploie généralement que des barattes en bois de forme tronc-conique. Un bâton auquel est fixée une rondelle percée de trous, sert de batte-beurre. On agite la crême en élevant et abaissant ce bâton par un mouvement alternatif. Sur la partie supérieure de la baratte se place une sébile mobile qui en ferme l'ouverture. Ce couverele est percé d'un trou qui permet au bâton d'y glisser avec facilité. Le battage est plus ou moins long suivant que la température est plus ou moins élevée. Il dure en moyenne trois quarts d'heure.

Des indications que nous venons de donner, il résulte que les vaches élevées dans le canton fournissent à la consommation locale :

1° 814,000 litres de lait à 10 c. le litre, soit pour une valeur

de 8,140 fr.

2o 46,650 kilogrammes de beurre à 1 fr. 50 c.

le kilogramme, soit pour 79,305 »

A reporter.... 87,445 fr.

Report 87,445 fr.

80 3400 litres de crème à 50 c. le litre, soit pour 1,700 »

40 Enfin du lait caillé, du fromage blanc et autre pour une valeur d'environ 8,000 »

Total ..... 97,145 fr.

En sorte que le produit brut annuel des vaches élevées dans les différentes communes du canton, est pour le laitage de 97,145 fr.

La consommation du lait, du beurre, de la crême, n'est pas limitée aux quantités indiquées ci-dessus ; les communes de la Bavière, limitrophes de la ville, en importent beaucoup à Wissembourg.

Une vache pleine vaut de 150 à 180 fr. en moyenne; une vache ordinaire (non pleine et non engraissée) se paie 120 à 140 fr.

On compte dans le canton de Wissembourg :

2664 vaches,

632 bœufs,

82 taureaux, 945 veaux.

Ensemble 4323 têtés de bétail.

Les maladies non épidémiques en enlèvent soixante-dix à quatre-vingts par an. Ces maladies sont plus particulièrement la péripneumonie, le crû ou adhérence de la peau et les météorisations.

La péripneumonie et le crû s'expliquent facilement par les transitions brusques d'une forte chaleur à un froid vif, qu'on cherche trop peu à épargner aux animaux. Les météorisations sont la conséquence presque infaillible du pâturage sur l'herbe mouillée et quelques soins suffiraient certainement pour éviter la plupart de ces accidents.

L'absence d'un vétérinaire dans le canton, fait qu'on le demande rarement, et bien des têtes de bétail périssent parce qu'il n'a pas été possible d'avoir recours à temps à un homme de l'art.

La création de vétérinaires cantonaux serait vivement à désirer ; aussi a-t-elle été réclamée plusieurs fois par le conseil d'arrondissement de Wissembourg.

Mais là ne se bornent pas les améliorations à réclamer en faveur des propriétaires de bestiaux. La perte d'une vache ou d'un bœuf est souvent un commencement de ruine pour le cultivateur peu aisé ; si un pareil accident lui arrive, il est presque toujours obligé d'avoir recours à des achats à crédit et à des emprunts usuraires. Il faudrait donc que nos paysans s'habituassent à recourir davantage aux assurances. De cette façon, moyennant une faible prime annuelle, ils seraient certains, le cas échéant, d'être dédommagés de toute perte.

Pour propager autant qu'il est en son pouvoir la création d'associations qui, sans nul doute, exerceraient une influence fort salutaire sur la prospérité de notre agriculture, le comice agricole de l'arrondissement consacre tous les ans des primes assez importantes à l'encouragement des associations mutuelles locales contre la mortalité des bestiaux.

Trois de ces sociétés existent en ce moment dans le canton. L'une à Wissembourg, à été fondée en 1850. Ses opérations s'étendent annuellement sur environ soixante têtes de bétail d'une valeur approximative de 12,000 fr. ; c'est un peu moins du tiers des bestiaux élevés dans la ville. La prime est de 1 fr. 50 c. p. 100 par an. Depuis que cette association fonctionne , toutes les pertes ont été réglées, et cependant le restant en caisse est de 476 fr. 91 c.

L'autre, celle d'Altenstadt compte aussi une dizaine d'années d'existence. La prime payée annuellement est de 1 fr. 20 c. p. 100. En moyenne elle assure par an de 95 à 100 têtes de gros bétail, représentant une valeur de 14 à 15,000 fr. C'est environ le tiers des bestiaux nourris dans la commune.

Il est rare qu'après le remboursement des sinistres, il ne reste pas en caisse à la fin de l'année 5 à 600 fr.

La troisième de ces associations, celle de Wingen, a été créée tout récemment, et cependant le nombre des bestiaux assurés est déjà de 163, soit près de la moitié des animaux de la race bovine élevés dans la banlieue. La valeur de ces 163 têtes de bétail est de 24,200 fr. Quoique la prime ne soit fixée qu'à 80 c. p. 100 par an, l'association a fait face jusqu'ici à tous les sinistres.

Dans une grande partie de nos communes, et notamment à Cléebourg, Climbach, Niedersteinbach, Obersteinbach, Oberhoffen, Rott et Wingen les cultivateurs se servent exclusivement de bœufs et de vaches pour l'exécution de leurs travaux et pour les charriages. Ce qui fait préférer le bœuf et la vache au cheval, c'est : 1° Qu'ils ont un grand avantage sur ce dernier sous le rapport de l'économie; ils coûtent moins cher, leur entretien est plus facile, ils se contentent d'une nourriture plus simple et n'exigent ni avoine ni autres grains. 2° Qu'ils sont moins sujets aux maladies. 30 Parce qu'après avoir servi au trait pendant plusieurs années, ils peuvent être engraissés et livrés au boucher à un prix qui procure un profit au cultivateur, tandis que le cheval, une fois incapable de travailler n'a presque plus de valeur. 4o Parce qu'enfin ils donnent un fumier plus estimé. A ces considérations, il faut ajouter que beaucoup de nos communes sont situées dans la montagne où les chevaux ne peuvent rendre que peu de services.

Avec un attelage de bœufs on laboure 30 ares de terre dans une journée, 20 seulement avec une paire de vaches.

Depuis plusieurs années le comice agricole de Wissembourg dans le but d'encourager l'élève des bêtes à cornes, distribue régulièrement des primes en argent aux propriétaires de bonnes vaches laitières et des meilleurs taureaux.

Ce mode d'encouragement à l'amélioration des races ne produit pas toujours des effets très-satisfaisants et nous aimerions mieux qu'on revînt au système adopté antérieurement

et qui consistait à consacrer une somme de quelque importance à l'acquisition de jeunes taureaux de choix, revendus ensuite à des cultivateurs pour la reproduction et l'amélioration de l'espèce.

Les résultats obtenus à l'époque où de semblables achats ont eu lieu, étaient généralement appréciés.

Le conseil général du département s'est récemment prononcé dans le sens que nous indiquons.

Il a été d'avis de supprimer les primes à décerner aux vaches laitières, pour les reporter sur les taureaux de bonnes races, et réunissant toutes les qualités qui constituent de bons reproducteurs.

En conséquence, il a voté un crédit de 8,000 fr. proposé par M. le préfet pour l'achat de taureaux destinés à la revente.

Nous applaudissons de toutes nos forces à une mesure qui, sans nul doute, hâtera les progrès de l'espèce bovine, beaucoup trop lents, non-seulement dans le canton de Wissembourg, mais dans tout le département. Seulement nous eussions désiré que les acquisitions de reproducteurs ne se fissent pas exclusivement à l'étranger. Il faudrait avant tout encourager les éleveurs du pays. A cet effet on devrait établir des concours au moyen de marchés tenus annuellement dans chaque arrondissement, et on y achèterait aux prix payés à l'étranger les plus beaux taureaux présentés aux concours.

De cette façon d'agir on retirerait deux avantages évidents : le premier, c'est que l'argent dépensé pour l'amélioration de notre race bovine resterait dans le pays ; le second, c'est que nos éleveurs sachant qu'ils pourront placer avantageusement leurs bestiaux, s'ils sont de bonne qualité, s'efforceraient d'améliorer leurs races, ne livreraient plus la majeure partie des taurillons à la boucherie et s'adonneraient à leur élevage avec soin.

Nous ne doutons pas que l'administration départementale ne mette bientôt en pratique ce mode d'encouragement.

Espèce chevaline.

Si l'arrondissement de Wissembourg se trouve par ses produits hippiques à la tête des centres de production du département, tant pour la quantité que pour la qualité, notre canton ne figure malheureusement qu'en ligne secondaire dans des résultats si satisfaisants. Il ne possède point de race de chevaux bien distincte, comme aussi il a très-peu de beaux chevaux.

Les éleveurs sont extrêmement rares, on n'en compte quelques-uns qu'à Riedseltz, Altenstadt et Steinseltz.

Riedseltz surtout semble depuis quelque temps vouloir prendre un rang d'une certaine importance dans la production chevaline. On y trouve plusieurs belles poulinières, et ses chevaux de service ont été appréciés par l'armée et par le commerce.

Aux courses qui ont eu lieu à Strasbourg, le 4 et le 5 juillet 1857, c'est par un habitant de Riedseltz qu'a été gagné le prix de 500 fr., offert par le conseil général, et celui de la somme égale de la société des courses ; son cheval Fuchs battant l'un des chevaux les plus en renom du turf parisien.

La race la plus commune dans le pays a beaucoup d'analogie avec celle de Deux-Ponts croisée. C'est là une bonne espèce de chevaux, généralement bien constituée et présentant le degré de rusticité que nos cultivateurs de la campagne désirent beaucoup rencontrer dans leurs bêtes de trait.

Si l'élevage du cheval est rare dans cette partie de l'arrondissement, ce n'est peut-être pas un grand mal, car jusqu'à ce que notre agriculture ait introduit les améliorations importantes qu'elle réclame et auxquelles elle peut atteindre, il lui sera plus profitable de réserver ses soins pour l'espèce bovine et même pour les bêtes à laine, producteurs d'engrais bien plus économiques que les chevaux.

Les chevaux nés dans le pays proviennent généralement de croisements avec les étalons des haras. Très-peu sont vendus au commerce comme chevaux de luxe ; les meilleurs sont acquis

par les dépôts de remonte, dont l'action sur l'amélioration de la race chevaline se fait assez sensiblement reconnaître depuis quelque temps.

De tous les cantons de l'arrondissement, celui de Wissembourg compte le moins de chevaux. Il faut en attribuer le motif à la situation de près de la moitié de ses communes qui, comme nous l'avons déjà dit, sont placées au milieu des montagnes, et où les chevaux ne peuvent par conséquent rendre que très-peu de services aux cultivateurs.

A la campagne, les chevaux sont pour la plupart mal nourris. Ils reçoivent en été du fourrage vert, en hiver du foin, de la paille, des carottes, des topinambours; si ce n'est chez le cultivateur riche, on ne leur donne ordinairement que fort peu ou point d'avoine.

Beaucoup de nos cultivateurs croient que le foin et l'avoine nouvellement récoltés sont nuisibles aux chevaux.

C'est une erreur.

Non-seulement le foin nouveau n'offre aucun inconvénient dans l'alimentation du cheval, mais encore il peut être substitué avec avantage au foin ancien.

Quant à l'avoine nouvelle, il résulte de nombreuses expériences, qu'elle peut être consommée immédiatement après le battage.

Nos cultivateurs peuvent donc en toute sécurité faire entrer dans l'alimentation du cheval le foin et l'avoine nouvellement récoltés. Son usage ne nuira ni à sa santé, ni à son bien-être.

Les harnais des chevaux laissent beaucoup à désirer, ils affectent toutes les formes ; on y donne beaucoup trop peu de soins.

Les maladies les plus communes parmi les chevaux du canton sont : la fluxion périodique, la pousse, les gourmes et les météorisations.

C'est presque toujours à la négligence des propriétaires, à leur défaut de soins hygiéniques et de surveillance, à la mauvaise tenue et à la vicieuse disposition de leurs écuries, que

l'on doit attribuer la fréquence et la violence de ces maladies. Insouciants pour les prévenir, ils ne le sont guère moins pour chercher à les guérir. Le vétérinaire n'est appelé que dans des circonstances très-rares ; on préfère avoir recours aux empiriques et aux maréchaux.

En parlant de l'espèce bovine, nous avons fait connaître les motifs qui militent en faveur des bœufs et des vaches sous le rapport de l'aptitude aux travaux champêtres; mais il est des considérations qui, indépendamment de cette aptitude, déterminent pour ces mêmes travaux l'emploi des bêtes chevalines. On aurait tort alors de ne pas les utiliser.

Seulement nos cultivateurs ne devront jamais perdre de vue que le cheval est, plus que le bœuf ou la vache, sensible aux brusques changements de température. C'est pour en prévenir les effets funestes qu'on ne saurait trop conseiller de jeter une couverture de toile ou de laine sur le corps des animaux à l'issue de chaque attelée; on les conduirait ainsi enveloppés à l'écurie, on les bouchonnerait, et au bout d'une heure ou deux, on pourrait ôter la couverture. Ce moyen est facile, il n'entraîne pas de grands frais, et il peut prévenir des fluxions de poitrine, des catarrhes, des rhumatismes, etc.

Si à ces précautions, puisées dans l'hygiène, on joint une bonne stabulation et un régime alimentaire convenable, on évitera presque toutes les maladies auxquelles les chevaux de labour sont exposés ; on augmentera leurs forces ; on accroîtra leur longévité ; on en obtiendra une plus grande masse de travail , et peut-être pourra-t-on alors résoudre en leur faveur la question si controversée de la supériorité des chevaux sur les bœufs, considérés comme agents de la culture.

Le nombre total des chevaux du canton est de 479.

En moyenne 15 sont enlevés annuellement par les maladies, 10 périssent par accidents et 12 mcurent de vieillesse..

(Voy. le tableau ci-contre, p. 146).

TABLEAU INDICATIF DU NOMBRE DE TÈTES DE GROS BÉTAIL.

ESPÈCE BOVINE. TOTAL ESPÈCE CHEVALINE.

des

DÉSIGNATION DES COMMUNES. B - TanrP9nx Vaches Chevaux Juments fPoul?."îs des Bœufs Taureaux taches BÊTES de 4 ans de 4 ans et pouliches et x et Veaux. C0RNES et et de l ans CHEVAUX, bouvillons. taurillons. génisses. A CORNES. au-dessus.

WlSSEMBOURG 3 11 194. 21 229 93 18 8 119 ALTENSTADT 8 16 335 176 535 37 55 14 106 CLÉEBOURG 77 2 250 144 473 6 — — 6 CUMBACH 33 2 156 19 210 - - 1 1 LEMBACH 165 3 210 23 401 22 4 1 27 NIEDERSTEINBACH 2 114 85 247 3 1 4 Oberhoffen I5 1 62 27 105 -OBERSTEINBACH 38 24 173 29 264 1 2 » 3 RIEDSELTZ. - 8 403 106 517 42 92 37 171 ROTT 76 5 207 97 385 — — — — STEIN SELTZ 40 7 212 176 435 12 12 8 32 WEILER 35 - 105 22 162 8 - - 8 WlNGEN 96 1 243 20 360 2 - ' - 2

TOTAUX ... 632 82 2664 945 4323 223 186 70 479

Espèce ovine.

Presque tous les moutons, entretenus dans nos contrées, sont une variété assez chétive et abâtardie de la race commune.

Il existe dans le canton neuf troupeaux de moutons : ce sont les communes de Wissembourg, Altenstadt, Cléebourg, Oberhoffen, Riedseltz, Rott, Steinseltz, Wingen et deux annexes de Lembach, qui les fournissent.

Le nombre total des moutons élevés est de 2,325.

A l'exception de 4 béliers, de 20 moutons et de 28 brebis, tous appartiennent à la race commune dégénérée dont nous avons parlé.

La perte causée annuellement par les maladies non épidémiques est d'environ 150, les épizooties en enlèvent près de 250.

Chaque troupeau est confié à la conduite d'un berger spécial. Par malheur nos bergers possèdent rarement les qualités qu'on devrait trouver chez des hommes spéciaux chargés non-seulement de surveiller les moutons, mais encore de les soigner dans les maladies dont ils sont atteints.

Cette ignorance habituelle des bergers, la persistance qu'ils mettent dans des pratiques ridicules, dans des idées aveugles et routinières, sont des circonstances qui peuvent amener des inconvénients graves, tant sous le rapport de l'amélioration des races, que sous le point de vue de l'économie domestique, et il serait vivement à désirer qu'on pût y porter remède.

Les gages des bergers varient dans chaque commune ; presque partout ils consistent en indemnités en argent, froment ou seigle, et dans le droit d'adjoindre à leur profit un certain nombre de têtes de bétail au troupeau commun. On leur abandonne aussi le revenu du parc pendant un temps plus ou moins long.

A Wissembourg il existe entre les propriétaires de moutons une association pour l'entretien du troupeau et l'exercice du

droit de vaine pâture qui se pratique depuis un temps immémorial.

Aux termes d'un règlement arrêté entre les propriétaires le 10 juillet 1853, la vaine pâture par troupeau commun s'exerce au profit de tous les habitants de la ville sur les terres vaines, sur les terres non préparées ou dépouillées de leurs fruits, sur les prairies naturelles, aux époques fixées par les règlements municipaux.

La conduite du troupeau est confiée à un berger nommé par le maire. Le berger a le choix de ses serviteurs ou aides; il en est responsable.

Son salaire consiste :

1° En une somme de 12 fr. qu'il reçoit chaque année à titre d'arrhes ;

2o En un traitement en argent de 200 fr.

3o En 15 hectolitres 36 litres de froment et en autant de seigle ;

4o En 64 litres de pois ;

50 En 64 litres de haricots ;

60 En 48 litres de navette ;

70 En 9 stères de bois de chauffage, moitié pin, moitié hêtre ; 80 Dans le produit du parcage qui lui est abandonné pendant sept nuits.

Le berger et ses aides ont le droit de mettre 120 têtes de bétail au troupeau, le surplus est fourni par les habitants. Les agneaux sont comptés comme moutons à partir de la Saint-Michel de chaque année.

Il est formellement défendu au berger de former des troupeaux séparés et favorisés. soit de ses propres bêtes, soit des bêtes d'un ou de plusieurs particuliers.

Le nombre de moutons à envoyer au troupeau commun a été fixé à 448 têtes.

Le troupeau de Wissembourg compte en ce moment 401 têtes de bétail.

Dans plusieurs autres communes du canton, le parcage forme

également des associations particulières. Son exercice est réglé, soit par des conventions intervenues entre les associés, soit par des arrêtés municipaux.

La nourriture des bêtes à laine élevées dans le canton est de deux sortes : celle d'été que le bétail cherche au pâturage depuis le printemps jusqu'au commencement de l'hiver, et celle d'hiver, qu'il reçoit à l'étable pendant la saison rigoureuse. Dans nos localités, cette dernière consiste principalement en foin, paille, sons, navets, pommes de terre, topinambours , presque toujours assaisonnés d'un peu de sel.

Les moutons ordinaires du pays valent, à trois ans, de 16 à 20 fr. la pièce.

Ils donnent de ik,50 à 2 kilogrammes de laine par an. Les 50 kilogrammes de laine valent 150 à 200 fr., suivant la qualité.

Ces ventes au surplus, n'ont pas de cours déterminé; chaque propriétaire établit son prix avec le marchand, tout se règle de gré à gré entre eux.

Chèvres.

On n'élève dans le canton qu'environ 150 chèvres.

Le prix moyen d'une chèvre ou d'un bouc est de 12 à 15 fr. Un jeune chevreau de quatre à cinq semaines se paie 2 fr. 50 c. à 3 fr.

Sauf les femelles qu'on veut élever, tous les chevreaux sont livrés à la consommation au bout de quatre à cinq semaines.

Le produit annuel d'une chèvre (lait, chevreau et engrais) peut être évalué à 8 ou 10 fr.

Dans nos contrées, une chèvre garde son lait pendant environ cinq à six mois ; elle en donne de 1lit,50 à 2 litres par jour.

Si la chèvre rend quelques services au campagnard pauvre qui n'a pas les ressources nécessaires pour se procurer une vache, d'un autre côté elle est un véritable fléau pour les terrains cultivés, et si elle se rencontre peu dans ce canton, c'est

que sa proscription est réclamée avec raison dans les pays riches, où les récoltes et même les arbres ont tout à redouter de sa dent.

Quand on veut entretenir des chèvres sans avoir à subir les inconvénients que nous venons de signaler, il faut les tenir au régime de la stabulation, qu'elles supportent très-faci- lement.

Espèce porcine.

La race porcine est assez multipliée, et cela se comprend, puisqu'ici la petite culture prédomine. Non-seulement l'entretien des porcs est toujours possible, mais encore il est presque constamment avantageux.

Le porc, qui est omnivore, utilise des débris de substances animales et végétales, qui souvent seraient perdus, s'il n'était pas là pour les consommer. En échange, il fournit sa chair, ressource précieuse, car à la campagne c'est pour ainsi dire la seule viande qui soit à la portée du cultivateur peu aisé.

Le nombre des porcs élevés dans le canton est de 1675. En moyenne, un porc se vend 30 fr.

Le cochon du pays se rapproche beaucoup de la race normande croisée.

Quelques porcs anglo-chinois ont été introduits dans plusieurs localités. Quoiqu'on ait reconnu leur extrême facilité à s'engraisser avec moins de nourriture que n'en exige la race indigène, on les a peu adoptés. Presque tous les sujets provenant de leur croisement ont même disparu. Les uns ont prétendu que leur chair était trop rouge; d'autres qu'elle était coriace; ceux-ci, que le gras était trop mélangé avec la viande, ceux-là, que les bandes de lard étaient bien moins longues que celles de l'espèce du pays. Toutes puériles que sont au fond ces diverses objections, elles n'en ont pas moins arrêté une amélioration d'une utilité incontestable.

Nos cultivateurs devraient comprendre que les porcs étant exclusivement destinés à la consommation, il faut rechercher

ceux dont la croissance est la plus rapide, et qui, pour une quantité de nourriture consommée fournissent la plus grande proportion de chair et de graisse.

Les porcs sont généralement envoyés au pâturage ; dans quelques communes, à la glandée. Loin de redouter la mauvaise influence des terrains marécageux, ces animaux s'y plaisent. Ils profitent des racines charnues, des mollusques et des batraciens qu'on y trouve. Matin et soir, les porcs de la même commune se réunissent en troupeau au son de la trompe et vont aux champs sous la conduite d'un gardien ; le soir on les ramène au village, et chacun d'eux regagne son gîte au galop.

C'est en automne qu'on possède dans les fermes les principales substances alimentaires, criblure de grains, racines diverses, qu'on peut donner aux cochons; c'est aussi à cette époque qu'on en engraisse le plus grand nombre. Dans nos campagnes, c'est ordinairement vers Noël qu'on tue les porcs et qu'on les prépare sous des formes diverses pour la consommation de l'année.

Le poids des porcs gras du pays varie beauconp ; on peut cependant estimer qu'en moyenne il est de 50 à 60 kilogrammes.

Le prix de la viande de porc et du lard est de 80 c. à 1 fr. 10 c. le kilogramme.

Les jeunes porcs de cinq à six semaines se vendent, en temps ordinaire, de 4 à 5 fr.

Autrefois, l'élevage des porcs avait à Wissembourg une importance beaucoup plus grande, parce qu'on fournissait aux habitants des moyens faciles et moins coûteux de les engraisser. On trouve dans l'ancien livre du magistrat de la ville des traces nombreuses de l'intérêt que l'administration locale portait aux éleveurs. Des cantonnements étaient assignés pour la glandée et de fréquentes distributions de fèves et de glands avaient lieu régulièrement. Aujourd'hui tout cela a cessé ; ajoutons que tout cela n'est presque plus possible.

Quoi qu'il en soit, on ne peut trop recommander l'élevage

du porc. S'il n'est utile que par la chair qu'il lournit après sa mort, il faut reconnaître qu'il a pour cette destination une aptitude supérieure : ainsi, tandis que chez le bœuf 20 à 25 kilogrammes de foin sont nécessaires pour produire une augmentation d'un kilogramme, 20 kilogrammes de pommes de terre, équivalant pour la faculté nutritive à 10 kilogrammes de foin seulement, suffisent au porc pour gagner la même augmentation.

Son engraissement est plus facile, plus rapide que celui du bœuf, et son augmentation de poids est relativement plus considérable. Ainsi, tandis que le poids du cochon peut doubler pendant l'engraissement, celui du bœuf s'accroît seulement d'un tiers environ.

Il nous reste une dernière observation à faire relativement au peu de soins donnés d'ordinaire à l'élevage des porcs.

Beaucoup de nos paysans semblent croire qu'il n'y a que peu on point de règles d'hygiène à observer à l'égard de la race porcine. C'est là une grande erreur. Il est bien prouvé que le cochon, quoique se pliant à tous les régimes, aime et demande la propreté ; que, lorsqu'il y a de l'eau à sa portée, il s'y baigne volontiers, tant pour se mettre à l'abri des chaleurs, que pour se débarrasser des impuretés qui salissent sa peau; enfin qu'une des conditions essentielles de sa bonne santé et de la beauté de ses produits, c'est une propreté absolue.

Pour que le porc puisse bien prospérer, il a besoin en outre, d'une bonne litière sèche et chaude qui doit être renouvelée plusieurs fois par semaine. Enfin, il ne doit jamais être nourri avec parcimonie. Le seul but qu'on ait à se-proposer avec cet animal est celui-ci : obtenir, dans le plus court espace de temps, la plus grande production de chair et de lard. Le moyen d'y parvenir consiste dans une alimentation copieuse : un porc bien nourri peut être, à six mois, aussi grand qu'un autre de la même race le sera à un an, s'il a été mal nourri, et l'engraissement du premier sera faite à moins de frais que celui du second.

TABLEAU INDICATIF

DU NOMBRE DE TÈTES DE ME M" BÉTAIL.

F*sPFfF nVÏNF ESPÈCE ESPÈCE ESPECE OVINE. PORCINE. CAPRINE.

NOMS

TOTAL.

DES COMMUNES. BÉLIERS BREBIS NOMBRE !'iOMBRE et et des des

MOUTONS. AGNEAUX. PORCS. CHÈVRES.

WLSSEMBOL'RG .... 201 200 401 574 28 ALTENSTADT 311 261 572 260 17 CLÉEBOIRG 148 61 209 82 11 CLIMBACH — — — 48 9 LEMBACH 167 86 253 114 22 IS'LEDERSTEINBACH ... 2 2 4 35 6 OBERHOFFEN .... 25 37 62 28 4 OBERSTEINBACH ... 9 19 28 54 8 RIEDSELTZ 136 291 427 198 15 ROTT 30 37 67 123 6 STEINSELTZ 55 92 147 117 9 WEILER 3 2 5 12 7 WLNGEN 50 100 150 30 10

TOTAUX ... 1137 1188 2325 1675 152

OBSERVATION.

Il est à remarquer que les communes où il y a le moins de menu bétail, sont celles qui en auraient le plus besoin.

Climbach, Niedersteinbach et Obersteinbach ne comptent pas ou presque pas de moutons, et très-peu de porcs ; cependant leurs terres manquent généralement de fumures suffisantes. Or, il n'est pas douteux que, comme producteur d'engrais , le menu bétail rendrait dans ces communes des services réels.

CONSOMMATION DE LA VIANDE.

Ce n'est pas sans de grandes difficultés que nous sommes parvenu à établir un travail d'ensemble rigoureusement exact, sur la quantité totale de viande qui a été consommée dans le canton de Wissembourg pendant le courant de l'année 1857.

On comprendra combien nous avons rencontré d'obstacles à l'établissement de notre tableau, lorsqu'on considérera que pour y arriver, il a fallu faire entrer dans les calculs les populations rurales et urbaines réunies, et que dans les communes rurales, qui n'ont pas d'octroi, les moyens d'appréciation étaient extrêmement difficiles à réunir.

Malgré tous les soins que nous avons donnés à cette partie de notre travail, nous ne nous dissimulons pas que la moyenne obtenue en comparant la population totale du canton, avec la quantité de viande de boucherie consommée, n'est pas très-rigoureuse. En effet, les populations de chaque localité, tout comme les individus pris isolément, ne font pas , dans d'égales proportions, entrer cet aliment dans leur nourriture. Il en résulte qu'en comprenant dans un même calcul les habitants de la ville et ceux de la campagne dont le mode de se nourrir est si différent, nous avons obtenu une moyenne trop faible pour les uns, et trop élevée pour les autres.

Cependant, nous n'avons pas pensé que ces considérations fussent de nature à nous arrêter dans nos recherches ; car malgré la différence qui existe entre la consommation en viande de la ville et celle des campagnes, il nous a paru intéressant de connaître tout à la fois le nombre d'animaux abattus annuellement et la quantité de viande consommée. Cette différence est du reste appréciable, et comme indication de la proportion qui existe entre la consommation faite par les populations de la ville et celles de la campagne, il faut admettre que ces dernières entrent pour moins d'un sixième dans la presque totalite des chiffres indiqués. Il n'y a d'exception que pour la

viande de porc, qui figure environ pour moitié dans la consommation de la ville et pour moitié dans celle des habitants des communes rurales.

Le poids moyen en viande des diverses espèces de bestiaux du canton, tués en 1857, s'établit de la manière suivante :

Boeufs 300 kilogrammes. Vaches 175 » Veaux 45 » Moutons 25 » Porcs ....... 35 »

Les chiffres indiqués dans la dernière statistique générale de la France sont, pour tout l'empire :

Boeufs 318 kilogrammes. Vaches 219 » Veaux 46 » Moutons ...... 25 » Porcs ....... 85 »

En comparant l'indication des poids que nous donnons pour le canton, avec celle constatée pour la France entière, par la statistique générale, pour la viande de bœuf, de vache, de veau et de mouton > on voit qu'il n'y a qu'une différence assez insignifiante entre ces poids. Il n'en est pas de même de la viande de porc. Dans ce canton le poids net moyen d'un porc livré à la boucherie n'est que de 35 kilogrammes, tandis que celui porté pour la France serait de 85 kilogrammes.

Sans vouloir contester l'exactitude des résultats de la statistique générale, nous ne pouvons nous empêcher de trouver cette dernière indication très-élevée.

Cependant cette différence peut s'expliquer. La maladie des pommes de terre, et une série de mauvaises années, ont rendu dans nos contrées, l'engraissement des porcs très-dispendieux, de sorte que nos cultivateurs ne pouvaient plus le pousser bien loin, et que la plus grande partie des porcs étaient tués avant d'avoir atteint un développement complet.

La proportion dans laquelle chacune des espèces de viande est entrée dans la consommation individuelle de chaque habitant a été pour 1857 en :

Boeuf 5k,77 Vache 5k,54 Veau 4k, 7 6 Mouton Ok,71 Porc 2k,55

Ensemble ... 19k,33

Ici nous sommes en accord presque parfait avec la statistique générale qui indique comme chiffre moyen pour l'Alsace celui de 19k,94.

Cette faible consommation est plus forte cependant que la moyenne annuelle par tête indiquée pour une grande partie de l'Allemagne et notamment pour la Prusse où elle ne ressort qu'à 17 kilogrammes environ, dont :

En viande de bœuf et de vache, à peu près .. 7k,950 » de veau 2k,455 » de mouton 2k,339 » de chèvre Ok,117 » de porc 3k,975

Total ... 16k,836

Cette sobriété de viande des classes rurales nous semble fâcheuse, et nous croyons que l'hygiène des populations de nos campagnes serait sensiblement améliorée, si elles faisaient entrer la viande pour un chiffre plus élevé dans leur mode d'alimentation.

La science a reconnu et établi que la quantité moyenne de viande nécessaire à chaque individu devrait être d'environ 160 grammes par jour, ou 58 kilogrammes par an. Aujourd'hui on ne dispose dans ce canton que de 19k,33 par personne, et c'est trop peu.

CONSOMMATION DE LA VIANDE DANS LE CANTON DE WISSEMBOURG.

Population 14,037 habitants.

NOMBRE POIDS QUANTITÉ VIANDE DE PRIX VALEUR, ESPÈCES d'AM" EN KILOGRAMMES CONSOMMÉE MOYEN totale maux du D'ANIMAUX. abattus PAR KIL0. DE LÂ VIANDE annuel- BRUT. NET. TOTALE. HABI- GRAMME CONSOMMÉE. lement. TANT.

Kilogrammes, lilogr. fr. C. Fr.

Bœufs .... 270 500 300 81,000 5,77 0,80 64,800 Vaches et taureaux 445 350 175 77,875 5,54 0,70 54,402 Veaux .... 1485 70 45 66,825 4,76 0,70 46,777 TOTAL des bestiaux 2200 — — 225,700 16,07 — 165,979 Moutons ... 402 35 25 10,050 0,71 0,80 8,040 Porcs .... 1025 52 35 35,875 2,55 1,00 35,875

VALEUR ET REVENU DES DIVERS ANIMAUX DU CANTON.

¡.:¡ . | VALEUR < REVENU NET % ESPÈCES. œ ~ S S s" ^ 5 K 1 Totale. 5 e Moyen. Total. g c: z s s 0

Fr. Fr. Fr. Fr. C. Fr. Pro RACE r Chevaux .. 223 225 50,175 ^ 53 - 11,919 g CUEVA- | Juments... 186 5 300 55,800 56 10,416 LINE ( Poulains.... 70 150 10,500 25 - 1,750 «■Taureaux ... 82 159 12,300 ^ 10 75 861

RACE j Boeufs .... 632 § 250 157,000 g 30 - 18,969 G BOVINE Taureaux Vaches .... 2C64 120 319,680 m 22 50 59,940 jg Veaux .... 945 35 33,075 6 - 5,670

RACE j Béliers, moutons 1137 gj 20 22,740 g 3 25 3,695 « OVINE 1 Brebis, agneaux. 1188 Si 12 14,256 » 3 50 4,158 TC RACE PORCHE 1675 JI 35 58,625 JI 15 — 25,125 JI

TABLEAU INDICATIF

de la proportion de têtes de gros et menu bétail avec le nombre d'hectares composant la superficie cultivable de chaque commltne du canton, forêts, b?niyères et jachères exclues.

NOMBRE DE TÊTES SUPER- PROPORTION FirïK A CtTT< a UPIRFICII D8 NOMS DE CULTIVA- Tius DI GROS MENU BLE

DES COMMUNES. DÉTAIL BÉTAIL (prairies et GROS MENU (chnauI, (moutous, vignes com-

MchM. bœufs, porcs et prises). BÉTAIL. BÉTAIL. Team, etc.). chèms)

Hectares.

WISSEMBOURG et WETLER . 542 1022 841 0,64 1,21 ALTENSTADT 641 844 1547 0,41 0,54 CLÉEBOURG 479 295 455 1,05 0,65 CLIMBACH 211 53 132 1,59 0,40 LEMBACH 429 377 961 0,44 0,38 NIEDERSTEINBACH ... 251 45 176 1,42 0,25 OBERHOFFEN 105 92 210 0,50 0,43 OBERSTEINBACH .... 267 88 207 1,28 0,42 RIEDSELTZ 688 635 948 0,72 0,67 ROTT 385 195 269 1,43 0,72 STEINSELTZ 467 265 385 1,21 0,69 WINGEN 362 188 340 1,06 0,55

TOTAUX pour le canton 4827 4099 6171 0,78 0,66

OBSERVATION.

A l'égard de la proportion de têtes de gros et de menu bétail avec la superficie cultivée de chaque commune, le canton de Wissembourg se trouve dans des conditions assez favorables. Il est à remarquer cependant que cette proportion est généralement plus forte dans les localités où l'étendue de culture est restreinte : c'est le contraire qui devrait avoir lieu.

OISEAUX DE BASSE-COUR.

Les oiseaux de basse-cour ordinairement entretenus dans les fermes et chez les habitants de la campagne sont :

4° Les poules et poulets du pays, qui appartiennent à l'espèce commune, le plus souvent de couleur brune ou noire, à taches blanches, avec crêtes et barbes plus ou moins développées.

Cette race, sans être fort belle, a des qualités réelles ; très-précoce, elle pond des œufs blancs, d'une grosseur moyenne.

Les poules vivent en partie sur les débris des greniers et sur les fumiers. Quand on les nourrit bien, on leur donne des criblures et des pommes de terre cuites.

Dans aucune partie du canton on n'élève les poulets pour les engraisser et les vendre ensuite par spéculation.

Une poule du pays vaut 75 c. à 1 fr. 25 c. Elle pond chaque année, en moyenne, de 80 à 100 œufs. Il est rare qu'on conserve une pondeuse plus de trois ans.

Les œufs se vendent de 30 jusqu'à 70 c. la douzaine, suivant la saison.

Depuis deux ou trois ans, on a introduit dans quelques basses-cours la race de poules dites cochinchinoises, mais elle est encore très-peu répandue et elle ne mérite pas trop d'être recommandée, car si les poules acquièrent un développement plus considérable que les poules du pays, d'un autre côté, elles sont généralement mauvaises mères et abandonnent leurs poussins presque aussitôt qu'ils sont éclos, ce qui en fait périr un certain nombre.

La poule cochinchinoise pond beaucoup, mais ses œufs sont petits et se distinguent par une coloration un peu rosée. Sa chair est inférieure à celle des poules de la race du pays ; en revanche le poids est bien supérieur, il peut arriver facilement, pour les poulets de force ordinaire, à 4 et même 5 kilogr.

La cochinchinoise est beaucoup plus délicate que nos poules indigènes, elle craint le froid et l'humidité.

Le coq cochinchinois, croisé avec des poules du pays, a produit de bons résultats.

2o Les canards. Le canard est l'oiseau de basse-cour qui coûte le moins à nourrir ; sa voracité est extrême ; tous les débris de substances animales ou végétales lui conviennent et lui profitent; c'est un véritable omnivore.

On élève peu de canards dans le canton. Indépendamment de leur chair, ils fournissent encore une plume supérieure à celle de la poule, mais inférieure à celle de l'oie. En mai et en septembre on les plume sous le cou, le ventre et les ailes.

Le prix d'un canard engraissé varie de 80 c. à 1 fr. 50 c. 3o Les oies. Dans nos campagnes l'élevage des oies a sensiblement diminué à cause du tort qu'elles font aux prairies et des poursuites auxquelles sont exposés leurs propriétaires, lorsque quelques-unes s'échappent et sont rencontrées sur les terrains d'autrui. Dans la ville, à Altenstadt et a Riedseltz on en engraisse cependant un assez grand nombre. C est une bonne spéculation.

Lorsque les oies vivent en liberté et mangent à discrétion, l'engraissement est long, imparfait et peu profitable. La méthode pour les engraisser, adoptée dans le canton comme dans toute l'Alsace, consiste à les priver de mouvement et à les gorger de nourriture; on leur fait faire deux repas par jour, à chaque repas on les gorge jusqu'à plénitude du jabot, avec du maïs.

Pour engraisser une oie, on estime qu'il faut environ trois semaines, durant lesquelles elle consomme 20 litres de maïs.

Une oie grasse pèse de 6 à 8 kilogrammes ; elle rend environ 2 kilogrammes de graisse et donne un foie pesant parfois jusqu'à un kilogramme.

La graisse d'oie vaut 1 fr. 20 c. le demi-kilogramme. Les foies se vendent depuis 1 fr. jusqu'à 4 et 5 fr. pièce, suivant leur développement.

Le corps, ainsi dépouillé, a encore une valeur de 2 à 3 fr. Outre leur chair, leur graisse et leur foie gras, les oies

fournissent encore un excellent duvet pour la literie, et des plumes à écrire.

On estime que dans le pays une oie adulte peut donner 400 à 500 grammes de duvet.

Le duvet se vend 5 à 6 fr. le kilogramme.

40 Les pigeons. On ne trouve pas dans le canton de très-nombreux colombiers. Les pigeons s'élèvent surtout dans les moulins.

Les jeunes pigeons valent 50 à 60 c. la couple.

Si les pigeons sont nuisibles à l'agriculture, en ce qu'ils détruisent une partie des semences, il faut reconnaître aussi qu'ils sont d'une assez grande utilité et comme aliment et pour l'engrais qu'on fait avec leur fiente, engrais des plus puissants pour les terres destinées à la culture du chanvre.

Il se consomme par an dans le.canton environ 15,800 pièces de volaille, d'une valeur totale de 10,200 fr.

La valeur des différentes espèces de volaille, poules, canards, oies, pigeons, qui existent en ce moment, est de 8500 fr.

La valeur des œufs, plumes et autres produits peut être évaluée annuellement à 16,000 fr.

ABEILLES.

L'économie rurale s'est emparée de la culture des abeilles et elle a bien fait, car c'est une branche de l'agriculture d'autant plus précieuse, qu'elle est à la portée de tous les habitants de la campagne, même des moins aisés ; elle n'exige que peu de peine, qu'une dépense insignifiante, et cependant elle offre des produits d'une importance réelle.

Une ruche bien peuplée peut émettre, sans s'épuiser, jusqu'à trois essaims par an; chaque essaim peut peser de 2 jusqu'à 3 kilogrammes, et on en a observé qui en pesaient 4 ; le nombre de mouches qui le composent est ordinairement de trois à quatre mille.

Le canton de Wissembourg, par sa situation, par son genre

de culture, par les arbres et les bruyères qui couronnent ses montagnes, est essentiellement propre à l'élevage des abeilles; cependant le nombre des apiculteurs est-fort restreint.

On ne compte dans tout le canton que 112 personnes qui s'occupent de l'éducation des abeilles; le nombre des ruches n'y est que de 560.

On ne fait usage que de la ruche vulgaire en paille.

Pour récolter le miel on a encore généralement la mauvaise habitude de recourir à l'étouffage. Bien peu de nos apiculteurs emploiènt, pour prendre la récolte des produits, le * transvasement par tapottement, qui cependant, avec un peu d'habileté, réussit toujours.

Déduction faite des gâteaux abandonnés aux abeilles pour leur nourriture d'hiver, nos ruches produisent en moyenne par an 3 kilogrammes de miel et 1 kilogramme de cire.

Le miel se vend 1 fr. le kilogramme. La cire vaut 3 fr.

Les 560 ruches du canton sont donc d'un rapport approximatif de 3360 fr. par année.

Le nombre des ruches pourrait, sans dépasser une juste mesure, être vingt fois plus grand et le produit annuel s'élèverait alors à 67,200 fr. ! ! Le prix du miel et de la cire n'en éprouverait aucune dépréciation et les abeilles trouveraient sur le sommet des Vosges, comme dans nos vallées si riches en * plantes fourragères, oléagineuses et autres, des éléments suffisants pour une production abondante et d'une excellente qualité.

L'usage de la cire, qu'on ne peut se procurer que parle produit important de l'industrie des abeilles, est aujourd'hui tellement multiplié, qu'on ne saurait assez encourager l'apiculture.

L'élan est donné. Depuis deux ans déjà le comice agricole accorde ses meilleures récompenses aux personnes qui s'occupent de l'éducation de ces utiles insectes. Ces marques d'encouragement porteront sans doute leurs fruits et bientôt le canton de Wissembourg aura réalisé sous ce rapport, tous les progrès qu'on est en droit de lui, demander.

SÉRICICULTURE.

L'industrie séricicole est presque nulle dans le canton ; une seule personne s'en occupe et encore n'est-ce que dans des proportions extrêmement restreintes.

Aussi le désir seul de voir cette industrie s'introduire dans le pays, nous a-t-il poussé à en faire mention dans ce travail. Pour elle, il n'y a pas jusqu'à présent de statistique possible.

Il n'existe encore à Wissembourg que soixante mûriers appartenant à l'espèce des mûriers blancs ; ils n'ont été plantés que depuis deux ou trois ans, et ne peuvent dès lors être que très-peu utilisés pour la cueillette.

Avant donc d'entreprendre l'éducation des vers à soie, il faudrait s'assurer de trouver en assez grande quantité la nourriture qui leur convient, et augmenter de beaucoup la plantation du mûrier.

Ceci fait, on aviserait à se procurer de la graine de bonne qualité et après s'être instruit sur les procédés à suivre pour arriver à un résultat satisfaisant, on entreprendrait rèsolument le développement de la sériciculture.

Il est extrêmement facile d'élever des vers à soie. Une femme, une personne âgée, un enfant même, peut s'occuper de leur éducation.

Les produits résultant de cette industrie sont considérables. Ainsi on a constaté qu'une once (30 grammes) de graine produit en moyenne un revenu brut de 150 à 160 fr.

Or, à part l'achat de la graine, les dépenses pendant l'éducation sont très-minimes (tout au plus 30 fr.) ; ce serait donc un bénéfice de 120 fr. au moins qu'on pourrait faire avec une once de graine, et cela dans l'espace de six à sept semaines.

Admettons maintenant que dans une famille pauvre composée de cinq ou six personnes, l'une d'elles soit obligée de garder la maison sans pouvoir se livrer à un travail fatigant, et qu'elle surveille l éducation des vers à soie produits par trois onces de graine. Dans un mois de temps cette famille, sans que ses

membres actifs aient cessé de se livrer à leurs travaux habituels, se trouvera à la tête d'une petite fortune, puisqu'elle aura réalisé un bénéfice d'au moins 350 fr.

En présence de semblables résultats on ne peut nier l'avantage qu'il y aurait à introduire chez nous l'industrie séricicole, et nous appelons de tous nos vœux le moment où la production de la soie pourra venir améliorer le sort de tant de familles pauvres, et placer notre canton au nombre des localités de l'Alsace les plus avancées sous le rapport de la sériciculture.

Nous réclamons en faveur de l'introduction de cette industrie dans le canton , toute la sollicitude de l'autorité départementale , toujours si disposée à agir, lorsque les intérêts généraux ont besoin de son intervention.

Depuis plusieurs années la société d'agriculture du Bas-Rhin et le comice agricole de l'arrondissement de Wissembourg encouragent par des primes de toutes sortes l'élève des vers à soie ; malgré cela la sériciculture est pour ainsi dire encore à créer dans notre canton.

ANIMAUX ET INSECTES NUISIBLES A L'AGRICULTURE LOCALE.

S'il existe dans le canton des espèces assez nombreuses d'animaux et d'insectes nuisibles à l'agriculture, il est juste d'ajouter que la généralité de nos cultivateurs ne recule devant aucun effort pour arriver, sinon à une destruction complète , du moins à une diminution sensible des espèces les plus redoutées.

L'exécution des arrêtés concernant l'échenillage, et de ceux qui, lorsqu'il y a lieu, recommandent la destruction des mulots, campagnols, etc., se fait avec un louable empressement. Aussi est-il extrêmement rare qu 'on ait à déplorer des ravages considérables.

Il n'entre pas dans le cadre de ce travail de donner une description de tous les animaux redoutés des cultivateurs. Nous nous bornerons à une indication sommaire et à la con-

statation des moyens qu'on oppose d'ordinaire dans le canton, à la propagation ou aux ravages des principales espèces.

Parmi les mammifères, les animaux les plus préjudiciables aux cultures dans ces contrées sont :

La taupe, le mulot, le campagnol, le rat, et quelquefois, mais rarement le hamster.

Pour détruire les taupes, on se sert communément de piéges, fort peu de préparations vénéneuses.

Les mulots et les campagnols, ces chétifs animaux dont la multiplication est quelquefois si prodigieuse qu'elle devient un véritable fléau pour l'agriculteur, sont détruits par différents procédés : tantôt on emploie des fumigations sulfureuses qu'on introduit dans les trous fraîchement ouverts ; tantôt on inonde leurs demeures, afin de les noyer avec leur portée; d'autres fois le laboureur fait suivre la charrue par des enfants, qui tuent à coups de bâton tous les animaux que le soc amène au jour ; d'autres fois encore, mais cependant assez rarement, on les empoisonne au moyen de préparations arsénicales ou phosphoriques.

Parmi les nombreux moyens en usage dans les communes du canton pour d'étruire les mulots et les campagnols, le plus expéditif et le plus recommandable, est de tuer ces petits rongeurs à coups de baguette, à mesure que le versoir retourne la terre, et bouleverse leurs gîtes. Deux garçons un peu adroits peuvent, par ce moyen, tuer en. un seul jour un millier de mulots ou de campagnols. Mais, comme nous venons de le dire, pour que le carnage marche rondement et qu'il n'y ait pas trop de coups perdus, il est essentiel de faire usage de baguettes ayant la longueur et la grosseur d'un manche de fouet, plutôt que de bâtons. En frappant avec les premières, on touche le sol sur une étendue de 50 centimètres environ, tandis qu'avec le bâton il n'y a qu'un seul point de contact, son extrémité.

Il est malheureux que ce moyen d'extermination ne soit praticable qu'à l'époque des labours.

Il n'existe pas ici de méthode particulière pour la destruction du rat et du hamster, ils sont habituellement pris au piège.

Les oiseaux du pays les plus redoutés à cause des dégâts qu'ils font soit en mangeant les graines fraîchement semées ou celles qui commencent à mûrir, soil en coupant et détruisant les bourgeons des arbres sont : les pigeons et les moineaux, au voisinage des habitations; les bouvreuils et les gros-becs, dans les champs à proximité des forêts. Les autres oiseaux indigènes, dont la nomenclature est assez étendue, sont tantôt nuisibles, tantôt utiles au cultivateur. Il serait très-imprudent de leur faire une guerre acharnée et on se contente de les éloigner autant que possible, au moyen d'épouvantails, des endroits où l'on craint qu'ils ne fassent des dégâts.

M. Florent Prévost, le savant naturaliste du Muséum d'histoire naturelle de Paris, qui s'occupe depuis de longùes années de la question de savoir quelles espèces d'oiseaux sont utiles et quelles espèces sont nuisibles aux récoltes agricoles, est arrivé, après de nombreuses recherches à formuler cette conclusion :

« Les oiseaux paraissent généralement beaucoup plus utiles « que nuisibles à l'économie agricole, quand on considère le « grand nombre d'insectes qu'ils détruisent à l 'état dœufs, « de larve , de nymphe et d'insecte parfait.

« Pour la plupart des espèces granivores, le mal fait à cer« tains moments est largement compensé par la consommation « d'insectes qu'ils font en d'autres temps. »

M. Millet, directeur du jardin fruitier d'Angers, a traité la même question et ses observations personnelles faites. pendant une vie scientifique de plus de cinquante ans ont eu pour résultat une conclusion tout à fait conforme à celle de M. Florent Prévost.

De ces investigations il résulte d'une façon péremptoire qu'il ne faut pas tuer la plupart des oiseaux, mais se borner à

les écarter pour un temps. Tant que l'oiseau sera éloigné de nos récoltes, il dévorera les insectes ou autres petits animaux qui, plus tard, auraient pu nous nuire.

Il n'y a que deux genres de mollusques qu'on puisse considérer dans nos pays comme vraiment nuisibles aux produits agricoles. Ce sont :

4° Trois espèces de limaces : La limace rouge; la limace cendrée ou noire ; et la limace agreste qui est d'un blanc sale.

20 Trois espèces de limaçons : L'escargot des vignes, dont la coquille d'environ trois centimètres de diamètre est d'un brun grisâtre rayé ; l'hélice chagrinée , l'une des plus communes de ces contrées, qui a la coquille d'un jaune sale, avec des bords bruns ; l'hélice livrée, plus petite que la précédente, dont la coquille jaune est rayée de brun.

Les moyens mis en usage par les cultivateurs et les jardiniers du canton pour détruire les limaces, consiste à répandre sur les terres de la chaux ou des cendres. Cette opération, lorsqu'elle est faite par un temps sec, manque rarement son effet.

Les limaçons se prennent à la main. C'est vers le soir, le matin de bonne heure, ou après la pluie, qu'on leur fait la chasse, mais comme il est facile de le comprendre, elle n'est possible que dans les jardins ou des emplacements restreints. On ne la pratique pas dans les champs

La plupart des hélices causent aux récoltes de tout genre et surtout à la vigne, un tort considérable. Comme nous venons de le dire pour la généralité des produits agricoles, on ne

1 De diverses expériences qui ont été faites par les savants pour vérifier si les animaux ont le don de pronostiquer le temps, il résulte que les limaçons possèdent des facultés essentiellement hygrométriques. Ces mollusques ne boivent pas. Pendant la pluie, ils absorbent l'humidité qu'ils rendent ensuite par la transsudation.

^

L'espèce dite helix alternata rend sur-le-champ toute son humidité ; sa couleur passe alors du rouge clair au rouge foncé, puis au brun. Nos agriculteurs pourront s'assurer qu'on ne la rencontre jamais dehors qu'au moment où la pluie va venir; elle grimpe sur les plantes et s'attache aux feuilles, pour ne les abandonner qu'après l'averse.

connaît pas non plus pour les vignes d'autre moyen de les mettre à l'abri des atteintes des limaçons, que d'en faire la recherche à la main. On ne saurait dono trop recommander cette opération qui peut avoir un but doublement utile : (fa-bord, de débarrasser l'agriculture d'un fléau, et ensuite de fournir un élément de plus à la nourriture de l'homme, car il est reconnu depuis longtemps que les hélices et surtout les hélices vigneronnes convenablement préparées, forment un aliment sain; nutritif et très-facile à digérer.

Parmi un nombre considérable d'insectes nuisibles à l'économie rurale de nos contrées, il faut placer .en première ligne la courtilière ou taupe-grillon; les vers blancs ou mans qui se ohangent en hannetons ; plusieurs espèces de scarabées, d'altises, de chenilles et de pucerons ; enfin les fourmis.

Le procédé qu'emploient chez nous les cultivateurs et les jardiniers pour se débarrasser de la courtilière qui cause souvent de grands dégâts dans les terres légères et surtout dans la culture des jardins potagers, est le suivant : lorsqu'ils présument qu'à un emplacement déterminé il existe des taupes-grillons, ils nivellent la superficie du terrain et l'arrosent légèrement. Après quelques heures, il est facile de voir sur la terre les traces des galeries creusées par ces orthoptères et de découvrir le trou où se tient la courtilière. On y verse d'abord un peu d'eau, puis cinq à six gouttes d'huile. Atteinte par ce corps gras, la courtilière ne. tarde pas à être asphyxiée. Certaines personnes, au lieu d'huile, emploient de l'eau de savon au moyen de laquelle elles font sortir l'insecte.de sa galerie, s'en emparent et le tuent.

Les vers blancs et les hannetons causent aussi quelquefois des ravages considérables. On n'emploie dans le canton qu'un seul moyen de destruction du ver blanc ; il consiste à recueillir au moment du labour toutes les larves mises à découvert; encore ce moyen n'est-il pas mis en pratique assez souvent ; il en résulte que les taupes, les rats, les corbeaux, ennemis

naturels de ces insectes , dont ils sont très-friands, en détruisent la plus notable partie.

Lors des années à hannetons, on leur donne la chasse en les faisant tomber des arbres et en les ramassant ensuite pour les détruire. L'extermination des hannetons devrait, selon nous, être suivie avec plus de persévérance, et il serait à désirer que des règlements de police devinssent obligatoires pour cette destruction, comme pour l'échenillage.

Nos cultivateurs n'emploient d'ordinaire aucun moyen de destruction à l'égard des scarabées , altises, pucerons et fourmis.

La loi du 26 ventôse an IV indique de quelle façon doit être fait l'échenillage ; ses prescriptions sont régulièrement suivies.

Au nombre des insectes destructeurs des céréales il faut compter tout d'abord, la calandre, de la famille des charançons et l'alucite des grains ou teigne des blés. Une ventilation fréquente et l'agitation par le crible et la pelle sont les seuls moyens que nos cultivateurs mettent en usage pour arrêter la multiplication et pour détruire la calandre. Ils en agissent de même à l'égard de l'alucite; mais ce système échoue souvent et ne fait périr qu'une faible partie de ces dangereux ennemis des céréales, qui heureusement sont assez rares dans le pays.

Un insecte, un animalcule des plus nuisibles dont beaucoup de cultivateurs ne soupçonnent pas la présence, est celui qui se trouve dans le blé niellé.

M. le docteur Davainne, dans un mémoire intitulé : Recherches sur l'anguillule du blé niellé, établit que la maladie connue sous le nom de nielle, est une sorte de galle produite par la présence de myriades d'animalcules microscopiques, jouissant de cette singulière faculté de renaitre ou plutôt de ressusciter même à plusieurs reprises, après une mort apparente plus on moins prolongée, dès qu'on les humecte avec un peu d'eau.

Dans son mémoire, M. Davainne en suivant les anguillules dans toutes les phases même les plus secrètes de leur exis-

tence, montre par quelle voie ces helminthes, cachés dans le centre d'un grain de blé niellé, revivent au contact de l'humidité, gagnent peu à peu le chaume, les feuilles et le jeune épi de la nouvelle plante, pénètrent et se logent définitivement dans le parenchyme, encore mucilagineux et inconsistant, des écailles des fleurs naissantes, où leur présence détermine cette hypertrophie, ou cette sorte de galle, qui constitue la vraie nielle.

La connaissance du mode de propagation et de transmission des anguillules, non moins que celle de leurs propriétés vitales, toutes choses obscures avant les recherches aussi neuves qu'intéressantes de M. Davainne , pouvaient donc seules conduire à trouver les moyens de préserver le blé de leurs attaques.

Voici ceux qu'il regarde comme les plus efficaces :

4° Le chaulage ordinaire des blés, si utile contre la propagation de la carie et du charbon, n'a ici aucune action, et les cultivateurs feront bien de n'y pas compter. Au lieu d'employer pour cet usage la chaux ou le sulfate de cuivre, qui n'agissent efficacement que sur les entozoaires mis à nu , ils retireront plus d'avantage d'une eau acidulée. C'est ainsi qu'il suffira d'une partie d'acide sulfurique sur cent cinquante parties d'eau, pour que toutes les anguillules contenues dans le grain niellé périssent infailliblement. Ce procédé de préservation n'est, comme on le voit, ni difficile à pratiquer, ni dispendieux ; le blé qu'on y soumet n'en est nullement altéré et conserve sa faculté germinative.

2o Il a été constaté qu'un épi malade peut contenir jusqu'à soixante grains niellés. Calculant sur une moyenne de trente grains, comme chaque grain renferme environ 10,000 larves, nous en aurons donc, au plus bas mot. 300,000 par épi malade. Or, un très-petit nombre de larves suffisant pour infecter une nouvelle plante, on voit sur-le-champ de quelle importance il serait de purger le blé de ces grains niellés, si on devait en semer deux années de suite dans la même pièce.

Mais la pratique des assolements peut s'opposer à ce que les anguillules se propagent de cette manière, puisque, abandonné sur le sol et enterré par la charrue , le grain pourrit promptement, et les anguillules revivifiées, ne trouvant plus les conditions nécessaires à leur existence, n'y restent pas vivantes plus de cinq à six mois.

L'alternation des récoltes, qui a toujours lieu dans ce canton, est donc un second moyen de préservation.

3° Il est encore une précaution importante recommandée par M. Davainne, c'est d'éviter de jeter aux fumiers les criblures qui rapportent sur les champs les grains niellés, par la raison que les poules n'y touchent pas. Il importe donc, selon lui, de brûler les criblures des blés infectés. Si on tenait à utiliser quelques grains avortés, il faudrait, avant de les jeter aux poules, les faire passer au four quand on vient d'en retirer le pain. Les anguillules, ne supportant pas une température de 70 degrés, seraient tuées immanquablement.

Ces indications sont empruntées au rapport présenté par M. le docteur Montagne, à la Société impériale et centrale d'agriculture. Elles intéressent trop directement l'économie rurale pour que nous ne leur ayons pas donné une place dans ce travail.

Il ne nous reste plus qu'à indiquer les principaux insectes pernicieux à nos prairies.

Ce sont : les sauterelles, les criquets, les grillons et les cigales ; le cercope écumeux ; et enfin les dégoûtants tinéides du genre des crambus.

Nos cultivateurs n'ont pas de moyen généralement adopté pour éloigner ou détruire ces insectes.

Il est important de remarquer que nous n'avons entendu signaler que les animaux et insectes nuisibles qui peuvent directement intéresser l'économie rurale du canton, et encore n'avons-nous parlé que des principaux. Ceux infiniment plus nombreux dont il n'a pas été fait mention, sont des ennemis beaucoup moins redoutables pour nos agriculteurs. Ils doivent

dès lors appartenir d'une manière exclusive au domaine de l'histoire naturelle.

TOURBE.

La tourbe, quoique moins avantageuse que le bois et la houille, n'en est pas moins un combustible qui peut rendre des services.

Assez communs en Alsace, les dépôts tourbeux sont rares au contraire dans le canton de Wissembourg. On n 'en exploite qu'un seul, dans la vallée de la Lauter, sur le territoire de la commune d'Altenstadt.

L'étendue approximative de cette tourbière est de 8 hectares 30 ares. Les bancs de tourbe ont une épaisseur moyenne de 75 centimètres.

Le produit est d'environ 480 stères par an.

Le stère vaut 2 fr. 50 c. ; ce qui fait pour le tout 1200 fr. Mais il y a lieu de retrancher de cette somme les frais d'extraction qui s'élèvent à 260 fr., reste net un produit de 940 fr.

On exploite la tourbe au printemps, sous forme de briquettes qu'on expose à l'air pendant l'été pour les dessécher.

La tourbe d'Altenstadt donne à la combustion de 30 à 40 p. 100 de résidu.

Le poids du stère de tourbe sèche varie selon la compacité et la proportion de matière terreuse. Celle d'Altenstadt est en moyenne de 340 kilogrammes.

La tourbe n'est brûlée qu'à l'état de dessiccation complète. Dans les environs de Beauvais, on emploie la cendre de tourbe pour amender la terre et les cultivateurs de ce pays prétendent qu'ils s'en trouvent bien. Quoique cette matière soit très-peu abondante dans le canton, ce serait cependant un essai à faire.

Après l'exploitation des tourbières le terrain est un peu rehaussé au moyen de remblais, puis on assainit le sol en l'entourant d'un réseau de rigoles qui servent à l'écoulement de l'eau. Ainsi préparé, on obtient un excellent terrain pour la culture maraîchère.

POTERIES. TUILERIES.

La poterie, la tuilerie et la briqueterie tiennent de trop près à l'agriculture, pour qu'il n'en soit pas fait au moins une mention sommaire.

Les produits céramiques du canton peuvent être distingués en poêles dits de faïence, en grès et en poterie commune.

Il existe à Wissembourg deux fabricants de poêles. Quant à la fabrication de la poterie commune, elle est disséminée dans les communes de Wissembourg, Altenstadt et Lembach.

Niedersteinbach est la seule localité du canton oit l'on fabrique du grès. L'argile dont on se sert pour la pâte est tiré d'Oberbetschdorf, le sable à dégraisser vient de Riedseltz.

Il existe dans le canton neuf fours à briques et à tuiles, répartis dans cinq communes.

Ils occupent vingt-huit ouvriers, et produisent tant en briques qu'en tuiles, environ 1,350,000 pièces, ayant une valeur de 67,500 fr.

On exploite comme terre à briques les couches argileuses subordonnées au terrain tertiaire, près de Wissembourg. On utilise pour le même usage le limon diluvien, connu sous le nom de Lehm, mais les briques qu'il fournit sont ordinairement rouges et facilement altérables.

REVENUS ET CHARGES DE L'AGRICULTURE DANS LE CANTON.

D'après les dispositions législatives qui régissent notre système hypothécaire, il est très-difficile, disons mieux , il est impossible de déterminer avec une exactitude mathématique, quel est le montant de la dette hypothécaire dans un canton.

En effet, les seuls documents auxquels on puisse avoir recours pour établir ce travail, ce sont les registres de la conservation des hypothèques. Or, leur compulsion ne donnerait en définitif qu'un résultat erroné, et la dette ainsi constatée se trouverait nécessairement bien supérieure à la dette réelle.

En voici les motifs :

Les dettes constatées par un grand nombre d'inscriptions encore existantes, se trouvent soldées, quoiqu'elles continuent à figurer sur les registres du conservateur. La plupart des débiteurs, pour éviter les frais d'une radiation, négligent de recourir à cette formalité, lorsque cependant ils ont complètement désintéressé leurs créanciers. Ils savent que l'effet de l'inscription cessera de plein droit par le non-renouvellement avant l'expiration des dix années, et cela leur suffit.

D'autres inscriptions sont prises pour des sommes payables par termes (par exemple, en cas de vente, de cession, etc.) ; dans ces cas, une partie plus ou moins considérable des dettes se trouve soldée, sans que rien au bureau des hypothèques constate les paiements qui ont été effectués, et la somme entière continue à figurer sur les registres du conservateur.

Enfin, outre le montant du capital des créances exprimées dans le titre, les bordereaux d'inscriptions, et surtout ceux dressés pour constater une dette résultant de jugements ou d'actes judiciaires, contiennent presque invariablement l 'indication d'une somme plus ou moins élevée, dont la fixation est laissée à l'arbitraire de l'inscrivant, et qui représente des accessoires de la créance, des frais éventuels. Cette somme ne saurait régulièrement être considérée comme une dette existante , puisque rarement elle devient exigible, et dès lors on aurait tort de la comprendre dans le bilan de la dette hypothécaire. Or, il est impossible de rechercher dans les énonciations de tous les bordereaux inscrits quelles sont les sommes dues, ou restant dues, et celles qui ont été soldées, ou qui n'ont qu'un caractère éventuel.

On ne peut donc fixer que très-hypothétiquement et par indications approximatives la dette hypothécaire du canton.

Ceci admis, d'après les données les plus exactes qu'il nous ait été possible de nous procurer, nous croyons pouvoir poser en fait, qu'en ce moment la dette hypothécaire ne dépasse pas dans le canton de Wissembourg le douzième de la valeur des

immeubles soit 2,446,000 fr. environ. Sur cette somme, un quart doit être considéré comme formant une dette étrangère à l'agriculture, en sorte que ce chiffre se trouve réduit à 1,834,500 fr.

Il y a trois ou quatre ans, cette dette était beaucoup plus considérable, elle s'élevait à près du double; mais à la suite des deux années d'abondance que nous avons eues, un grand nombre de créances ont été amorties.

Ces explications nous ont semblé indispensables, afin de faire bien comprendre la marche que nous avons suivie pour établir le montant des charges qui grèvent l'agriculture locale.

Nous arrivons aux chiffres. Et d'abord nous fixons le montant de la richesse agricole, que nous établissons de la manière suivante :

Valeur des terres.

Hectares Ares. Fr. Fr. Fr.

893 40 à 4,800 4,288,320 )

893 40 à 3,200 2,858,880 13,579,680 2,680 20 à 2,400 6,432,480 )

Des prairies.

316 40 à 4,000 1,265,600 \

316 40 à 3,000 949,200 4,113,200 949 20 à 2,000 1,898,400 )

Des vignes.

90 20 à 6,400 877,280 \

90 20 il 4,800 432,960 2,122,040 270 60 à 3,000 811,800 )

Des forêts particulières.

1,802 — à 1,000 1,802,000 1,802,000

Des pâturages, terrains vagues, etc.

450 — à 500 225,000 225,000

Ensemble ..... 21,841,920

Fr.

Report 21,841,920 Non compris la valeur des forêts appartenant à l'Étai ou aux communes, ni celle de la superficie non imposable

Nous avons indiqué dans un tableau précédent, que les propriétés bâties doivent être estimées à.. 7,519,400 La valeur totale des différents immeubles spécifiés est donc de ........ 29,361,320

Revenus.

Passant de l'évaluation des propriétés à celle des divers revenus ou produits agricoles, les données statistiques que nous avons consignées dans le cours de notre travail, nous conduisent à l'établir ainsi qu'il suit :

Fr.

1° La valeur nette des différentes récoltes faites dans le canton a été de...... 1,846,845 Le sol cultivable étant de 6950 hectares,

déduction faite de la superficie occupée par les forêts, il en résulte, qu'en 1857, le produit moyen par hectare s'est élevé à 264 fr. 28 c.,

les contributions et l'intérêt du sol non déduits.

20 Le produit net des forêts particulières peut ètre évalué annuellement à 54,060 Soit à un revenu moyen de 30 fr. par hectare.

Quoique au point de vue de la production agricole, les forêts domaniales et communales fournissent des produits considérables qui entrent dans le commerce, nous n'avons pas cru devoir les comprendre dans notre évaluation,

puisque le cultivateur n'en retire pas un bénéfice direct.

A reporter 1,900,875

Fr.

Report 1,900,875 3° Le revenu net des différentes espèces de bestiaux a été de 117,369 4o Le produit de la volaille élevée dans le canton a été de 26,200 5o Celui des abeilles de ' 3,360

Ce qui fait ensemble ..... 2,047,804

Il est essentiel de ne pas perdre de vue que ces différents chiffres représentent les résultats obtenus en 1857, bonne année ordinaire, et qu'ils sont sujets à être très-variables dans leur ensemble.

Charges.

Les charges à supporter directement par l'agriculture du canton sont les suivantes :

1° Impôt foncier; 20 contributions frappant les propriétés bâties; 30 intérêts de la dette hypothécaire; 4o droits de mutation payés au trésor.

En 1857 les impositions des biens ruraux Fr. C. se sont élevés à 59,208 98 Non compris les contributions payées par les communes, pour les forêts qu'elles possèdent.

Les contributions payées pour les propriétés bâties ont été de 21,992 13 Nous n'émargeons pas les contributions personnelles et mobilières, qui se sont élevées à 27,904 fr. 44 c. , cette charge ne frappant que fort peu l'agriculture, et se trouvant compensée par l'habitation gratuite dont il sera parlé ci-après.

Les intérêts à 5 p. 0/o de la dette hypothécaire grevant les propriétés rurales bâties ou non bâties sont de 91,725 »

A reporter 172,926 1-1

Report..... 172,926 11 Enfin, les droits de mutation payés à l'État pour les seules aliénations volontaires ou forcées d'immeubles ruraux se sont élevés en 1857 à la somme de 41,990 88

Total des charges ..... 214,916 99

Le chiffre de 41,990 fr. 88 c. que nous venons d'indiquer, comme ayant été payé au domaine pour les aliénations volontaires ou forcées d'immeubles ruraux, représente assez exactement la moyenne des mutations pendant les années ordinaires.

Lorsqu'on considère qu'outre ces droits, le propriétaire foncier est obligé d'acquitter encore tous ceux résultant des mutations par successions ou donations et une partie de ceux provenant de l'aliénation des propriétés bâties, on ne peut s'empêcher de souhaiter que l'État, par une réduction sen-. sible de ces différents droits, vienne mitiger une des causes premières de la dette de la propriété.

Que de capitaux enlevés ainsi à l'agriculture, et combien d'idées d'améliorations la perte des sommes payées au fisc n'arrête-t-elle pas!

Nous pensons pour notre part que l'un des moyens les plus efficaces d'encourager les progrès de l'agriculture consistant à laisser à sa disposition la plus grande masse possible de capitaux, il serait rationnel de faciliter les mutations en réduisant les droits qu'elles entraînent.

Nous avons établi que pour l'année 1857 les produits del'agri-

culture du canton se sont élevés à une valeur de 2,047,804f » c Les charges ont été de 214,916 99

En sorte qu'il reste un bénéfice net de . 1,832,887 f 01 e

Sur la population du canton qui est de 14,037 âmes, l'agriculture occupe 8422 personnes, ce qui forme environ les six dixièmes de la population totale.

Si ces 8422 cultivateurs partageaient par portions égales les différents produits agricoles, il en résulterait pour chaque tête d'agriculteur un bénéfice net de 21 7 fr. 46 c. Soit Of ,596 par jour.

Dans l'évaluation des produits agricoles, nous n'avons pas fait entrer en ligne de compte le produit des propriétés bâties. Ce revenu représente dès lors l'habitation gratuite pour chaque cultivateur.

Les calculs que nous venons d'établir ne se rapportent qu'aux seuls produits, qu'aux seuls revenus agricoles.

L'industrie qui malheureusement n'est pas assez développée dans le canton de Wissembourg, ne laisse pas néanmoins d'y exercer une influence qui, depuis quelques années surtout, contribue à augmenter le bien-être général. Les habitants de la ville profitent plus particulièrement des ressources créées par l'industrie locale.

DES DIFFÉRENTES PROFESSIONS QUI SE RATTACHENT A L'AGRICULTURE OU A L'INDUSTRIE AGRICOLE.

La plupart des industries emploient les produits de l'agriculture comme matière première indispensable; elles n'existeraient pas sans l'industrie agricole dont elles sont pour ainsi dire solidaires.

On ne trouvera donc pas déplacé que nous donnions ici un aperçu statistique des différentes professions ou industries locales qui se rattachent par quelque point à l'agriculture, pour laquelle elles forment autant de débouchés divers.

Aubergistes.

Sans dépasser de beaucoup les besoins réels, les auberges et cabarets sont cependant assez nombreux dans le canton de Wissembourg.

Le chiffre total de ces établissements est de 58.

Vingt fonctionnent dans la ville ; 38 sont disséminés dans les différentes communes rurales.

Vingt-six aides ou apprentis sont employés au service des auberges.

Les règlements de police auxquels sont assujettis les aubergistes , sont généralement exécutés d'une manière satisfaisante.

A la campagne la fréquentation des auberges n'a lieu que les dimanches et les jours de fête.

Une succession de mauvaises années, ou pour mieux dire, de mauvaises vendanges, a très-sensiblement diminué la consommation du vin.

Pendant l'année 1857 la quantité de vin débité en détail par les aubergistes du canton , ne s'est élevée qu'à 898 hectolitres 92 litres. C'est certainement là un chiffre bien faible ; en 1853 il était encore de passé 1800 hectolitres.

Tandis que la consommation du vin diminue dans les auberges, celle de la bière augmente sensiblement. En 1853 il n'avait été débité que 3250 hectolitres de cette boisson, cette année il en a été consommé plus de 5000 hectolitres.

Brassetirs.

A l'article houblon, bière, nous avons dit qu'il existe dans le canton neuf brasseurs, qui, en moyenne fabriquent environ 4500 hectolitres de bière par an.

Six de ces brasseurs habitent Wissembourg, et se font aider dans leurs travaux de fabrication par 5 ouvriers ou apprentis âgés de plus de quinze ans. Trois demeurent à Lembach et emploient 4 ouvriers.

La fabrication de la bière laisse beaucoup à désirer, dans le canton de Wissembourg. Cette boisson est généralement d'une qualité très-médiocre, parce que les brasseurs économisent trop sur les substances d'un prix un peu -élevé qu ils doivent employer.

Il n'existe pas dans le canton de règlement municipal spécial aux brasseries ; ceux relatifs aux débits de boissons leur sont applicables.

Les obligations des brasseurs concernant la fabrication de la bière sont réglées par les lois françaises.

Les brasseries sont souvent visitées par les préposés des contributions indirectes à l'exercice desquels elles sont soumises. Elles sont rangées par le décret du 15 octobre 4810, dans la troisième classe des établissements dangereux, insalubres ou incommodes.

Boulangers. Fariniers. Marché aux grains.

Dans la ville de Wissembourg, l'exercice de la profession de boulanger est réglé et surveillé avec les soins les plus louables.

Nul n' est admis à ouvrir une boulangerie, s'il n'a au préalable fait sa déclaration à la mairie.

Les boulangers sont obligés de tenir leurs boutiques toujours convenablement garnies de pain. Il leur est fait défense de refuser de vendre, sous quelque prétexte que ce soit, notamment sous prétexte que leur approvisionnement serait épuisé.

Les miches exposées en vente doivent avoir le poids fixe suivant :

3 kilogrammes ;

1 kilogramme 500 grammes ;

500 grammes.

Tout boulanger est tenu de peser le pain qu'il livre à l'acheteur.

Le pain de grande consommation est fabriqué en trois qualités différentes :

1° Pain blanc, composé de fleur de farine, de pur froment, sans aucun mélange, ou farine de première qualité;

20 Pain bis-blanc, composé d'un quart de fleur de farine, et de trois quarts de farine de deuxième qualité de pur froment ;

80 Pain bis, composé de farine de troisième qualité de pur froment.

Le mode de fabrication de ces trois qualités de pain est obligatoire; aucune d'elles ne peut être modifiée par des mélanges quelconques.

L'autorité municipale arrête tous les huit jours la taxe du pain. Cette taxe est basée sur le prix moyen des tOO kilogrammes de froment au marché aux grains de Wissembourg, sauf en cas d'approvisionnement insuffisant de ce marché, à rechercher ces prix moyens dans les transactions privées.

Les habitants des communes rurales ont l'habitude de faire eux-mêmes leurs pain. Aussi sur les 39 boulangers qui exercent leur profession dans le canton, 10 seulement résident-ils dans les villages, les 29 autres sont fixés à Wissembourg.

Les boulangers de la ville ont ensemble 14 ouvriers au-dessus de quinze ans, et 4 apprentis au-dessous de cet âge.

Les boulangers des communes rurales n'ont que 4 ouvriers, tous au-dessus de quinze ans.

A Wissembourg la fabrication du pain s'élève journellement à la moyenne suivante :

Pain blanc .... 510 kilogrammes.

» bis-blanc ... 2,040 »

» bis 510 »

Ce qui fait un total de . 3,060 kilogrammes par jour.

Soit par an :

Pain blanc ... • 186,150 kilogrammes.

» bis-blanc ... 744,600 »

» bis 186,450 »

Ensemble - ... 1,116,900 kilogrammes.

Mais ce n'est pas là encore le chiffre réel de la consommation du pain à Wissembourg; car le pain fait chez les particuliers ne figure pas dans ce relevé. Or, on peut évaluer à un tiers environ du total ci-dessus la quantité de pain consommé, sans avoir été fabriqué chez les boulangers de la ville, soit à 372,300 kilogrammes.

Le lotal serait ainsi de 1,489,200 kilogrammes, ce qui, partagé par portions égales entre les 5240 habitants de la ville, porterait la consommation annuelle de chacun d'eux à 284k, 198 ou bien à Ok,778 par jour. Cependant ce chiffre est trop élevé, parce qu'il n'y est pas tenu compte de la consommation faite en ville par les personnes étrangères que leurs affaires ou leurs plaisirs amènent chaque jour dans le chef-lieu du canton, ni de l'exportation dans les villages des environs, qui se fait sur une assez vaste échelle.

Tandis qu'à Wissembourg le pain est fait en majeure partie avec de la farine de froment, à la campagne au contraire, on ne consomme pour ainsi dire que du pain de seigle. Ce pain est fait par la ménagère de chaque famille. Il est très-rare que nos cultivateurs en achètent chez le boulanger. D'ordinaire ce dernier n'en débite qu'aux aubergistes. Le pain n'entre au surplus que pour une faible proportion dans l'alimentation des habitants de nos campagnes.

Il n'existe que 6 fariniers dans le canton. Cinq résident à Wissembourg; 1 à Lembach. Leur commerce est très-peu étendu. Ils n'ont ni ouvriers ni apprentis.

Avant 1847, le marché aux grains de Wissembourg, qui existait de nom, se trouvait supprimé de fait depuis de longues années. Il fut rétabli le 23 décembre 1847, à la suite d'une délibération du conseil municipal qui en signalait toute l'utilité.

Depuis cette époque, et malgré les années difficiles qu'on a eu à traverser, ce marché s'est maintenu dans un état de fréquentation satisfaisant.

Voici, d'après le relevé publié par l'administration municipale de la ville, les chiffres des sacs de grains exposés en vente sur ce marché, depuis sa réouverture :

Du 23 décembre 1847 au 1er janvier 1849 . 11,068 sacs. Du 1er janvier 1849 au 1er janvier 1850 .. 12,245 »

» 1850 » 1851 .. 10,448 »

» 1851 » 1852 .. 10, 749 »

» 1852 » 1853 .. 13,657 »

Du 1er janvier 1853 au 1er janvier 1854 .. 9,871 ,»

» 1854 » 1855 .. 8,008 » » 1855 » 1856 .. 7,983 » » 1856 - » 1857 .. 9,421 » » 1857 » 1858 .. 9,888 »

Les années 1853, 1854, 1855 et 1856 ont été marquées par des récoltes insuffisantes, ce qui explique l'infériorité des derniers chiffres; cette influence s'est encore fait sentir en 1857, qui cependant peut être rangé parmi les bonnes années.

Bouchers.

Il existe dans le canton de Wissembourg 24 bouchers, dont * 18 exercent leur profession dans la ville, et 6 seulement dans les communes rurales.

Ces 24 bouchers ont ensemble 11 ouvriers ou garçons tous au-dessus de quinze ans.

En 1857, il a été débité par eux 2200 têtes de gros bétail et 1427 porcs et moutons.

L'art. 3 , titre 11 de la loi du 16-24 août 1790 a placé le commerce de la viande de boucherie dans les attributions de l'autorité municipale.

Il n'est réglementé qu'à Wissembourg. Dans les communes rurales, la profession de boucher est trop peu importante, pour qu'on ait songé à l'assujettir à des règlements spéciaux.

Un arrêté du maire de la ville de Wissembourg, du 4 mars 1843, s'occupe tout spécialement de la police de l'abattoir.

Il dispose entre aulres, qu'il ne pourra être abattu de gros bétail qu'à l'abattoir public.

Un autre arrêté du 6 août 1855,.interdit aux bouchers.d'exposer les viandes au dehors de leurs boutiques, et leur impose différentes obligations , dans l'intérêt de la propreté et de la salubrité publiques.

Enfin un arrêté du 4 juin 1856, défend de mettre en vente de la viande de veaux qui n'auraient pas au moins quinze jours.

Si le commerce de la boucherie réclame encore à Wissembourg quelques dispositions qui assurent à l'acheteur la qualité et la quantité de la viande qu'il demande, il faut reconnaître aussi que l'autorité municipale a toujours l'œil ouvert sur la stricte observation des règlements. concernant une profession qui intéresse au plus haut degré la santé et la sécurité publiques.

Meuniers.

Le' nombre de moulins à blé est de 23 pour le canton. Ils ont ensemble 44 tournants, mus par la force hydraulique.

Ces usines sont dirigées par 22 maîtres-meuniers, et desservies par 32 ouvriers ayant tous plus de quinze ans.

Presque tous les moulins de notre contrée sont construits sur le même modèle; dans la plupart on est frappé de la grossièreté des pièces de leur mécanisme, du bruit que leur mouvement produit, de la perte de farine qui s'y fait, et des soins et du travail qu'ils exigent de la part des meuniers qui les dirigent.

C'est qu'en effet ces appareils sont presque entièrement en bois, très-grossièrement exécutés et très-incomplets, du moins si on les compare aux moulins modernes, qui ne laissent presque rien à faire aux surveillants, et dont toutes les pièces marchent avec une régularité en quelque sorte comparable à celle des mouvements d'horlogerie. Les anciens appareils mus par une chute d'eau exigent autant de roues hydrauliques qu'on a de paires de meules à mettre en mouvement; mais ce n'est pas là leur seul inconvénient; ils ont encore : 1° Celui de détruire une très-grande partie de la puissance motrice, qui est absorbée par les frottements, et 20 de ne pouvoir donner que des produits imparfaits, quelle que soit l'habileté des meuniers.

Il n'y a dans le canton que 4 moulins construits d'après un système perfectionné.

Enfin 2 moulins sont mis en mouvement par des turbines.

On sait que les principaux avantages des turbines sont :

1° De produire un effet utile égal à celui des meilleures roues hydrauliques verticales; 20 De pouvoir utiliser des chutes de toutes hauteurs, depuis les plus petites, jusqu'aux plus grandes ; 3° De marcher aussi bien sous l'eau que hors de l'eau, avantage que n'ont pas les roues verticales, et qui est surtout sensible dans les localités exposées aux inondations.

Leurs inconvénients sont de coûter plus cher que les roues verticales et d'être sujettes il des réparations plus fréquentes et plus dispendieuses. Ces inconvénients ont peu d'importance lorsqu'il s'agit de l'établissement de moulins placés dans le voisinage d'un grand centre de population ; mais ils sont très-graves dans le cas contraire, où nous conseillons de donner la préférence aux roues hydrauliques verticales.

Fabricants d'huile.

Il en est des graines oléagineuses comme des fruits : on ne peut en exprimer l'huile ou le jus qu'après les avoir broyées et réduites en pâte aussi fine que possible. Quand il s'agit d'huile destinée à être mangée, la pâte, dès qu'elle est faite, est portée directement au pressoir, après avoir été légèrement humectée d'eau. C'est ce qu'on appelle faire de l'huile à froid. Pour toutes les autres huiles qui n'ont pas cette destination, on fait chauffer la matière broyée avant de la soumettre à la presse.

Les principales huiles fabriquées dans le canton, sont celles : de navette ou de colza, de noix et de faîne.

Le nombre des moulins à huile est de 11. Ils ont ensemble 12 tournants et appartiennent à 9 maîtres ou exploiteurs différents , qui occupent 10 ouvriers âgés de plus de quinze ans.

La quantité d'huile fabriquée annuellement varie suivant que la récolte locale des graines oléagineuses a été plus ou moins abondante.

Depuis plusieurs années la faîne a complétement manqué, et c'est une perte réelle pour les habitants des villages qui avoisinent les forêts dans lesquelles domine le hêtre.

Merciers. Épiciers.

Les merciers et les épiciers, surtout ceux qui habitent la campagne, s'occupent généralement de la vente d'une grande partie des denrées et des produits agricoles.

C'est la raison pour laquelle nous avons jugé à propos de les comprendre dans cette statistique.

Il y a à Wissembourg 25 merciers et épiciers, qui ont ensemble 5 apprentis âgés de plus de quinze ans, et 2 au-dessous.

Vingt-sept merciers sont établis dans les communes rurales; ils n'ont ni ouvriers ni apprentis.

Tonneliers.

Il y a dans le canton 27 maîtres-tonneliers.

Onze sont fixés à Wissembourg.

Trois à Steinseltz, Lembach et Cléebourg.

Deux à Rott.

Un dans chacune des communes de Climbach, d'Altenstadt, de Riedseltz, de Weiler et de Wingen.

Les 11 tonneliers de Wissembourg occupent 16 ouvriers et donnent l'instruction professionnelle à 7 apprentis au-dessus de quinze ans et à 5 apprentis au-dessous de cet âge.

Les 16 tonneliers qui habitent les communes rurales ont ensemble 3 ouvriers, 2 apprentis au-dessus de quinze ans, et 4 n'ayant pas encore cet âge.

Les forêts du canton fournissent les bois d'oeuvre employés par nos tonneliers.

Vers l'époque des vendanges, il est d'usage dans le canton (lue les tonneliers préparent les cuves et les tonneaux destinés à recevoir la récolte; ils approprient les pressoirs et mettent les cuves en état, sans avoir droit à d'autre paiement qu'à l'abandon des marcs.

A Wissembourg les tonneliers servent communément d'in-

termédiaires pour la vente des vins, entre le propriétaire et les acheteurs.

Ce sont eux ordinairement qui fixent les prix de vente.

Cordiers.

Wissembourg et Climbaeh sont les deux seules localités du % canton où il existe des cordiers.

Ils n'y sont qu'au nombre de 3, et occupent 4 ouvriers âgés de plus de quinze ans.

Le chanvre de qualité inférieure, est la seule matière employée dans nos contrées pour la fabrication des cordes.

La filasse brute est suivant sa qualité -payée de 30 à 50 fr. le quintal métrique.

La filature et le commettage se pratiquent ici d'après les systèmes les plus arriérés. Il en résulte que les divers torons n'acquièrent qu'une tension inégale, ce qui affaiblit la force des cordes.

Cette fabrication ne se faisant au surplus que dans des proportions extrêmement restreintes, et pour une espèce de cordes qui n'exige pas une grande perfection, l'inconvénient signalé n'a que peu de portée.

Charpentiers.

Il y a dans le canton 13 charpentiers dont 6 résident à Wissembourg. Les villages de Lembach et de Riedseltz en ont chacun 2. Altenstadt, Cléebourg et Steinseltz en ont 1.

Ces 13 charpentiers occupent ensemble 5 ouvriers au-dessus de quinze ans, le salaire journalier d'un ouvrier charpentier est de 2 fr. 50 c.

Les bois de charpente le plus fréquemment employés dans nos localités sont: le chêne, le sapin et le pin.

Parmi les essences produites par nos forêts, le chêne est sans contredit le meilleur bois de charpente, mais c'est aussi le plus cher, et pour cela même on ne s'en sert que pour les constructions soignées qui doivent avoir une durée prolongée.

L'expérience a prouvé que, lorsque le chêne a été coupe en pleine maturité, et dans une saison favorable, il est d'une durée presque indéfinie.

Ce qui cause le plus souvent la destruction des bois en général , c'est la négligence qu'on apporte à enlever soigneusement l'aubier. Dans une grande partie de l'Allemagne, on a soin d'écorcer l'arbre sur pied avant de le couper; par ce moyen l'aubier, prenant la dureté du corps de l'arbre, n'est plus sujet à se corrompre.

Le sapin est un bon bois de charpente ; il entre pour la plus grande partie dans la généralité des constructions.

Le pin n'est employé que par les habitants peu aisés. C'est un bois de qualité très-inférieure et de peu de durée.

Anciennement on faisait aussi usage en charpente du châtaignier. Il est probable que c'est à l'immense quantité d'arbres de cette essence, qui couvraient une partie du canton, qu'on doit en attribuer l'emploi. On a bien fait d'y renoncer, car ce bois est loin de posséder les qualités du chêne, pour la construction ; il est surtout très-dangereux de se fier à son apparente conservation, lorsqu'il a servi depuis quelque temps. Souvent, il est entièrement détérioré à l'intérieur, soit par les vers qui y ont pénétré, soit par la rupture de ses fibres desséchées, et cependant sa contexture extérieure ne semble encore annoncer aucune altération.

Menuisiers.

On compte dans le canton 40 menuisiers. Vingt-quatre exercent leur profession dans la ville de Wissembourg ; 16 dans les communes rurales.

Les menuisiers de la ville emploient 12 ouvriers et apprentis âgés de plus de quinze ans, et 4 au-dessous de cet âge.

Les menuisiers des villages se font aider dans leurs travaux par 9 ouvriers, par 2 apprentis au-dessus de quinze ans et par 4 n'ayant pas encore atteint cet âge.

Le prix moyen de la journée d'un bon ouvrier menuisier est de 2 fr.

Les bois que nos menuisiers emploient le plus fréquemment sont : le chêne et le sapin, le noyer et le merisier; le chêne pour les boiseries soignées ou celles qui exigent une certaine solidité sous un petit volume, comme les bois des croisées, par exemple ; le sapin pour les boiseries communes.

Le noyer et le merisier servent à faire des meubles.

La plus grande partie des bois employés en menuiserie, sont produits dans le canton. Les vastes forêts qui couronnent nos montagnes en fournissent au delà des besoins locaux. Cependant, depuis environ un demi-siècle, le sapin y est devenu assez rare, et nos menuisiers en font venir une certaine quantité de la Forêt-Noire (environ 25 p. 100 de la consommation). Ce bois est livré et arrive ici scié en planches.

Charrons.

A la campagne, et surtout dans les communes agricoles, les charrons comptent parmi les ouvriers les plus indispensables.

Leurs ouvrages courants sont : les chariots, les charrettes, les herses, les charrues, etc.

Si on en excepte deux petits villages, il y a dans chaque commune du canton un ou plusieurs charrons ; le nombre total en est de 16.

Ils emploient ensemble 7 ouvriers au-dessus de quinze ans, et 3 apprentis au-dessous de cet âge ; un ouvrier reçoit 2 fr. de salaire par jour.

Les bois de charronnage qu'on emploie le plus souvent dans nos localités sont : le frêne, le chêne et le hêtre. Ils proviennent des forêts situées dans le canton.

Le bois de chêne auquel les charrons donnent la préférence, est celui provenant d'arbres de cinquante à soixante ans. Ils choisissent en grume des troncs de 80 à 90 centimètres de circonférence et de 6 à 7 mètres de longueur et les façonnent ensuite suivant leurs besoins.

Les frênes et les hêtres servant à faire des essieux sont aussi achetés en grume ; les pièces doivent avoir 30 à 45 centimètres de circonférence , sur 2 mètres ou 2m,25 de longueur. Il faut que le bois ne soit ni trop vert ni trop sec.

Pour les ouvrages qui n'exigent pas une qualité de bois bien déterminée, les charrons s'approvisionnent dans les coupes. Leur choix porte de préférence sur les bois de débit ou sur les menus bois en grume, dits bois de hersage. Nous en avons indiqué les prix au chapitre Bois et forêts.

Marchands de bois.

Les marchands de bois sont au nombre de 5 dans le canton. Ils se répartissent de la manière suivante : 1 à Wissembourg ; 2 à Lembach; 1 à Weiler et 1 à Wingen.

Ils emploient ensemble 4 ouvriers, plus un nombre approximatif de 35 à 40 journaliers, fournissant annuellement environ 5 à 600 journées de travail, payées en moyenne à raison de 1 fr. 50 c. la journée.

Les bois qui sont débités par nos marchands proviennent presque tous des forêts du canton, ou de celles situées en Bavière.

Ils consistent principalement en bois de chauffage.

On ne fait ici qu'exceptionnellement et sur une très-petite échelle, le commerce de bois d'oeuvre.

Nos principales essences pour les bois de chauffage sont : le hêtre, le chêne, le pin et le bouleau.

Les bois d'oeuvre consistent presque uniquement en chêne et en sapin.

Le prix moyen du stère de bois à brûler, pris en forêt est :

Pour le hêtre d'environ 7 fr. 50 c. Pour le chêne ....... 6 » Pour le pin 3 50 Pour le bouleau .......... 2 75

Les marchands de bois les débitent à Wissembourg aux prix de

10 fr. 50 c. le hêtre,

9 » le chêne,

6 50 le pin, et 5 75 le bouleau.

Dans les communes rurales le prix est un peu moins élevé; il diminue suivant que la forêt dans laquelle le bois a été coupé se trouve plus ou moins rapprochée du lieu où la vente s'opère.

Sabotiers.

C'est surtout dans les localités qui avoisinent des forêts où domine l'essence de hêtre, qu'on constate la résidence des sabotiers.

Wingen en a 10; Climbach 7; Lembach et Obersteinbach chacun 4, Wissembourg 2 et Cléebourg 1.

Les sabotiers des communes rurales comptent ensemble 7 ouvriers ou apprentis.

Ceux de Wissembourg en ont 4.

Dans les villages on ne fabrique que des sabots communs. Un ouvrier travaillant avec adresse peut gagner de 2 à 3 fr. par jour.

A Wissembourg au contraire, on ne s'occupe que de la fabrication de sabots d'une qualité supérieure.

Maçons. Tailleurs de pierres.

Les maîtres-maçons, et les maçons travaillant pour leur propre compte sont, dans le canton, au nombre de 62. Ils fournissent du travail à 54 ouvriers et occupent 28 apprentis au-dessus de quinze ans et 6 au-dessous de cet âge.

Un maçon non nourri, reçoit en moyenne un salaire de 1 fr. 50 c. à 2 fr. par jour.

Le canton est riche en matériaux propres aux travaux de

maçonnerie; on y trouve les calcaires des terrains secondaires, ceux de terrains tertiaires, les grès bigarrés et les grès des Vosges.

Cette dernière pierre est celle dont on se sert le plus communément dans nos contrées pour les travaux de maçonnerie; on emploie aussi la brique, mais dans des proportions beaucoup moindres.

Les prix de la maçonnerie sont en moyenne :

Pour-la maçonnerie en moellons de U fr. à 9 fr. 50 c. le mètre cube;

Pour celle en pierres de taille (moellons smillés) de 15 à 16 fr. le mètre cube;

Pour celle en briques ordinaires de 24 à 25 fr.

Les tailleurs de pierres et carriers sont au nombre de 28 ; ils emploient 22 ouvriers tous au-dessus de quinze ans.

Les pierres de taille employées dans nos localités proviennent presque toutes de carrières ouvertes dans le canton. On en retire de fort beaux blocs de grès des Vosges et de grès bigarré.

Le prix moyen des blocs de grès vosgien livrés au sortir de la carrière est de 15 fr. le mètre cube.

Le grès bigarré vaut 20 fr. La pierre de taille brute, propre à être employée à la maçonnerie (moellons smillés), revient à 8 fr. le mètre cube, prise sur place. Les moellons ordinaires se paient 1 fr. 50 c.

Maréchaux-ferrants.

Les maréchaux-ferrants exercent l'une des professions les plus nécessaires aux habitants des communes agricoles; aussi n'y a-t-il dans tout le canton que la petite commune d'Oberhoffen qui ne soit pas la résidence d'un de ces artisans.

Le canton compte 27 maréchaux ferrants : 5 à Wissembourg, 4 à Lembach, 3 à Cléebourg, 3 à Riedseltz, 2 à Altenstadt, 2 à Rott, 2 à Obersteinbach, 2 à Steinseltz, 1 dans

chacune des communes de Climbach, Niedersteinbach, Weiler et Wingen.

Ces 27 maréchaux occupent ensemble 12 ouvriers, dont le salaire est de 2 fr. par jour.

Ils enseignent leur profession à 5 apprentis au-dessus de quinze ans, et à 2 qui n'ont pas encore cet âge.

Serruriers.

La profession de serrurier n'a de rapport avec l'agriculture qu'autant qu'elle se livre à la fabrication des objets en fer employés dans la construction des habitations, des voitures ou des machines.

Aussi, sur les 12 serruriers queTon compte dans le canton, un seul habite-t-il une commune rurale (Lembach). Les habitants des autres villages s'adressent aux maréchaux-ferrants pour les gros travaux, et ils cherchent à la ville les accessoires peu nombreux de serrurerie dont ils ont besoin.

Les 11 serruriers qui exercent leur profession à Wissembourg, occupent 12 ouvriers ou apprentis tous au-dessus de quinze ans.

Un bon ouvrier serrurier gagne en moyenne de 2 fr. à 2 fr. 50 c. par jour.

Tuiliers. — Potiers.

Le canton compte neuf tuiliers.

Quatre habitent Wissembourg ou les environs de la ville. Cinq les communes rurales de Cléebourg, Lembach , Riedseltz et Wingen.

Ils emploient 8 ouvriers ou apprentis, plus environ 20 journaliers ne travaillant qu'une partie de l'année et dont le salaire varie de 1 fr. 20 c. à 1 fr. 50 c. par jour.

Nous avons dit dans un chapitre précédent que les différentes tuileries du canton produisent tant en briques qu'en tuiles environ 1,300,000 pièces, ayant une valeur de 67,500 fr.

Les potiers sont au nombre de 13, savoir: 6 à Wissembourg, dont 2 fabriquent aussi des poêles dits de faïence; 4 à Altenstadt, 2 à Lembach et 1 à Niedersteinbach qui fabrique la poterie de grès. Ils n'occupent ensemble que 6 ouvriers, tous âgés de plus de quinze ans.

Tanneurs.

Les tanneries n'ont point une grande importance dans le canton. Il n'en existe que dans deux localités, à Wissembourg et à Lembach.

Sept tanneurs sont établis à Wissembourg, 2 à Lembach. Ces 9 tanneurs n'emploient habituellement que 6 ouvriers. Les peaux destinées à être tannées sont presque toutes achetées dans le canton.

Les bouchers, les livrent vertes aux prix suivants : 90 c. le kilogramme de peaux de bœufs, de vaches ou de taureaux, et 4 fr. 20 c. le kilogramme de peaux de veaux. Les peaux de moutons se vendent à la pièce, à raison de 2 à 6 fr., suivant l'époque de l'année.

Le tan ou l'écorce de chêne réduite en poudre est la seule matière tannante employée par les tanneurs du canton. Nos forêts en fournissent au delà de la quantité nécessaire aux besoins locaux.

Les écorces de chêne sont livrées par bottes; les 100 bottes pèsent 4 quintaux métriques et se vendent, dans les environs de Wissembourg, au prix d'environ 60 fr. A Lembach, la valeur vénale moyenne n'est que de 50 fr.

Plusieurs des tanneries du canton de Wissembourg fournissent au commerce des produits de très-bonne qualité.

Les tanneries figurent dans la première classe des établissements insalubres.

Tisserands.

La fabrication des toiles de chanvre dites de ménage, est presque la seule à laquelle se livrent les tisserands de nos localités.

D'ordinaire ils font leurs tissus avec le chanvre que les femmes et les filles des cultivateurs ont filé pendant l'hiver, et la toile est presque toujours destinée aux besoins du ménage. Rarement on en fait un objet de spéculation.

La fabrication de ces toiles, ne se trouvant pas au niveau des perfectionnements que la mécanique et l'emploi des machines à vapeur a introduits dans les fabriques d'autres tissus, revient relativement beaucoup plus cher, et dès lors elles ne peuvent pas se mettre en concurrence avec les produits des fabriques.

Dans le canton de Wissembourg, les tisserands sont au nombre de 63. Ils occupent ensemble 10 ouvriers de plus de quinze ans, et 4 apprentis au-dessous de cet âge. Leur salaire est de 1 fr. 50 c. par jour.

A la campagne, l'état de tisserand est extrêmement ingrat et il rapporte généralement fort peu.

(Voy. le tableau ci-contre, p. 197).

En dehors de ces différentes professions ou industries, que nous avons indiquées comme se rattachant plus ou moins directement à l'agriculture, le canton de Wissembourg en compte encore d'autres qui intéressent peu l'industrie agricole, mais dont cependant il n'est pas inutile de faire mention. Nous ne nous y arrêterons point, et nous nous contenterons de les indiquer dans le tableau ci-contre, p. 198 et 199.

Avant de terminer ce chapitre qui clôt les données statistiques proprement dites, nous mentionnons avec gratitude le nom de M. Gauckler, président du Comice agricole de l'arrondissement, qui a bien voulu nous aider de son expérience et de ses conseils dans l'accomplissement de notre oeuvre ; nous lui devons des renseignements précieux pour lesquels nous le remercions sincèrement.

TABLEAU PAR COMMUNE

des différentes professions qui se rattachent plus ou moins directement à l'agriculture ou à l'industrie agricole.

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WISSEMBOURG .. 20 6 18 29 4 11 6 7 2 11 2 24 6 5 22 5 14 4 2 1 5 2 » 25 ALTENSTADT ... 6 » 1 » >• 1 4 M J) » 2 1 1 2 12 J) 8 6 » » 4 2 » 3 CLÉEBOURG ... 3 » H 2 1 3 » » J) » 2 2 1 3 3 » 8 7 1 1) 4 2 » 1 CLIMBACH.... 2 Il » » » 1 J) » 1 » 1 1 » 1 1 » 1 » 7 » J) » " 1 LEMBACH .... 6 3 2 3 2 3 2 2 » 1 3 4 2 4 10 1 9 2 4 2 2 2 1 5 NIEDERSTEINBACH.. 2 » » 1 » » 1 » J) )1 1 1 » 1 1 » 1 » » 1) 1 1 Il 1 OBERHOFFEN ... » « M " Il ii 1) M 1) h " " " " 1 " 4 1 » " >1 1 " " OBERSTEINBACH .. 3 » » 2 » » » w » M 1 1 » 2 2 » 3 1 4 1) 1 » » 4 RIEDSELTZ ... 5 » 2 1 1 1 » « M » 1 2 2 3 q, » 5 1 « M « o 1 4 ROTT 2 » i) » » 2 JI » » » 1 1 » 2 2 1) 4 3 M M 1 » J> 2 STEIN SELTZ ... 3 M 1 » » 3 » » 1) 1) 1 2 1 2 2 M 2 2 M M 1 1) 1) 3 WEILER .... 2 1) M » n 1 M » » » n " " 1 M " " 11 M 1 " 1) 13 2 WINGEN .... 4 » M 1 1 1 » » » Il i 1 » 1 2 » 4 1 10 1 1 » » 1

TOTAL pour le canton 58 9 24 39 9 27 13 9 3 12 16 40 13 27 62 6 63 28 28 5 20 10 15 52

—^====^====_

INDUSTRIE DU CANTON DE WISSEMBOURG.

ANNÉE 1857.

r¡j NOMBRE SALAIRES MOYENS PAR JOUR

g «5 NOMBRE DES NATURE 1 wo D ,APPRENTIS DES OUVRIERS DES OUVRIÈRES

§5 03 M oUyaU:RS OU\'RIBRES GARÇONS FILLES "NOURals NON NOURRIS NOURRIES NON rqouratas JlF S£2 —7"^— a ——— - ;—— ;—— ;—;

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Fr. ®L Fr. C. Fr. C. Fr. C. Fr. C. ïr. C. Fr. C Fr. C.

Aubergistes 58 58 20 Il Il Il 6 Il Il » 0 75 » Il » » 1) Il » Arquebusier 1 1 2 » » » Il Il » Il » » 2 50 » » » » » Blanchisseuses-repasseuses Il 33 2 » 35 » Il » 12 2 » » » M 1 — » 1 50 » Blanchisseurs sur pyés'. » 15 3 » 22 » o » » Il » Il 1 50 » » » 1 — 1) Bouchers 24 24 11 Il Il » 11 » » » 0 80 » 1 50 1) » » » » Boulangers 39 39 18 » Il » Il 4 » JI 0 60 » 1 50 » » » » „ Brodeuses en tapisserie 2 2 » » 62 28 » Il » Il » » » 1) Il » 0 80 0 50 Brasseur^. » . 9 9 9 )). Il » 4 » » » 0 60 , » » » » Il JI » Chapeliers 3 3 Il Il Il » 2 M » » 0 80 » 1 75 » » n x 1) Cha-rpentiers.' . 13 13 5 » Il » 3 » » Il » » 2 — » M » o ». Charrons 16 16 7 » » » Il 3 » ' M Il Il 2 — » Il M M Il Cloutiers 2 2 3 " » » Il » » Il JI Il 1 50 » » M M JI ' Coiffeurs et barbiers 14 14 6 3 Il » 5 a » n 0,60 0 30 1 30 1) M » » » Confiseurs èt pâtissiers 5 5 3 » » Il » » Il M 1 — » 1 75 » » » M n -Commissionnaires en marchandises.... 2 2 5 1) » m >1 o Il n » » 2 — 1) M n Il Il Cordonniers ' 66 66 61 » 5 » 11 M Il M 0 50 » 1 20 » 0 50 » l 20 » Cordiers 3 3 4 1) bb 1) » M » M » Il 130 a) » » » Il Couturières Il 87 Il Il Il Il Il n 10 6 » 1) n 1) 0 50 » l — » Fabricant d'allumettes chimiques * f 1 12 10 14 16 Il x Il Il » M 1 25 0 75 il » î — 0 60 Fabricant de bottes à allumettes * .... 1 1 7 Il 22 » Il Il » Il M n 130 » M » ' 0 75 1) Fabricgàtg, d'huile./ 11 9 10 » Il x Il Il M M 1 — » 1 70 M n » 1). i> Faiseurs de bas. » 3 2 Il Il » » » Il » » » 1 30 » M » n » Faiseurs de chaussons de laide x 8 m Il 8 » M » M M » o » M M M 0 76 m Ferblantiers . 5 fi 8 à) » ,II 2 »> ") » m >» 1JM n '» ""p » ». Horlogers 2 2 1. » 1) Il 2 Il M Il Il . >\ 1-W n W ')J.- ))1 1) Imprimeurs t ... t 2 2 6 » n » » Il » Il M' >d 1 50 y u M -M » Lithographe* ............. 1 1 88' Il 10 » 4 2 1) » » fi ï 40 a m M -L » Maçons et taiUéars- de pierres » 90 76 » » » Jg 6 Il t) » » 2 — 0 8 » » » < » Marchands de draps 5 5 2 » M n m )j M m 0 50 1) » » M >» » » Marchands de bois S 6 4. Il n » »> n n Il 1 SO » B— n M 1) o » Marchands de fer 6 6 3 Il Il Il Il n » 1 ■«— » 1 5Q » » x » » Marchand de parapluies 1 1 » o o Il » » Il » » » » 11 Il » Il M a i écli a u\-i'er r a 111s 27 27 12 » n n 5 2 » )> » » 2 — » » » » » Mécaniciens ... 3 3 8 » .1 )) 2 x » » I il) <1 2 20 » » » » »

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Pharmaciens 3 3 » » » » » » » » » » » JI JI » » » Potiers de terre 13 1:1 12 » » » » » » » » » ] •«» » » » » » Potiers d'étain 2 2 1 JI >> » » » Il » » » 1 30 » » » » Il Relieurs .. 5 f) 3 » » » 2 JI » » » » 1 50 » » » » JI Revendeurs, frippiers 27 27 6 » » » Il Il » » » » 1 - » » » » Il Sabotiers 28 28 8 » » » 3 JI » » » » 1 60 » » » » » Savonnier, fabricants de chandelles.... 3 3 2 » » » 2 1 » » » » 1 50 » 1) » » » Selliers.......... 4 4 3 » » » 1 1 » » » » 1 80 » » » » » Serruriers 12 12 8 » » » 4 » » » » » 2 — » » » » » Taillandiers, couteliers 5 5 2 » » » 2 » » » » » 2 — » » » » » Tanneurs 9 9 6 » » » » » » » » » 1 50 » » » » » Teinturiers 4 4 3 » » » 1 Il » » » » 1 50 » » Il » » Tisserands 63 63 10 » » » Il 4 » » » » 1 20 » » » » » Tourneurs 10 10 3 » » » 2 1 » » » » 1 70 » » » » » Tonneliers » 27 19 » » » 9 9 » » 1 30 » 2 — » » » » Il Tuiliers 9 9 6 " » » 2 » » » » » 1 50 » » » » » Vitriers 8 8 5 » » » 3 1 » » » » 1 70 » » » » »

1 Blanchisseurs sur prés. Ce n'est que dans la petite vallée de Weiler quinzaine d'années ; elle se trouvait alors en dehors de la ville en amont que l'industrie du blanchiment du linge s'exerce sur une échelle un peu de la Lauter. Elle a été remplacée par un nouvel établissement situé importante. Là, une dizaine de familles ont établi sur les rives de la du côté opposé en aval de la rivière. Cette fabrique occupe dans l'inté-Lauter de petites huttes en bois et en torchis dans lesquelles sont dispo- rieur de son local environ cinquante ouvriers, et à peu près autant au sés des chaudrons où l'on fait chauffer les lessives dont on se sert pour dehors. Ses produits, assez importants, sont vendus sur les lieux, dans blanchir le linge. Après le lessivage, on étend le linge à l'air libre sur le département, et même dans l'intérieur de la France.

les prés et on le fait sécher. La proximité de la ville de Wissembourg La fabrication des allumettes chimiques présente pour la santé d'une donne à cette petite industrie une importance qu'elle n'aurait pas sans partie des ouvriers des dangers qu'il est de notre devoir de signaler. cela. Chaque famille de blanchisseurs gagne en moyenne de 400 à 500 fr. Les émanations du phosphore, qui forme la base de la préparation dans par an, et c'est assez pour la faire vivre. laquelle on plonge les allumettes, produisent sur le système osseux les

* Brodeuses en tapisserie. Cette industrie n'existe à Wissembourg ravages les plus déplorables, et il n'est pas rare de trouver des ouvriers que depuis cinq ou six ans. Très-restreinte dans son origine, elle a pris ayant les os des mâchoires entièrement cariés, après cinq ou six ans successivement une extension qui mérite d'être signalee. Elle occupe de travail. Voilà qui est grave et qui veut qu'on y songe!.... quatre-vingt-dix ouvrières, travaillant chez elles. Une ouvrière leste *Fabrique de boîtes à allumettes. De création toute récente cette et adroite peut gagner jusqu'à 1 fr. par jour. Une travailleuse ordi- industrie mérite ici une mention spéciale. Au moyen de rabots et de naire gagne de 50 à 80 c. Sur ces quatre-vingt-dix ouvrières soixante machines perfectionnées par l'un des propriétaires de l'établissement, demeurent à Wissembourg, trente appartiennent à la population des on obtient un travail aussi prompt que parfait. Trente ouvriers, homcommunès rurales environnantes. La tapisserie confectionnée est expé- mes et femmes, sont employés en ce moment à la fabrication des boites, dlee par les entrepreneuses à Paris et en Bavière. Le bois de sapin qui sert à leur confection, doit être de toute première Les différentes petites industries qui depuis quelques années se sont qualité ; on le tire de la Bavière rhénane.

établies à Wissembourg, ont sensiblement amélioré la position de la Une machine, mise en mouvement au moyen d'une légère pression classe pauvre et même de la classe moyenne. Aujourd'hui presque tous du pied, fait environ huit corps de boîte en une minute. Une autre les bras sont employés, les enfants mêmes trouvent, dans les limites coupe les fonds qui sont ajustés à la main, couverts d'un enduit de de leurs forces, une occupation qui vient augmenter les ressources de colle forte et trempés dans du sable fin. Cet établissement produit aula famille. En opposition à ces avantages nous ne pouvons nous em- jourd'hui environ 30,000 boîtes par jour. Très-prochainement ce chiffre pêcher de remarquer que, chez les jeunes filles surtout, le luxe a sera porté au double.

fait depuis une dizaine d'années, des progrès rapides, dus certaine- 5 Lithographie. L'établissement lithographique qui existe à Wissemment à la facilité qu'elles ont de gagner de quoi satisfaire leurs goûts bourg a été créé en 1835, et a pris depuis cette époque un développe-dépensiers. Leur moralité y a perdu, et la route des plaisirs honnêtes ment important. Il occupe plus de cinquante ouvriers. Une grande est trop souvent abandonnée par elles. partie de ses produits, qui consistent en portraits de saints et en images 3 Fabrique d'allumettes chimiques. La première fabrique d'allumettes de fantaisie, sont colportés et vendus a la campagne, tant en France chimiques a été établie sur le territoire de Wissembourg il y a une qu'en Bavière.

OBSERVATIONS GÉNÉRALES.

Le but de notre travail a été : Io de tracer et de faire saisir la physionomie et la situation de l'agriculture dans le canton de Wissembourg;

2o D'établir une bonne statistique agricole de ce même canton;

3o Enfin d'indiquer les points de l'agriculture qui appellent particulièrement l'attention soit de l'administration, soit des comices, soit des cultivateurs eux-mêmes.

Nous croyons avoir rempli avec exactitude une partie de la tâche que nous nous étions imposée.

Il nous reste maintenant à examiner quelles sont les circonstances locales qui paraissent retarder les progrès de l'agriculture dans le canton, puis à résumer en peu de mots les améliorations essentielles qu'il serait désirable d'y voir introduire.

Les obstacles qui s'opposent au développement progressif de l'agriculture locale, nous paraissent devoir être divisés en deux catégories :

Les uns sont matériels;

Les autres intellectuels.

Parmi les obstacles matériels, nous plaçons :

1° Le trop grand morcellement des propriétés.

M. le préfet du Bas-Rhin dans un récent et très-remarquable travail présenté au conseil général, a signalé l'origine et les causes du morcellement, ainsi que les conséquences fâcheuses qu'il entraîne après lui. A la suite de ce rapport, le conseil a, comme l'année dernière, émis le vœu que le gouvernement veuille bien aviser à des mesures restrictives du morcellement infini de la propriété.

Ce vœu nous semble devoir être pris en sérieuse considération , car il est on ne peut plus favorable aux intérêts de l'agriculture.

Dans le canton de Wissembourg, comme dans presque toute l'Alsace, l'étendue du sol possédé par chaque cultivateur est beaucoup trop restreinte relativement aux besoins de sa famille. Plus des deux tiers des habitants de la campagne ne sont propriétaires que d'une ou deux parcelles de 5 à 10 ares chacune, et presque toujours ces parcelles sont éloignées les unes des autres et disséminées dans la banliene. Il en résulte une interversion forcée de la rotation à suivre dans l'assolement, et la plupart du temps, on ne rencontre qu'une alternative de pommes de terre et de blé.

Le retour trop fréquent des mêmes cultures exigerait une plus grande quantité d'engrais, mais ceux-ci font souvent défaut au cultivateur peu aisé, et par suite sa terre ne lui rapporte pas ce qu'elle pourrait produire dans de bonnes conditions d'assolement.

Et, que récolte en définitive le petit propriétaire rural? Quand l'année est bonne, un peu plus que la nourriture dont il a besoin lui et sa famille; mais si l'année est mauvaise, si quelque sinistre vient fondre sur ses champs, le voilà dans la misère, plus malheureux que celui qui ne possède rien, car le simplè journalier, travaillant sur le fond d'autrui, est presque certain de gagner environ 1 fr. 25 c. à 1 fr. 50 c. par jour, tandis que lui aura perdu son temps et sera encore obligé de payer des contributions foncières pour des terres qui ne lui auront rien rapporté.

Par suite du morcellement, les cultures industrielles (lin, chanvre, colza, pavot, etc.), se trouvent très-restreintes ; car pour pouvoir les admettre dans une rotation, il faut déjà posséder une propriété d'une assez grande étendue, et le canton est privé d'un produit d'autant plus important qu'il peut immédiatement être converti en argent.

Nous ne parlons que pour mémoire d'un grand nombre d'autres inconvénients qui résultent du morcellement, tels que perte de temps et de forces importantes pour la culture; impossibilité de faire usage de certains instruments perfection-

nés ; perte de terrain résultant du grand nombre de sillons séparatifs des parcelles, etc., qui nous prouvent que, comme le morcellement, la dissémination de la propriété est fatale à la grande et à la petite culture.

Il serait donc à souhaiter : 1° Qu'une mesure législative vint mettre obstacle au trop grand émiettement des terres, en prohibant le partage en nature de toute parcelle n'excédant pas une étendue donnée.

Sans l'intervention d'une semblable mesure, la subdivision en parcelles infinitésimales, possédées par un nombre trop considérable de petits propriétaires fera chaque jour d'effrayants progrès.

20 Que, dans le but de favoriser les agglomérations des terres, le gouvernement admette, en certains cas, la réunion forcée et la mise en commun de parcelles appartenant à des propriétaires différents, et ensuite le partage proportionnellement à l'étendue de la possession primitive de chacun.

La nécessité d'arrêter le morcellement des propriétés a été reconnue par presque toutes les provinces allemandes, et particulièrement par celles contiguës à l'Alsace.

C'est ainsi qu'en Bavière, des règlements assez anciens soumettent à une autorisation préalable le morcellement des domaines, et qu'une loi du 11 juin 1852 classe au rang des délits l'industrie qui se livre à l'aliénation parcellaire des pro-priétés.

Dans le grand-duché de Bade, la législation a également sanctionné l'indivisibilité de certains domaines ; elle prohibe le partage des propriétés rurales en parcelles au-dessous d'une étendue limitée et ne l'admet que pour le cas où le partage aurait pour but de réunir les parcelles nouvelles à des immeubles limitrophes.

La Prusse combat le morcellement en imposant, dans certains cas, la réunion des parcelles qui se touchent, et en favorisant les agglomérations volontaires.

La Hesse électorale et la Hesse grand-ducale élaborent des

lois destinées à prévenir le morcellement des biens ruraux et à favoriser l'agglomération des terres.

On le voit, les nations qui nous avoisinent ont toutes cherché à entraver la trop grande division du sol qu'elles considèrent comme préjudiciable aux véritables intérêts de l'agriculture.

En Alsace, la division va toujours en augmentant. L'amour de la propriété est tellement dans les mœurs des habitants, qu'il n'est pas rare, lors de l'ouverture d'une succession, de voir partager en deux ou trois parts des parcelles d'immeuble d'une contenance de 15 à 20 ares, et moins encore.

Il est indispensable qu'on mette fin à cet état de choses. Est-ce à dire que pour remédier à une situation que nous regardons comme apportant des entraves aux progrès de l'agriculture , nous demandions avec certains organes de la presse, le rétablissement du droit d'aînesse et de toutes les lois qui régissaient jadis la transmission de la propriété ?

Certainement non.

Nous savons que la petite culture produit dans notre canton , comme dans toute l'Alsace, des résultats aussi satisfaisants que ceux de la grande propriété; qu'elle compte des travailleurs laborieux et intelligents ; qu'elle donne au pays un grand nombre de bons citoyens et de braves soldats. A nos yeux elle a encore un autre avantage; c'est celui d'attacher l'ouvrier au sol et d'entraver la tendance d'émigration qui se manifeste souvent parmi les populations rurales et les entraîne sans esprit de retour vers les centres industriels. Or, en reconstituant d'une manière exclusive la grande propriété, on verrait bientôt une partie notable des laboureurs s'expatrier, et on finirait par manquer de bras.

Ce serait une faute.

Ce que nous demandons, ce n'est donc pas le rétablissement de vastes domaines absorbant d'innombrables parcelles de terrain et ne laissant plus rien à la petite culture ; mais bien, qu'il soit interdit de morceler le sol outre mesure, et qu'on

s'efforce d'empêcher cette extrême division qui tend à prendre une extension déplorable. Ce que nous désirons, c'est que chaque cultivateur cherche à arrondir son héritage et fasse cesser autant que possible la dissémination de ses terres, en agglomérant ses propriétés.

20 Le manque de capitaux facilement accessibles au petit propriétaire foncier.

Il est hors de doute que presque tous nos cultivateurs ne peuvent rien distraire des produits de leurs terres pour améliorer leurs propriétés, quelque convaincus qu'ils soient du bénéfice qui en résulterait plus tard.

En l'absence de l'organisation du crédit agricole, ils se trouvent dans l'impossibilité de se procurer économiquement des capitaux à longs termes.

L'agriculture ne produit en moyenne que 3 à 4 p. 100; si elle emprunte à 5 p. 100, taux qui, avec les frais, s'élève jusqu'à 61/2 et 7 p. 100, elle se ruine.

Ceci est surtout vrai pour notre canton, pour l'Alsace tout entière, où l'extrême morcellement des propriétés et la grande division des fortunes ne permettent pas à la grande majorité des cultivateurs de disposer de capitaux suffisants pour faire à leurs champs les travaux d'amélioration indispensables, d'accroître le nombre de leurs bestiaux, d'employer des machines perfectionnées, etc., toutes choses qui augmentent naturellement le rendement de la terre.

Nos cultivateurs, à moins d'être tout à fait obérés, n'ont point recours à l'emprunt, parce qu'ils connaissent la ruine qui les menace incessamment, dès qu'ils s'engagent dans cette voie.

Il en résulte que les améliorations les plus nécessaires et les plus désirables ne sont point faites

La fondation d'une banque agricole prêtant à 3 p. 100 à de longues échéances, avec facilité d'anticiper les paiements

serait un véritable bienfait pour nos cultivateurs et pour le propriétaire foncier.

Mais une pareille banque ne saurait être établie que par l'État.

Ce qui nous donne cette convictipn, ce sont les nombreux essais qui, depuis près d'un demi-siècle ont été tentés par des associations particulières pour doter l'agriculture d'établissements de crédit, et qui tous ont échoué. Échec bien naturel, puisque la plupart de ces institutions cherchaient avant tout à faire une bonne affaire, ne donnaient à l'agriculture qu'un genre de crédit dont elle n'avait pas besoin et refusaient celui, qu'il lui importait d'avoir.

L'État mieux que personne est à même de fonder une banque agricole présentant des avantages réels à l'emprunteur; une banque où le cultivateur serait toujours assuré de trouver, contre la garantie de sa moralité, de son matériel d'exploitation, de son avoir mobilier, les capitaux dont il peut avoir besoin.

L'établissement d'une semblable institution serait sans nul doute un immense service rendu à l'agriculture et au pays.

Aujourd'hui le capital ne peut arriver au cultivateur qu'en s'immobilisant ; qu'il puisse venir à l'agriculture par des moyens ordinaires, et la prospérité renaîtra comme par enchantement dans nos campagnes.

Sans crédit, il n'y a de culture progressive à attendre ni de la part des propriétaires, ni de celle des fermiers. Or, quel crédit peut avoir le laboureur qui n'a que ses bras pour vivre, s'il n'est point assuré d'avoir une récolte ?

En attendant la réalisation d'un crédit agricole facilement accessible, nous appelons de tous nos vœux la solution favorable des assurances agricoles.

Quoi qu'en disent des personnes évidemment intéressées à voir échouer un projet inspiré par une pensée noble, généreuse et bienveillante, nous croyons fermement que le succès de l'agriculture progressive et l'amélioration de la propriété foncière s'ensuivront infailliblement.

Comme à la plupart des conseils généraux qui se sont occupés de cette question, il nous paraît hors de doute qu'une caisse générale d'assurances par l'État, serait plus complète, plus économique et plus sûre que toutes les caisses agricoles qui se sont formées jusqu'ici par l'initiative privée; que cette caisse réaliserait toutes les conditions fondamentales de l'assurance : la réparation intégrale des sinistres, par l'immensité des ressources ; la répartition équitable des charges, par une bonne classification des valeurs assurées ; la plus rigoureuse économie, par l'absence de toute spéculation; enfin la sécurité la plus complète, par la direction et le contrôle de l'Etat.

Si l'assurance agricole ne peut donner au propriétaire la certitude du produit, elle lui garantira du moins la certitude de retrouver la valeur de ce produit.

Sans doute, en entrant dans cette voie nouvelle, on devra s'attendre à rencontrer au commencement des obstacles assez sérieux, mais le bon sens des populations et l'expérience des hommes qui seront chargés d'entrer en rapport avec elles, parviendront certainement à les surmonter.

L'assurance, sur des bases solides, ne peut donc, selon nous, être entreprise que par l'État; et si, comme nous n'en doutons pas, le projet qui est soumis à l'examen du conseil d'État, se trouve bientôt converti en loi, la France devra un bienfait de plus au gouvernement de l'Empereur '.

1 Il n'est venu à l'esprit de personne de mettre en question l'importance et l'opportunité des assurances agricoles ; mais on n'est pas d'accord sur les conditions dans lesquelles elles doivent être formées. Deux systèmes se sont trouvés en présence ; l'assurance serait-elle obligatoire ou la laisserait-on facultative ; et si elle restait facultative, serait-elle créée et administrée par le gouvernement ou par une société particulière?

Le premier système est celui auquel nous aurions donné la préférence; mais c'est le dernier qui a prévalu. L'État n'a pas cru devoir se charger lui-même des assurances. L'avenir nous apprendra si la décision qui a été prise à cet égard, satisfait complétement aux puissants intérêts de l'agriculture.

Un décret impérial du 30 décembre 1858 a autorisé la formation d'une caisse d'assurances agricoles à laquelle il a accordé des avantages qui, jusqu'ici, n'avaient été attribués à aucune autre société d'assurance. Cette caisse fonctionne

Y a-t-il lieu d'abroger la loi du 3 septembre 1807 sur la fixation du taux légal de l'intérêt et de donner une liberté ' complète aux conventions privées sur les conditions du prêt à intérêt ?

C'est là encore une question importante qui s'agite dans les conseils du gouvernement.

Elle touche de trop près à l'agriculture pour que nous la passions sous silence dans ce travail.

Ce serait, selon npus, gravement compromettre les intérêts de la propriété foncière , que d'abandonner l'emprunteur à la merci du prêteur. Essentiellement restreints, les produits de l'agriculture ne lui permettent pas de recourir à l'emprunt dans les mêmes conditions que le commerce et l'industrie dont les chances laissent plus de place aux bénéfices. Déjà aujourd'hui les capitaux désertent l'agriculture et elle ne trouve presque plus de ressources dans l'emprunt. Que serait-ce donc, si l'intérêt commercial n'était plus limité, et si tous les capitaux se dirigeaient exclusivement vers l'industrie et le commerce ?

Nous ne croyons pas aller trop loin, en avançant que cet état de choses amènerait la ruine de l'agriculture; ruine pouvant entraîner après elle les conséquences les plus déplorables.

Nous ajouterons, que sous le double point de vue de l'ordre moral et de l'économie politique la mesure dont il s'agit nous paraît également désastreuse.

Dans l'ordre moral, on ne peut s'empêcher de gémir des excès de l'usure et des malheurs particuliers qu'elle traîne à sa suite. Or, l'abrogation de la loi du 3 septembre 1807 si éminemment protectrice des intérêts de tous, laisserait plein

depuis peu de temps. Il n'est donc pas possible de porter en ce moment un jugement sur les résultats auxquels elle arrivera. Hâtons-nous cependant de dire que la caisse générale des assurances mutuelles agricoles est fondée dans un but exclusif d'intérêt public, sans aucun esprit de spéculation et qu'elle mérite d'obtenir la confiance des populations.

essor aux exactions les plus effrénées, et bientôt, comme l'intérêt de l'argent, l'usure n'aurait plus de limites.

Mais quel mal a donc fait cette loi de 1807, pour qu'on ' songe à la remplacer par le principe de la liberté illimitée de l'intérêt?

Nous, qui sommes en contact journalier avec les habitants de la campagne et qui connaissons aussi les habitudes du petit commerce, nous n'y voyons rien que de salutaire. Cette loi empêche en grande partie l'usure, et en tout cas, y apporte des entraves protectrices. Grâce à elle, le prêteur à gros intérêts ne peut que difficilement abuser des embarras du cultivateur ; elle le protége même contre sa propre faiblesse. Son action n'est qu'une suite de bienfaits.

En économie politique la mesure serait tout aussi peu salutaire.

Admettons que l'argent ne soit qu'une marchandise, qu'un outil de production, qu'un instrument de travail économique, faudrait-il pour cela affranchir de toute entrave la circulation de ce capital, et proclamer la liberté des conventions en matière de prêt? Non, car c'est précisément pour que l'usage de ce capital devienne général, pour que sa circulation soit plus facile, pour qu'il répande partout sa fécondité, qu'il ne faut pas que son prix, que sa cherté, le rende inaccessible aux petits producteurs et le concentre entre les mains des capitalistes ou des banquiers, des agioteurs ou des usuriers.

Du jour où l'interdiction du prêt à un taux supérieur au taux légal serait levée, les cultivateurs, et par conséquent presque tous les habitants de la campagne se trouveraient ou privés de la possibilité de contracter le moindre emprunt, ou livrés à l'arbitraire et à l'avidité des usuriers, toujours si disposés à les exploiter.

Comme nos mœurs, comme la morale, l'économie politique réprouve l'usure; n'effaçons donc pas ce délit de nos codes. Qu'à côté de la conscience publique qui inflige à l'usurier la flétrissure morale, la loi qui le condamne reste toujours debout.

La mesure que nous combattons, serait impolitique. Elle aliénerait au gouvernement les populations de la campagne qui ne manqueraient pas de faire remonter jusqu'au chef de l'État la responsabilité d'un semblable acte, et de supposer, bien à tort sans doute, que la sollicitude de l'Empereur abandonne ceux qui, au milieu de temps durs et difficiles, se sont toujours montrés si dévoués à sa personne.

Malgré les réclamations des chambres de commerce, nous croyons, pour notre part, que l'abrogation de la loi du 3 septembre 1807 , n'aurait pas apporté un remède efficace à la crise financière qui s'était produite ; qu'elle serait un malheur pour l'agriculture, nous allions dire un malheur public; et qu'elle ferait perdre au gouvernement sa popularité dans les campagnes.

30 La pénurie, dans la plus grande partie des communes, de la paille nécessaire à la litière.

Ici nous touchons à une question presque vitale pour l'agriculture , non pas seulement du canton, mais de tout le départemeut.

Cette question est celle des feuilles mortes.

Ferait-on bien de laisser enlever dans les forêts les feuilles mortes qui s'y trouvent?

L'administration forestière soutient que non, et elle allègue que les feuilles mortes sont un puissant moyen de rendre au sol les principes de fécondité que la végétation des arbres lui enlève.

Les populations en masse, répondent oui, parce que l'avantage qu'en retirerait l'agriculture est beaucoup plus considérable que le tort passager qu'en ressentiraient les forêts.

Quant à nous, nous pensons qu'il y aurait moyen de concilier tous les intérêts. Ce serait d'autoriser loyalement l'enlèvement des feuilles mortes, partout où leur présence n'est pas d'une nécessité absolue.

Dans notre canton, par exemple, presque toutes les forêts sont situées sur des montagnes ; le vent balaie les feuilles dans les ravins, où elles forment des amas évidemment inutiles au sol forestier ; pourquoi ne pas permettre qu'on les enlève ?

Il y a ici deux intérêts en présence : celui des forêts, dont le sol s'appauvrirait un peu par l'enlèvement des feuilles, et celui des nombreux habitants de la campagne qui en ont un besoin impérieux pour leur culture et qui ne peuvent vivre que très-difficilement, s'ils en sont privés.

Selon nous, ce serait en tout cas à l'intérêt général de l'agriculture qu'il faudrait donner la préférence.

Rien n'est plus inflexible que les chiffres; prouvons donc par des chiffres la réalité des besoins 'dont nous venons de parler.

La nourriture ordinaire d'un cheval peut être fixée par jour à 5 kilogrammes de foin, 2 kilogrammes de paille hachée et 5 kilogrammes de fourrages divers. Nous admettons qu'il ne faille journellement par cheval que 2 kilogrammes de paille pour litière. Cela fait par an, et par tête, un total de 1825 kilogrammes de foin, 1460 kilogrammes de paille et 1825 kilogrammes de fourrages divers.

Nous estimons la nourriture ordinaire d'un taureau, d'un bœuf ou d'une vache à 4 kilogrammes de foin, 2 kilogrammes de paille et 8 kilogrammes de fourrages divers, pour chaque jour. Comme au cheval, nous n'accordons que 2 kilogrammes de paille pour la litière. Il faut donc annuellement à chaque tête de gros bétail 1460 kilogrammes de foin, 1460 kilogrammes de paille et 2920 kilogrammes d'autres fourrages.

Dans les chifftes que nous venons d'indiquer, nous sommes à dessein resté au-dessous des moyennes généralement admises. En effet, pour ne parler que de la litière, on compte d'ordinaire 2 à 4 kilogrammes de paille par chaque pièce de gros bétail et 2 à 3 kilogrammes pour chaque cheval. Nous avons porté indistinctement 2 kilogrammes seulement par tête.

Il y a dans le canton 409 chevaux et 3378 vaches, bœufs ou taureaux. D'après les bases admises ci-dessus, leurs besoins annuels s'élèvent à 5,678,300 kilogrammes de foin et 5,529,020 kilogrammes de paille.

Mais il résulte des données statistiques les plus exactes, que pour l'année 1857 la production en foins et regains n'a été que de 5,321,500 kilogrammes, et la production en paille de 4,366,900 kilogrammes seulement.

Les besoins en foin ont donc été de 356,805 kilogrammes plus forts que les produits ; déficit dû à une année de grande sécheresse. La pénurie de cette espèce de fourrage a obligé beaucoup de cultivateurs à se défaire avec perle de leurs bestiaux. Dans les années de bon produit moyen, la différence entre le rendement et la quantité approximative de foin nécessaire pour une partie de l'alimentation du bétail disparaît.

Pour la paille, les besoins ont dépassé de 1,162,120 kilogrammes les produits de l'année. Il est bien certain que le rendement en paille a été faible en 1857 ; mais en prenant la moyenne d'une récolte ordinaire (5,000,000 kilogrammes), le déficit existe toujours. Et qu'on le remarque bien, les chiffres que nous avons admis comme représentant la quantité de paille qui serait nécessaire pour une bonne alimentation du bétail, et un entretien convenable des étables, est plutôt au-dessous qu'au-dessus de la vérité ; car, dans nos calculs nous n'avons compris ni la nourriture ni la litière nécessaires à 70 poulains, 948 veaux et 4099 têtes de menu bétail, quoique ce soient encore là des besoins qui ne manquent pas d'importance.

Dans ces conjonctures qu'arrive-t-il ? C'est que les pailles sont en majeure partie employées à la nourriture du bétail, et qu'il ne reste presque plus rien pour la litière.

Les fourrages divers produits dans le canton peuvent à la rigueur suppléer dans l'alimentation du bétail a la pénurie presque constante du foin et de la paille ; mais les feuilles

mortes et les bruyères des forêts sont pour nos cultivateurs les seules ressources capables d'atténuer l'effet souvent désastreux de la pénurie des litières.

Toutes ces considérations, que des chiffres incontestables ont rendues évidentes, ne prouvent-elles pas que les réclamations de nos populations agricoles relativement à la délivrance des feuilles mortes sont bien fondées, et qu'elles méritent d'être prises en sérieuse considération?

4° Le peu de soin apporté et l'extirpation des mauvaises herbes.

La propreté des terres est une des premières bases de la culture profitable. Or, une grande partie de nos cultivateurs apportent une négligence impardonnable à l'arrachage et à la destruction en temps utile des mauvaises herbes.

C'est là un très-grand tort.

En effet les engrais se reportent tout aussi bien sur les plantes parasites que sur celles qui forment l'objet de la culture, et ces dernières se trouvent privées de loules les parties fertilisantes absorbées par .les premières. D'un autre côté les mauvaises herbes, poussant avec plus de vigueur que la plupart des plantes cultivées, étouffent une notable portion de ces dernières, et la récolte se trouve ainsi doublement diminuée. Mais cette négligence ne nuit pas seulement au cultivateur du champ sur lequel on laisse se développer les mauvaises herbes, elle cause encore un dommage sensible à toutes les propriétés voisines, car, parvenue à sa maturité, le vent chasse au loin la semence et la propage ainsi dans un rayon très-étendu.

Parmi nos plantes nuisibles, la plus difficile à détruire, c'est le chiendent. 11 s'arrache rarement entier et le moindre fragment restant en terre développe en peu de temps un nouveau pied. Il est d'une végétation tellement active, que deux mois lui suffisent pour arriver à l'épiage; la graine quitte l'épi vingt à vingt-cinq jours après. Le chiendent se re-

produit tout aussi facilement par la semence. Ceux de nos cultivateurs qui arrachent cette mauvaise herbe, ont assez l'habitude de la jeter tout épiée, soit sur les chemins, soit dans les fossés, d'où elle est presque toujours rapportée sur les terres. C'est un mauvais système. Le moyen le plus sûr de faire disparaître peu à peu le chiendent, c'est de brûler l herbe sur place.

Pour porter remède aux négligences que nous signalons, il faudrait qu'une disposition législative vînt contraindre tous les propriétaires, fermiers, locataires ou autres faisant valoir leurs héritages ou ceux d'autrui, à extirper et détruire en temps utile les mauvaises herbes venues sur ces terres, et que les contrevenants fussent passibles d'une amende à prononcer par le tribunal de simple police.

De semblables prescriptions existent dans une partie de l'Allemagne, où les gardes-champêtres sont chargés de dresser des procès-verbaux contre tous ceux qui n'arrachent ou ne coupent pas les chardons venus dans leurs champs.

Il est probable que le Code rural qu'élabore en ce moment le Sénat, mettra en vigueur l'art. 174 du projet de 1808, aux termes duquel les propriétaires et fermiers devaient échardonner les terres aux époques fixées par les autorités ; en cas de refus, l'échardonnage devait être fait d'office aux frais des contrevenants.

5o Le pâturage de la race bovine. — L'insuffisance de l'élevage des moutons.

L'habitude de faire pâturer les vaches et les bœufs, est sans nul doute une des pratiques les plus déplorables. Le bétail ne profite point ou très-peu au pâturage, et les engrais qu'il fournirait à l'écurie se trouvent en grande partie inutilement perdus.

On ne peut trop engager les habitants de nos campagnes à adopter l'usage suivi par les cultivateurs du Wurtemberg, ce petit royaume si avancé pour tout ce qui touche à l'agricul-

ture. Là les bêtes à cornes sont exclusivement nourries à l'étable, tous les fourrages qu'on leur donne sont hachés et mêlés d'une certaine quantité de sel. Les résultats de ce système d'élevage sont des plus satisfaisants, et proportion gardée de l'étendue de son territoire, le Wurtemberg fournit à la boucherie beaucoup plus de bêtes grasses, qu'aucun autre pays de l'Europe.

Ce serait pour nos cultivateurs un bon exemple à suivre; mais malheureusement jusqu'à ce jour, ils ne se montrent guère disposés à marcher dans cette voie.

Suivant les relevés faits par M. de Gasparin , le séjour hors des étables et des écuries, d'une partie des animaux domestiques , par le fait du pâturage et du travail, et le non-emploi, ou l'emploi très-incomplet de l'engrais humain, réduirait la masse réellement disponible d'engrais au tiers de la quantité produite.

Dans le duché de Posen, le gouvernement a fondé depuis 1838 une prime annuelle de 600 thalers (2250 fr.) pour les cultivateurs paysans qui, pendant six années consécutives, se signalent par l'extension et le perfectionnement de leurs cultures fourragères et la stabulation de leurs bestiaux.

L'administration prussienne a pensé avec raison que la suppression du pâturage est un puissant moyen d'arriver à une bonne tenue des fermes. Les résultats de cette mesure ne se sont pas fait attendre longtemps, et l'agriculture qui antérieurement était assez pauvre et misérable dans ce pays, a fait depuis des progrès remarquables.

Depuis quelques années, l'élevage des moutons qui, à notre avis, n'a jamais eu dans le canton une extension suffisante, tend encore à diminuer.

C'est un tort, et de plus une circonstance de nature à retarder les progrès de l'agriculture. Dans nos localités où il y a pénurie d'engrais , des troupeaux de moutons plus nombreux deviendraient d'une utilité incontestable. Le sol y trouverait une amélioration sensible.

Mais ce n'est pas seulement sous le rapport des engrais produits par les moutons , que l'élevage de ces animaux nous semble nécessaire; il serait également avantageux comme industrie. Ainsi, le mouton peut être livré à la consommation dès la seconde année et par conséquent le capital de mise de fonds rentre rapidement ; le mouton mange peu relativement à sa croissance et à son poids, et dans la première année, son lainage seul donne déjà une rémunération à peu près équivalente aux frais de nourriture.

Malheureusement bien peu de personnes paraissent ici convaincues de ce résultat, et à quelques exceptions près, les troupeaux de moutons sont si peu nombreux, et il faut bien le dire, si chétifs, que leur produit, en effet, doit être fort minime.

Cela tient au défaut d'importance qu'on accorde aux moutons , à la mauvaise hygiène, et aux mauvais soins qui leur sont donnés.

Il existe en Saxe et dans le Wurtemberg des bergeries très-renommées, on y a calculé que, sur 100 têtes de bétail, les maladies en enlèvent environ huit à dix par an, et malgré cela le bénéfice est encore annuellement de 14 à 16 p. 100.

60 Le peu de soins donnés à l'éducation du bétail en général. — La mauvaise manipulation des fumiers. — La répugnance à adopter les instruments aratoires perfectionnés.

Circonstances que nous avons déjà signalées dans le cours de notre travail.

7° Un attachement presque invincible à la routine.

Il faut bien le dire, cet entêtement de vouloir toujours faire ce qu'ils ont toujours fait, ce que leurs pères ont fait avant eux avec plus ou moins de succès, domine la plupart de nos cultivateurs, même les plus aisés.

. Ils n'admettent ni les instruments perfectionnés, ni les ro-

tations les plus appropriées aux terrains qu'ils exploitent, ni les cultures industrielles avantageuses.

Un attachement secret, impérieux, non raisonné, aux anciennes méthodes ; une crainte exagérée de trouver du mécompte, s'ils abandonnent le connu pour l'inconnu et s'ils confient leurs espérances, leurs revenus à des innovations, telles sont les préoccupations qui les dominent toujours.

Cet esprit d'opposition est, selon nous, le résultat du défaut d'instruction agricole, et tant que la majeure partie des cultivateurs ignorera les éléments d'agriculture, il ne faut point espérer triompher de la routine, son plus grand ennemi.

Les circonstances qui s'opposent encore aux progrès de l'agriculture, et que nous avons comprises sous la dénomination d'obstacles intellectuels, sont pour la jeunesse :

Le défaut d'un enseignement agricole suffisant.

Pour les hommes plus âgés :

Le manque d'ouvrages d'agriculture à leur portée, de conférences assez fréquentes sur la science agricole, et de démonstrations théoriques et pratiques.

Tout le monde reconnaît aujourd'hui que l'agriculture est la base de la richesse publique ; qu'est-elle dans l'enseignement de nos écoles primaires?

Malheureusement presque rien.

Or, pour qu'un travail quelconque suive une voie progressive, il est nécessaire que celui qui l'exécute, le fasse avec intelligence, et il ne peut y avoir de progrès réels qu'avec l'instruction.

Il faut donc chercher à procurer cette instruction à la masse des cultivateurs.

Pour cela, qu'on leur ouvre dans les écoles primaires.des cours élémentaires d'agriculture , et qu'à la théorie on joigne toujours une démonstration pratique. Qu'on enseigne à la jeunesse les principales règles de l'art agricole qu'elle doit connaître; qu'on lui apprenne ce que vaut le sol, ce qu'il peut produire dans de bonnes conditions; à quel perfectionnement

on peut porter l'éducation raisonnée du bétail ; qu'on lui fasse comprendre que le travail des instruments perfectionnés est meilleur, plus prompt et plus économique, que celui fait avec des instruments défectueux ; que les fortes fumures peuvent seules faire de l'agriculture une industrie profitable, etc.

Alors on fera aimer cet art à ceux qui le pratiquent, et l'on ne verra plus les enfants de tant de cultivateurs abandonner l'agriculture, pour se diriger vers les villes. La campagne leur offrira tout à la fois une source de jouissances et de bien-être.

Nous en avons l'intime conviction, l'agriculture ne fera jamais de progrès notables, tant que la majeure partie des exploitants du sol ignorera les éléments du métier, et les cultivateurs ne connaîtront jamais ces éléments, si on ne les enseigne pas dans les écoles primaires.

Nous ne doutons pas que le gouvernement, qui montre une si grande sollicitude pour l'agriculture, n'avise bientôt aux moyens de procurer aux cultivateurs une instruction professionnelle sérieuse. Il en résulterait un immense avantage pour le pays, car le progrès agricole trouverait alors un appui solide et éclairé dans la masse des habitants de la campagne.

Mais nous avons dit, qu'à notre avis, l'instruction agricole donnée dans les écoles primaires ne suffirait pas. Pour arriver à un développement complet de l'agriculture, il faudrait, selon nous, faire suivre cette instruction élémentaire de conférences, de lectures, de démonstrations pratiques à l'usage des jeunes hommes.

Il ne nous sera pas difficile de prouver ce que nous avançons. L'enfant apprend vite, il est vrai, mais il oublie facilement ce qu'il a appris si, à l'âge de raison, on ne continue pas à l'entretenir des notions qu'il a reçues. En agriculture surtout , où, à la science et à la pratique, il faut joindre l'observation , il est indispensable de pouvoir comparer et juger. L'enfant ne peut pas le faire avec assez de discernement. C'est donc le jeune homme, l'homme fait, même, qu'il faut entreprendre, guider, éclairer.

Dans presque chaque commune on distingue plusieurs sortes de pratiques et différents genres de culture ; tel cultive une plante de préférence,, tel en affectionne une autre. Peut-être chacun a-t-il raison à son point de vue; mais leur pratique est isolée, ils n'ont point l'occasion de se faire part de leurs observations, de leurs découvertes. Si donc les cultivateurs de quelques communes rapprochées pouvaient se réunir périodiquement sous la direction d'un homme intelligent et habile, communiquer entre eux, causer d'affaires agricoles et surtout compter leurs résultats, n'est-il pas évident que les méthodes les plus économiques, les plus productives, la culture laissant le plus d'argent aux mains du cultivateur, seraient si connues, si clairement démontrées, que chacun profitant des conseils de celui qui serait appelé à les diriger, en ferait l'application chez lui ?

Mais, ainsi que nous l'avons déjà fait pressentir, ce n'est pas uniquement par des conseils qu'il faudrait instruire le cultivateur; il est indispensable d'agir aussi sur lui par l'exemple.

A cet effet, on devrait créer dans le canton une ou plusieurs petites fermes-modèles, auxquelles on annexerait quelque industrie agricole, distillerie, sucrerie ou autre. Ces fermes ne seraient pas des établissements de luxe; on les construirait d'après le modèle des exploitations rurales du pays, en y apportant néanmoins tous les perfectionnements qu'elles comportent.

Là, un agriculteur habile et intelligent, sachant joindre la pratique à la théorie et procédant d'après les règles de la plus stricte économie, initierait les cultivateurs aux méthodes rationnelles et aux procédés les plus progressifs; il leur démontrerait par des expériences faites sous leurs yeux, l'utilité des instruments perfectionnés les plus propres à être employés dans chaque commune ; il leur indiquerait les cultures les mieux appropriées à chaque nature de terrain et le moyen de tirer un bon parti des récoltes productives; enfin, il les gui-

derait dans le choix des meilleurs bestiaux et dans les soins à leur donner.

L'exemple, la démonstration pratique, tel est assurément le dernier terme, mais le terme essentiel de l'enseignement agricole fructueux.

Il ne resterait plus alors, pour porter l'agriculture à son plus haut degré de perfection, qu'à fai"e aimer cet art à ceux qui le cultivent, et il suffirait pour cela de les faire jouir de la considération qui leur est due à raison de leurs services.

Quand autour de nous tout marche à pas de géants, l'agriculture ne saurait rester stationnaire. Pour elle, comme pour toutes les autres institutions, la tâche de notre siècle est de poursuivre sans relâche l'application pratique de toutes les améliorations réalisables.

Certainement bien des transformations avantageuses ont eu lieu depuis cinquante ans, mais ce qui a été fait est peu de chose auprès de ce qui reste à faire.

L'esprit de routine est encore vivace dans nos campagnes ; le crédit et l'assurance agricoles ne nous apparaissent qu'en projets; l'éducation professionnelle des cultivateurs continue à être trop négligée.

La grande œuvre du progrès est donc loin d'être accomplie, et si nous pouvons mesurer d'un œil satisfait, les distances que nous avons parcourues, nous devons aussi porter nos regards en avant et rechercher ce qui reste à faire.

Bien des efforts encore devront être tentés avant d'arriver à la réalisation progressive des améliorations dont nous venons à peine d'esquisser le programme.

A l'œuvre donc! à l'œuvre vous tous, agriculteurs habiles et dévoués, qui possédez l'instruction nécessaire pour guider dans la voie du progrès nos braves populations de la campagne.

Les jalons sont placés sur la route à parcourir; toutes les intelligences, tous les cœurs doivent concourir à faire disparaître les obstacles qui pourraient ralentir la marche de ces

intrépides travailleurs de la terre auxquels la nation entière doit son bien-être.

Nous disons, en nous résumant, que les améliorations essentielles qu'il serait désirable de voir introduire dans le canton, sont :

Une juste restriction du morcellement.

L'adoption d'instruments de culture perfectionnés, charrues, herses, houes à cheval, scarificateurs, semoirs, coupe-racines , etc., comme aussi de bons instruments de fabrication et de manipulation des produits agricoles.

L'assainissement du sol à l'aide du drainage.

L'adoption d'un bon système d'irrigation, partout où l'on a de l'eau à sa disposition.

L'extension des prairies artificielles.

L'autorisation de la part de l'État d'enlever dans les forêts les feuilles mortes, dont la présence sur le sol forestier ne serait pas d'une absolue nécessité.

L'augmentation du bétail et l'amélioration par une meilleure hygiène, une nourriture mieux réglée, des accouplements et des croisements judicieux.

Une manipulation plus soignée des engrais.

La résidence dans le canton d'un artiste vétérinaire.

Une sérieuse instruction agricole théorique et pratique. La fondation d'un crédit agricole accessible à tous.

Une réduction notable des droits qu'entraînent les mutations immobilières.

Ces améliorations, y a-t-il moyen de les atteindre?

Nous le pensons : car d'une part le gouvernement et l'administration départementale se montrent, on ne peut plus, préoccupés des justes intérêts de l'agriculture, et ne cessent de lui accorder tous les secours, tous les encouragements propres à hâter un heureux développement. D'un autre côté, d'infatigables agriculteurs cherchent à entraîner vers le progrès nos cultivateurs trop routiniers; les Comices les réunissent, les guident, les éclairent et leur donnent cette unité de vues

nécessaire pour la réalisation de toutes les choses grandes et utiles.

Tant de généreux efforts doivent nécessairement être récompensés par le succès, et nous l'attendons avec confiance pour un avenir peu éloigné.

DE L'ÉMIGRATION DES PAYSANS.

Une importante question qui préoccupe à juste titre le gouvernement et qui intéresse à un haut degré l'avenir de notre agriculture, est celle de déterminer quelles sont les principales causes qui concourent au dépeuplement des campagnes et à l'émigration des populations rurales vers les villes.

Sans avoir la prétention de résoudre un problème des plus compliqués, en même temps que des plus intéressants de l'économie rurale, nous avons cependant voulu consigner dans ce travail le résultat de nos investigations et de nos études à ce sujet.

Les causes de cette émigration nous paraissent multiples ; elles résident selon nous :

10 Dans un désir exagéré d'acquérir sans grande peine un bien-être au-dessus de celui que l'on devrait raisonnablement souhaiter;

2° Dans le manque d'une bonne et solide instruction agricole; 3o Dans l'absence de capitaux facilement accessibles au cultivateur ;

4° Dans le produit relativement trop minime de la plus grande partie des exploitations agricoles ;

5° Dans le poids des charges qui pèsent sur la propriété foncière ;

60 Enfin, dans l'extension toujours croissante des industries manufacturières et commerciales des villes, et dans l'éloignement de leurs fermes de la plupart des grands propriétaires.

Nous allons examiner séparément chacune de ces causes, et indiquer les moyens que nous croyons les plus propres à les combattre.

I.

La convoitise des richesses faciles, qui pénètre tous les jours davantage dans nos paisibles campagnes ; le désir et l'espoir d'acquérir rapidement et sans beaucoup de labeur une fortune qu'on pense trouver dans le commerce, dans l'industrie , dans l'agiotage dont le nom et les chances si enivrantes ont pénétré jusqu'aux plus humbles hameaux, ou même dans une domesticité dont on est loin de prévoir tous les mécomptes : tels sont aujourd'hui quelques-uns des mobiles qui enlèvent tant de bras à l'agriculture. Malheureusement ce ne sont pas les seuls.

Les paysans ont entendu dire que l'argent rapporte plus que la terre; beaucoup ne veulent plus de la terre, ils ne lui donnent plus leurs sueurs. Cette noble indépendance, cette vie laborieuse, il est vrai, mais calme et presque toujours heureuse, ils l'abandonnent; la place que laur a assignée la Providence, ils la désertent. Ils aspirent avec la grande majorité des gens du siècle à jouir vite, bien vite. Ils délaissent l'agriculture pour la vie étiolée de l'usine, pour celle souvent peu morale de la spéculation, et même pour la livrée de la domesticité.

On veut devenir riche rapidement. Avec l'agriculture il faut semer pour récolter; mais on veut récolter avant d'avoir semé. Avec l'agriculture il faut savoir attendre ; mais qui veut. attendre?

Pauvres aveugles qui ne voient pas que la plupart du temps ils courent à leur ruine, et qu'au lieu de trouver la fortune qu'ils poursuivent avec tant d'acharnement, ils n'atteignent qu'une vie de déboires et très-souvent qu'une affreuse misère, à laquelle vient se joindre parfois une dépravation plus affreuse encore.

Pour retenir les populations rurales, le premier et un des plus sûrs moyens serait, selon nous, de s'efforcer à moraliser ces populations, de leur faire comprendre les avantages d'une

vie laborieuse, de les relever à leurs propres yeux, de leur inspirer la fierté de leur profession.

II.

Ce qui pousse encore tant de gens à quitter les campagnes, c'est que la généralité de leurs habitants manque d'une bonne instruction agricole. La routine est presque leur seul guide et avec elle on ne fait certainement pas rendre à la terre tout ce qu'elle pourrait produire, et on s'expose à d'inévitables déceptions.

Tout progresse dans notre siècle, l'agriculture doit avancer à son tour. Il faut qu'elle soit énergiquement enseignée et protégée ; qu'on la dirige dans des voies à la fois progressives et économiques. Alors, nous ne craignons pas de l'affirmer, la fortune agricole se quadruplera facilement.

Élevons par l'instruction professionnelle la science agricole à la hauteur des services signalés, des bienfaits immenses qu'elle peut rendre matériellement et moralement, et les populations agricoles cesseront d'émigrer vers les villes.

L'éducation morale laisse. également quelque chose à désirer. Nous savons qu'elle est souvent bien difficile à diriger dans les campagnes. Est-ce un motif pour la négliger ou l'abandonner? Oh, certes non !

Que tous les hommes intelligents y apportent leur concours, et bientôt le but sera atteint. Bientôt on aura démontré aux populations rurales que partout, dans toutes les positions, l'homme peut avoir sa part de bonheur ; qu'au milieu des champs surtout, il peut, s'il le veut, mener une vie tranquille et heureuse ; qu'avec de l'ardeur et une bonne direction, son travail lui assurera non-seulement le présent, mais aussi l'avenir. Que ses pensées soient simples, ses désirs modérés; qu'il repousse toutes ces rêveries, toutes ces utopies qui n'amènent chez lui que trouble et confusion, l'aisance et en tout cas le bonheur ne tarderont pas à arriver.

Une digue solide à opposer à l'émigration des populations rurales, est sans nul doute l'éducation agricole. Le salut de l'agriculture on le trouvera dans l'enseignement professionnel distribué graduellement à tous les habitants des campagnes, et mème à toutes les classes de la société.

Cette instruction qui commencerait à l'humble enfant assis sur les bancs de la classe du village devrait, .selon nous, s'étendre à l'homme mûr, auquel dans des entretiens familiers, il serait facile de faire èomprendre les avantages matériels de la profession d'agriculteur, quand elle est exercée avec intelligence. Par des expériences, par des démonstrations pratiques, on intéresserait le cultivateur aux méthodes progressives qui se trouveraient ainsi propagées dans chaque commune et y prendraient racine.

Pour obtenir plus sûrement les améliorations que les cultivateurs jugeraient par eux-mêmes, il est évident que les conseils devraient toujours être en harmonie avec les habitudes simples et modestes des habitants de la campagne. Il faudrait que des hommes ayant des èonnaissances spéciales, pussent suivre l'ensemble de leurs travaux, les guider et leur apprendre à surmonter toutes les difficultés qui se présentent à eux, et que, par habitude, ils ne cherchent presque jamais à vaincre. Il importerait encore de bien fixer leur attention sur les avantages des cultures raisonnées. A cet effet, on devrait encourager tout cultivateur ayant une certaine aisance, à tenir une comptabilité agricole sérieuse. Elle le mettrait à même de comparer et de juger avec connaissance de cause et introduirait en outre dans les fermes des habitudes d'ordre et de précision en toute chose.

Les inépuisables bienfaits de l'agriculture, et dès lors la nécessité d'une véritable instruction qui en élève la pratique à la hauteur de sa condition morale, sont fort bien compris par le gouvernement; il ne s'agit donc plus que d'en faire l'application et de généraliser par là les connaissances utiles propres à former de vrais cultivateurs.

Grâce à l'initiative de l'administration, des chaires d'agriculture ont été annexées aux écoles normales primaires. Il reste à propager dans les écoles communales un enseignement agricole élémentaire pratique. Les jardins et les champs de quelques instituteurs peuvent dès à présent être présentés comme de petits modèles. Encore quelques années de patience, et, nous l'espérons, les saines doctrines rurales se répandront dans les masses qui les auront apprises dès l'enfance. La culture aura de véritables attraits, puisqu'elle produira des résultats avantageux; et alors le cultivateur n'abandonnera plus aussi facilement une terre qui lui procurera un certain bien-être, qu'au surplus on devra lui garantir au moyen de l'assurance agricole.

III.

Il est triste de le dire, l'agriculture qui subvient à tous les besoins essentiels de l'homme, est encore fatalement délaissée par les capitaux qui n'arrivent que très-difficilement jusqu'à elle. Le plus souvent c'est à l'usurier que le cultivateur est obligé de s'adresser pour se procurer l'argent dont il a besoin pour améliorer son champ ou pour acheter des bestiaux. On fonde des banques de toute espèce, chaque jour apparaissent des sociétés nouvelles, mais cela exclusivement pour procurer au commerce, à l'industrie, à la finance tous les crédits imaginables. On ne réserve rien, ou presque rien pour l'agriculture , et cependant il est facile de voir que ce qui lui manque avant tout, c'est le capital. Donnez-lui quelques-uns de ces fonds qu'on jette à flots dans les spéculations les plus hasardées et bientôt elle aura répondu par des faits et des résultats à la confiance, à l'intérêt qu'on lui aura témoigné.

Produire au meilleur marché possible la plus grande quantité de denrées et les vendre à un prix réellement rémunérateur, tel doit être sans contredit, le but utile de l'agriculture. Pour l'atteindre, il lui faudrait souvent des capitaux qu'elle

ne peut se procurer ; elle continue dès lors à tourner dans le cercle vicieux de la routine, et ses travailleurs se trouvent former une des classes les plus déshéritées de la société. L'industrie et la civilisation offrent dans les villes, aux populations rurales un salaire ou des jouissances infiniment supérieures à celles qu'elles peuvent trouver à la campagne; qu'y a-t-il alors d'étonnant qu'elles émigrent?

L'invention du crédit a donné aux industriels un avantage notable sur les propriétaires cultivateurs ; son application a doublé et quelquefois décuplé le profit ; de là la prédominance de l'industrie sur l'agriculture.

L'établissement d'un crédit agricole accessible à tous et ayant pour mode de remboursement un amortissement assez lent, rétablirait sans doute entre l'agriculture et l'industrie l'équilibre désirable et maintiendrait la proportion nécessaire entre la population des campagnes et celle des villes. Il serait en même temps un moyen puissant, et le seul efficace peut-être, pour combattre et détruire l'usure la plus hideuse et la plus déplorable de toutes, qui s'exerce sur les malheureux habitants des campagnes.

Comme moyen d'exécution, l'État ne pourrait-il pas, par exemple, établir pour tout l'Empire une vaste Banque agricole et foncière siégeant à Paris, mais ayant des succursales dans tous les chefs-lieux de département, d'arrondissement et de canton?

Cette banque aurait pour objet :

4° De prêter aux propriétaires fonciers, sur garanties hypothécaires et à longues échéances des sommes variant de 500 à 20,000 fr. et au delà. L'emprunteur paierait annuellement 6 p. 100 de la somme prêtée, savoir : 3 p. 100 à titre d'intérêts, 11/2 p. 100 comme amortissement du capital, et 11/2 p. 100 pour les frais. Néanmoins à la fin de chaque année il serait loisible à l'emprunteur de se libérer par des anticipations soit partielles soit totales.

2o De prêter à courtes échéances de trois, six, neuf ou

douze mois, et contre trois bonnes signatures des sommes variant de 25 à 500 fr. Ces derniers prêts seraient faits à raison de 51/2 p. 100 d'intérêts nets de tous frais.

Les directeurs-de département, d'arrondissement et de canton désigneraient dans chaque commune un conseil de renseignements responsable. Il ne serait fait aucun prêt sans l'avis préalable de ce conseil.

En même temps le gouvernement émettrait successivement diverses séries de billets de la..Banque agricole d'une valeur de 50, 100, 200 et 500 fr. Ces billets auraient cours forcé. Ils seraient garantis par l'État et par l'hypothèque, que fourniraient les emprunteurs.

Quels avantages une pareille banque ne produirait-elle pas ! Circulation facile et importante de capitaux à la campagne; possibilité au propriétaire foncier de se procurer sans trop de frais l'argent nécessaire pour entreprendre des améliorations agricoles de toute nature ; enfin délivrance pour le petit cultivateur des nombreux usuriers qui l'exploitent et le ruinent, tels sont les principaux bienfaits qui découleraient de l'établissement d'une banque agricole fondée par l'État sur de larges bases.

Nous ne doutons pas un instant que ce ne soit là un moyen sérieux de régénération et de prospérité pour notre agriculture.

Une mesure qu'il serait bon de prendre simultanément devrait consister en une juste restriction du morcellement infini des propriétés. Sans cela il serait à craindre que dans plusieurs localités de la France et en Alsace surtout, le désir immodéré de la possession du sol ne portât beaucoup de cultivateurs à sacrifier à l'acquisition de nouvelles parcelles d'immeubles des capitaux qu'on leur prêterait dans le but de mettre en valeur ce qu'ils possèdent déjà. Cette tendance si commune, si irrésistible dans nos contrées, est on ne peut plus fatale pour l'intérêt privé, comme pour l'intérêt public. Il serait indispensable d'y apporter quelque entrave.

En effet, sans parler des travaux d'amélioration qui sont à exécuter, ni du matériel agricole qu'il faut renouveler ou augmenter, ce qui manque tout d'abord aux cultivateurs de nos pays et à ceux de presque toute la France, ce sont les bestiaux. Il en résulte que la culture est faite dans de mauvaises conditions. Pour fumer convenablement 2 hectares de terres, on doit au moins entretenir trois têtes de gros bétail : c'est un premier capital de 6 à 700 fr. pour l'acquisition, et une avance de 5 à 600 fr. pour l'entretien. Si le cultivateur ne possède pas la somme nécessaire pour se procurçr ces bestiaux, il faut qu'il puisse l'emprunter ; mais il est bon aussi qu'il ne lui, soit pas trop facile de la détourner de son but; car, si au lieu de garnir son étable du bétail indispensable, il achète une nouvelle parcelle de terre, il fait une mauvaise opération sous le point de vue d'une agriculture profitable, puisqu'il augmente l'étendue à cultiver sans augmenter son bétail.

Avec la restriction du morcellement illimité on éviterait cet inconvénient, puisqu'il faudrait déjà pouvoir disposer d'une somme assez importante pour acheter un champ, tandis qu'aujourd'hui il n'est pas rare de voir faire des acquisitions de 3 ou 4 ares qui ne dépassent pas le prix de 40 à 50 fr.

En résumé, nous croyons qu'un des moyens par lesquels on augmenterait le bien-être du cultivateur, et par conséquent on diminuerait son désir et souvent la nécessité d'émigration, serait l'établissement d'un crédit agricole largement organisé, permettant au plus petit laboureur de se procurer à bon marché l'argent qui lui est si souvent nécessaire, surtout entre deux récoltes , lorsqu'il ne peut rien réaliser. Ce serait de plus un bienfait immense pour l'agriculture améliorante, pour celle qui répond le mieux aux vœux de l'économie politique, et à laquelle il importe, dans l'intérêt public, de prêter aide et secours.

IV.

«

Une cause qui provoque également le dépeuplement des campagnes, c'est que le produit d'une grande partie des exploitations n'est pas aussi élevé qu'il pourrait l'ètre, si la culture était réellement rationnelle et progressive.

Il est hors de doute que l'augmentation du bénéfice matériel est la conséquence forcée du progrès et qu'avec cette augmentation s'accroît le bien-être des populations de la campagne et s'améliore en même temps la position des classes soumises au travail agricole.

En France la terre ne rend pas tout ce qu'elle pourrait produire. La culture, quoiqu'en progrès, attend encore le développement, de l'impulsion généreuse que lui donne le chef de l'État.

Prenons pour exemple, une contrée occupant avec raison un des premiers rangs parmi nos pays agricoles , l'Alsace, où la culture est certainement en voie de progrès : en moyenne on y récolte environ six ou huit fois la semence. Eh bien, il est hors de doute que si ses terres étaient plus convenablement cultivées, elles pourraient rendre jusqu'à dix et douze fois la quantité du blé qui y aurait été semé. Ses prés mieux soignés donneraient aussi des récoltes plus considérables et de qualité supérieure ; sa culture des prairies artificielles n'a pas assez d'extension, son bétail trop peu nombreux ne donne pas un fumier suffisant.

Les reproches que mérite l'agriculture alsacienne, on peut les adresser à l'agriculture de presque tous nos départements. Or, l'organisation qui conduit à de pareils résultats est évidemment incomplète.

La France, eu égard à l'étendue, à la qualité, aux ressources de son sol, est appelée à devenir une des plus riches nations par son agriculture. Elle le sera dès que, par suite d'améliorations raisonnées, la production aura atteint un chiffre plus élevé.

Mais pour parvenir à ce but, n'oublions pas que l'une des conditions premières du progrès agricole, c'est la coexistence des grandes, des moyennes et des petites exploitations rurales, qui mette en présence les résultats simultanés des trois forces productives: le capital, l'intelligence et le travail. Restreignons la dissémination des terres , mais ne faisons pas disparaître la petite propriété, qui contribue pour une part importante à la prospérité de l'agriculture. Par une pratique éclairée et persévérante, efforçons-nous de propager les bonnes mé- ' thodes, de pousser à l'éducation raisonnée du bétail, enfin d'introduire l'industrie agricole dans le plus grand nombre possible d'exploitations.

Les causes qui font abandonner le village ne sont pas seulement la paresse, les mauvaises passions, les vues d'intérêt;

il faut les chercher aussi dans la nécessité de pourvoir aux besoins de chaque jour.

Pour relever l'agriculture, pour fixer les cultivateurs au sol, il faut leur démontrer que par leurs travaux, leurs améliorations, leurs essais même, ils peuvent tous acquérir une certaine aisance au milieu des populations agricoles. Il faut leur apprendre que la terre qui les a vus naître sait aussi les nourrir.

La permanence des grandes armées qui se recrutent pour la plus grande partie dans les campagnes, est aussi un obstacle au développement de la population agricole. Cela se comprend facilement, lorsqu'on songe que le recrutement annuel enlève pour un certain temps à la vie de la campagne les hommes les plus valides et les mieux constitués. Aussi, sans adopter les vues des économistes qui soutiennent que le recrutement est une cause incessante île dépopulation, nous croyons, que dans l'intérêt de l'agriculture il est à désirer que le gouvernement ne maintienne l'effectif de nos troupes qu'au chiffre strictement nécessaire pour garantir à la France le rang qu'elle doit occuper parmi les autres nations, et pour main' tenir au dehors la juste prépondérance qu'elle s'est acquise.

V.

Les charges lourdes et nombreuses qui pèsent sur l'agriculture, provoquent certainement aussi une grande partie des émigrations.

L'impôt foncier , l'impôt personnel, celui des portes et fenêtres , les droits énormes de mutation sont autant de causes d'appauvrissement qui dans un temps donné finissent presque toujours par consommer la ruine du petit cultivateur.

Il est hors de doute que la petite propriété qui se partage presque exclusivement le sol en Alsace, et qui domine aussi dans une partie notable de la France, est beaucoup moins favorisée sous le rapport de la répartition de l'impôt, que les grandes exploitations.

En voici la preuve :

Supposons qu'une famille composée du chef et de quatre fils, •possède et exploite un domaine d'une valeur de 400,000 fr. ;

Le propriétaire aurait à payer à l'Etat :

10 Pour impôt foncier, environ .... 1,200 fr. » c. 20 Pour contribution personnelle (7 personnes à 2 fr. 50 c.) 17 50 3o Pour impôt foncier sur le sol bâti (lre classe) 40 »

4o Pour portes et fenêtres (60 ouvertures). 39 » 5o Pour cote mobilière sur un loyer de

350 fr. de revenu net, à 40c 1 /4 par franc 148 75 60 Pour prestations en nature, 24 chevaux de trait et 5 personnes pendant trois jours de l'année (6 fr. pour 2 chevaux,

1 fr. 50 c. par homme) .... 238 50

Ensemble ... 1,683 fr. 75 c.

Sans garantir l'exactitude rigoureuse de ces chiffres, nous pouvons assurer cependant qu'ils approchent beaucoup de la ' réalité.

Admettons maintenant qu'une propriété de la même valeur se trouve partagée en portions égales entre 100 exploitants.

Le chiffre de la contribution directe se décomposerait ainsi qu'il suit :

10 Impôt foncier 1,200 fr. 20 Contribution personnelle (pour 130 individus) 312 3o Impôt foncier du sol de 100 maisons (4e classe) 500 4o Cote mobilière calculée sur un revenu net de

9 fr- par maison. 364 5° Portes et fenêtres (100 maisons à 5 ouvertures chacune) 325 60 Prestation en nature, 2 vaches de trait pour chaque exploitation, à 3 fr. par jour, soit pour trois journées .... 900 fr. )

Trente fils majeurs à 1 fr. 50 c. font ( 1,035 ■' pour trois journées .... 135 )

Total ... 3,736 fr.

Il résulte de l'hypothèse posée que le petit cultivateur paie en contributions directes seulement, près du triple de ce que, l'Etat exige du grand propriétaire.

Que sera-ce, si cette fortune de 400,000 fr. se trouve répartie entre 200 chefs de famille ?

L'augmentation des sacrifices à faire ira toujours en croissant, et il est évident qu'en présence de ces charges, s'il arrive des années malheureuses, le cultivateur peu aisé est forcé de déserter ses terres pour chercher ailleurs une vie matérielle moins ruineuse et plus assurée.

Mais, malgré son chiffre relativement trop élevé, l'impôt foncier n'est encore, comme nous l'avons dit, qu'une faible portion des charges qui incombent au propriétaire-cultiva-

teur. Il a encore à payer les frais de mutation, de timbre, d'enregistrement, de notaire, d'hypothèque, charges dont on pourrait assez facilement diminuer le poids inégal.

Ainsi pour le billet de commerce, on a proportionné le timbre au chiffre de la valeur, pourquoi n'en agirait-on pas de même en toute autre matière? Est-il juste que le timbre d'une quittance de 10 fr. coûte autant que celui d'une quittance de 100,000 fr. ? Que le timbre devant servir tant à l'original qu'à l'expédition d'une vente de 50,000 fr. ne soit pas plus cher que celui sur lequel on constate une aliénation de ■ 100 fr.? Que pour une déclaration de succession de 200 fr. et moins, on emploie le même timbre que pour la déclaration d'un mobilier de 200,000 fr. ? Que le papier timbré d'un contrat de mariage constatant des apports de 600 fr. ou d'un million soit le même, etc.

Cela ne nous semble pas rationnel. Aussi croyons-nous qu'on ne devrait pas tarder à prendre à cet égard 'la mesure que nous provoquons, en créant le timbre proportionnel. Pour éviter toute frustration à l'égard du Trésor par suite de prix simulés, on pourrait établir au livre cadastral des colonnes où serait indiquée la valeur réelle de l'are de chaque nature de propriété par banlieue et par canton. Cette estimation, qu'on réviserait tous les trois ans, servirait de base pour la perception des droits.

Le gouvernement de l'Empereur toujours si préoccupé des intérêts de l'agriculture pourrait aussi, il nous semble, diminuer l'impôt personnel, l'impôt mobilier et celui des portes et fenêtres, réduire les droits de mutation par suite de vente, d'échange et de donation en ligne directe, enfin abolir l'impôt foncier du sol sur lequel sont bâties les maisons.

On allégerait ainsi le fardeau beaucoup trop lourd que le cultivateur peu aisé porte avec peine et sous le poids duquel il succombe si souvent.

Le déficit qui résulterait de ces modifications, il y aurait selon nous un moyen bien simple de le combler.

Ne pourrait-on pas, par une taxe modérée sur le revenu mobilier, et par l'assurance contre l'incendie entreprise par l'État, compenser et bien au delà les diminutions et les abolitions d'impôts que nous sollicitons dans l'intérêt du propriétaire et.du travailleur agricole?

Nous le savons, nous touchons là à une question des plus épine,uses, et si nous n'avons pas reculé devant elle, c'est que nous sommes intimement convaincu qu'en toute équité elle pourrait être résolue dans le sens que nous indiquons.

En effet, ne serait-il pas juste de. faire payer au rentier sa part proportionnelle d'impositions? Le gouvernement ne le protège-t-il pas autant que le propriétaire foncier?

Il suffit d'énoncer ces propositions, pour qu'elles soient tout aussitôt résolues affirmativement; car ici l'évidence combat pour nous.

D'après des calculs qui paraissent des plus exacts, l'assurance forcée contre l'incendie entreprise par l'État, rapporterait au gouvernement un bénéfice net d'au moins 150 millions par an.

Ce ne sont pas là des ressources à dédaigner.

Mais, dira-t-on, cette mesure lèserait les nombreux intérêts engagés dans l'industrie des assurances.

Certainement ils en 'éprouveraient quelque préjudice dans leur avenir, mais par contre, combien d'intérêts plus sacrés se trouveraient protégés et sauvegardés ?

Aux doléances des actionnaires des compagnies d'assurances on répondrait avec raison : « Vos droits net reposent que sur des ordonnances révocables ; depuis votre existence vous avez fait des bénéfices énormes ; ces bénéfices vont cesser , tout comme ont cessé ceux des maîtres de poste évincés par les chemins de fer, ceux des fabricants de tabac, évincés par le monopole. »

En indiquant les ressources dont, à notre avis, l'État pourrait tirer avantage, nous n'avons nullement la prétention de voir nos vues prises immédiatement en considération. Bien

plus, nous serions heureux si, pour remplacer les contributions à amoindrir ou à supprimer, on pouvait trouver un système différent qui ne vint froisser aucun intérêt existant. Mais nous craignons que cela ne soit impossible.

En tout cas il nous semble bien démontré qu'afin de mettre le revenu de l'agriculture en rapport avec le revenu des autres capitaux, il faudrait nécessairement que le poids de tant de charges qui pèsent sur la propriété foncière fùt diminué progressivement.

En même temps on devrait chercher à faire comprendre aux cultivateurs que si leurs biens rapportent moins que les capitaux jetés dans la spéculation, que les occupations et les travaux souvent démoralisateurs des villes, d'un autre côté leur avoir, quelque petit qu'il soit, ne court pas la chance d'être subitement et pour toujours englouti.

VI.

Les villes, par l'extension incessamment croissante que prennent leurs établissements manufacturiers, industriels et commerciaux, par l'impulsion imprimée aux travaux d'utilité publique, comme à ceux d'embellissement, attirent nécessairement à elles une grande partie des ouvriers de la campagne; c est que là les salaires sont bien plus élevés que ceux payés aux travailleurs agricoles et qu'il est impossible même au cultivateur le plus aisé de rivaliser à cet égard avec le manufacturier ou l'industriel.

Constitué comme il l'est, le travail agricole n'offre à ses salariés qu'une moyenne de salaire inférieure à celle du travail industriel; l'on comprend dès lors que les populations agricoles se dirigent vers les villes.

En effet, dans les conditions actuelles de la plus grande partie des exploitations, la propriété foncière ne rapporte en moyenne que 4 à 5 p. 100, tandis qu'en règle générale l'industriel gagne de 8 à 20 p. 100. Donc lorsque le cultivateur donne 1 fr. par jour à ses ouvriers, les établissements manu-

facturiers des villes peuvent facilement payer aux leurs 2 et 3 fr.

Bien plus, à la campagne le journalier est loin d'avoir un travail assuré, souvent il n'est occupé que pendant 30 ou 40 jours de l'année, et encore son salaire est-il si modique qu'il ne lui suffit pas pour vivre et pour entretenir sa famille. Quelque attachement qu'il puisse avoir au sol natal, il est obligé de quitter son village pour chercher dans les grands centres manufacturiers les ressources matérielles qu'il ne trouve pas chez lui. C'est là un fait irrécusable, de nombreuses observations sont venues le démontrer. Elles ont prouvé aussi que l'attraction vers les villes se produit surtout pendant les années de disette, lorsque la terre rapporte à peine, ou ne rapporte même pas ce qu'il faut au travailleur pour se nourrir.

Le dépeuplement des campagnes au profit des villes suit encore le développement, la prospérité de l'industrie et du commerce des grands centres de population.

Prenons encore nos exemples en Alsace : il y a cinquante ans environ, Mulhouse avec sa fabrication restreinte n*avait qu'une population de 8 à 10,000 âmes; grâce à l'étendue, à l'importance actuelle de son industrie il en compte aujourd'hui près de 50,000. Dans quelques années il en sera de même de Bischwiller, T,bann, etc. Cette augmentation de population par qui est-elle fournie ?

En grande partie par la campagne.

Depuis bientôt un demi-siècle, la richesse, le luxe et dès lors le travail ont considérablement augmenté dans toutes les grandes villes ; au contraire les besoins des villageois sont tou- , jours à peu près les mêmes. Là, il faut des ouvriers de toute sorte; ici, on n'emploie que des journaliers. Là, un domestique reçoit de 300 à 600 fr. de gages; ici, on lui donne de 80 à 150 fr. au maximum, et cela pour faire un travail rude et pénible.

Il ne faut donc pas s'étonner de ce que les habitants des

campagnes affluent vers les villes qui leur offrent des avantages qu'ils ne trouvent pas dans les villages. Malheureusement c'est presque toujours la population la plus valide et la plus robuste qui quitte la campagne pour se fixer dans les villes où elle ne tarde pas à dégénérer.

Disons-le cependant, dans nos contrées l'agriculture ne manque pas encore de bras, mais cela pourrait bien arriver, si l'on n'apportait pas prochainement un remède à l'émigration presque constante des populations rurales vers les villes.

Quel est ce remède? Nous croyons qu'on le trouverait dans l'agriculture même. Il faudrait pour cela en faire la première, la plus sérieuse des industries. Il faudrait la protéger • d'une façon toute spéciale ; lui donner d'une main libérale des institutions propres à la régénérer et à hâter ses progrès ; renoncer partout aux pratiques routinières, pour introduire dans l'exploitation du sol une partie des habitudes et des procédés de l'industrie ; ne faire usage que d'instruments agricoles perfectionnés, dont l'effet est de fournir un travail mieux fait, et conséquemment d'augmenter la production ; enfin il faudrait augmenter le salaire des ouvriers agricoles et assurer autant que possible aux ouvriers valides un travail continu et aux vieillards une espèce de retraite.

On arriverait à ce résultat en encourageant les propriétaires à faire exploiter leurs terres pour leur propre compte, et à annexer à leurs fermes de nombreux établissements d'industrie agricole, afin d'augmenter ainsi le produit net de leurs exploitations.

Pour atteindre ce but, serait-il indispensable, comme le soutiennent certains économistes, de frapper d'un droit d'entrée les grains étrangers ? Nous ne le pensons pas, et nous croyons que ce serait là un moyen violent, mais nullement infaillible. Bien au contraire, ce n'est selon nous que la liberté absolue pour le transport et la vente des céréales, qui peut assurer un bénéfice stable au producteur.

Alors seulement le salaire de l'ouvrier pourra être augmenté

de façon à lui permettre de se fixer à la campagne sans arrière-pensée d'émigration- Les exploitations agricoles de quelque importance devenant plus. nombreuses auront besoin de plus de bras, mais ces bras seront avantageusement remplacés par des machines, et les salaires des ouvriers seront plus élevés, sans que pour cela les propriétaires exploitants aient à en éprouver un dommage quelconque. Bientôt aussi la production du grain prendrait un développement qu'elle n'a point aujourd'hui , et la France ne serait plus obligée, comme elle l'a été dans les six dernières années, de payer des millions à l'étranger pour achats de blé.

Le même résultat se produirait infailliblement pour l'élève du bétail.

Dans l'état actuel de notre agriculture comment assurer . au producteur de blé un prix toujours rémunérateur, tout en ménageant, comme il doit l'être, l'intérêt du consommateur?

Cette question vivement controversée, ne nous semble cependant pas très-difficile à résoudre.

Et d'abord, d'où proviennent la plupart du temps ces brusques variations dans les prix des céréales, mouvements si funestes à la production et à la consommation?

Elles sont presque toujours le résultat d'une panique exagérée, d'une alarme sans raison, qui rendent la vente rare et exigeante et l'achat impatient. En effet : que les blés viennent à manquer dans quelques départements, et aussitôt leur prix monte outre proportion; qu'au contraire, il y ait un moment encombrement sur les marchés, leur valeur baisse outre mesure. Ces mécomptes s'expliquent facilement par le manque d'une concurrence sérieuse; concurrence qui ne devrait pas être limitée seulement à l'intérieur, mais qu'il serait nécessaire de voir s'étendre aussi à l'étranger.

La législation indécise de l'échelle mobile protège mal les intérêts de notre agriculture, elle est funeste à la production. En frappant les céréales à leur entrée et à leur sortie, de droits qui varient selon les prix officiels, cette législation limite très-

souvent lés transactions aux marchés nationaux, tandis que pour établir un prix rémunérateur aussi uniforme que possible, ces mouvements commerciaux devraient s'étendre sur le monde entier. Avec l'échelle mobile, les importations ne deviennent profitables qu'au moment des crises les plus sérieuses , et les exportations qu'aux époques de forts avilissements dans les prix des céréales. Par leur mobilité même ces taxes embarrassantes effraient les spéculateurs, elles entravent leurs opérations, et trop souvent nous en sommes réduits aux ressources isolées de nos départements. Avec la liberté des transactions, au contraire, les variations extrêmes des prix des céréales disparaissent; les négociants peuvent se livrer avec avantage aux ventes et aux achats sur les marchés intérieurs et extérieurs ; les arrivages et les exportations se font suivant les besoins de chaque pays.

Qu'on ne croie pas que la liberté commerciale soit de nature à provoquer sur nos marchés l'avilissement ou le renchérissement outre mesure des céréales.

Voici la preuve du contraire.

En 1853 une grande cherté frappa nos blés ; l'échelle mobile fut suspendue et l'exportation interdite. Les grains étrangers se vendirent sur nos marchés en concurrence avec ceux de provenance française. Put-on, pour cela, constater une baisse subite et continue? Non, malgré toutes ces mesures les blés restèrent chers jusqu'à la récolte de 1857. Cette récolte est belle, il y a partout en France abondance de grains, l'échelle mobile ne fonctionne plus, le commerce des céréales est libre, et cependant le prix moyen du blé reste supérieur, malgré la concurrence des grains étrangers, à celui des années de fertilité ou fonctionnait le système prohibitif. Qu'on ne dise donc pas que la liberté commerciale est meurtrière pour l'agriculture.

Voyons maintenant ce qui s'est passé en Angleterre.

Avant 1846, une législation plus prohibitive encore que la nôtre, entravait dans la Grande-Bretagne le commerce des cé-

réaies. Sir Robert Peel provoqua un système de franchise absolue à l'importation des grains, des bestiaux et de toutes les denrées et substances alimentaires. Cette mesure trouva une certaine résistance chez les grands propriétaires qui crurent leurs intérêts gravement menacés. Cependant ils furent obligés de céder devant la pression de l'opinion publique.

Qu'arriva-t-il? Le succès dépassa toutes les espérances; et quoi qu'en disent les partisans du prétendu principe protecteur , les propriétaires n'ont rien perdu de leurs revenus ; ni leur fortune, ni leur bien-être n'ont été diminués ; l'agriculture anglaise est plus florissante que jamais, et l'Angleterre est actuellement l'entrepôt réel des pays du nord. Grâce à son activité commerciale, il s'y produit un fait qui semble inexplicable au premier abord, celui d'un pays qui a un déficit énorme de récoltes, et qui, malgré ce déficit, ou plutôt à cause de ce déficit, à cause des nombreux arrivages qu'il occasionne, se livre à une exportation de grains importante.

Il est vrai que la question de la révision des lois céréales se présente chez nous avec un caractère tout différent de celui qu'elle avait en Angleterre en 1846. Dans le Royaume-Uni, la liberté du commerce des grains avait pour but de favoriser tout d'abord l'importation. En France, au contraire, l'abandon du régime des droits variables aurait surtout pour objet de seconder au moyen de l'exportation, le développement de la production nationale. Néanmoins les résultats seraient tout aussi avantageux.

Mais, objecte-t-on : « Si aujourd'hui l'agriculture anglaise est encore florissante, elle le doit aux plus énergiques efforts, au drainage qu'elle a exécuté sur une vaste échelle, au perfectionnement des machines agricoles; elle est florissante, parce que la répartition du sol se prête mieux aux améliorations qu'il réclame ; parce que la terre est entre les mains d'une riche bourgeoisie de fermiers, d'une aristocratie puissante et intelligente qui ne croit pas déroger en lui donnant ses soins ; elle est florissante enfin, parce qu'elle a eu le temps

de grandir à la faveur d'une longue protection dont la sacrifice a été une habile concession. Tous ces moyens manquent en France. »

Ces objections ne nous semblent nullement sérieuses; il sera facile de les réfuter.

Et d'abord, il faut le reconnaître, notre sol, notre climat sont meilleurs que le sol et le climat de l'Angleterre; la constitution de la propriété, si elle n'est pas partout aussi avantageuse que celle du Royaume-Uni, n'offre cependant pas d'obstacle au progrès agricole, et en admettant que la situation de notre agriculture ne soit pas complètement satisfaisante, on ne saurait nier non plus qu'elle ne présente pas de difficultés sérieuses. Le gouvernement français provoque et encourage toutes les améliorations propres à la faire fleurir, et si jusqu'aujourd'hui les drainages qui ont été exécutés n'atteignent pas encore l'étendue qu'ils devraient avoir, c'est que, dans un pays où le sol est très-divisé, où il est détenu par la masse du peuple, il faut un certain temps pour faire admettre tout nouveau système.

Notre agriculture souffre, dit-on, elle a besoin d'être sérieusement protégée.

Hé bien, savez-vous quelles sont les causes de ses souffrances ?

Elle souffre, parce que les capitaux l'abandonnent pour la spéculation; parce que le petit cultivateur ne peut recourir à aucune institution de crédit qui lui fournisse les fonds dont il a besoin ; parce qu'au lendemain de la récolte, après avoir attendu la moisson avec impatience, il est souvent obligé de vendre ses grains à vil prix pour payer des dettes pressantes.

Elle souffre, parce que la majeure partie des grands propriétaires laissent à des fermiers le soin de cultiver leurs terres et d'y apporter des améliorations qui, dans ces circonstances, s'opèrent bien plus lentement que si le possesseur lui-même les faisait exécuter;

Elle souffre, parce que les entraves douanières empêchent

le cultivateur de se procurer à bon marché le guano et les outils au moyen desquels notre sol pourrait produire davantage et à moins de frais, et lutter ainsi, à découvert, avec la production extérieure ;

Elle souffre enfin, parce que les impôts qui pèsent sur la terre sont trop lourds pour elle.

Que ces causes de malaisè disparaissent, et on aura donné à l'agriculture la protection qui lui est indispensable.

Non, pour prospérer, elle n'a pas besoin de la loi de 1832. Il lui faut des capitaux, et elle finira par les avoir ; il lui faut un allégement de charges, et le gouvernement de l'Empereur est trop juste pour les lui refuser; il lui faut enfin le concours pratique de la classe riche, et ce concours lui semble déjà acquis. Puis, comme dans de telles circonstances, elle produira un maximum beaucoup plus élevé qu'aujourd'hui, elle aura besoin de débouchés assurés et de marchés toujours facilement accessibles ; elle aura besoin de la liberté absolue d'importation et d'exportation de ses denrées, et c'est cette liberté que nous réclamons pour elle.

Nous avons dit que les droits de douane qui pèsent sur l'entrée et sur la sortie des céréales ne protègent en aucun cas la production agricole.

Pour prouver ce que nous avançons, il suffira d'examiner quelle situation ces droits créent au producteur, soit dans les années de cherté, soit dans celles de récoltes médiocres, soit enfin dans celles de grande abondance.

Dans les années de cherté, lorsque le cultivateur n'a récolté que peu de blé, le gouvernement justement ému par les besoins des consommateurs, abolit les droits d'entrée et encourage par tous les moyens qui sont en son pouvoir l'introduction des céréalès. Assurément il fait bien d'en agir ainsi, mais il faut reconnaître aussi que l'intérêt du producteur se trouve alors lésé, quelque généreuses que soient les intentions du gouvernement. Dans ces circonstances, l'agriculteur n'est-il pas en droit de dire : la nation souffre, il faut alléger ses souffrances,

accordez-lui la libre entrée des blés ; mais notre labeur de chaque jour, nos efforts incessants, sont également dignes d'intérêt, généralisez la mesure, pour qu'à notre tour nous puissions en profiter ; que l'entrée et la sortie des céréales ne soient pas libres pour un temps seulement, qu'elles le soient toujours.

Lors des années médiocres, les mesures restrictives sont également mauvaises. La grande mobilité des prix entrave toute spéculation. Les droits variant très-sensiblement d'un jour à l'autre., le commerçant craint de s'aventurer; les transactions, les exportations diminuent; l'échelle mobile est là , et en présence de ses incessantes menaces, la sécurité disparait et le commerce cesse. Dans ces années médiocres, le producteur aurait tout intérêt à la liberté absolue, car, par des prix plus avantageux, il obtiendrait une compensation à la faiblesse de sa récolte. Le cultivateur gagnerait alors à l'abandon du régime des droits variables, et le consommateur n'aurait nullement à en souffrir, puisque la liberté des importations viendrait modérer la hausse et. la maintiendrait toujours dans de justes limites.

Et pendant les années de grande abondance, à quoi sert l'échelle mobile? Absolument à rien. Nos cultivateurs n'ont point à redouter alors la libre importation, puisque, n'ayant pas de frais de transport à supporter, ils peuvent livrer leurs céréales à plus bas prix que les nations voisines. D'un autre côté, de quoi le consommateur se plaindrait-il ? L'abondance lui assure la vie à bon marché, et l'exportation n'apporterait au prix du pain qu'un changement insensible et insignifiant.

Nous avons ajouté que les variations brusques et considérables dans les prix des céréales, sont des plus funestes à la production. Nous le prouvons également.

La cherté passagère est presque toujours suivie de l'avilissement des prix et le cultivateur perd l'année suivante le bé néfice exceptionnel qu'il a fait. S'il est fermier, cette prospérité passagère devient souvent pour lui une cause de ruine, car il

voit augmenter le prix de son fermage, et lorsque arrivent les années de mauvaises récoltes ou de disette, il est totalement ruiné. Une forte hausse produit encore sur les habitants de nos campagnes un eflet souvent funeste, il développe en eux une passion qu'ils possèdent déjà outre mesure, celle de la propriété.

Dès que nos cultivateurs peuvent disposer de quelque argent ils achètent une parcelle de terre ; mais comme leur petit trésor n'est pas suffisant pour solder entièrement leur acquisition, ils comptent se libérer sur le produit de la récolte prochaine. Qu'elle vienne à manquer, et, comme nous l'avons dit, la prospérité les aura conduits à la ruine, car pour payer ils seront obligés d'emprunter, et presque tout cultivateur qui emprunte se perd.

Les effets d'une baisse exagérée sont tellement connus qu'ils n'ont pas besoin d'être démontrés. Le cultivateur ne trouvant plus dans la vente de ses produits la juste rémunération de son travail, ne peut entreprendre aucune amélioration agricole. Le malaise finit par le décourager , il abandonne l'agriculture , il émigré vers les centres industriels où souvent il végète bien plus encore !

On le voit, dans aucune des circonstances normales qui peuvent se produire, la liberté d'importation et d'exportation ne saurait nuire au consommateur. Quant à l'agriculture, quant aux cultivateurs et à tous ces infatigables travailleurs de la terre, nous croyons avoir démontré qu'ils ont un intérèt majeur à réclamer la plus grande liberté possible dans le commerce des céréales, dans leur importation comme dans leur exportation.

M. Borie , dans un excellent article sur la question du pain, s'exprime ainsi : « Ce n'est pas parce que le grain est libre« ment exporté que les prix s'élèvent. L'exportation ne peut « pas produire la hausse, tandis que la hausse doit nécessaire« ment arrêter l'exportation. On n'apporte pas du blé français « en Angleterre ou en Espagne pour avoir la satisfaction de le

IÍ faire hausser en France. Le marchand envoie sa marchan« dise là où on la paie le plus cher, et on la paie le plus cher « là où elle manque ; donc soyez certain que si la marchandise « manque chez vous, on n'ira pas la porter ailleurs. »

Y a-t-il rien de plus vrai?

Tous les cultivateurs doivent donc, dans un intérêt bien entendu, désirer que les céréales prennent et conservent un cours régulier dans la stabilité duquel ils trouveront pour leur travail une indemnité réellement rémunératrice.

Une liberté complète dans l'entrée et dans l'exportation des céréales produirait cette stabilité et ouvrirait en même temps à l'agriculture une nouvelle voie de progrès. Ce serait, sous ce point de vue, la seule mesure vraiment protectrice de ses intérêts. Alors seulement la culture sera excitée à produire chaque année un excédant qui, en temps ordinaire, se répandra à l'étranger, et qui, retenu à l'intérieur par la moindre hausse , constituera la meilleure des réserves.

L'agriculture réclame l'adoption d'une législation stable et permanente qui lui ouvre des débouchés nombreux et ne gêne en rien l'initiative individuelle.

Libre entrée des céréales et de toutes les denrées alimentaires; liberté complète de leur exportation: tel est le cri de ralliement d'un grand nombre des comices de France.

Puisse le gouvernement entendre avec faveur toutes ces voix, et accueillir les demandes qu'elles formulent. Il a déjà apporté de nombreuses et d'importantes améliorations à la situation de notre agriculture ; il protège assez puissamment tous les intérêts agricoles pour qu'on puisse compter sur une révision prochaine d'une législation qui a fait son temps.

Mais, s'il fallait passer par un système transitoire, s'il fallait attendre de l'avenir la réalisation du seul progrès en cette matière, la liberté absolue; alors nous ne verrions qu'un seul moyen de remédier aux hésitations d'une législation douanière généralement condamnée : ce serait l'établissement de

droits fixes très-minimes, ou tout au moins de séries de droits ne variant que d'après deux ou trois njoyennes1.

Revenons aux moyens propres à combattre l'émigration des paysans. L'exploitation des terres par leurs propriétaires, la formation de fermes d'une certaine importance amèneraient un effet diamétralement opposé à celui qui se produit. Loin de voir s'éloigner du village les populations rurales, une partie, la partie riche des habitants des villes, ne tarderait pas, sinon à se fixer définitivement à la campagne, du moins à s'y rendre chaque année pendant un temps plus ou moins long, pour y surveiller les travaux d'agriculture.

Ainsi disparaîtrait en grande partie une des plaies les plus saignantes de notre agriculture, l' abse7iléisme, qui n'appauvrit pas seulement le sol par le manque de ressources suffisantes, mais qui le prive encore des intelligences qui pourraient le féconder. Avec les propriétaires riches et aisés arriveraient ces capitaux qui semblent s'éloigner tous les jours davantage; car une certaine rivalité aidant, chacun voudra mieux faire que son voisin, et l'on trouvera presque toujours quelques changements, quelques améliorations, quelques perfectionnements à apporter dans l'organisation des établissements.

L'industrie agricole se trouverait ainsi placée dans une égalité à peu près parfaite au point de vue matériel avec toutes les autres industries qui ne peuvent exister sans elle, et les travailleurs des campagnes jouiraient des mêmes avantages que ceux qui reviennent aux ouvriers des villes.

Alors, les populations agricoles pouvant se procurer sur les lieux un travail continu et suffisamment rétribué, ne songe-

1 Un décret de 1853 avait suspendu l'effet de la loi de 1832, mais il -vient d'être rapporté par un autre décret du 7 mai 1859.

Nous regrettons que la question des réformes à introduire dans notre législation des grains se trouve ainsi ajournée; mais en même temps nous espérons que -ce nouvel essai de droits variables aura pour résultat de dissiper les illusions que certaines personnes conservent encore sur l'efficacité du régime de l'échelle mobile pour arrêter l'avilissement des prix.

ront plus à émigrer; et pour améliorer encore leur sort, il ne resterait plus qu'à faire régulièrement fonctionner dans chaque çommune, les caisses de secours pour la vieillesse dont les bienfaits peuvent devenir incalculables.

Nous venons d'exposer nos convictions les plus intimes sur une question extrêmement sérieuse. Qu'il nous soit maintenant permis de formuler ici le vœu, que le gouvernement, si justement préoccupé des intérêts de l'agriculture, prenne les mesures. nécessaires pour faire répandre dans les campagnes des principes de moralité et d'instruction; qu'il fasse refluer vers elles une partie de ces capitaux qu'absorbent les opérations financières des villes; qu'il allège en même temps les charges qui pèsent sur elles; enfin, qu'il élève à ses propres yeux l'ouvrier agricole et mette le cultivateur à même de le rémunérer èquitablement.

Les résultats de ces mesures seront des plus féconds, et, nous en sommes persuadé, l'émigration tant et si justement redoutée des populations rurales vers les villes cessera comme par enchantement.

DU PAUPÉRISME ENVISAGÉ SOUS LE POINT DE VUE AGRICOLE.

Le paupérisme, dans l'état actuel de nos institutions sociales et politiques, a heureusement perdu une grande partie de son aspect toujours si sombre, souvent si redoutable. Il a été attaqué avec courage, et si la lutte dure encore, c'est que le mal est sérieux et tenace.

Aujourd'hui l'indigent, celui des villes surtout, ne doit plus uniquement à l'aumône publique ou privée, un soulagement trop humiliant, lorsqu'il se présente constamment sous la même forme.

Asiles pour l'enfance, instruction gratuite, caisses d'épargne et de prévoyance, sociétés de secours mutuels, hôpitaux pour les malades, hospices pour les vieillards : telles sont les principales institutions qui, dans le canton, et surtout dans la

ville de Wissembourg, s'occupent à porter remède à une des plus grandes plaies sociales.

Il est hors de doute que les souffrances de l'indigent, dans des conditions économiques normales, sont moins en raison des moyens matériels qui lui font défaut pour subvenir à son existence, qu'en raison du milieu social .qu'il occupe ; de sorte qu'on est fondé à dire que l'indigent des villes, quoique ayant un bien-être relativement plus grand que l'habitant des campagnes, est cependant plus misérable, parce qu'évidemment ses souffrances morales doivent encore dépasser ses souffrances physiques. Mais, est-ce à dire que le paupérisme soit beaucoup moins étendu , beaucoup plus facile à soulager dans les centres agricoles, que dans les villes manufacturières?

Ce serait commettre une grave erreur que d'accepter cette proposition en son entier.

L'a g riculture a aussi ses misères; elles sont moins apparentes peut-être que celles des villes; mais aussi elles ne sont combattues que par des moyens beaucoup moins efficaces, par des ressources beaucoup moins nombreuses.

Le petit propriétaire foncier, le petit fermier, tous attachés au sol qu'ils cultivent, comme aussi l'ouvrier agricole, sont exposés à de nombreuses causes d'appauvrissement et de misère.

Parmi celles indépendantes de la volonté de l'indigent, on remarque tout d'abord, pour le canton de Wissembourg, comme pour presque toute l'Alsace :

L'extrême division du sol ;

Le défaut d'une industrie agricole locale, capable de fournir en tout temps un travail assuré aux populations ouvrières de la campngne ;

Les mauvaises années, trop souvent répétées, sources de privations et de souffrances pour le petit cultivateur, et même pour la moyenne aisance;

Le défaut dans la plus grande partie de nos communes rurales, d'associations de secours mutuels, que nous considé-

rons comme un des moyens les plus puissants pour combattre le paupérisme;

L'absence de capitaux facilement accessibles à la petite culture ;

L'usure qui, vampire et caméléon à la fois, se présente sous les formes les plus insaisissables pour extorquer la petite fortune du cultivateur.

Nous ne faisons ici qu'une mention sommaire de ces différentes chances de pauvreté pour l'habitant de nos campagnes, chacune d'elles se trouvant discutée dans le chapitre intitulé : « Observations générales. »

Outre les causes principales du paupérisme que nous venons d'indiquer, il en est d'autres encore qui, n'ayant point une action directe sur la généralité des populations agricoles, et ne pouvant être attribuées qu'à la volonté imprévoyante ou perverse des individus isolés, n'en sont pas moins l'origine de bien des ruines.

Ce sont : l'ignorance, l'oisiveté, l'inconduite, l'abus des boissons, etc.

Quelques personnes signalent encore comme sources de pauvreté matérielle et de dépravation morale, les danses et fêtes de villages, et, avec de très-bonnes intentions sans doute, elles vont jusqu'à souhaiter et provoquer la suppression des bals et danses publiques.

Notre intention n'est pas de présenter ces réunions comme des écoles de bonnes mœurs ; mais nous ne croyons pas non plus qu'elles causent tout le mal qu'on se plaît à leur attribuer.

De temps immémorial, la danse a passé dans les mœurs des Alsaciens. Les habitants de la campagne ont adopté cet amusement avec amour. Du reste, il faut bien le reconnaître, c'est presque le seul plaisir qu'ils puissent se donner.

L'habitant des villes s'amuse librement dans des maisons particulières; le campagnard n'a pour se distraire, pour oublier des travaux longs et pénibles , que la fête de son village, les noces ou les baptêmes, et comme il n'a pas de salons à sa

disposition, il faut bien que les réunions aient lieu dans les auberges.

Les habitants de nos campagnes vivent d'une existence qui leur est propre, tout est habitude chez eux. Ils travaillent la terre comme leurs aïeux l'ont travaillée; ils cherchent leurs plaisirs où ceux-ci ont trouvé les leurs.

A l'heure du grand repos de l'année, le jour est consacré au plaisir de la table, la nuit à la danse.

Pourquoi priverait-on ces braves travailleurs de leur plus grande joie? Pourquoi montrer à leur égard un rigorisme trop exclusif?

Il faut bien qu'après des fatigues si diverses et si continues, le paysan ait aussi ses plaisirs ; ils ne se reproduisent pas souvent.

Et puis, il y a un âge dans la vie où l'homme a un besoin irrésistible de plaisirs. Ne vaut-il pas mieux alors que jeunes garçons et jeunes filles s'amusent sous les yeux du public que partout ailleurs? Otez leur les danses, ils chercheront d'autres distractions; ils parviendront toujours à se retrouver, à se réunir, et il est bien à craindre que la morale n'y perde plutôt qu'elle n'y gagne.

Non, la danse, permise dans de justes limites, n'est pas pour les populations de nos campagnes une cause sérieuse de paupérisme.

Ne cherchons donc pas à la supprimer et à imposer à cet égard aux populations rurales d'autres usages que ceux qu'ils ont adoptés depuis des siècles. Rappelons-nous ces paroles de l'homme le plus sincèrement religieux qui ait peut-être existé, de Fénelon, répondant à un curé qui se vantait d'avoir aboli la danse dans sa paroisse : «Ne dansons pas, Monsieur le curé, «mais permettons à ces pauvres gens de danser. Pourquoi les « empêcher d'oublier un moment leurs peines et leurs souf- ' « frances. »

Dans la ville de Wissembourg, le paupérisme est combattu par tous les moyens de bienfaisance connus jusqu'à ce jour.

Depuis quelques années surtout les institutions charitables y ont pris un développement vraiment remarquable. Le patronage, comme un bon ange, vient prendre place près du berceau de l'enfant pauvre, il le suit à travers les différentes phases de son existence et accompagne l'indigent jusqu'au tombeau.

Malheureusement il n'en est pas ainsi dans nos communes rurales.

Les salles d'asile, l'assistance mutuelle, le patronage, les caisses de prévoyance pour les différentes circonstances et les différents âges de la vie, tout cela y est presque inconnu. Les habitants de nos campagnes sont généralement bienfaisants ; mais ils veulent rester maîtres d'exercer la charité comme ils l'entendent. Les œuvres de bienfaisance ne consistent chez eux que dans l'aumône en nature; ils donnent au pauvre des légumes, des fruits, du pain, rarement de l'argent. Les vieillards et les malades ne reçoivent ainsi que des secours presque toujours insuffisants, et dans certaines communes, les soins mêmes du médecin font forcément défaut à ces derniers. En effet, l'organisation des médecins cantonaux, poursuivie avec tant de soins et d'intelligence pour le département du Bas-Rhin, laisse cependant encore quelque chose à désirer dans le canton de Wissembourg. Un médecin cantonal adjoint, demeurant au chef-lieu du canton est chargé du service médical des communes d'Obersteinbach et de Niedersteinbach. Dans ces conditions de résidence, les secours de l'homme de l'art deviennent souvent impossibles, car l'éloignement de ces villages ne permet presque jamais au malade de faire appeler le médecin, ni à celui-ci de se rendre à te,mps auprès du patient.

£et état de choses réclame impérieusement un changement.

Comment remédier au paupérisme dans nos campagnes? C'est là une question bien difficile et des plus complexes. Elle dépasse certainement les limites d'un travail de statistique. Aussi, sans entrer dans aucun développement, nous conten-

terons-nous d'indiquer les moyens qui, selon nous, pourraient , non pas faire disparaître le paupérisme dans les campagnes, mais diminuer sensiblement la misère qui y fait si souvent irruption.

Il faudrait :

1° Apporter des entraves sèrieuses au morcellement illimité du sol ;

2° Former dans chaque commune un certain nombre d'établissements d'industrie agricole, capables de fournir du travail aux gens valides;

3° Dans les écoles de village, unir le travail à l'enseignement proprement dit;

40 Fonder dans chaque commune une assurance mutuelle contre la maladie et l'interruption du travail ' ;

5o Propager et favoriser le développement d'une récente institution philanthropique , de la caisse de retraite pour la vieillesse;

6° Établir des banques de crédit foncier et agricole, facilement accessibles au petit cultivateur;

7o Placer au centre des communes rurales les plus éloignées du chef-lieu du canton, un médecin qui y remplirait les fonctions de médecin cantonal (à Lembach , par exemple)';

1 L'introduction de la mutualité dans nos campagnes, où l'esprit d'égoïsme et de défiance conspire, avec les conditions mêmes de la vie, contre l'association, rencontrera certainement bien des obstacles ; mais il ne faut pas croire qu ils soient insurmontables. Pour en triompher de la manière la plus complète il suffirait que les hommes dévoués au bien public se missent courageusement à l'œuvre, et bientôt, l'administration départementale aidant, des sociétés de secours existeraient jusque dans les plus petits villages. ^

On se tromperait si on croyait que la masse des cultivateurs est inaccessible aux idées de prévoyance ; elle ne se rend pas encore suffisamment compte du mécanisme et de la valeur du système sur lequel repose l'organisation de ces sociétés; mais qu'on fasse comprendre aux populations des campagnes les bienfaits de ces institutions, et elles ne seront pas sourdes à l'appel qui les conviera au partage d'épargnes qui, dans un moment donné, peut leur faire surmonter les plus redoutables calamités.

2 Dans sa sollicitude constante pour les intérêts des populations de 1 arronissement qu'il administre, M. le sous-préfet de Wissembourg vient d'organiser à Lembach le service médical que nous réclamions pour cette localité. (Novembre 1859.)

8° Enfin donner des attributions plus sérieuses et plus étendues aux commissions cantonales d'assistance publique, dont l'action s'est trop affaiblie.

Après ces courtes considérations sur les causes du paupérisme dans le canton, et l'indication des moyens que nous croyons les plus propres à y porter remède, nous allons établir par commune, la statistique complète du paupérisme et des institutions de bienfaisance organisées dans le but de le combattre.

Disons tout d'abord que, grâce à deux bonnes et riches années, la situation s'est beaucoup améliorée, et que le nombre des indigents tend tous les jours à diminuer.

CANTON DE WISSEMBOURG.

La commission d'assistance publique organisée par arrêté préfectoral du 27 novembre 1854, et reconstituée sur de nouvelles bases par un second arrêté du 12 octobre 1855, fonctionne , dans le canton, avec la plus grande régularité.

Ses attributions, comme celles de toutes les commissions cantonales d'assistance publique du département du Bas-Rhin, consistent :

10 A éclairer l'administration supérieure sur le nombre et les besoins des indigents, et sur la manière dont chaque commune vient au secours de ses habitants pauvres;

20 A donner son avis sur les demandes de secours formées par les communes et le? bureaux de bienfaisance ;

3° A servir d'intermédiaire entre les communes et les bureaux de bienfaisance pour les engager à combiner leur action dans un but d'utilité commune, et à s'entr'aider au besoin.

VILLE DE WISSEMBOURG.

Ainsi que nous avons déjà eu l'occasion de le faire remarquer, la bienfaisance est organisée à Wissembourg avec les soins les plus intelligents.

De nombreuses institutions charitables ont été créées ou reconstituées par le maire de la ville, et des secours pécuniaires périodiques ou temporaires' sont accordés, sans distinction de culte, à tous les indigents portés sur une liste fréquemment révisée.

Le nombre des pauvres, quoique relativement assez élevé, est en voie de diminution, et la situation générale ne peut être envisagée comme défavorable. La mendicité intérieure a presque complètement disparu sous l'action matérielle et morale des institutions charitables.

Nous devons à l'obligeance de M. Pugnière les renseignements relatifs aux institutions de charité de la ville qu'il administre. Elles ont un intérêt trop puissant pour que nous les passions sous silence.

Les pauvres sont assistés à Wissembourg par les institutions suivantes :

1° Une société de charité maternelle ;

2o Deux salles d'asile ;

3° Une société de secours mutuels entre ouvriers et apprentis ; 40 Une autre société de secours mutuels entre hommes et femmes ;

5° Une caisse d'épargne ;

6° Un bureau de bienfaisance ;

7° Un hospice.

I. Société de charité maternelle.

Cette société sous le patronage de S. M. l'Impératrice, est composée des dames de la ville au nombre de 133.

Elle a pour objet :

1° De secourir les femmes en couches ;

2° De patronner les enfants pauvres depuis le jour de leur naissance, jusqu'à celui où ils pourront gagner leur vie. La société suit ces enfants de la salle d'asile dans les écoles et leur fait deux fois- par an des distributions de vêtements. Elle

place les filles adultes dans un ouvroir destiné à leur instruction professionnelle , et met les garçons en apprentissage;

3° De donner de l'ouvrage aux femmes pauvres et honnêtes ; 4° De contribuer au paiement du loyer des familles indigentes.

Les revenus de la société consistent dans les cotisations de ses membres et dans le produit d'une loterie de chari té organisée tous les ans au mois de décembre. Ils s'élèvent annuellement à environ 3500 fr.

II. Salles d'asile.

Depuis le 1er juillet 1855 les salles d'asile de Wissembourg sont des établissements payants; antérieurement elles étaient gratuites. Pour soulager les parents indigents, un grand nombre d'enfants pauvres sont exonérés de la rétribution.

La salle d'asile protestante est dirigée par une demoiselle laïque.

La salle d'asile catholique, créée le 1er mai 1855, est placée sous la direction des sœurs de la Divine Providence de Ribeauvillé. Avant cette époque les cultes étaient réunis. Chaque salle d'asile renferme 100 élèves.

III. Société de secours mutuels entre ouvriers et apprentis.

C'est une association privée qui a été formée le 5 novembre 1844, sous les auspices des maîtres ouvriers.

Le but de cette société est d'assurer les soins curatifs à ses membres malades, ou de pourvoir à leurs funérailles. A cet effet, il est fait une retenue modérée sur le salaire des ouvriers et des apprentis. Ces retenues sont déposées entre les mains d'un administrateur.

Les membres malades sont placés à l'hospice contre paiement- d'un prix de pension réglé par abonnement.

La Société compte 32 membres.

Ses revenus annuels varient de 150 à 250 fr.

Ses dépenses s'élèvent à une moyenne de 200 fr.

IV. Société mixte de secours mutuels pour hommes et femmes.

Cette société a été formée le 2 août 1852. Elle a été autorisée le 30 novembre 4852, et approuvée par décret impérial du 29 juillet 1853.

Son objet est de secourir les membres de la société qui tombent malades.

Elle compte 84 membres participants et 44 membres honoraires parmi les hommes; trente-neuf membres participants et 12 membres honoraires parmi les femmes.

Les recettes pour la section des hommes sont d'environ 840 fr. par an ; les dépenses annuelles ne se montent en moyenne qu'à 600 fr.

Pour la section des femmes la recette est de 440 fr. et la dépense de 400 fr.

V. Caisse d'épargne.

Une caisse d'épargne destinée à recevoir les économies des ouvriers a été créée à Wissembourg par ordonnance du 11 novembre 1835.

Elle est dépositaire aujourd'hui d'une somme de 124,431 fr. Cette somme appartient a 601 déposants.

Dont : 26 ouvriers,

» 81 domestiques,

» 45 employés,

» 32 militaires,

» 203 professions diverses,

10 201 mineurs,

» 13 sociétés de secours et autres.

VI. Bureau de bienfaisance.

Le bureau de bienfaisance de Wissembourg date de la création de ces établissements en France (Loi du 7 frimaire an V).

Son but est de distribuer des secours à domicile, aux malades, aux indigents et aux infirmes.

Le bureau de bienfaisance de Wissembourg n'a eu pendant de longues années, d'autres revenus que le produit des spectacles, bals, concerts et autres divertissements publics, ainsi qui celui des quêtes qui se faisaient annuellement.

Il possède aujourd'hui 269 fr. de rentes sur l'État, provenant de dons qui lui ont été faits.

Depuis le 15 octobre 1852, il a été organisé à Wissembourg une association pour l'extinction de la mendicité.

Les souscripteurs versent mensuellement une certaine somme dans la caisse du bureau de bienfaisance. Ces versements se montent chaque année à environ 3 ou 4000 fr.

Ce produit joint aux autres perceptions, élève à la somme de 6 à 7000 fr. les fonds dont le bureau de bienfaisance peut disposer annuellement.

VII. Hospice.

On ne connaît pas la date de la fondation de l'hospice de Wissembourg.

En 1449 il était installé dans un local municipal situé dans, une rue qui a porté successivement les noms de Spitalgassel, Metzgassel et Hundsgasse. En 1553 il fut transféré dans l'ancien convent des dominicains dont la ville avait fait l'acquisition.

Dans l'origine, cet établissement n'était entretenu que par les subventions de la ville, du chapitre et des habitants.

Des dons successifs lui formèrent peu à peu un revenu personnel.

En 1793, ses propriétés, alors assez importantes, furent réunies au domaine national. Plus tard, les biens non vendus lui furent restitués et l'hospice reçut une indemnité pour ceux qui avaient été aliénés.

Aujourd'hui ses revenus ordinaires s'élèvent à environ 19,000 fr., augmentés du produit des journées militaires variant de 7 à 25,000 fr.

Les dépenses annuelles absorbent les revenus. L'hospice reçoit :

Les vieillards des deux sexes,

Les infirmes,

Les orphelins et les enfants de parents pauvres, Les malades indigents.

Il dispose de :

20 lits d'hommes, 25 lits de femmes, 20 lits de garçons , 15 lits de filles.

Ensemble 80 lits.

Il traite par abonnement les militaires malades et les membres des sociétés de secours mutuels.

Par fois aussi, il donne des secours au dehors.

ALTENSTADT.

La situation de cette commune, sous le rapport du paupérisme , n'est pas aussi satisfaisante qu'elle pourrait l'être eu égard aux ressources dont elle dispose.

Loin de diminuer, le nombre des indigents augmente assez sensiblement.

Il faut en attribuer la cause à la cessation des travaux du chemin de fer.

Néanmoins la charité privée ne fait pas défaut, et grâce au bon emploi des secours annuellement votés par le conseil municipal , la mendicité intérieure et extérieure est presque supprimée.

Le bureau de bienfaisance fonctionne régulièrement; mais ses ressources qui ne s'élèvent qu'à environ 70 fr., sont trop faibles, relativement au nombre d'indigents à secourir.

Outre la population agricole, Altenstadt compte environ

200 journaliers, n'appartenant pas à la classe des cultivateurs; ce sont eux qui fournissent le plus grand nombre d'indigents à la commune.

La banlieue d'Altensladt est très-étendue. Son sol est bon, il se prète à toute espèce du culture.

La proximité de la ville est pour les habitants de cette commune un avantage réel, puisqu'elle leur permet d'écouler facilement les différents produits de leurs terres.

On compte en ce moment à Altenstadt 23 familles ayant besoin de secours permanents ou temporaires.

CLÉEBOURG.

Situation peu favorable; ressources insuffisantes; indigents nombreux.

Il y a dans cette commune 88 pauvres, ce qui fait 14 p. 100 de sa population.

Les indigents sont presque uniquement secourus par des dons en nature obtenus de la charité privée.

La banlieue de Cléebourg renferme 450 hectares de sol cultivé en terres, prairies ou vignes. L'esprit trop routinier de ses habitants empêche la culture de rendre tout ce qu'elle pourrait produire, et les prive d'une somme de revenus assez importante.

Cette commune a obtenu en 1857 une subvention départementale pour un atelier de charité.

Le bureau de bienfaisance qui, pendant de longues années, n avait plus donné signe de vie, a recommencé à fonctionner sous l'impulsion de la commission cantonale d'assistance publique.

CLIMBACH.

Le paupérisme est très-étendu à Climbach ; l'aisance y est rare ; le travail se borne à la culture du sol et à l'exploitation des coupes dans les forêts. Relativement au chiffre de la population, c est la localité du canton qui compte le plus de pauvres. La proportion est de passé 34 p. 100.

Il faut attribuer cet état de choses au peu d'étendue du sol exploitable de la banlieue, à la mauvaise qualité de la plus grande partie des terres et à l'absence de toute industrie agricole ou autre. La population est presque exclusivement composée de petits cultivateurs-fermiers ne pouvant que rarement suffire aux besoins de l'hiver avec les travaux de l'été et le produit des terres affermées.

Le bureau de bienfaisance ne dispose d'aucune ressource. La caisse communale et la charité privée font seules face aux besoins les plus urgents; aussi un assez grand nombre d'indigents restent-ils sans secours.

LEMBACH.

La commune de Lembach est une des plus favorisées du canton , par le nombre relativement petit de ses pauvres, et par l'importance de ses revenus communaux et charitables.

Elle possède différentes petites industries qui donnent du travail aux journaliers. La proportion des indigents, eu égard au chiffre de la population, n'est que de 4 p. 100.

Les pauvres de cette commune, dont le nombre a sensiblement diminué depuis quelques années, éprouvent l'action bienfaisante des institutions de charité, dirigées avec sollicitude par les ministres des différents cultes, le bureau de bienfaisance et la municipalité.

Cette dernière vote annuellement une somme assez importante à titre de subvention aux indigents.

Cette année la somme votée s'est élevée à 1,150 fr.

Le bureau de bienfaisance donl les revenus sont d'environ 300 fr., fonctionne avec régularité.

Il fait aux pauvres des distributions d'argent, de bois, de pain et d'aliments d'autre nature.

NIEDERSTEINBACH.

Petite commune dont les trois quarts de la banlieue sont couverts de forêts.

Sol ingrat, assez peu productif. Travail agricole peu important.

Niedersteinbach ne compte relativement à sa population que 9 p. 100 d'indigents; mais la plus grande partie des habitants ont peu d'aisance.

Pendant l'hiver les principales ressources des journaliers, et même des petits cultivateurs, sont les travaux dans les coupes-

Le bureau de bienfaisance n'a pas de revenus.

Le conseil municipal vote tous les ans une petite somme destinée à subvenir aux besoins les plus impérieux des pauvres infirmes ou malades.

Les autres indigents reçoivent de la charité privée des secours en aliments.

OBERHOFFEN.

La situation d'Oberhoffen est bonne sous tous les rapports. Il y règne un esprit d'ordre et d'économie remarquable, et de plus, une grande assiduité au travail. Aussi chaque famille jouit-elle d'une petite aisance.

Dans ce village, on ne compte que 14 indigents ; 1 homme, 8 femmes et 5 enfants. Us trouvent une assistance soutenue dans la charité privée qui s'exerce très-largement.

Le bureau de bienfaisance est sans ressources. Son action se borne à signaler aux habitants aisés les indigents qui ont besoin de secours.

OBERSTEINBACH.

Cette localité située à l'extrémité du canton, n'a que peu de communication avec les centres de population de quelque importance.

Ses habitants sont généralement peu aisés; cependant le nombre des indigents proprement dits ne s'élève qu'à 49, c'est-à-dire à un peu plus de 8 p. 100 du chiffre de la population.

La banlieue d'Obersteinbach est petite; il n'y existe que

450 hectares de terres arables. Le sol est peu fertile et produit à peine ce qu'il faut pour la nourriture des habitants.

L'extrême division du sol et par conséquent le grand nombre de petits cultivateurs , augmente sensiblement l'état de gêne général.

Pendant la morte saison, les hommes valides trouvent du travail dans les coupes.

La fabrication des sabots est aussi pour les habitants de ce village une ressource réelle.

Ainsi que dans toutes les communes rurales du canton, la bienfaisance s'appuie sur une seule institution régulière, le bureau de bienfaisance ; encore ne fonctionne-t-il que très-imparfaitement.

Les revenus de la commune d'Obersteinbach sont trop restreints pour lui permettre d'en distraire la moindre partie, même au profit des pauvres.

Les indigents ne trouvent donc d'assistance que dans la charite privée.

RIEDSELTZ.

Sous le rapport du paupérisme, la commune de Riedseltz est dans de fort bonnes conditions.

Elle ne compte que 5 p. 400 d'indigents, eu égard au chiffre de sa population, tandis que la moyenne pour les communes rurales du canton réunies est de 9 p. 100.

L'habitude de l'école et du travail y est convenablement enracinée; mais l'esprit de conduite et les bonnes mœurs laissent quelque chose à désirer.

Le sol est riche et la banlieue assez étendue pour fournir à la plus grande partie des habitants un terrain suffisant pour la culture des céréales et des autres denrées nécessaires à chaque famille. Quoique les cultivateurs de Riedseltz entretiennent de nombreuses tètes de bétail, ils peuvent encore vendre une partie notable de leurs récoltes.

On pourvoit aux besoins les plus pressants des indigents au moyen des ressources du bureau de bienfaisance qui s'éle-

vent à environ 160 fr. par an, et encore à l'aide de subventions municipales annuelles qui varient de 100 à 150 fr.

Pendant les mois les plus rigoureux de l'hiver, on distribue plusieurs fois par semaine des soupes, du pain et d'autres aliments.

La charité privée fait le reste. Elle vient puissamment en aide aux familles pauvres surchargées d'enfants, aux personnes malades, infirmes ou âgées. Ses dons consistent aussi en aliments.

ROTT.

Quoiqu'en voie de diminution depuis quelque temps, le nombre des pauvres de cette commune est beaucoup trop considérable.

Sur une population de 528 âmes, Rott compte 54 indigents, soit environ 10 p. 100.

Les habitants de cette locàlité sont généralement rangés et ils cultivent avec soin leurs terres et leurs vignes.

D'où vient donc leur gêne ?

La cause principale en réside encore dans le morcellement infini des terres, qui ne laisse à la plus grande partie des cultivateurs que la disposition de parcelles insuffisantes pour en retirer les produits nécessaires à la subsistance d'une famille souvent nombreuse.

Ni le bureau de bienfaisance ni la caisse communale n'ont à leur disposition les fonds nécessaires pour remédier à la situation peu favorable que nous venons de signaler.

Plusieurs fois l'autorité locale a essayé les quêtes d'argent, mais elles n'ont jamais rien produit.

Pour toute ressource il ne reste donc aux pauvres que les dons en aliments qu'ils reçoivent de la charité privée; et, par la force des choses, ces secours sont tellement restreints que beaucoup d'indigents ne reçoivent qu'un soulagement insuffisant.

STEINSELTZ.

La commune de Steinseltz se trouve, sous le rapport du paupérisme, dans une situation des plus satisfaisantes.

Il y règne une grande aisance, un excellent esprit de charité et des habitudes de travail qu'on ne saurait assez louer.

A l'exception de quatre familles indigentes, toutes les autres possèdent, soit à titre de propriétaires, soit à titre de fermiers, une étendue de terrain suffisante pour que son produit dépasse les besoins du ménage. A la plupart, il reste encore une certaine quantité des récoltes destinées à la vente.

La proportion des pauvres relativement à la population est de 3 p. 100.

Le bureau de bienfaisance qui peut disposer annuellement d'une somme d'environ 40 à 50 fr., l'emploie surtout en secours aux malades. Par ses soins il est fait, au commencement de l'hiver de chaque année, un relevé exact des individus qui ont besoin d'être secourus. Ils sont signalés aux habitants aisés, et chaque famille adopte alors son pauvre auquel, pendant la morte saison, et lorsqu'il manque de travail, elle fournit un et même deux repas par jour.

Les pauvres de cette commune ont en général le sentiment inné de l'obligation au travail, et ils ne se présentent jamais pour demander un secours, lorsqu'ils trouvent à gagner de quoi subvenir à leurs besoins les plus pressants.

Sous ce rapport le village de Steinseltz peut certainement être cité comme modèle.

Par l'amour du travail, tout comme par l'esprit de charité et d'assistance qui anime la grande majorité de ses habitants, il semble avoir résolu, presque sans difficulté, le grand problème de la suppression de la mendicité.

WEILER.

C'est la commune du canton dont la situation est la moins satisfaisante.

Sans banlieue, ne trouvant de ressources ni dans le bureau de bienfaisance, ni dans la caisse communale, il y a, de la part de Weiler, impossibilité matérielle de venir au secours de ses pauvres.

La population y est généralement peu aisée.

Les indigents, dans la proportion de passé 18 p. 100, ne sont pas suffisamment secourus par la charité privée qui est forcément très-restreinte.

Le bureau de bienfaisance de la ville de Wissembourg comprend une partie des pauvres de Weiler dans ses distributions d'aumônes.

Les principales causes du développement du paupérisme dans cette commune, se rencontrent :

1° Dans l'absence d'une quantité de terre suffisante pour la production des denrées nécessaires pour faire face aux besoins de la population ;

2° Dans un trop grand émiettement du sol cultivable ;

30 Dans l'absence d'industrie agricole ou autre. Il existe bien à Weiler une petite industrie, celle du blanchissage du linge et de la toile; mais elle est d'une importance beaucoup trop minime pour exercer une influence suffisante sur une population généralement pauvre ;

4° Enfin, dans les habitudes de dissipation, d'insouciance, de paresse et d'inconduite d'un trop grand nombre de ses habitants.

Il faut reconnaître cependant, que depuis quelques années les habitudes qui nuisaient à la prospérité matérielle et morale des habitants de Weiler, ont été sensiblement modifiées, et qu'il y a aujourd'hui amélioration réelle sous ce rapport.

WINGEN.

Très-bonne situation. Paupérisme peu étendu, convenablement soulagé par les ressources du bureau de bienfaisance et par la subvention de la caisse communale.

Esprit de charité marqué.

La proportion des pauvres relativement à la population, n'est que de 3 p. 100.

Il existe encore dans cette commune quelques pauvres insouciants et peu laborieux qui ont conservé des habitudes de mendicité, mais sous les efforts du clergé et de l'autorité locale, leur nombre tend chaque jour à diminuer.

Telle est en ce moment la situation exacte du paupérisme dans le canton de Wissembourg.

Elle se trouve résumée dans le tableau synoptique placé à la fin de ce chapitre.

Pour déterminer dans quelles proportions l'agriculture y est représentée, nous ferons remarquer que la totalité des communes rurales peut être considérée comme exclusivement agricole, et que le dixième de la population de la ville doit figurer dans la catégorie des vignerons ou des cultivateurs.

Or, les douze villages du canton représentent une population

de 8,797 habitants.

Le dixième de la population non flottante • de la ville est de »

Soit ensemble 9,261 habitants.

Les douze communes rurales comptent ensemble 243 familles pauvres.

Le dixième des familles indigentes de la ville est de 27 » »

Total ...... 270«familles pauvres.

Ces 270 familles se composent de 863 indigents, hommes, femmes et enfants.

En sorte que la proportion des pauvres appartenant exclusivement à la classe agricole du canton de Wissembourg est de 9 p. 100, relativement au chiffre de la population.

La ville qui, déduction faite de la portion de ses habitants

appartenant à la population agricole, compte encore4, 178 âmes, non compris la population flottante, vient au secours de 248 familles nécessiteuses, composées de 748 personnes de différents sexes et d'âges divers.

Comparée à la population urbaine, la proportion des pauvres de Wissembourg est donc de 18 p. 100.

Ce qui établit un avantage de 100 p. 100 en faveur de la population agricole.

Examinons maintenant quelles sont les ressources de la charité publique qui peuvent annuellement être affectées au soulagement soit des indigents de la ville, soit à celui des pauvres des communes rurales.

A Wissembourg, les ressources ordinaires du bureau de

bienfaisance s'élèvent en moyenne à 4,700 fr.

Le produit de la loterie et des quêtes organisées par la Société de charité maternelle, est d'environ . 3,600 »

Ce qui fait un total de ........ 8,300 fr.

Il s'ensuit que chaque pauvre peut recevoir, sur ces seules ressources, un secours annuel de 10 fr. environ.

Abstraction faite des subventions d'une importance tout à fait exceptionnelle accordée à ses indigents, par la riche commune de Lembach, subventions qui portent à 22 fr. 65 c. par chaque pauvre, la somme pouvant être employée annuellement au soulagement de la classe indigente, les autres communes rurales du canton ne disposent que d'environ 1000 fr. applicables au même objet.

D'après ces données, et en supposant que les fonds votés par les conseils municipaux et ceux alloués par les bureaux de bienfaisance, fussent partagés par portions égales entre les indigents, ceux-ci recevraient :

A Lembach 22 fr. 65 c. par tête. A Wissembourg 10 » ) , Dans les autres communes .. 1 40 D

Il en résulte que, si c'est dans les petits centres de population qu'on rencontre le moins d'indigents, c'est malheureusement là aussi que les pauvres sont le plus incomplétement secourus par les institutions charitables.

La situation précaire de ces petits cultivateurs qui forment la grande majorité de la population de nos campagnes, ne les alarme pas. Sobres pour la plupart, durs au travail, ils côtoient la pauvreté sans s'effrayer de l'abîme qu'elle creuse autour d'eux. Et cependant, dans un moment donné beaucoup y tombent! Alors leur sort est d'autant plus déplorable, qu'ils ne rencontrent qu'une assistance impuissante pour les sauver.

Pourquoi cet état de choses ne serait-il pas changé? Pourquoi, lorsque la caisse de retraite pour la vieillesse et tant d'autres institutions de secours se trouvent aujourd'hui en pleine activité, les populations rurales ne leur accorderaient-elles pas leurs sympathies?

Nous ne pouvons trop engager les habitants de nos campagnes à suivre l'exemple donné par un grand nombre de communes de l'empire, où l'on voit la majorité des familles s'assurer de précieuses ressources pour les circonstances malheureuses, et cela moyennant une faible cotisation mensuelle. Si tous les petits cultivateurs, si tous les travailleurs agricoles appartenaient aux sociétés qui leur garantissent des secours quand ils sont malades, et une pension quand l'âge a brisé leurs forces, ils ne seraient exposés à la misère que par suite de circonstances exceptionnelles fort rares, et les bureaux de bienfaisance ou les caisses communales pourraient alors facilement les secourir. Mais, nous objectera-t-on, il y a de pauvres journaliers dont les ressources sont si faibles qu'ils ne peuvent absolument rien en distraire pour fournir une cotisation quelque minime qu'elle soit. A cela nous répondrons : Pourquoi ne rattacherait-on pas l'action des sociétés de bienfaisance à celle des sociétés de secours mutuels, en consacrant une partie des fonds des premières à l'introduction des indigents dans

les secondes? De cette façon on en rendrait l'accès possible à tous. Ne serait-ce pas la meilleure des propagandes ?

Un essai seulement, et les bienfaits de la mutualité ne tar deront pas de frapper tous les yeux.

Qu'il nous soit aussi permis de faire ici un appel au concours toujours empressé de la classe aisée, et de lui dire : Ne perdons jamais de vue l'homme qui travaille, qui souffre, quelquefois par l'injustice du sort, souvent, hélas! par sa propre faute; allons le trouver et le consoler, mais surtout relevons son courage en lui montrant que la société n'abandonne personne. Multiplions jusque dans les plus petits villages, les institutions charitables; elles ménagent chez les nécessiteux le sentiment de la dignité personnelle et dispensent en grande partie de l'obligation de l'assistance directe. Enfin, pénétrons-nous bien de cette vérité, qu'en soulageant les indigents, la classe aisée profite elle-même indirectement de ce qu'on a l'habitude de nommer des sacrifices ou des aitmônes. En effet, lorsqu'on améliore la position du pauvre cultivateur, de l'ouvrier agricole ou manufacturier, chacun d'eux consomme plus de viande et de céréales : avantage pour le propriétaire foncier ;

Tous se logent mieux : avantage pour le propriétaire de maisons ;

Ils s'habillent mieux : avantage pour le fabricant et pour le commerçant;

Ils achètent de meilleurs outils et se procurent un plus grand nombre de bons instruments : avantage pour le manufacturier, l'usinier et le mécanicien.

L'argent donné, ou pour mieux dire prêté au pauvre retourne presque toujours à la classe aisée ; seulement, en passant par les mains de l'indigent, celui-ci a pu en jouir avant de le rendre.

(Voy. le tableau ci-contre, p. 270 et 271).

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LEMBACH. 1624 12 6 18 11 28 15 64 5 59 NIEI)ERSTEINBACH .... 460 8 > 8 9 16 14 39 2 87 » OBERHOFFEN 152 4 1 5 1 8 5 14 1 3 10 0

OBERSTEINBACH 610 5 10 15 12 23 14 49 < 19 30 I RIEDSELTZ 1244 19 19 38 19 31 85 85 7 78 1 ROTT 528 4 14 18 15 29 10 54 » 16 38 STEINSELTZ 603 4 # 4 5 10 8 23 » 23 »

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WEILER 544 19 10 29 24 31 46 102 » 44 -58

3G *ST WLNGEN 749 4 8 12 6 8 15 29 3 26 »

TOTAUX ... 13,440 232 281 513 396 658 557 1611 237 1096 278 POPULATION EN DEHORS .. 597 »

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Les limites dans lesquelles doit se restreindre notre travail, ne nous permettent pas d'approfondir le phénomène redoutable auquel se rattache l'histoire de tant de révolutions humaines. C'est du reste une question qui a été traitée d'une manière fort remarquable dans une récente publication due à la plume de M. Reboul-Deneyrol, secrétaire-général de la Préfecture du Bas-Rhin. Paupérisme et bienfaisance, est une œuvre de conscience, de travail et de science ; c'est un livre qui restera, nous n'en doutons pas, comme une page des plus instructives et des plus intéressantes de l'histoire du paupérisme dans nos contrées. Il nous suffira d'en indiquer l'intérêt, la portée utile et féconde, pour que chacun s'empresse de le lire et de le méditer.

DEUXIÈME PARTIE.

Aperçu historique, topographique et agricole de ehaque commune du canton de Wissembourg.

Le canton de Wissembourg comprend treize communes, ce sont: Altenstadt, Cléebourg, Climbach, Lembach, Niedersteinbach, Oberhoffen, Obersteinbach, Riedseltz, Rott, Steinseltz, Weiler, Wingen et Wissembourg.

WISSEMBOURG.

Le cadre que nous nous sommes tracé ne comporte pas que nous entrions dans de grands détails historiques sur l'origine et sur les différentes phases par lesquelles la ville de Wissembourg a passé depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours ; aussi ne ferons-nous que les parcourir rapidement. De savants historiographes ont traité ce sujet. On pourra consulter avec fruit leurs ouvrages.

Wissembourg baigné par la Lauter, est situé au pied des Vosges; son territoire est fertile et. généralement bien cultivé. Le sol des hauteurs à l'Ouest et au Sud consiste en terre argileuse grasse; vers le Midi et l'Est, sur les bords de la Lauter il est très-sablonneux ; les hauteurs du Nord et de l'Ouest font partie de la chaîne des Vosges, le sol y est presque entièrement de nature calcaire, couvert de vignes, et tout au sommet de châtaigniers et de pins.

Tout cela a un aspect des plus riants. Un demi-cercle de collines fertiles, fait un premier cadre au tableau, et un peu plus loin, les montagnes forment une seconde bordure immense, qui se détache sur l'horizon bleuâtre.

L'eau, non compris celle des puits, est fournie à la ville par plusieurs sources qui sortent des hauteurs situées à l'occident et qui coulent à travers le sable siliceux. Elle est saine, limpide, libre de presque toute partie étrangère, sans odeur ni saveur. Les alcalis, les acides, le protoxide de plomb, le nitrate de mercure et d'argent, le chlorure d'ammoniaque, le carbonate de potasse, n'y produisent qu'un précipité presque imperceptible dû à la petite quantité de gaz acide carbonique qu'elle tient en solution; elle reste claire, même après plusieurs jours de repos, elle bout rapidement et fait complétement dissoudre le savon.

L'air qui règne à Wissembourg est sain, quoique vif. Les maladies épidémiques y sont très-rares.

La ville doit son origine à l'abbaye de Bénédictins qui, dans le courant du septième siècle, s'établit à l'endroit où se trouve maintenant l'église de Saint-Pierre et Saint-Paul dont la construction date de 1288.

Vers 712, Dagobert III conféra à l'abbaye de Wissembourg les vastes domaines du Mundat inférieur.

Le Mundat de Wissembourg formait un canton fertile, dont la longueur à l'Est et à l'Ouest était de 20 kilomètres. Ce territoire qui d'abord avait appartenu exclusivement à l'abbaye, devint plus tard propriété commune entre l'abbaye et la ville.

Outre la ville de Wissembourg et un grand nombre de hameaux, le Mundat comprenait les huit villages du bailliage d'Altenstadt ; deux du bailliage de Saint-Remy ; Schweigen, Weiler et Saint-Germain qui appartinrent ensuite exclusivement à la ville de Wissembourg; Cléebourg, Rott, Steinseltz, Oberhoffen et Rechtenbach, soumis plus tard à la maison Palatine.

L'importance de Wissembourg s'accrut assez rapidement; cette ville devint bientôt la rivale de l'abbaye, et dès qu'elle s'en sentit la force, elle en secoua le joug et entra dans l'alliance des villes du Rhin.

Vingt-huit ans plus tard, on la retrouve ville libre impériale.

Albert Ier affranchit les Wissembourgeois de la juridiction du tribual de Spire. Charles IV , Sigismond, Maximilien Ier et Maximilien II étendirent encore ces franchises.

À partir de 1255, la justice criminelle s'exerça au nom de l'Empereur, dans la ville et dans le Mundat, par un Landvogt ou Schultheiss. Le droit de choisir ce magistrat fut alternativement concédé, puis retiré à la ville. Enfin en 1561, il lui fut formellement reconnu. A dater de cette époque, ce fonctionnaire reçut le titre de Stadtvogt. Sous le régime français, cette charge fut remplacée par celle de Prêteur royal.

A côté de ce magistrat, il existait à Wissembourg deux tribunaux, le Staffelgericht (justice graduelle) et le Cammergericht (tribunal caméral ou d'appel).

Le Staffelgericht ou Mundatgericht avait une juridiction très-considérable; elle s'étendait sur tout le bas-mundat. Il était présidé par un Schultheiss (prévôt) dont la nomination appartenait à l'abbé.

Le Cammergericht ou Rittergericht, formait le tribunal d'appel du Staffelgericht. Ce tribunal se composait de 14 membres dont 7 était choisis par l'abbé parmi ses ministériaux et vassaux nobles et 7 parmi les familles patriciennes du magistrat-local.

Le premier des nobles était président du tribunal..

La justice ne pouvait être rendue qu'autant que le tribunal était au complet; des Wârter ou suppléants tenaient la place des juges absents.

On appelait du Cammergericht à la chambre de l'Empire. Telle était l'organisation de la justice dans l'ancien Mundat ;' nous avons cru devoir la mentionner dans ce travail, parce qu'elle a laissé chez nous des traces nombreuses des lois et coutumes qui régissaient autrefois nos contrées.

La ville de Wissembourg eut beaucoup à souffrir de la guerre des paysans, mais bien plus encore de celle de trente ans ; elle fut réduite à un état si misérable que lors de la paix de Westphalie elle ne comptait plus que 140 habitants.

Le traité de Munster ne changea rien à la constitution de Wissembourg, si ce n'est que le roi de France fut substitué aux droits de l'Empereur.

Le décret du 3 novembre 1789, portant abolition du régime féodal, des justices seigneuriales, des privilèges, etc., fit rentrer dans le droit commun, toutes les provinces qui appartenaient à la France. Quelques semaines plus tard (22 décembre) l'assemblée nationale divisa la France en départements, districts et cantons.

Wissembourg fit partie du département du Bas-Rhin, dont il fut l'un des chefs-lieux de district et de canton.

Aujourd'hui il est chef-lieu d'arrondissement et de canton. Le habitants de la ville et surtout ceux de la campagne parlent la langue allemande, ce qui ne les empêche pas de tenir beaucoup à leur nationalité. Ils n'ont le regret et pour ainsi dire le souvenir d'aucune existence antérieure ; ils ne regardent pas d'un autre côté de l'horizon. Leurs cœurs et leurs âmes, leurs intérêts et leur ambition sont à la France.

Les usages qui avant 1789 régissaient les Wissembourgeois se trouvent consignés, en partie du moins, dans un manuscrit intitulé Droits et usages du Jfundat J. plusieurs de ces usages sont encore aujourd'hui en vigueur.

La banlieue de Wissembourg a une étendue de 1964 hectares 91 ares 9 centiares.

Sa population est de 5,240 habitants.

Sous le point de vue agricole, Wissembourg occupe le premier rang parmi toutes les communes du canton. C'est de la ville que partent presque tous les progrès. Ses habitants donnent l'exemple d'une culture soignée et assez bien raisonnée.

Cette année les différents produits agricoles se sont partagé le territoire de la banlieue dans les proportions suivantes :

Hectares. Ares.

Froment 145 » Épeautre ............ 36 » Seigle ............. 30 »

Hectares. Ares.

Orge 18 10 Maïs 2 » Avoine 36 15 Pommes de terre 80 12 Légumes secs 13 » Colza et navette 35 » Houblon 5 70 Prés naturels 151 » Prairies artificielles 42 05 Fourrages divers (navets, carottes, betteraves, topinambours, etc.) ....... 13 »

Vignes 237 » Vergers 18 50 Pâturages ........... 82 25

La proportion de culture indiquée pour 1857 est très-peu variable, car le système de rotation admis reproduit chaque année d'une façon presque identique la plus grande partie de ces cultures.

Cette observation s'applique à toutes les communes du canton.

Dans la banlieue de Wissembourg les labours sont principalement faits par les chevaux ; on emploie aussi à ces travaux les vaches et les bœufs, mais c'est là l'exception.

Il y-a dans la ville et ses environs peu de mouvement industriel , cependant , depuis quelques années l'établissement d'une fabrique d'allumettes chimiques et d'une lithographie assez considérables fournissent du travail à environ 400 ouvriers.

On compte dans le ban de Wissembourg cinq moulins à blé ; deux huileries, un moulin à broyer le chanvre et cinq tuileries.

La ville possède trois espèces de marchés, ce sont :

10 Des marchés quotidiens pour la vente des comestibles ; les principaux se tiennent le jeudi et le samedi ;

2o Un marché hebdomadaire pour les grains, les chevaux et les bestiaux de toute espèce et pour les marchandises de toute nature, fixé au jeudi;

3° Quatre foires principales fixées aux jeudis qui précèdent les Quatre Temps.

L'institution de ces foires et marchés remonte aux temps les plus reculés. On trouve dans les anciennes archives de la ville des traces, non pas de leur établissement, puisqu'il était beaucoup plus ancien, mais de leur réglementation faite en 1471 et 1570 par les empereurs Fréderic II et Maximilien II.

Ces différents marchés sont autant de débouchés offerts à l'agriculture qui, à l'exception des graines oléagineuses et des céréales, n'exporte qu'une faible partie de ses produits hors du canton.

Les comices agricoles ont été institués dans le Bas-Rhin par arrêté préfectoral du 1er juillet 1843. Les cantons de Wissembourg et de Soultz formèrent alors un comice. Plus tard (arrêté du 20 décembre 1856) une nouvelle organisation eut lieu par arrondissement.

Le comice agricole de l'arrondissement de Wissembourg compte déjà passé 600 membres actifs.

Le canton de Wissembourg en fournit 120.

Dès sa réorganisation le comice à répondu à l'impulsion donnée par l'administration.

Déjà quelques années auparavant il était entré résolument dans les voies du progrès, il a continué à y marcher d'un pas ferme. Les réunions du bureau se sont succédé avec régularité, et l'on s'y est occupé de rechercher les moyens les plus propres à faire disparaître la routine et à la remplacer par de bonnes méthodes.

ALTENSTADT.

Situé sur la Lauter, près de la frontière bavaroise à 2 kilomètres de la ville de Wissembourg, ce village très-ancien a dû avoir une certaine importance à l'époque de la domination des Romains.

Lors de la révolution de 1789, Altenstadt se trouvait être le che f-lieu d'un bailliage sous la domination de l'évêque de Spire, en sa qualité de prévôt du chapitre de Wissembourg. Alten.stadt faisait alors partie du Mundat inférieur et était par conséquent soumis aux lois et usages particuliers à cette seigneurie; mais depuis 1789 les anciens usages ont presque complètement disparu, et se sont confondus avec ceux en vigueur dans le reste du canton.

La banlieue d'Altenstadt a une étendue de 2854 hectares 51 ares 29 centiares ; toute cette superficie se trouve en plaine.

Son sol est généralement bon, quoiqu'on y rencontre toute espèce de terres depuis la plus forte jusqu'à la plus légère. Néanmoins le terrain sableux prédomine.

Pour l'année 1857 l'espace réservé aux différentes cultures se décompose ainsi qu'il suit :

Hectares. Ares.

Froment 3 43 78 Épeautre . 63 59 Seigle 108 60 Orge 65 79 Maïs 10 24 Avoine 63 79 Pommes de terre 174 23 Légumes secs 15 » Colza . 76 » Chanvre 9 61 Houblon 2 70 Tabac 1 30 Prés naturels 352 04 Prairies artificielles . 100 13 Fourrages divers ......... 138 71 Vignes 16 29 Vergers 4 56 Pâturages . 85 60

Pour les labours, on se sert à Altenstadt, dans des proportions à peu près égales, de chevaux et de vaches.

Les arbres qu'on fait de préférence entrer dans la composition des vergers sont : le prunier, le pommier et le poirier.

Sous le rapport de l'agriculture, Altenstadt est une des bonnes communes du canton.

Les progrès y sont assez sensibles, et l'éducation du bétail y est poursuivie avec succès. La banlieue produit bien au delà des besoins de la consommation des habitants du village ; elle fournit à Wissembourg une grande partie des céréales qui manquent à la ville.

Les forêts couvrent une superficie de 907 hectares 23 ares 80 centiares.

Il y a sur le territoire d'AItenstadt quatre moulins à blé ayant douze tournants, deux huileries et deux foulons à chanvre.

Dans le village on fabrique de la poterie commune d'assez bonne qualité.

Les annexes de la commune sont : Le Geidershof, le Geisberg, le Guthleuthof et Saint-Remy.

Population 1,183 habitants.

CLÉEBOURG.

Cette commune qui faisait jadis comme Altenstadt partie du Mundat, est située au pied des Vosges, entre deux petites collines, à une distance de 6 kilomètres de Wissembourg.

Les terres de sa banlieue sont disséminées dans la plaine, sur des hauteurs et sur le premier plan des montagnes.

C'est à Cléebourg que résidaient avant 1789 les baillis de la maison Palatine.

Aux termes de l'art. 8 du traité de Ryswick, le roi de France n'exerçait qu'un droit de souveraineté sur le territoire de ce village, tout comme sur ceux d'Oberhoffen, de Rott et de SLeinseltz, qui faisaient partie du bailliage de Cléebourg.

A cette époque ce dernier village se trouvait régi, quant aux

usages, par ceux appelés du Mundat que nous aurons l'occasion de rappeler assez souvent.

La nature des terrains de la banlieue de cette commune est assez varice ; on y trouve surtout le leimen ou lœss, le grès des Vosges et le terrain tertiaire.

L'étendue du ban est de 847 hectares 32 ares 97 centiares. Les différentes cultures y figurent cette année dans les proportions suivantes :

Hectares. Ares.

Froment 15 95 Épeautre 83 29 Seigle v . 1 85 Orge » 87 Avoine 2 16 Pommes de terre 38 80 Légumes secs 6 03 Colza 16 54 Chanvre 7 20 Houblon » 20 Prés naturels 133 95 Prairies artificielles 35 24 Fourrages divers ......... 33 32 Vignes 66 48 Vergers ............ 12 52 «

Dans la banlieue, pour effectuer les labours, on se sert presque exclusivement de bœufs et de vaches.

Les travaux d'agriculture sont assez soignés à Cléebourg, cependant sous le rapport du progrès cette commune n'est pas à la hauteur où elle pourrait atteindre. L'esprit de routine y domine beaucoup trop. Aussi les cultures industrielles qui y prospéreraient certainement, sont-elles presque complétement abandonnées.

Les bestiaux ne sont pas non plus l'objet d'une attention assez soutenue.

Il y a à Cléebourg une tuilerie assez importante, quatre moulins à blé et deux huileries.

Le Boechelbach et le Bremmelbach traversent une partie de la banlieue et alimentent les usines.

La population de cette commune est de 630 habitants.

En fouillant les amas de sables diluviens, on trouve à Cléebourg des filons de minerai de fer qui, à la vérité, n'ont pas une grande importance.

Le lignite et le bitume y étaient exploités dès 1740, mais les couches en ont été bientôt épuisées et celles qui restent encore sont trop insignifiantes pour être mises à profit.

CLIMBACH

La commune de Climbach est placée à 7 kilomètres du chef-lieu du canton, un peu au delà du sommet des Vosges appelé Pigeonnier (Scherhol, Schierhol) sur la gauche de la route de Wissembourg à Bitsch.

Ce village ainsi que celui de Wingen, faisait autrefois partie des seigneuries de Hohenbourg dont l'un des derniers titulaires était le baron de Sickingen.

Le sol de la banlieue de Climbach est en grande partie léger; il a pour éléments le grès des Vosges et le muschelkalk; cependant on y trouve aussi quelques terres fortes.

On y compte 470 habitants qui, pour la plupart, sont peu aisés.'

La superficie de la banlieue est de 650 hectares 86 ares 34 centiares.

En 1857 , les différentes espèces de cultures y ont été réparties comme suit :

Hectares. Are».

Froment 28 » Épeautre 2 » Seigle 8 64 Orge 2 36 Avoine ............. 2 »

Hectares. Ares.

Pommes de terre.. 33 » Légumes secs » 84 Colza » 46 Chanvre » 49 Prés naturels 37 62 Prairies artificielles 13 14 Fourrages divers 1 23 Jachères mortes 2 17 Pâturages ............. 22 »

Il n'y a point de chevaux à Climbacb.

Pour les transports des récoltes, les labours, etc., on se sert de bœufs et de vaches.

Dans la banlieue de cette commune, le sol est généralement assez ingrat, il exige beaucoup d'engrais et un travail incessant; aussi cette localité est-elle très-arriérée sous le rapport de l'agriculture.

Ses progrès sont presque nuls.

Il est vrai que, comme nous venons de le dire, la nature de ses terres n'est pas des meilleures ; mais avec plus d'ardeur et d'intelligence on obtiendrait néanmoins des récoltes beaur coup plus satisfaisantes.

Les habitants de Climbach sont peu aisés ; il n'en est peut-être pas dix dans toute la commune qui puissent disposer de quelques capitaux pour l'amélioration de leurs terres; c'est aussi là un des motifs pour lesquels l'agriculture n'y prospère pas.

On trouve dans le sol de Climbach quelques filons de lignite bitumineux, mais les traces en sont insignifiantes.

Les forêts occupent à peu près les deux tiers de la banlieue, elles s'étendent sur une superficie de 497 hectares 46 ares 10 centiares.

LEMBACH.

Lembach est une belle et importante commune, très-agréablement située dans une vallée formée par la chaîne des

Vosges. Au milieu serpente le ruisseau de la Sauer, qui arrose une grande partie de la banlieue.

Lembach est distant de Wissembourg de 1 myriamètre 4 kilomètres; il est traversé par la route départementale de Bitsch à Lauterbourg.

Avant 1789 la commune de Lembach avait pour derniers seigneurs le prince de Rohan-Soubise et les de Vitzthum ; elle était régie par une constitution particulière, et divisée par le ruisseau de la Sauer en Lembach-le-Bourg (féodal), et Lembach-le-Village (allodial). <

Le bourg était un fief des Fleckenstein, le village au contraire figurait parmi les allodiaux de cette ancienne famille. En 1712, le roi de France investit le prince de Rohan-Soubise de la partie féodale de Lembach, tandis que les de Vitzthum prenaient définitivement possession du village.

Pas plus que dans la majorité des communes du canton qui ne faisaient point partie du Mundat, la constitution des anciens seigneurs n'a laissé à Lembach des, traces qu'il soit possible de découvrir dans les usages locaux. On dirait que le soufle de la révolution a fait disparaître jusqu'aux moindres vestiges des coutumes imposées par la féodalité.

La banlieue de Lembach y compris ses nombreuses annexes, a une superficie de 4098 hectares 67 ares 50 centiares.

Ses terres sont généralement fortes et très.-favorables à la culture du froment ; elles contiennent dans des proportions variables, le lœss qui, formé d'un mélange d'argile de carbonate de chaux, de sable et de potasse, est si favorable à la végétation ; le muschelkalk, sur lequel se rencontrent aussi d'ordinaire des terres végétales fertiles ; enfin le grès des Vosges, presque entièrement couvert de forêts où prédomine l'essence de hêtre qui végète très-bien sur ce sol.

Cette année, les différentes espèces de cultures ont été admises dans la banlieue de Lembach, dans les proportions suivantes :

Hectares. Ares.

Froment ............ 240 »

Hectares. Ares.

Épeautre 5 » Seigle 80 10 Orge 10 » Avoine 1612 Pommes de terre 174 10 Légumes secs 9 » Colza 6 » Chanvre 8 05 Lin 1 10 Houblon » 50 Prés naturels 300 » Prairies artificielles ........ 90 » Fourrages divers 10 14 Vergers 11 89 Pâturages ........... 65 20

A Lembach et dans les nombreuses annexes qui en dépendent, on se sert, pour les travaux de la campagne, de chevaux et de bœufs; les vaches sont peu employées aux labours et aux charriages.

Les habitants de Lembach cultivent avec intelligence, mais ils ne donnent pas assez de soins à l'éducation du bétail, eu égard surtout aux belles et nombreuses prairies disséminées dans la banlieue, qui leur permettraient de donner beaucoup plus d'extension à l'élevage.

La population de Lembach et de ses annexes est de 1624 habitants.

Ces annexes sont les hameaux et les fermes ci-après qui formaient autrefois une dépendance de Lembach-le-Bourg :

Disteldorf, Fleckenstein, Frœnsbourg, Gimbel, Hechlenbacli, Katzenthal, Pfaffenbronn, Soultzthal, Trautbronn, Thalenbergerhof et Welschthal.

Il existe à Lembach et dans les environs deux moulins à blé chacun à deux tournants, deux huileries, deux tuileries et

trois brasseries dont les propriétaires fabriquent annuellement environ 365 hectolitres de bière.

Quatre marchés ou foires se tiennent à Lembach : le lundi avant le mercredi des Cendres; le lundi de la Pentecôte; le lundi après l'Assomption, et le lundi après la Saint-Martin d'hiver. Ces foires ont peu d'importance.

Des filons de minerai de fer se rencontrent dans une partie de la chaîne des Vosges qui avoisine Lembach ; ils consistent en un assemblage de veines irrégulières de fer hydroxidé qui traversent le grès en se ramifiant les unes dans les autres. Il y a passé un siècle, ces filons étaient exploités au profit d'une usine bâtie sur le territoire de la commune ; mais cet établissement a disparu , et depuis on n'a plus songé à utiliser des couches de minerai qui semblent épuisées.

Les sources abondent vers la base du terrain où repose le grès des Vosges; il en existe plusieurs dans les environs de Lembach. ,

NIEDERSTEINBACH.

La commune de Niedersteinbach distante de Wissembourg de 2 myriamètres 1 kilomètre, touche à la Bavière rhénane dont elle faisait partie en 1815. Depuis 1825 elle appartient à la France.

Au bas du village adossé à la montagne, coule le ruisseau dit Steinbach.

Niedersteinbach, trop éloigné du chef-lieu du canton, n'a point de débouchés faciles ; c'est un village pauvre, sans ressources agricoles et privé de presque toute industrie.

Une fabrique de poterie de grès qui n'occupe que cinq ou six ouvriers, un moulin à blé très-peu achalandé, une tuilerie et un foulon à chanvre forment son bilan industriel.

Sous le point de vue agricole, cette commune n'est pas mieux partagée.

Le grès des Vosges que l'on sait peu propre à la culture, o rme la base presque unique de son sol.

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Sa banlieue a une étendue de 829 hectares 62 ares 55 centiares. Au-delà de 600 hectares sont couverts de forêts.

Pour l'année 1857 l'espace réservée aux différentes cultures se décompose ainsi qu'il suit :

Hectares. Ares.

Froment 11 » Seigle 39 t2 Orge 8 » Avoine 5 07 Pommes de terre 70 35 Chanvre 2 » Lin » 60 Prés naturels 35 » Prairies artificielles 4 » Fourrages divers 1 20 Pâturages et terres incultes ...... 42 15

Pour les labours et les transports on se sert de bœufs et de vaches. Il n'y a dans la commune que trois chevaux.

En comparant l'étendue de terrain cultivée en froment, avec celle ensemencée de seigle, on trouve que dans les banlieues de Niedersteinbach et d'Obersteinbach cette dernière culture occupe trois fois plus de terrain que la première. C'est que le seigle est la culture des pays pauvres et que le progrès agricole est en raison inverse de's surfaces ensemencées de seigle.

Cette espèce de céréale se passe presque de fumier, néanmoins elle épuise la terre et produit assez pèu. Cultivée comme fourrage elle rendrait, surtout dans ces communes, d'excellents services et fournirait un puissant moyen d'améliorer un mauvais sol.

Un hectare de seigle donne un bon fourrage vert précoce, équivalent à plus de 6000 kilogrammes de foin sec, d'une valeur de 200 fr. environ, et créant 20,000 kilogrammes d'engrais, si on le fait consommer par le bétail. Cette récolte ne fatigue pas le sol, et on peut la couper assez tôt pour que le terrain bien disposé puisse recevoir encore une récolte très-productive.

En employant ce système, nous croyons que les communes de Niedersteinbach et d'Obersteinbach finiraient par avoir plus de terres à froment et amélioreraient sensiblement leur agriculture.

Vers l'an 1:304, Niedersteinbach appartenait aux nobles de Wasenstein ; de leurs mains il passa à celles de l'abbaye de Neubourg, puis en 1520, il fut vendu aux seigneurs de Fleckenstein, qui le cédèrent au comte de Ilanau-Lichtenberg en 1711. A ces différentes époques, Niedersteinbach se trouvait soumis aux coutumes souvent arbitraires et changeantes que lui imposaient ses seigneurs ; mais comme les usages d'alors n'avaient rien de stable, ils n'ont pas laissé de profondes racines dans la localité ; aussi les usages aujourd'hui en vigueur à Niedersteinbach, ne différent-ils presque point de ceux du reste du canton.

Annexes : Lindel et Wengelsbach. Population : 460 habitants.

OBERHOFFEN.

Oberhoffen, qui est le plus petit village de tout le canton de Wissembourg, ne compte que 152 habitants.

Il est situé vers la plaine sur la droite de la route impériale de Wissembourg à Strasbourg entre Rott et Steinseltz à 3 kilomètres du chef-lieu du canton.

Le ruisseau dit Seltzbach traverse la commune.

Compris dans le nombre des localités qui faisaient autrefois partie du Mundat, Oberhoffen appartenait au bailliage de Cléebourg et avait pour seigneurs les ducs de Deux-Ponts.

Dans la banlieue de cette commune, on rencontre des terres fortes à base de lœss, et d'autres qui ont pour base les terrains tertiaires dont on trouve des dépôts au fond de plusieurs vallées des environs de Wissembourg.

Ces terres qui sont généralement assez fertiles, le deviendraient à un haut degré si, pour les assainir, on avait recours à des opérations de drainage dont au moins 100 hectares auraient besoin.

Les habitants d'Oberhoffen entretiennent leurs terres avec assez de soins, et par la combinaison de leurs cultures, celles-ci se trouvent presque toujours dans un état convenable d'ameublissement et de propreté.

Le système d'assolement le plus suivi est celui de trois ans. Comme dans la plupart de nos communes, l'éducation du bétail mérite peu d'éloges , aussi les bestiaux sont-ils presque tous assez chétifs. Ils pourraient être plus nombreux, car la pénurie des engrais se fait souvent sentir et les récoltes en souffrent.

La superficie du ban d'Oberhoffen est de 304 hectares 85 ares 35 centiares.

Cette année les différentes espèces de cultures ont été réparties ainsi qu'il suit sur la superficie cultivable de la banlieue :

Hectares. Ares.

Froment 46 » Seigle . 2 » Orge 5 112 Avoine 5 08 Pommes de terre 25 » Légumes secs » 50 Colza 1 22 Chanvre 1 15 Près naturels 78 25 Prairies artificielles ......... 12 » Fourrages divers 16 53 Vignes 14 69 Vergers 3 44 Pâturages ............ 10 »

Il n'y a point de chevaux dans la commune.

Une tuilerie d'un très-faible rapport, est la seule usine qui existe à Oberhoffen dont la population est de 152 habitants.

Ce village était soumis aux usages du Mundat.

ODERSTEINBACH.

Tout à l'extrémité du canton, au milieu des montagnes des Vosges qui l'èntourent, se trouve placée la commune d'Obersteinbach.

Elle est à 2 myriamètres 3 kilomètres de la ville de Wissembourg, avec laquelle elle n'a presque pas de relations.

Obersteinbach faisait autrefois partie du bailliage de Lembcrg, situé entre l'Alsace, la Lorraine et les possessions des ducs de Deux-Ponts. Ce bailliage fut rattaché à la seigneurie de Hanau-Lichtenberg, par la cession que lui en fit le comte de Denx-Ponts-Bitscb.

Abandonnée à la Bavière en 1815, cette commune en a été détachée de nouveau et réunie à la France en 1825.

Le ruisseau nommé Steinbach, prend sa source sur la banlieue d'Obersteinbach dont la superficie est de 300 hectares 22 ares 10 centiares.

Le sol y est léger et peu fertile, il n'est guère propre qu'à la culture des pommes de terre et du seigle ; le froment et l'orge y viennent mal.

Les forêts qui de tous côtés entourent la commune, sont surtout composées d'essences de hêtre. Les habitants d 'Obersteinbach emploient une grande partie des bois qu'elles fournissent, à la fabrication de sabots; c'est presque leur seule ressource, car l'agriculture produit à peine ce qu'il faut pour subvenir à l'entretien de la population dont le chiffre s'élève à 610 habitants.

Il existe à Obersteinbach un moulin à un seul tournant qui chôme souvent.

Voici comment en 1857 se sont réparties les différentes cultures :

Hectares. Ares.

Froment 8 57 Seigle 36 » Orge 10 60 Avoine 6 28 f

Pommes de terre 61 18 Légumes secs 12 » Chanvre » 63 Lin. 2 53 Prés naturels 57 » Prairies artificielles 9 » Jachères mortes 3 40 Vergers » 66 Bruyères et patis .......... 12 22

Pour les travaux de le campagne, on se sert de bœufs et de vaches. Dans tout Obersteinbach, on ne compte que trois chevaux.

Cette commune ne dispose pas d'engrais suffisants pour améliorer ses terres ; le manque de la paille nécessaire à la litière s'y fait fortement sentir. Il y aurait moyen de remédier au moins en partie, à un état de choses vraiment déplorable pour l'agriculture locale; ce moyen consisterait dans la création de troupeaux de moutons. Le parcage serait d'une utilité incontestable sur des terrains qui sont généralement d'une nature légère et sablonneuse. Outre l'engrais que fourniraient les moutons, leur piétinement produirait un bon effet sur ces terres.

Il n'y a pas dans cette commune d'usages en vigueur qui diffèrent de ceux qui existent dans le reste du canton.

RIEDSELTZ.

Riedseltz est une grande et importante commune presque entièrement située dans la plaine, sur la route impériale de Wissembourg à Strasbourg.

Le village est divisé en deux parties par le ruisseau dit Seltzbach.

En 1350 Anselme de Batzendorff, alors propriétaire de Riedseltz, le céda à Henri de Fleckenstein-Soultz. Par les Fleckenstein il échut aux Linange. Le comte Emich de Linange le vendit en 1571 à l'ordre teutonique qui le posséda jusqu'à la révolution de 1789.

La superficie de la banlieue de Riedseltz est de 954 hectares 12 ares 6 centiares

C'est une localité exclusivement agricole où l'on ne rencontre aucune autre espèce d'industrie. La culture y est en voie de progrès ; malgré cela, on n'a pas encore pu obtenir des propriétaires qu'ils fassent exécuter des travaux de drainage dans la partie de leurs terres et de leurs prairies qui en auraient besoin. On peut évaluer à environ 150 hectares l'étendue de terrain qui réclame impérieusement les améliorations du drainage.

Les habitants de cette commune ne donnent pas non plus assez de soins à leurs prairies. Sur les 195 hectares de prés naturels qui existent dans la banlieue, 5 seulement sont arrosés naturellement et on n'a pas encore eu recours à l'arrosement artificiel qui cependant pourrait se pratiquer sans beaucoup de peine.

La terre végétale de Riedseltz repose sur le lias, le lœss et le terrain tertiaire. Elle est en général assez fertile ; aussi plus des trois quarts de la superficie du ban sont-ils cultivés comme terres arables.

Cette année les différentes espèces de cultures ont été réparties de la manière suivante dans la banlieue de Riedseltz :

Hectares. Ares.

Froment 238 D Épeautre 37 » Seigle ............. 34 05 Orge 9 10 Maïs ............. 1 5

Hectares. Ares.

Avoine 27 12 Pommes de terre 73 10 Légumes secs 6 » Colza 82 12 Chanvre 3 » Houblon » 25 Tabac 1 » Prés naturels 195 » Prairies artificielles ........ 47 15 Fourrages divers 86 06 Vignes 18 50 Vergers 15 69 Jachères mortes .......... 76 »

Le chiffre élevé indiqué pour les jachères pourrait faire croire qu'elles entrent dans le système d'assolement adopté à Riedseltz. Il n'en est rien. Ce n'est qu'accidentellement qu'une aussi forte partie de terres est restée sans culture. Cela provient de ce qu'un propriétaire étranger n'ayant pas pu affermer ses biens aux prix qu'il désirait en obtenir, a préféré les laisser reposer pendant un an.

Pour les labours et les autres travaux de la campagne, on se sert presque uniquement de chevaux, dont l'élevage fait de sensibles progrès dans cette commune.

En effet, depuis près de dix ans, plusieurs cultivateurs aisés de Riedseltz se livrent à l'élève du cheval et ils y réussissent d'une manière satisfaisante. Les produits qu'ils ont présentés cette année à la commission hippique étaient de bonne qualité ; et les éleveurs de Paris présents aux courses de juillet dernier ont généralement apprécié la force et la vitesse qui distinguent les chevaux de Riedseltz.

L'introduction de la culture du tabac ne date que de deux ans. Les propriétaires qui en ont fait l'essai, n'ont eu qu'à se féliciter du résultat obtenu. On devrait lui donner une plus grande extension.

La population de la commune est de 1,244 habitants dont beaucoup jouissent d'une grande aisance.

Wissembourg forme le principal débouché des produits agricoles de Riedseltz, qui ne se trouve qu'à une distance de 5 kilomètres du chef-lieu du canton.

Cette commune a pour annexes, Dieffenbach et le Schaafhof.

ROTT.

Le petit village de Rott est agréablement situé à 3 kilomètres du chef-lieu du canton sur la gauche de la route de Wissembourg à Bitsch.

Une partie de son territoire se trouve dans la plaine, l'autre est formée de petites collines qui précèdent la chaîne des Vosges.

Avant la révolution, Rott était administré par le bailli de Cléebourg, au nom du duc de Deux-Ponts son seigneur. Il faisait partie du Mundat, et avait adopté ses usages qui, aujourd'hui sont complétement confondus avec ceux du reste du canton.

Les habitants de la commune de Rott sont actifs ; ils donnent tous leurs soins à l'agriculture qui forme leur seule industrie.

La banlieue de la commune a une superficie de 318 hectares 81 ares 66 centiares.

Ses terres qui ont pour base le lœss et le terrain tertiaire palustre, sont généralement assez fertiles, mais elles auraient besoin d'être assainies par le drainage, car une grande portion (près de 150 hectares) est traversée par des infiltrations d'eaux souterraines qui se perdent près de la surface du sol et donnent lieu à la formation de parties marécageuses.

L'étendue des vignes est de 51 hectares 71 ares 80 centiares. Elles sont presque toutes placées à une bonne exposition , et les propriétaires apportent une attention particulière à leur culture; aussi le vin de Rott a-t-il un certain renom dans le pays.

Les autres cultures se partagent les terres de la banlieue dans les proportions que nous allons indiquer :

Hectares. Ares.

Froment 35 12 Épeautre 36 07 Seigle 4 » Orge 2 » Avoine 12 08 Pommes de terre 24 16 Légumes secs 2 » Colza et navette 2 12 Chanvre 2 62 Prés naturels 64 96 Prés artificiels 25 » Fourrages divers; 13 » Vergers 6 50 Pâturages ........... 5 16

Il n'y a point de chevaux dans la commune de Rott ; les bœufs et les vaches sont les seuls animaux dont se servent les habitants, soit pour les labours, soit pour les charriages.

Le chiffre de la population de la commune est de 528 habitants.

Il y a à Rott un moulin à blé, mais il est très-peu occupé, car beaucoup d'habitants font moudre à Wissembourg.

STEINSELTZ.

Steinseltz est encore un des villages qui, avant 1789, faisaient partie des vastes domaines privilégiés connus sous le nom de Mundat. Il appartenait au bailliage de Cléebourg et était un fief de l'Église de Wissembourg.

L'évêque de Spire, comme prieur de l'abbaye, y conférait les fonctions de Schultheiss. Plus tard, Steinseltz fut compris dans les terres Palatines, Électorales et de Deux-Ponts.

Le sol de cette commune est en grande partie de bonne

qualité ; cependant en différents endroits il aurait besoin d'être soumis à des travaux de drainage, afin de faciliter l'écoulement des eaux souterraines.

La banlieue de Steinseltz a une étendue de 543 hectares 16 ares 40 centiares.

Voici dans quelles proportions les différentes cultures ont été réparties sur le territoire de cette commune pendant l'année 1857 :

Hectares. Are., Froment 79 94 Épeautre 9 59 Seigle 2 21 Orge 4 66 Maïs » 11 Avoine 13 37 Pommes de terre 38 19 Légumes secs 3 59 Colza et navette 16 07 Chanvre 2 62 Houblon » 26 Tabac » 80 Prés naturels 180 » Prairies artificielles ........ 29 65 Fourrages divers 15 67 Vignes 46 33 Vergers 15 15 Pâturages ........... 8 »

Pour les labours et les transports des récoltes on se sert, dans des proportions à peu près égales, de chevaux et de bœufs; on emploie aussi les vaches comme bêtes de trait, mais ces attelages forment l'exception.

Les bestiaux sont de la part de leurs propriétaires l'objet de soins assez entendus, aussi l'amélioration des races est-elle sensible dans cette commune qui, avec quelques encou-

ragements marchera sans nul doute, d'un pas rapide dans la voie du progrès.

Dans le courant de l'année quelques travaux de drainage ont été exécutés dans la banlieue de Steinseltz ; mais ils sont insignifiants eu égard à la quantité de terrains qui réclament ce genre d'amélioration. Ils ne se sont étendus que sur environ un hectare.

Steinseltz a pour annexe la belle ferme du Schaafbusch. En fait d'usines, il ne s'y trouve qu'un moulin à blé à deux tournants.

La population de la commune et de son annexe est de 603 habitants.

La banlieue de Steinseltz fait partie de la concession dite de Cléebourg, pour l'exploitation du lignite, du pétrole et du malthe, mais aucun travail n'y a été entrepris à cet effet jusqu'à ce jour.

WEILER.

Ce village était, il y a peu de temps encore, une dépendance de Wissembourg. Érigé maintenant en commune, il ne possède pas de banlieue. Sa seule propriété territoriale consiste en 13 hectares 12 ares de forêts qui lui ont été concédés par le domaine et la ville de Wissembourg, pour le rachat d'une partie des droits d'usage dont il jouissait sur les forêts du Mundat.

Weiler n'est distant de Wissembourg que de 2 kilomètres; il est très-pittoresquement situé dans une vallée traversée par la Lauter.

Ses habitants sont généralement peu aisés. Leur principale industrie consiste dans le blanchissage du linge et de la toile.

Le Langenberg, qui forme aujourd'hui deux propriétés distinctes dont l'une surtout, nouvellement créée et placée tout près du village, se fait remarquer par son admirable culture.

Le chiffre de la populàtion de la commune est de 544 habitants.

Une scierie assez bien achalandée a été bâtie il y a une vingtaine d'années à l'extrémité du village, non loin de la chapelle érigée par Marie Leczinska, fille du roi Stanislas et femme de Louis XV.

On exploite dans les environs de Weiler, le porphyre brun qui fournit une bonne qualité de pierres pour pavés.

Au milieu de la composition uniforme de la chaîne des Vosges, on observe à Weiler, non loin des affleurements de roches ignées dont nous venons de parler, quelques filons de fer peu abondants.

WINGEN.

Cette commune se trouve partagée en deux par un vallon assez profond ; d'un côté, sur la hauteur, se trouve le village proprement dit; de l'autre, bâti sur une colline moins élevée, est placé le Petit-Wingen.

Avant la révolution de 4789 , Wingen faisait partie de l'ancienne seigneurie de Hohenbourg, advenue aux Sickingen.

Sous le rapport de la qualité du sol, la banlieue de Wingen laisse beaucoup à désirer. A l'exception d'une étendue très-limitée de terrain où le muschelkalk entre comme élément important dans la constitution du sol, le reste du ban repose sur le grès des Vosges et le grès bigarré qui donnent une terre peu propre à la culture.

La couche arable varie singulièrement de profondeur. Sur la montagne, elle ne dépasse guère 8 centimètres ; dans la vallée, au contraire, elle a jusqu'à 25 centimètres d'épaisseur et plus encore. C'est naturellement dans la partie la plus fertile qu'on admet la culture du froment.

Placé à la distance de 1 myriamètre du chef-lieu du canton , Wingen a pour annexe le Litschhof.

Sa population est de 749 habitants.

La superficie de sa banlieue est de 1,678 hectares 99 ares 6 centiares.

Les forêts couvrent une étendue d'environ 1,278 hectares. En 1857, les différentes espèces de cultures ont été réparties dans les proportions suivantes sur le territoire de Wingen :

Hectares. Ares.

Froment 104 » Épeautre 6 10 Seigle 20 05 Orge 5 » Avoine 10 12 Pommes de terre 70 22 Légumes secs 4 » Colza 3 » Chanvre 2 05 Lin 1 » Prés naturels 79 10 Prairies artificielles 30 » Fourrages divers 5 16 Pâturages et bruyères ........ 40 50

A Wingen, pour les labours, la rentrée des récoltes, les transports des fumiers et tous les autres charriages, on se sert de bœufs et de vaches.

Il n'y a que deux chevaux dans la commune.

Les sept dixièmes des forêts se composent d'essence de hêtre et fournissent aux sabotiers le bois dont ils se servent pour la confection des sabots communs, qui se fabriquent en grande quantité dans ce village.

Il y a aussi dans les deux Wingen, quelques charbonniers qui débitent leurs produits à Wissembourg et dans les localités environnantes.

Wingen, passablement déshérité sous le rapport de l'agriculture, possède plusieurs carrières qu'on exploite. Les unes fournissent des pierres de seconde qualité et d'un grain un peu grossier, c'est le grès des Vosges; des autres on retire de beaux blocs de grès bigarré.

NOMENCLATURE DES ANCIENS POIDS ET DES ANCIENNES MESURES QUI, EN 1789, ÉTAIENT EN USAGE A WISSEMBOURG ET DANS LES ENVIRONS.

Mesures itinéraires.

Les distances itinéraires se mesuraient autrefois dans le Mundat par Schritt (pas) ; plus tard par Stunde (lieue).

La lieue du pays était égale à 4,444 mètres.

La lieue de poste à 3,898 mètres.

Mesures agraires.

Les mesures agraires autrefois en usage à Wissembourg étaient aussi adoptées dans la grande majorité des villages qui font aujourd'hui partie du canton. C'étaient :

Le Schuh (pied) divisé en 12 pouces, égal à 5/18 du mètre, ou Om,2777.

Le Ruthe (perche) qui valait 16 pieds de Wissembourg, soit 4 mètres 44 centimètres. La perche carrée = 19 centiares 75.

Le Morgen (journal ou .arpent) qui valait 4 Viertel, ou 25 ares 28 centiares.

Le Viertel (quart) = 6 ares 32 centiares.

A Oberhoffen, la perche était égale à .... lf.II1,450 A Steins eltz » » .... 4m ,449 A Rott » » .... 4m,446

Mesure des toiles, draps et étoffes.

L'Elle (l'aune) servait à mesurer les draps, les toiles, etc., elle était égale à la dix-millième partie de la lieue d'Alsace de 20 au degré, soit 1 pied 8 pouces 6 lignes 2,755.

D'après le système décimal, l'aune égalait les 5/9 du mètre ou Om,555.

BOIS.

Le bois de chauffage se vendait communément au Klafter, Schlitten (corde) valant trois stères.

Mesures de capacité pour les liquides.

Pour mesurer les liquides , on faisait usasse :

Du Fuier, qui valait 12 Ohrnen ou ... -10h,801it Du Ohm (mesure) 12 Vier.tel ou ... Oh,90 Du Viertel (quarteau) 4 Maas ou ... Oh,07 50 Du lWaas (pot) 4 Schoppen Oh,01 87 Du Schoppen (choppine) ....... Oh,OO 46

Le Kupfermaas du chapitre de Wissembourg, servant à mesurer les vins qui lui étaient livrés en rentes perpétuelles contenait 2 Maas soit 3 litres 74 centilitres.

Mesures pour les matières sèches.

Pour mesurer les grains, les fruits durs, le sel, etc., on se servait :

Du Malter, plus anciennement encore Achtel.

Le Malter se subdivisait en Simmer (boisseau), mais il n'en contenait pas le même nombre pour toutes les denrées.

Le Malter pour les fruits durs, pour le froment, pour le sel, contenait 8 Simmem = 128 litres.

Le Malter pour l'épeautre, l'avoine et les graines légères contenait 9 Simmern = 144 litres.

Le Sirmner (boisseau) avait 4 Vierling ou 16 Messeln = 16 litres.

Le Vierling contenait 4 Achtling ou Messeln = 4 Iiires.

Le Messel (litron) répondait exactement à notre litre actuel.

POIDS.

Les poids dont on faisait usage étaient :

Le Zentner (quintal) qui valait 100 livres == 47k,654gr Le Pfund (livre) ..... 32 Loth = Ok,476 54

Le Loth (demi-once) qui valait 4 Gros.

Le Gros qui valait 60 grains.

Le kilogramme comparé à ces anciens poids vaut 2 Pfund 4 Loth 2 Gros de Wissembourg.

MONNAIES.

La ville de Wissembourg avait aussi ses monnaies particulières; elles consistaient en: Gulden, Balzen, Schilling et Pfenning.

Le Gulden de Wissembourg valait 15 Balzen ou 20 Schilling, x ou 2 livres de France.

Le Balzen = 16 Pfenning — 13c,33.

Le Schilling = 12 Pfenning — 10 c.

Le Pfenning = 2 deniers de France.

Six Pfenning de Wissembourg valaient un sol.

ÉNUMÉRATION DES RUINES ET DES MONUMENTS HISTORIQUES DE LA VILLE ET DU CANTON DE WISSEMBOURG.

Notice sur ces monuments.

Nous venons de faire connaître toutes les ressources agricoles du canton de Wissembourg ; nous avons dit combien il a fallu à nos cultivateurs de temps et de persévérants efforts pour arriver au degré d'amélioration agricole auquel ils sont parvenus, et combien ils devront modifier encore des habitudes trop routinières avant d'atteindre ce que nous nommerons la perfection; mais jusqu'à présent nous n'avons parlé ni des monuments historiques qui décorent nos cités, ni des ruines gigantesques qui couronnent nos montagnes.

Ces témoins muets de transformations incessantes, d'améliorations lentes peut-être, mais importantes néanmoins, méritent bien qu'on s'arrête un instant devant eux et qu'on se reporte par la pensée aux époques où ils ont été construits,

aux temps où ils servaient d'asile à de nombreux seigneurs dont il ne reste plus que de rares descendants.

Qu'étaient, il y a cinq cents ans, la plus grande partie de ces terres, maintenant cultivées avec tant de soins?

Des landes incultes, des bruyères improductives, de mauvaises prairies, inégales et ondulées qu'on ne se donnait même pas la peine de faucher.

Et tous nos cultivateurs, aujourd'hui si fiers d'une profession honorée, qu'étaient-ils ? ,

Disséminés dans les campagnes, opprimés par les seigneurs, j-, qui ne songeaient à eux que lorsqu'il s'agissait de percevoir la L _ ; dîme; on les nommait des Paysans, c'est-à-dire, des serfs méprisés, ne prenant aucune part au mouvement intellectuel 0 qui pouvait se produire autour d'eux.

Les siècles se sont succédé; la condition du cultivateur s'améliorant tous les jours est devenue une profession que pratiquent les hommes les plus éclairés. Entourée d'estime et de considération, l'agriculture a pris le premier rang parmi les arts utiles, et le chef de l'État lui a rendu une éclatante justice en proclamant que « de son déclin ou de son améliora« lion date la prospérité ou la décadence des empires. »

Pendant que la civilisation et l'agriculture progressaient,

les manoirs féodaux, au contraire, s'écroulaient les uns après les autres; mais Dieu en conservait les ruines, pour prouver à l'humanité que les plus redoutables forteresses ne peuvent résister à la marche entraînante du progrès.

C'est surtout dans nos contrées, au milieu de monuments et de ruines rappelant d'autres siècles, qu'on reconnaît l'intervention d'une providence réparatrice, éclatant témoignage d'une éternelle sollicitude.

On ne trouvera donc pas déplacé que nous consacrions quelques pages à ces monuments et à ces ruines, et qu'en regard du tableau de la nature, nous placions celui de l'histoire.

VILLE DE WISSEMBOURG.

Abbaye.

Vers le versant oriental des Vosges, sur les bords de la Lauter, dans une contrée riante, fertile et pittoresque, Dagobert 1er, roi d'Austrasie fonda, disent certains chroniqueurs, en l'année 623, un assez modeste cloître, qui plus tard devint la puissante abbaye de Wissembourg.

Cependant, ni le nom du fondateur, ni la date que nous venons d'indiquer sur la foi d'une charte dont l'authenticité est des plus contestables, ne sont généralement acceptés. Schœpflin fixe l'origine du cloître à l'année 674, Zeuss à 685 environ.

Au milieu d'une semblable divergence, quelle date adopter? Nous pensons qu'il serait imprudent de vouloir trancher une question, que dès le dixième siècle, les moines de Wissembourg eux-mêmes étaient dans l'impossibilité de décider. Admettons plutôt qu'il n'existe rien de positif sur l'origine de l'abbaye, et prenons son histoire à partir de l'époque où les renseignements deviennent plus précis.

Dès son établissement, l'abbaye adopta la règle de Saint-Colomban, l'un des premiers fondateurs des monastères en Alsace. Ses moines ne tardèrent point à s'illustrer par leur savoir, et plusieurs de ses abbés se distinguèrent par une haute piété.

L'abbaye mérovingienne de Wissembourg existait depuis deux siècles à peine, que déjà Dagobert III en faisait l'un des plus grands et des plus riches établissements d'Allemagne, et que les dotations qu'il lui assignait, lui permettaient de prétendre au plus brillant avenir. Aussi la voit-on bientôt prendre rang parmi les quatre abbayes de l'Empire. En même temps ses possessions s'étendent avec une rapidité surprenante en Alsace, en Lorraine, dans le Palatinat, dans le pays

de Bade, et, tout près du cloître, elle acquiert la propriété des vastes domaines privilégiés du Mundat.

Nous verrons que l'accumulation même de toutes ces possessions éparses, devint, dans un moment donné, pour l'abbaye, une source de troubles, de désorganisation et de malheurs.

Attirés par l'appàt du bien-être, autant que par celui d'une protection puissante et immédiate, les populations des environs vinrent successivement se grouper autour du monastère. Elles formèrent peu à peu une colonie, prenant chaque jour plus de consistance ; puis une cité cherchant à secouer le poids de la protection abbatiale souvent despotique ; et enfin une ville libre se déclarant ouvertement la rivale de l'abbaye.

Incendiés à deux reprises différentes (en 985 et en 1004), le cloitre et l'église durent être reconstruits par les soins des abbés. L'un d'eux, l'abbé Samuel, dans le but de garantir ces constructions de toute invasion subite, fit bâtir en avant d'elles les forteresses de Saint-Germain, Saint-Paul et Saint-PanLaléon (1060). Un quatrième fort, Saint-Remy, fut construit plus tard, sous l'administration de l'abbé Edelin, qui fit aussi entourer le cloître d'une enceinte bastionnée.

Ces précautions n'étaient pas inutiles. Depuis quelque temps l'abbaye avait eu à se plaindre d'usurpations et d'empiétements commis par la population qui s'agglomérait autour d'elle.

En 1247 Wissembourg se réunissait à d'autres villes du Rhin et formait avec elles une véritable alliance défensive qui ne pouvait être que défavorable à l'abbaye. Plus tard (1275) Rodolphe de Habsbourg étendit au détriment du chapitre, les droits et les priviléges de la ville qui, oubliant tout ce qu'elle devait à l'abbaye, finit par se séparer d'elle pour se ranger sous la bannière impériale (1292).

A partir de ce moment tout accord disparut. Aux tiraillements succédèrent des luttes sérieuses dans lesquelles l'abbaye avait rarement l'avantage. La ville augmentait de jour en jour en force et en richesse. L'abbaye au contraire déclinait visi-

blement et perdait petit à petit son immense fortune et avec elle une grande partie de son prestige.

On la voit alors obligée de céder à Wissembourg la moitié de sa juridiction sur le Mundat; peu après (1431), l'empereur supprime le serment de fidélité dû à l'abbé; enfin en 1518, Maximilien, tout en ménageant les droits de l'abbaye, décide que la ville, moyennant une faible redevance envers l'abbé, serait dispensée de le consulter sur la nomination de ses magistrats et percevrait les impôts sans son concours.

A partir de ce moment, la ville de Wissembourg devenait presque'une puissance, ne comptant plus avec l'abbaye, mais lui imposant ses volontés.

Lésée, tantôt par les prétentions de la ville, tantôt par les exigences des autorités médiatrices, plus à craindre encore, l'abbaye tombait chaque jour un peu plus bas, et cela par sa propre faute. A la vie régulière et pieuse, à l'esprit d'ordre et d'économie, par lesquels brillaient les membres de la congrégation pendant les premiers siècles de l'établissement du monastère , avaient succédé des goûts de dépense qui entamèrent le patrimoine du couvent,

L'immense donation de Dagobert s'amoindrissait visiblement, et les brêches faites aux finances de l'abbaye, n'étaient pas faciles à combler, car tous ses biens se trouvaient criblés de dettes. En 1460, la détresse était arrivée à son comble. Les moines de Wissembourg qui appartenaient presque exclusivement aux meilleures familles d'Alsace, de Lorraine et du Rhin supérieur, ne prenaient plus le moindre souci de leurs devoirs religieux ; ils ne s'occupaient que du soin de satisfaire les fantaisies les plus mondaines et d'enrichir leurs familles au détriment du couvent. Leur froc était devenu un appât pour la noblesse qui en couvrait des habitudes de luxe et de dépravation.

A la mort de l'abbé Philippe Schenck d'Erpach (1467), l'abbaye avait 30,000 florins de dettes, somme très-importante à cette éqoque.

Fréderic-le-Victorieux, comte palatin du Rhin délégué de l'Empereur dans la Basse-Alsace , qui, en sa qualité de préfet de la décapole alsatique, exerçait un patronage sur le couvent, voulut réformer ces abus, et avec l autorisation du pape, il fit venir de la congrégation de Burckfeld deux religieux qui devaient rétablir l'ordre dans le monastère et y faire refleurir la règle de Saint-Benoit si méconnue dans les derniers temps.

La commission commença ses réformes avec l'aide du conseil de la ville, mais non avec les sympathies de la population qui prit ouvertement parti pour les anciens moines. Des manifestations tumultueuses se produisirent à plusieurs reprises, et continuèrent jusqu'à ce que les commissaires se fussent retirés. Les Wissembourgeois rappelèrent alors l'abbé Jacques de Bruck et son prieur Anthis de Linange qui s'étaient refugiés au château de Drachenfels ; ils s'emparèrent du prévôt de la maison palatine qui occupait le fort de Saint-Paul ; ils pillèrent ce dernier et ouvrirent un asile à tous ceux qui juraient haine à Frédéric.

Le 5 décembre 4471, après une lutte qui avait duré plus de deux ans, la paix fut conclue entre les Wissembourgeois, l'abbaye et l'électeur palatin. Jacques de Bruck et Anthis de Linange restèrent maîtres du terrain , mais les moines de Burckfeld furent admis à titre de chanoines.

L'abbé Jacques de Bruck mourut en 1472, après une admi-

1* L'origine des comtes palatins vient des palais (Pahen, Pfafaen), que les anciens rois et empereurs francs possédaient dans le Palatinat, et où ils avaient établi, depuis la ruine de l'institution des missi dominici, des officiers chargés à la fois d'administrer leurs revenus, de maintenir les droits royaux sur les ducs, et de rendre la justice. Ces officiers étaient appelés comtes palatins (Pfahgrafen) ; les électeurs palatins du Rhin portèrent d'abord le titre de comtes palatins de Lorraine. Ils profitèrent des désordres et de l'anarchie des premiers temps féodaux pour se rendre souverains dans les domaines impériaux; ils agrandirent leurs États, prirent le titre de Comtes palatins du Rhin et devinrent les premiers princes séculiers de l'empire d'Allemagne.

La dignité palatine, après avoir appartenu à plusieurs familles, entre autres à celle des Guelfes, fut enfin fixée, en 1215, dans la maison de Wittelsbach, qui possédait déjà la Bavière.

nistration des plus agitées, et il fut remplacé par Henri de Hombourg qui avait été auparavant à la tête de l'abbaye de Mersebourg. -

Quatre années plus tard, s'éteignit dans la disgrâce, l'intelligent et redoutable Fréderic-le-Victorieux, qui avait été mis au ban de l'Empire.

Il eut pour successeur son neveu Philippe l'Ingénu. Ce prince ne prit pas personnellement possession de la prévôté d'Alsace; il s'y fit représenter par le cruel Jean de Dratt, frère de l'évêque de Mersebourg, avec lequel le nouvel abbé de Wissembourg avait eu des démêlés assez sérieux.

Jean de Dratt s'établit au château de Berbelstein, et du haut de ce manoir il ne cessa d'exercer contre l'abbaye les vexations les plus humiliantes.

Le vindicatif Jean de Dratt, n'avait pas oublié les démêlés de l'abbé Henri avec son frère ; aussi vit-on sa haine éclater dès son arrivée à Berbelstein. Abusant du crédit qu'il avait auprès de l'électeur palatin, il attaqua l'abbaye par force et par ruse, s'empara de ses revenus, pilla, brûla ou dévasta ses châteaux, et sema une profonde terreur dans toute la contrée.

L'abbé Henri voulut se plaindre à l'électeur, mais il n'obtint point accès près de lui. Il fit alors remonter ses doléances jusqu'au Saint-Siége. Innocent VIII, après avoir inutilement appelé devant lui le prince et son maréchal, les excommunia tous les deux. Mais ni Philippe, ni Jean de Dratt ne tinrent compte des foudres de Rome et ils continuèrent leurs pillages avec une rapacité toujours croissante.

La détresse de l'abbaye était extrême; au lieu de trente religieux qu'elle entretenait autrefois, elle ne pouvait plus en faire vivre quatre. Tant de revers découragèrent l'abbé Henri. dont la santé s'affaiblissait visiblement ; il mourut à Florence en 1496.

Soutenu par l'empereur Maximilien, l'abbé Guillaume d'Eyp, successeur de Henri de Hombourg, continua ses réclamations,

et après la mort de Jean de Dratt, il obtint de l'électeur une restitution de 15,000 florins. C'était peu, eu égard au dommage qui avait été causé à l'abbaye, mais Guillaume n'administra pas assez longtemps, et n'avait point assez de fermeté pour faire mieux.

-Rudiger lui succéda en l'année 1500. Fatigué de l'existence monacale, et voulant sans doute échapper à l'effervescence réformatrice !le son époque, il sollicita et obtint du pape Clé-ment VII, contrairement aux intentions des fondateurs de l'abbaye, la sécularisation des moines. Ce changement fut confirmé par une bulle du 25 août 1524. Rudiger devint prévôt du chapitre qui se composait d'un doyen, d'un custode et de douze chanoines.

Ces événements venaient à peine de s'accomplir, lorsque éclata la révolte des paysans (1525). Chacun sait combien fut désastreuse cette agitation révolutionnaire. L'ancienne abbaye y perdit une notable partie de son influence. Cependant en 1544 sa fortune semblait devoir se relever par l'incorporation du beau couvent de Sainte-Walpwge. Il n'en fut rien. Un an après (7 juillet 4545) mourut Rudiger, et avec lui finit l'histoire de l'abbaye. Son administration n'avait pas été irréprochable. Il légua au prévôt du nouveau chapitre plusieurs affaires difficiles à règler.

Après la mort de Rudiger, l'électeur palatin fit prendre possession en son nom du couvent de Sainte-Walpurge, de ses biens et de ses rentes. Des difficultés sérieuses s'élevèrent entre le prince électeur et le chapitre de Wissembourg relativement au droit d'élection à la dignité de prévôt. Elles furent résolues par un compromis arrêté entre l'électeur, l'évêque de Spire et le chapitre, et ratifié par l'empereur Charles IV.

Par cet acte, la prévôté du chapitre de Wissembourg était à perpétuité incorporée à l'évêché de Spire.

En effet dès 1545 Philippe de Flersheim, évêque de Spire fut mis en possession de la dignité de prévôt du chapitre de Wissembourg, et à partir de cette époque jusqu'à celle où le

Palatinat fut réuni à la France \ ce sont toujours les évêques de Spire qui ont rempli ces fonctions.

Il n'existe plus qu'un petit nombre des bâtiments qui ont fait partie de l'ancienne abbaye. Ils seront mentionnés dans les chapitres suivants.

Chapelle et église de Saint-Pierre et de Saint-Paul.

L'histoire de l'église de Saint-Pierre et Saint-Paul est intimement liée à celle de l'ancienne abbaye de Wissembourg dont cette église a fait partie pendant une longue suite de siècles. Nous venons de retracer sommairement cette histoire qui a été développée avec talent dans un récent travail, publié dans le Bulletin de la Société pour la conservation des monuments historiques d'Alsace, par M. Spach, archiviste du Bas-Rhin. Nous renvoyons nos lecteurs à cette notice qui certainement sera lue avec un grand intérêt.

L'emplacement occupé par l'église de Saint-Pierre et Saint-Paul est celui-là même où, quelques siècles auparavant, avait été fondé le couvent de l'une des plus puissantes et des plus anciennes abbayes de l'empire germanique, de celle à laquelle on avait donné le nom de Bourg de sagesse et de lumière, à cause de la discipline exemplaire et de l'érudition hors ligne de ses moines.

La première église de l'abbaye dont la construction devait

1 Le Palatinat formait l'un des grands pays de l'ancien empire d'Allemagne. Sa situation géographique entre la France et l'Allemagne, a fait que cette contrée a souvent été le théâtre des guerres entre ces deux pays. En effet, c'est dans le Palatinat que les grandes routes de l'Allemagne centrale débouchent sur le Rhin, à Philippsbourg, à Mannheim et à Mayence, pour de là plonger sur la frontière nord-est de la France. Le Palatinat fut 'conquis par les Français pendant les premières guerres de la révolution, en 1794; puis cédé à la république française par le traité de Lunéville; en 1801, une partie de ce pays servit à former le département du Mont-Tonnerre. En 1802, Bade et Hesse-Darmstadt acquirent les bailliages situés sur la rive droite du Rhin, qu'ils possèdent encore. En 1815, la Bavière rentra en possession de la partie du Palatinat que possédait la France, et qu'on appelle la Bavière rhénane.

remonter au commencement du septième siècle fut incendiée en 985 par Otto, fils de Conrad, sous l'administration de l'abbé Sanderadus. Son successeur Gisilharius, employa plusieurs années à restaurer le couvent (989 à 994) ; ces réparations n'étaient terminées que depuis dix ans, lorsqu'un nouvel incendie vint causer à l'abbaye des dégâts encore plus considérables que les -premiers (1004).

De tout l'ancien monastère, il ne resta qu'une chapelle remontant à la fin du huitième siècle.

Cette intéressante construction a été convertie en caves et appartient aujourd'hui à la famille Mûntz-Anselmann. Ses titres de propriété constatent qu'avant la révolution la chapelle et la voûte y attenant faisaient partie des bâtiments du chapitre; la première doit avoir, du moins momentanément, servi de cave aux abbés, car dans un acte de 1785 on la désigne sous Je nom d'Amts-Kellerei. La voûte était destinée au dépôt du charbon, et dans les comptes de l'abbaye elle figure à différentes reprises sous la dénomination de Kohlen-Keller. L'une des clefs porte encore, la marque du chapitre, un globe surmonté d'une croix latine.

De plain pied avec le sol, l'ancienne chapelle de Saint-Pierre et de Saint-Paul est placée à quatre mètres de la sacristie de l'église. La forme de la corniche dans la voûte, celle des chapiteaux cubiques dans la chapelle, puis la disposition des bases des colonnes taillées dans de beaux blocs de grès vosgien, la section des voûtes en plein cintre qui les surmontent, tout cela appartient franchement au style roman.

Ni dans la chapelle, ni dans la petite voûte qui y fait suite, on ne trouve de traces de fenêtres.

Un soupirail aujourd'hui muré, servait autrefois de passage entre la sacristie et la chapelle.

Plusieurs vieillards de Wissembourg prétendent avoir entendu dire à leurs pères qu'à différentes reprises on s'était servi de ce local comme lieu de torture, et qu'on y enfermait les personnes soumises à la question ; mais ce fait nous paraît

douteux et nous n avons à cet égard aucune donnée positive.

A l'extrémité occidentale de l'église paroissiale actuelle se trouve une tour carrée contemporaine des forts de Saint-Paul, Saint-Pantaléon et Saint-Germain (onzième siècle). L'époque de sa construction est indiquée par l'inscription suivante, placée à hauteur d'homme sur un des angles de la tour : « Samuel « ciblas hanc turrim fecit. » Toute son architecture accuse l'époque romane. Sa partie inférieure est percée de lucarnes semi-circulaires ; le haut est surmonté d'une flèche en tuiles vernies, qui a été restaurée il y a une quinzaine d'années.

L'église actuelle est de la fin du treizième siècle. Une ancienne inscription dont l'authenticité n'est pas contestable, et qui se trouve reproduite sur une dalle placée à gauche de l'entrée de la place de la Cathédrale, ne laisse aucun doute sur le nom de son fondateur. Cette inscription porte : « Anno domini (iMCCLXXIII Edelinus abbas quadragesimus quintus Wizen« burgens. hanc domu. construxit et alia plura edificia. »

Le clocher placé sur l'intersection de la nef avec les transepts , était originairement en pierre de taille, tel qu'on le voit reproduit sur une gravure qui accompagne la topographie de Mérian; ce n'est qu'en 1667 (Lothaire-Fréderic de Metternich, évêque de Spire étant abbé-prévôt du chapitre), qu'il a été construit en charpente et couvert en ardoises. L'idée ne fait pas honneur à son auteur, car cette construction est sans contredit du plus mauvais goût. Espérons que le jour où elle fera place à une flèche plus en harmonie avec le reste de l'édifice ' n'est pas éloigné.

Le beffroi contient une fort belle cloche fondue en 1466, . sous l'abbé Philippe Schenck d'Erpach et dédiée à Saint-Pierre, Saint-Paul, Saint-Serges et Saint-Bachus.

La nef est d'une belle architecture, à laquelle on ne peut reprocher qu'un peu de lourdeur. On y remarque des chapiteaux d'une ornementation assez bizarre, mais qui n'est pas sans mérite. -

Vis-à-vis de la chaire, existait avant la révolution, le tom-

beau de cet enfant massacré par les juifs, du jeune Henrick dont le nom figure au martyrologue à la date du 29 juin. Le cercueil en plomb qui contenait ses restes a été déterré en 1808 et porté au cimetière de la ville sans que l'on ait indiqué la place où il a été enfoui! Depuis la même époque, le monument qui servait à constater cet événement a aussi disparu.

Les fenêtres du chœur sont garnies de précieux vitraux peints, malheureusement très-endommagés par les outrages du temps. Ce sont: des mosaïques et quelques débris dépareillés et transposés de panneaux devant remonter au douzième et au treizième siècle ; des verrières en grisailles d'une grande simplicité, mais d'une beanté réelle et de beaucoup d'effet, remontant au quatorzième et au quinzième siècle; elles sont composées de verres de couleur mate, réunis par des plombs qui affectent des formes géométriques régulières ; enfin des vitraux de style légendaire, de la fin du quinzième siècle, se faisant remarquer par une grande finesse d'exécution.

Au haut du transept du côté de l'Épître, se trouve une grande et belle rose déplorablement dégradée par l'action du temps et par des restaurations inintelligentes. Elle est composée de huit lobes géminés terminés chacun par un trèfle. Cette verrière remonte à la fin du treizième siècle, époque de l'administration de l'abbé Edelin; la peinture dégradée du trèfle inférieur représente Edelin agenouillé devant l'Annonciation de la Vierge; l'abbé tient à la main sa crosse, signe de la haute dignité dont il était revêtu

La principale porte de l'église, placée sur l'un des côtés de cet édifice, est précédée d'un vaste porche d'entrée. A droite de cette porte existent encore plusieurs stalles en bois sculpté remontant au dix-septième siècle.

Sous le buffet de l'orgue, au centre de la nef principale,

' Le panneau trilobé représentant l'adoration de l'abbé Edelin, a été récemment réparé par l'habile peintre-verrier M. Petit-Gérard.

se trouvait autrefois un baptistère en forme de coupe aplatie composé d'arêtes saillantes et de parties arrondies. Sa disposition indique qu'il doit être de la même époque que l'église actuelle, c'est-à-dire de la fin du treizième siècle. Sans ornements, sans aucune sculpture ni inscription, ce baptistère est taillé dans un beau bloc de grès vosgien. Ses dimensions sont les suivantes : diamètre extérieur lm,90, diamètre intérieur 1m, 70, profondeur intérieure Om,50. La cuve baptismale ne formait qu'une seule pièce avec une partie du pied sur lequel elle s'élevait. Elle était recouverte d'un couvercle en bois sculpté qu'on soulevait au moyen d'une poulie.

Ce baptistère, intéressant débris des siècles passés, a été vendu en 1809 par l'église à un sieur Louis Friederich pour la somme de 36 fr. ! Celui-ci en fit le bassin d'un jet d'eau qu'il établit dans son jardin. Il a encore aujourd'hui cette destination.

La sacristie, œuvre du quinzième siècle, est ornée de sculptures d'un travail réellement remarquable ; il en est de même du Saint-Sépulcre placé presqu'en face de la chaire.

Un beau cloître ogival, malheureusement non achevé, longe la façade septentrionale de l'église et mérite une attention toute spéciale ; on y retrouve de nombreuses dalles tumulaires.

Une inscription gravée sur le clocheton près de la tour carrée indique que l'église a été réparée en 1741.

Cet édifice fut indignement ravagé à l'époque de la terreur ; les statues des saints qui ornaient les colonnes du chœur furent brisées ; le jubé ; le tabernacle en belles pierres de taille placé contre le pilier à gauche du chœur et qui s'élançait du sol de l'église jusqu'à la voûte ; les sculptures du tympan de la porte latérale ; le sépulcre, cette œuvre si délicate et si pure, tout cela fut détruit ou abominablement mutilé.

Dans le courant des années 1805 à 1809 on entreprit des réparations assez importantes, mais exécutées sans goût; on exhaussa le sol de l'église de près d 'tin mètre, et on enfouit

ainsi en partie le soubassement des colonnes, celui de la chaire et le socle du sépulcre.

Classé au nombre des monuments historiques, ce bel édifice si précieux sous le point de vue religieux, tout comme sous le double rapport de l'histoire et de l'art, aurait un besoin urgent de nouvelles réparations.

Espérons qu'aux voix nombreuses qui se sont déjà si souvent élevées pour demander sa restauration, viendra se joindre encore celle de la Société pour la conservation des monuments historiques d'Alsace, et que leurs réclamations unanimes en faveur de l'église de Wissembourg seront enfin entendues.

Forts de Saint-Remy, Saint-Germain, Saint-Paul et Saint-Pantaléon.

Ainsi que nous l'avons dit, l'abbaye princière de Wissembourg possédait autrefois quatre châteaux situés vers les quatre points cardinaux de l'église de Saint-Pierre et de Saint-Paul.

C'était :

Saint-Remy, à l'Est ;

Saint-Germain, à l'Ouest ;

Saint-Paul, au Nord;

Saint-Pantaléon, ou les Quatre-Tours, au Midi.

Ces châteaux, bâtis à une assez faible distance de l'abbaye, étaient tous fortifiés. Ils servaient au chef du chapitre, tantôt de défense, tantôt de lieu de refuge.

Les noms de ces forteresses reparaissent maintes fois dans les chroniques qui nous retracent les longues luttes que les abbés de Wissembourg eurent à soutenir pendant tout le moyen âge. A cette époque les quatre forts, mais surtout Saint-Remy et Saint-Paul, contribuèrent à étendre l'influence de l'abbaye souvent si funeste à la ville de Wissembourg sa rivale.

Dans un rapide aperçu nous allons rappeler sommairement les données qu'il nous a été possible de réunir sur chacun de ces châteaux.

Saint-Remy.

Les historiens semblent assez d'accord sur l'époque de la fondation du fort de Saint-Remy (Sanct-Rymen). Elle date de la fin du quatorzième siècle (1385) et doit être attribuée aux abbés du chapitre de Wissembourg qui l'avaient fait élever comme poste de défense.

D'après les documents qui nous restent à cet égard, Saint-Remy se composait anciennement du fort proprement dit, et d'un vaste bâtiment pouvant servir d'habitation. Un fossé et une épaisse muraille entouraient le tout.

Depuis son établissement jusqu'au moment de sa destruction, Saint-Remy fut en but à des attaques réitérées , soit de la part des habitants de Wissembourg presque toujours en lutte ouverte avec l'abbaye, soit de la part des électeurs palatins qui, à différentes reprises, intervinrent dans ces démêlés. Vers la fin du quinzième siècle on l'enleva au chapitre avec une partie des villages environnants. Mais en 1505, l'empereur Maximilien 1er exigea sa restitution aux anciens propriétaires, sous la condition formelle que le droit d'ouverture serait réservé à l'empire.

La forteresse de Saint-Remy fut détruite à la suite du grand mouvement communiste auquel on a donné le nom de guerre des paysans.

Sur le refus qui avait été fait par le magistrat de Wissembourg, de livrer aux populations insurgées les provisions et l'argent renfermés dans les magasins et la caisse de l'abbaye, les habitants révoltés du bailliage de Cléebourg auxquels s'étaient joints un assez grand nombre de Wissembourgeois, vinrent assiéger le château. Il résista pendant plusieurs semaines , mais devant le nombre des assiégeants, il devait nécessairement succomber.

Vers les premiers jours du mois de mai 1525 Saint-Remy fut pris, pillé et incendié.

Quelques années après ces événements l'abbaye fit reconstruire les bâtiments d'habitation, mais la tour et le fort ne furent jamais complétement relevés.

C'est au château de Saint-Remy, que le 23 novembre 1610 Christophe Sœteren, évêque de Spire et abbé de Wissembourg, sous l'administration duquel eurent lieu les désastres si déplorables des guerres de religion, reçut le serment de fidélité du bailli d'Altenstadt et des prévôts de Wissembourg et de Schlettenbach.

Pris et repris pendant la guerre de trente ans, Saint-Remy ne formait plus, à la fin de ces luttes fratricides, qu'un amas de ruines, sans grand intérêt sous le rapport de l'art. Plus tard les fossés furent rétablis et rattachés aux lignes de défense de Wissembourg, qui elles-mêmes, ne sont plus aujourd'hui que d'une importance au moins douteuse.

Saint-Germain.

A l'Ouest et à 4 kilomètres envirôn de la ville de Wissembourg, un peu plus loin que le petit village de Weiler, tout au fond d'une étroite et pittoresque vallée de la Lauter, dominé des deux côtés par la chaîne des Vosges, à 300 mètres au delà de la frontière, sur un sol que l'invasion de 1815 nous a fait perdre et qui appartient aujourd'hui à la Bavière, est bâtie une ferme de quelque importance, mais qui n'indique que bien difficilement au visiteur qu'elle occupe la place d'un des quatre forts qui protégeaient jadis l'abbaye de Wissembourg.

C'est là cependant que s'élevaient aux siècles passés le couvent et le château de Saint-Germain.

Il est impossible de déterminer avec exactitude de quelle année datait la construction de ce château, mais ce qui est certain c'est qu'elle remonte au milieu du onzième siècle et que les fondations en ont été jetées par l'abbé Samuel.

En 1420 on voit figurer au nombre des prévôts de Saint-

Germain un comte de Lœwenstein, et un peu plus tard apparaissent parmi les tenanciers du couvent « duo Johannes de « santo Germano et Kunegonde soror sua. » Annexé au fort, le couvent était régi par des prévôts à la nomination de l'abbé de Wissembourg ; ce dernier avait le droit de célébrer l'office divin dans la chapelle qui s'y trouvait établie. (Bulle de Sixte IV de 1483).

On ignore à quelle époque Saint-Germain fut détruit; mais il est certain que cette destruction remonte à un temps assez reculé, probablement au commencement du dix-septième siècle. Nous pensons qu'elle a eu l'incendie pour cause, et ce qui nous porte à formuler cette opinion, c'est qu'à différentes reprises on a trouvé dans les décombres des masses de pierres portant de fortes traces de calcination.

Aujourd'hui il ne reste plus du château et du couvent que de très-insignifiants vestiges.

A gauche de la cour formant actuellement la ferme de Saint-Germain, on retrouve les fondations de l'ancienne tour. Elles ont une épaisseur de 125 centimètres, s'élèvent encore à 3 mètres au-dessus du sol et supportent une construction récente et sans style formant l'habitation du fermier. Ce mur est percé de quatre petites ouvertures ogivales de grandeur différente, dont aucune ne dépasse 45 centimètres de hauteur sur 20 de largeur. Dans une tourelle adossée au mur qui a dû faire partie de l'ancien château, se trouve un escalier de pierre en spirale, qui est évidemment d'une construction postérieure à celle de ce bâtiment. Des deux côtés de ce qui devait former la tour, s'étend à 30 mètres vers l'Est et vers l'Ouest, un pan de mur, débris du fort.

Il n'est pas possible de déterminer d'une manière certaine l'emplacement qu'a dû occuper le couvent ; cependant d'après les traces d'anciennes fondations retrouvées sous terre, il y a une vingtaine d'années, ce bâtiment était établi à l'est de la tour et se développait sur une longueur d'environ 75 mètres et sur une largeur de 25 à 30 mètres.

La cour, au contraire, se trouvait placée à l'ouest vers la gorge de la vallée.

L'action des siècles qui se sont écoulés depuis la destruction de l'ancien château fort de Saint-Germain, aidée par des dévastations assez récentes, rendent tout à fait impossible une description plus détaillée.

Saint-Paul.

C'est l'abbé Samuel, et non pas Edelin, comme le prétend Schœpflin, qui fut le fondateur de Saint-Paul.

Construite sur une colline à environ 1 kilomètre de la ville, l'ancienne forteresse se composait d'une tour carrée existant encore aujourd'hui et récemment restaurée par son propriétaire actuel, de bâtiments d'habitation dont il ne reste plus de traces, et d'une muraille d'enceinte d'environ 1 mètre d'épaisseur qu'on retrouve en partie sur deux des côtés de l'emplacement qui sans doute formait la cour du château.

Schœpflin en attribuant à tort à l'abbé Edelin la construction de Saint-Paul, a dû nécessairement être induit en erreur sur la date de cette construction. En effet il la fixe au treizième siècle, tandis qu'elle est du milieu du onzième, de l'année 1060 environ.

Comme les autres forts établis pour la défense de l'abbaye Saint-Paul eut à soutenir de nombreuses attaques.

Vers l'an 1467, de sérieux démêlés, de tristes querelles s'élevèrent entre l'électeur Fréderic et le chef de l'abbaye d'une part, les comtes de Linange et les habitants de Wissernbourg d'autre part. Une lutte acharnée ne tarda point à s'ensuivre, et elle continua presque sans interruption pendant de longues années.

Le 7 janvier 1469 une troupe de paysans de Cléebourg vint prêter main forte aux baillis de Heidelberg et de Germersheim ainsi qu'à l'abbé Jacques de Mayence qui étaient venus occuper le couvent de Wissembourg. Le château de Saint-Paul fut pris, pillé et ensuite abandonné à Fréderic-le-Victorieux.

Les Wissembourgeois virent avec un grand déplaisir l'occupation de ce fort par l'électeur palatin qu'ils détestaient; aussi le 10 aoùt 1470, à la suite d'une démonstration sérieuse faite par la population de la ville, les comtes de Linange assistés du prieur Anthis leur frère, attaquèrent-ils Saint-Paul défendu par l'un des lieutenants de l'électeur, le commandant Nicolas Mühlhofen. La garnison beaucoup trop faible pour opposer une résistance sérieuse aux troupes réunies des Linange (elle ne comptait en tout que vingt hommes), déposa les armes, fut faite prisonnière sans conditions et conduite dans les cachots de la ville. On employa trois jours à enlever du château l'argent, les provisions, les meubles, les livres et toutes les autres choses précieuses qu'il contenait, après quoi l'abbé Jacques de Bruch y mit lui-même le feu. L'incendie dura quatre jours et quatre nuits. A l'exception de la tour qui existe encore, rien n'échappa aux flammes.

Avant la révolution de 1793 les ruines de ce domaine comptaient au nombre des fiefs Wissembourgeois des nobles de Steinkahlenfels ; plus tard, elles furent vendues comme biens nationaux.

Saint - Pantaléon (Ruine perdue).

Nous avons dit qu'il ne reste plus aujourd'hui des anciens forts de Saint-Remy et de Saint-Germain que des ruines de peu d'importance, servant uniquement à indiquer la place ou avaient existé des constructions; on ne retrouve rien, absolument rien de Saint-Pantaléon.

Cependant l'histoire qui a enregistré les longues querelles, si souvent vidées et si souvent ranimées entre l'abbaye de Wissembourg et ses nombreux rivaux, nous permet d'indiquer avec assez d'exactitude l'emplacement occupé jadis par l'une de ses plus importantes forteresses.

Saint-Pantaléon nommé aussi les Quatre-Tours ( Vier-Thüm) était situé sur la hauteur de Rott, au jnidi de l'église de Saint-Pierre et Saint-Paul, à environ 2 kilomètres de la ville.

C'est encore par l'ordre et sous l'administration de l'abbé Samuel, vers 1060, que la construction de ce fort a été entreprise.

Deux siècles plus tard l'abbé Edelin ou Wendelin augmenta notablement Saint-Pantaléon ainsi que les murs du cloître-'.

Comme Saint-Germain, Saint-Pantaléon était un couvent ~ fortifié, régi par des prévôts à la nomination de l'abbé de Wissembourg. Sa splendeur dura environ quatre cents ans.

Les principaux prévôts des Quatre-Tours, dont les noms sont parvenus jusqu'à nous , sont :

Conrad de Hohenfels (1402-1434) ;

Walther de Geroldseck (1434-1467) ;

Et le comte Antoine ou Anthis de Linange (1467 à 1472). La première fois que les documents relatifs à l'abbaye de Wissembourg font mention de Saint-Pantaléon, c'est dans un titre de 1333 relatif à des discussions intervenues entre l'abbaye et la ville. L'histoire de cette époque nous montre l'abbé Jean de Falckenstein se retirant dans le fort des Quatre-Tours pour échapper aux violences des Wissembourgeois révoltés.

Un siècle plus tard, en l'année 1470, Antoine de Linange étant prieur des Quatre-Tours , l'électeur Fréderic-le-Victorieux, à la suite de démêlés avec l'abbaye de Wissembourg, vint mettre le siége devant la ville et le cloître, enleva Saint-Pantaléon et y établit son quartier général. Ce siége dura environ dix semaines, après lesquelles l'électeur comprenant qu'en présence de l'union de l'abbaye et de la ville la lutte pourrait bien n'avoir point pour lui de résultat avantageux, consentit à laisser en jouissance de leurs dignités l'abbé Jacques de Mayence et le prieur Anlhis de Linange.

Après avoir parlé des démêlés de l'électeur palatin avec l'abbaye et la ville de Wissembourg, M. Spach, dans sa notice

1 Pendant trente et un ans, de 1262 à 1293, Edelin a occupé la dignité d'abbé de Wissembourg. C'est lui qui a fait fortifier le cloître (Zeuss, Traditiones possessionesque Wizenburgenses).

sur l'abbaye', retrace de la manière suivante la destructioo du fort de Saint-Pantaléon : « L'affaire semblait terminée, ce « fut l'autorité impériale qui intervint et qui attisa de nouveau « le feu. Déjà le 9 février 1470 on avait annoncé à WisseIIlr. « bourg que l'empereur rouvrait la campagne. Frédéric III « était trop .heureux de trouver une occasion favorable pour « taquiner l'électeur palatin qu'il détestait. En avril les Wis« sembourgeois chassèrent les fonctionnaires électoraux et « détruisirent le couvent forteresse des Quatre-Tours, que « les troupes palatines avaient occupé pendant ces derniers « temps. »

Église de Saint-Jean.

L'église de Saint-Jean, aujourd'hui temple protestant, remonte à deux époques différentes, qu'il est très-facile de distinguer.

Le chœur et l'abside sont du commencement du treizième siècle; leur architecture pure et correcte mérite une attention toute particulière.

Le bas-côté du nord et le clocher accusent le seizième siècle; ils n'ont rien de bien remarquable. La chronique nous apprend qu'en 1513 et 1520 une famille Schilling fit agrandir à. ses frais cette église, primitivement assez exiguë. C'est à elle que l'on doit le clocher et le bas-côté dont nous venons de parler.

Sur le mur intérieur, entre la chaire et les fenêtres donnant vers le nord, se trouvent encore aujourd'hui sculptées les armoiries des Schilling.

L'église de Saint-Jean qui, sous le patronage des abbés du chapitre, servait anciennement de paroisse à la ville de Wissembourg, est mentionnée dans différents actes, dont deux remontent à 1234 et 1469.

Ce fut à cette dernière époque que pendant un sermon du moine Jodocus de l'université de Heidelberg, éclata dans l'é-

Bulletin de la Société pour la conservation des monuments historiques d'Alsace, vol. Ier, p. 173.

glise même une manifestation publique, qui fut suivie d'une de ces luttes prolongées si fréquentes entre l'électeur Frédéric, l'abbaye et la ville de Wissembourg.

La réformation avait pénétré en Alsace depuis un siècle environ, lorsque les protestants furent autorisés à célébrer leur culte dans l'église de Saint-Jean qui, devenue église mixte, le resta pendant cent vingt-trois ans (1680 à 1803).

En 1803 Saint-Jean fut exclusivement abandonné aux protestants. Les catholiques obtinrent par contre la belle église du chapitre.

La plus grande des cloches de Saint-Jean fut refondue en 1846 ; elle portait l'inscription suivante : PROTEGE AB HOSTE TUOS DUM PULSOR DULCIS JESU ET QIJE FERT TELLUS MARIA DEFENDE PRECATU. M. D. XIII.

Près du chœur, du côté opposé à la chaire, se trouve placé un très-beau buste de Luther, œuvre du sculpteur alsacien Ohmacht.

Couvent des dominicains.

Construit en 1288 par les nobles de Franckenstein, des deniers réunis parmi les membres de cette famille et parmi d autres seigneurs cle leurs amis; le couvent des dominicains, malgré les changements qu'il a subis, porte encore tous les caractères de l'architecture de la fin du treizième siècle.

Tel qu'il existe aujourd'hui, ce bâtiment ne présente plus qu'un intérêt artistiqne assez faible. Jusqu'à l'époque de la réformation le couvent fut habité par les frères prêcheurs de l'ordre de Saint-Dominique. Tout dévoués au maintien des droits du Saint-Siége, les dominicains se montrèrent à Wissembourg les défenseurs zélés de la doctrine de l'Église. Quand ils furent forcés de quitter leur couvent en 1550, la ville en fit l'acquisition trois années plus tard (1553), et elle y établit l'hospice civil qui, antérieurement, se trouvait dans un local beaucoup trop restreint situé dans la rue dite Metzgœssel près de la Lauter.

Une pierre disparue assez récemment, se trouvait, il y a peu d'années encore, au-dessus du portail sud du couvent. Elle portait les inscriptions suivantes: FLEC. DOMVS. 1GNAV1S. PVRGATA. MONASTICA. FVCIS. PAUPERIS. HOSPITIUM. MALV1T. ESSE. PIVM.

Puis plus bas :

zt-nno. bet. 1553. 316t. bte. flatte. <£wem. f)oepttaf. angectcfjt. (St:6an)t. unb. linno, 57. Soffenbt. tootben. btttcfj. bte. (Steamcn. 1ljern. fyentictf. (Cfjtm. lifter fim-gennetetet:. nnb. zt-rnofb. iRomBart. 2iftevmavt 6c§afck. ber. 3ett. Jjpitafffeger.

Et plus bas encore :

RENOVATVM. ANNO. DOMINI. M. CCC. LXL. I.

Convertie en magasins après la révolution de 1793, l'église des dominicains fut transformée en caserne de cavalerie en 1833.

Aujourd'hui ce monument est la propriété des hospices de Wissembourg, et les écuries établies au niveau de la rue, tout comme les vastes salles qui occupent la partie supérieure du cloître, attendent une nouvelle destination.

Couvent des 'Récollets.

(Hôpital militaire).

Les documents malheureusement bien peu nombreux qui nous restent sur l'histoire de la ville de Wissembourg, nous permettent cependant de fixer au commencement du quatorzième siècle la construction de l'ancien couvent des récollets ; les chartes mentionnent déjà en 1372 le cloître des frères de l'ordre de Saint-François. Ces religieux l'habitèrent jusqu'à l'époque de la réformation.

L'histoire nous a légué les récits des longues rivalités et

des violentes jalousies qui divisèrent l'ordre de Saint-Dominique et celui de Saint-François. A Wissembourg, comme presque partout ailleurs, la question de l'Immaculée conception de la Vierge fut pour eux une occasion de discussions interminables.

L'une et l'autre de ces corporations disparurent de nos contrées vers l'année 1550.

Après leur départ de Wissembourg, la ville acheta le couvent des dominicains, elle en fit autant pour ceJui des récollets dont les bâtiments lui servirent de magasins. Ce cloître tombait en ruine, lorsqu'en 1686 la municipalité en fit don au roi Louis XIV. Ce monarque y installa l'ordre des capucins qu'il protégeait tout spécialement. Ces moines reconstruisirent immédiatement le couvent et l'église (1688). Le style ogival fut celui qu'ils adoptèrent, mais ce qui reste de ces édifices accuse un travail un peu lourd, quoique exécuté avec assez de soin. Sous le rapport de l'art, ces bâtiments ne présentent qu'un très-faible intérêt.

Quelques années après la suppression des ordres monastiques, le couvent et l'église des capucins furent affectés à l'hôpital militaire et jusqu'aujourd'hui ils ont conservé .cette destination.

COMMUNES RURALES DU CANTON.

I. ALTENSTADT.

Village et église.

Le village d'Altenstadt, situé entre l'un des quatre forts de l'ancienne abbaye de Wissembourg et la ville, remonte évidemment à une époque très-reculée qu'il n'est cependant point possible de déterminer avec exactitude.

Son territoire présente des indices assez nombreux d'un établissement romain, et à plusieurs reprises on y a déterré

des médailles, des vases ou fragments de vases antiques qui datent des temps de la domination romaine. Tout récemment on a trouvé dans le cimetière près de l'église, des médailles de l'époque romaine, des fragments de bas-relief et de tables lapidaires, et des sarcophages monolithes en pierre d'une haute antiquité. Ils sont formés d'un seul bloc presque brut; la place de la tête, comme celle des épaules et du corps est marquée par une excavation d'une profondeur variant de 30 à 70 centimètres. Ces sarcophages, à en juger par le peu de soin donné à leur exécution, peuvent être rangés parmi les plus anciens du même genre.

L'Église, qui déjà à plusieurs reprises a attiré l'attention de la société historique d'Alsace 1, se compose de deux parties très-distinctes : de la tour, placée à l'occident de l'édifice, et du corps de l'église.

La tour carrée servant de clocher forme porche d'entrée. Elle est d'une haute antiquité et remonte selon toutes les apparences au onzième siècle.

On trouve à l'intérieur quatre étages superposés. Un toit en forme de pyramide couronne cette tour.

Le corps de l'église a une longueur de 24 mètres sur 16 mètres de largeur. L'intérieur est divisé en trois nefs. Deux rangées de piliers carrés soutiennent des arcades en plein cintre. Ni le chœur, ni les transepts ne s'harmonisent entre eux. Certains auteurs et quelques écrivains contemporains reportent la construction de ce monument il des temps presque fabuleux. Nous sommes loin d'adopter leur opinion, et en présence de données que nous considérons comme incontestables, nous pensons qu'il est facile de déterminer exactement l'époque à laquelle l'édification de celle église doit remonter.

Au onzième siècle Liuthard, abbé de Wissembourg fit construire au côté nord de la ville un couvent qui prit le nom de

1 Mémoire sur l'Église d'Altenstadt présenté à la Société, par M. le curé Guerber. Bulletin, t. I, p. 84 et suiv.

Saint-Étienne. Cet édifice fut détruit en 1525 lors de la guerre des paysans. Trois ans plus tard, par un acte passé entre l'abbé Rudiger (Fischer) et la ville de Wissembourg, il fut stipulé que les pierres du couvent détruit seraient transportées à Altenstadt et serviraient à la reconstruction de l'église de ce village, qui, elle aussi, avait été détruite à la suite du mouvement communiste dont nous venons de parler. Les travaux furent commencés en 1528. C'est la date exacte de la construction de l'église actuelle.

Le portail qui avait appartenu au couvent de Saint-Étienne forma la porte de l'église, et on plaça au-dessus l'inscription suivante provenant également du cloître : « Hoc qui cœnobiitm « cupitis transire decorum poscite supremam Abbati veniam « Liuthardo. »

De la lecture de cette inscription, M. Schweighseuser qui ignorait sans doute les faits que nous venons de rapporter, conclut qu'il avait existé à Altenstadt un monastère dépendant de l'abbaye de Wissembourg ; c'est là une erreur évidente, et il suffit aujourd'hui de la signaler pour la faire tomber à néant.

Il a aussi été fait bonne justice de l'opinion émise par l'auteur de la notice historique publiée dans l' Annuaire du Bas-Rhin de l'année 1847, qui s'exprime ainsi :

« Au-dessus de la porte principale de cette église, sur une « tablette en pierre, on voit une inscription devenue illisible, « et des bas-reliefs représentant entre autres une main, des « chevaux ou mulets et des figures qui paraissent être des « hiéroglyphes. Il est très-possible que cette tablette ait été « l'œuvre d'un égyptien. »

C'est là une suite d'erreurs presque impardonnables, et ces suppositions n'ont jamais reposé sur des données sérieuses.

Il reste donc bien avéré pour nous, que les matériaux employés à la construction de l'église d'Altenstadt, lui ont seuls donné les apparences d'une époque à laquelle elle n'appar-

tient pas, et que la construction de cet édifice ne date que du seizième siècle1, ce qui ne l'empêche nullement d'être très-intéressant..

II. CLÉEBOlTRG.

Châteaux de Cléebourg et de Catharinenbourg.

(Ruines perdues).

Au milieu des débris et des ruines légués par le passé, nous retrouvons les traces de deux châteaux féodaux qui ont existé jadis sur le territoire de l'ancien bailliage de Cléebourg.

Le premier, celui désigné dans les vieilles chartes sous le nom de château de Cléburg et de Cléberg, était placé dans le village même. On ignore quel a été son fondateur, et ce n'est qu'à partir du treizième siècle que le nom de ce manoir apparaît dans nos chroniques.

En 1278 Gerlac, seigneur de Lympurg et Lodowic d'Isenburg, qui se trouvaient propriétaires par indivis du domaine de Cléebourg, avec leur cousin Godefroi d'Eppenstein, se le partagèrent; le château échut à Godefroi qui le possédait déjà de fait depuis plusieurs années, car dès 1263 les gardes de la tour avaient reçu l'ordre d'obéir aux Eppenstein.

A la mort de Godefroi, le château de Cléebourg advint.à ses fils, et en 1303 Sifried d'Eppenstein donna sa part à son cousin Philippe de Minzenberg tout en s'en réservant la juridiction.

Au siècle suivant, on trouve les Puller de Hohenbourg investis du fief de Cléebourg; ils le tenaient de l'électeur palatin Louis qui lui-même était vassal de l'abbaye de Wissembourg (1412). Richard de Hohenbourg, seigneur très-turbulent, s'étant à plusieurs reprises servi du château de Cléebourg

1 II existe encore près du mur extérieur du fossé de la ville de Wissembourg, au-dessus de l'écluse construite de 1526 à 1542, une grande quantité de pierres ornées de sculptures remarquables et qui proviennent également de l'ancien couvent de Saint-Étienne.

comme d'un retranchement d'où il sortait à tout moment pour attaquer les gens, et même les troupes de l'électeur Frédéric Ier; celui-ci en fit le siége et ne tarda pas à s'en emparer (1455).

La tour renversée à la suite de ce coup de main ne fut plus reconstruite; on ne restaura que la partie du château servant à l'habitation.

Deux siècles plus tard, ce manoir fut entièrement abandonné. Depuis longtemps il est enseveli sous ses ruines, et tout ce qui en reste, c'est le souvenir.

L'empereur Maximilien 1er ayant proscrit l'électeur Philippe dont il avait eu à se plaindre , s'empara de la seigneurie de Cléebourg et la conféra à Alexandre duc de Deux-Ponts (1504).

L'un des descendants d'Alexandre, Jean-Casimir de Deux-Ponts (Pfalsgraf am Rhein zu ZweibrÙcken und Cléburg) né le 12 avril 1589, épousa en 1615 la princesse Catherine, fille de Charles IX, roi de Suède et sœur du célèbre Gustave-Adolphe.

Jean-Casimir s'étant fixé à Cléebourg employa une partie de la dot de sa royale épouse à la construction d'un nouveau château spécialement destiné à la résidence de sa femme, et en son honneur il le nomma Catharinenburg.

L'emplacement sur lequel il devait être élevé fut choisi par cette princesse; c'était une hauteur située vers le nord de Birlenbach, à environ 1 kilomètre de ce village qui faisait partie du bailliage de Cléebourg. Jean-Casimir en jeta les premiers fondements en l'an 1619. Vers le mois d'octobre 1622, il échangea sa résidence de Cléebourg contre celle de Catharinenbourg ; mais le château ne fut entièrement achevé qu'en 1626, époque à partir de laquelle le bailliage de Cléebourg prit le nom de Clée- und Catharinenburg.

La tradition rapporte que les proportions de ce château étaient des plus grandioses et qu'il avait autant de fenêtres qu'il y a de jours dans l'année.

Après la mort de Jean-Casimir de Deux-Ponts, la princesse Catherine, qui avait été établie usufruitière du Catharinen^ burger-Amt, composé des villages de Cléebourg, Rott, Steinseltz, Hunspach, Hoffen, Ingolsheim, Oberhofen et Birlenbach, conserva jusqu'à son décès la direction de ce bailliage. De là vient sans doute le nom de Schwedische, qu'aujourd'hui encore on donne quelquefois aux habitants de ces villages, par allusion au fait d'avoir été gouvernés par .une Suédoise.

Charles-Gustave, second ûls de Jean-Casimir de Deux-Ponts et de Catherine de Suède, fut investi après sa mère du bailliage de Cléebourg (Clée- und Calharinenburg) ; il y ajouta le petit village de Kœffenach dont il fit l'acquisition en 1649, et la moitié du village de Schœnenbourg acheté en 1651.

Un premier fils de Jean-Casimir nommé Charles-Fréderic, mourut à Cléebourg à l'âge de seize ans ; il fut enterré dans l'ancienne petite église protestante, non loin du vieux château. Lors de la construction du nouveau temple à Birlenbach, on y transporta la pierre sépulcrale de ce jeune homme, et elle se voit encore près de la porte d'entrée.

Étant monté sur le trône de Suède par suite de l'abdication de la reine Christine, Charles-Gustave abandonna le bailliage de Cléebourg à son frère Adolphe-Jean, dont le fils Gustave-Samuel-Léopold le réunit en 1718 au duché de Deux-Ponts.

Après le décès de Catherine de Suède son château ne fut plus habité par les seigneurs, il ne leur servit que de résidence momentanée. C'est ainsi qu'en mars 1669, après avoir pris d'assaut le château d'Oberbronn appartenant alors à Eberhard-Louis de Linange-Westerbourg, le comte palatin Adolphe-Jean se retira à Catharinenbourg où il passa quelques mois.

Ce château n'était construit que depuis un siècle, qu'il tombait déjà en ruine faute d'être convenablement entretenu. Il fut démoli en 1753 et les matériaux en furent vendus à l'enchère.

Lorsqu'en 1787 le duc Charles II de Deux-Ponts déféra à la

couronne, de France la souveraineté du bailliage de Cléebonrg, il ne restait plus que les fondations du beau et vaste château de Catharinenbourg.

Les matériaux servirent en partie à la construction du presbytère protestant de Birlenbach et de trois autres maisons de la même commune.

A l'une de ces maisons se voyait encore, il y a quelques années, la pierre qui se trouvait autrefois placée à la partie supérieure de la principale porte du château et sur laquelle étaient sculptées les armoiries de Catherine de Suède.

Le temps a tout emporté, cette pierre même a disparu, et des fossés presque entièrement comblés marquent à peine l'ancienne enceinte du vieux manoir.

III. LEMBACH.

Château de Fleckenstein.

Parmi les ruines nombreuses dont est couronnée la belle chaîne de montagnes qui sépare l'Alsace de la Lorraine, aucune ne mérite une attention, nous allions dire une admiration plus grande que les ruines gigantesques du Fleckenstein.

Situé sur une hauteur voisine de la route qui conduit aux forges de Schœnau (Bavière), à environ 5 kilomètres du village de Lembach et construit sur une roche immense très-difficilement accessible, ce château , par sa position naturelle, autant que par la hardiesse et le nombre de ses constructions, formait, à n'en pas douter, une forteresse presque inexpugnable.

Le rocher qui sert d'assises aux imposants débris de ce monum'ent. de la féodalité, se développe sur une étendue de plus de 200 mètres et sur une hauteur de près de 50 mètres, rehaussée encore par des tours et des constructions artificielles des plus hardies. L'une de ces tours est formée d'un seul bloc

de pierre ; elle renferme un escalier peu praticable qui permet d'arriver, mais non sans peine, à la plate-forme supérieure.

Des restes de murs, d'une très-forte épaisseur, indiquent que les bâtiments d'habitation occupaient un emplacement considérable.

Deux galeries taillées dans le roc communiquent avec d'anciennes chambres, la plupart formées d'excavations pratiquées dans le rocher même. Vers la partie basse du château on remarque une salle assez spacieuse voûtée en berceau ; une inscription placée à droite de l'entrée porte deux millésimes, 1407 et 1441 ; nous croyons que l'une et l'autre de ces dates indiquent des réparations faites à ces diverses époques.

Les murs du château qui s'élancent dans les airs avec une hardiesse remarquable, ne sont percés que de rares ouvertures de forme et de grandeur différentes.

Ajoutons que, si tout est grandiose dans les débris de ce vieux manoir, tout y est aussi d'une sévère simplicité. L'ornementation ne s'y rencontre que très-rarement.

Le château était jadis environné d'enceintes fortifiées, coupées par de petites tours ou pavillons à baies rectangulaires et à maneaux droits.

Un fossé assez large, dont une partie est creusée dans le roc, s'étend sur un des côtés de ces murailles. Du côté opposé on trouve des restes de constructions qui paraissent avoir été des bâtiments secondaires.

Le grand portail du château est encore assez bien conservé. A la partie supérieure externe du cintre se trouve gravé le millésime 1622, date qui indique évidemment sa dernière restauration; tandis qu'intérieurement, sur une pierre placée au-dessus de cette porte, on pouvait déchiffrer facilement, il y a peu d'années encore, l'inscription suivante aujourd'hui fortement dégradée : £)i6£. iet. gemacÇf. tDocben. Ítn. Jor. ba. man. ;aft. Son* tôottee. tôeôott. M. CCCC. un. Jor. XXIII. Il en résulterait que l'établissement du grand portail

ne remonte qu a 1423, et qu il n aurait eu lieu que deux ou trois siècles après la construction du château.

A une dizaine de pas à droite, dans l'intérieur de la ruine, se trouve une petite porte brisée à revêtement en plein cintre donnant accès dans une voûte sans aucune fenêtre, à l'extrémité de laquelle il est facile de reconnaître les restes d'un escalier tournant, toujours taillé dans le rocher, qui devait conduire à quelque souterrain. Cet escalier est presque entièrement comblé par de grands blocs de pierres et des décombres de maçonnerie.

Une chapelle a dû exister au château, mais nous en avons vainement recherché les traces. Cependant il est certain qu'en 1425, Guillaume, évêque de Strasbourg, autorisa les seigneurs de Fleckenstein à y faire célébrer la messe.

On ignore le nom du fondateur du Fleckenstein, et on ne connaît pas davantage l'époque exacte de son origine. Quoi qu'il en soit, on ne saurait lui refuser une très-haute antiquité, et certainement il a dû exister bien des années avant le Frundsberg (Frœnsbourg), le Hohenbourg, le Wasenstein et tous les autres vieux châteaux qui l'entourent et qu'il semble protéger de son imposante grandeur.

Si les chartes et les différents documents relatifs à cette partie de l'Alsace ne nous fournissent aucun renseignement sur les premiers temps du château de Fleckenstein, les chroniqueurs sont cependant généralement d'accord pour admettre que dans l'origine il a dû être une propriété allodiale et que plus tard seulement il devint la résidence de la puissante et illustre famille des Fleckenstein dont il porte le nom.

Schœpflin fait remonter à Rodolphe de Habsbourg le lien féodal par lequel cette forteresse fut rattachée à l'Empire ■ néanmoins on ne connaît pas d'investiture antérieure à l'année 1422.

En 1276, le baron de Fleckenstein ayant sans succès fait diverses réclamations pécuniaires à l'évêque de Spire, qui était son débiteur, s'empara de la personne de ce prélat, et

l'emmena capitif il son château. Le roi Rodolphe outré de ce procédé, ne tarda point à venir au secours de l'évêque. A la tête de troupes nombreuses, il assiégea la forteresse dont il soumit la garnison par la famine. Le baron relâcha l'évêque et se livra au roi.

Pendant les quatre siècles suivants, le château patrimonial des Fleckenstein jouit de la plus grande tranquillité. Les seigneurs voisins craignaient trop la puissance et la force de cette famille pour s'attaquer à elle.

Cependant en 1674, lors de la guerre du Palatinat, le seigneur de Vauban, alors commissaire des fortifications de France, dont les troupes parcouraient une grande partie de l'Alsace, se présenta devant ce château avec une partie de son armée. La forteresse manquait de soldats; en ce moment il ne s'y trouvait qu'un régisseur, le concierge et quelques paysans qui étaient venus y chercher un refuge ; aussi fut-il livré sans résistance au général de l'armée française.

Une grande partie des antiques demeures féodales d'alors virent leur ruine consommée à la suite des guerres dont nous venons de parler.

En l'année 1680, le commandant d'Alsace de Monclar, sans respect pour une des plus belles forteresses, pour un des plus grandioses monuments des siècles précédents, fit démanteler et anéantir autant qu'il était en son pouvoir le château, le fort et ses murailles.

Au commencement du quinzième siècle, le village de Lembach ne formait pour ainsi dire qu'une annexe du fort ; aussi lui donnait-on souvent le nom de Hofcapplaney, et son chapelain , qui résidait au château même, prenait le titre de Fleckensteiner-Hofcapplan.

Les registres paroissiaux qui existent encore à Lembach, nous font connaître quelle influence religieuse les anciens seigneurs exerçaient alors sur leurs domaines.

La plupart des villages en embrassant la réforme, ne firent que suivre l'exemple des familles seigneuriales dont ils dé-

pendaient. C'est ainsi que le village de Lembach inféodé aux Fleckenstein resta fidèle au catholicisme jusqu'à ce que la réformation fut introduite dans la baronie (1545).

Quelques années avant la mort du baron Henri-Jacques de Fleckenstein dernier du nom (1712), Lembach et les ruines du château passèrent en. fief aux barons de Vitzthum, dont l'un nommé Louis-Ignace d'Eggersberg avait épousé en 1710 une fille de Henri-Jacques de Fleckenstein.

Un mouvement religieux en sens inverse de celui produit aux temps de la réformation eut lieu alors. Les nouveaux maîtres étant catholiques, firent venir des coreligionnaires pour remplir les charges publiques. L'église de Lembach desservie pendant cent soixante-dix ans par des pasteurs protestants, se rouvrit de nouveau au culte catholique, et la première .messe y fut dite le 8 novembre 1716 par un prêtre venu de Haguenau, qui devint le Hofcapplan des barons de Vitzthum.

Après la révolution de 1789 ce qui restait du château et du domaine de Fleckenstein fut vendu comme bien national.

Château de FrundsbeTg.

(Frœnsbourg).

Les murailles délabrées du château de Frundsberg sont loin, sous le point de vue de l'art, comme sous le rapport historique, de mériter l'attention qu'attirent nécessairement les ruines si grandioses du Fleckenstein; cependant l'imagi- -nation s'arrête aussi volontiers devant ces antiques débris d'un autre âge.

Deux rochers très-élevés, s'élançant du sommet d'une assez haute montagne, entourée de montagnes plus hautes encore, supportent des constructions qui ont dû être d'une certaine importance.

L'une de ces roches, extrêmement étroite et très-difficilement accessible, sert de base à une tour hexagone délabrée;

une large brèche met à découvert une partie de l'intérieur et laisse voir des moellons réguliers et d'autres taillés à diamants qui indiquent les différents étages dont se composait ce fort.

L'autre roche est couronnée des restes des constructions du château. Au dehors on voit d'immenses blocs de maçonnerie provenant des ouvrages avances. En pénétrant dans les ruines, on rencontre tout d'abord les débris d'une tour renfermant un beau puits taillé dans le roc; puis un peu à gauche, on voit une ouverture qui marque la place où se trouvait la principale porte d'entrée. Cette ouverture se trouve aujourd'hui tellement encombrée de décombres, qu'elle est impraticable. On arrive à l'intérieur par une seconde ouverture à l'opposite de cette porte.

L'épaisseur des murs prouve que le château était construit avec une rare solidité. Quelques débris de marches taillées dans le roc, marquent la place de l'ancien escalier.

Les ravages de la destruction ont anéanti toute trace d'appartements intérieurs. Des ouvrages de maçonnerie remplissent un certain nombre de crevasses très-anciennes et font supposer que le château a subi des réparations assez notables.

Il nous a été impossible de découvrir aucune trace d'inscription, et nous avons cherché en vain la date que Schweighoeuser dit exister au-dessus de l'une des portes.

On ignore l'époque à laquelle le château fut bâti. On sait seulement qu'au treizième siècle il formait , sous la suzeraineté des comtes de Deux-Ponts-Bitsch, une partie du patrimoine des nobles de Frundsberg, et qu'en 1349, il appartenait par indivis à Louis et Eberlin de Frundsberg, à Godfroi de Lœwenstein, gendre d'Eberlin, et à Renaud Hofwarth de Sickingen, beau-père de Louis.

Aussi tracassier que frondeur, Renaud de Sickingen se livrait habituellement à la rapine et au brigandage. Sa principale, sa constante occupation, était de surprendre les voyageurs , de les dépouiller, de s'emparer de leurs personnes et de les enfermer ensuite dans les cachots du fort, pour les

forcer à rançon. De pareilles déprédations exercées à l'encontre de quelques seigneurs de la ville impériale de Weil en Souabe, lui attirèrent un juste châtiment, provoqué par Jean de Lichtenberg. Le vicaire d'Alsace, à la tête des troupes impériales, vint mettre le siège devant le château de Frundsberg qui fut pris et incendié.

Renaud réclama en vain une répàration pour la perte de son château, ses prétentions furent repoussées par la justice.

La leçon ne profita point à ce seigneur, et bientôt après il recommença ses brigandages.

Les documents historiques ayant rapport à la famille de Sickingen, nous font connaître qu'à la suite d'attentats commis sur des habitants de la ville de Strasbourg, Renaud fut condamné envers eux à des dommages-intérêts assez considérables, mais il ne fut jamais possible de les récupérer.

Sur la réclamation formée par les autres co-propriétaires du Frundsberg, on leur alloua une indemnité pour leur part à la perte du château; en même temps Charles IV défendit son rétablissement.

Au commencement du seizième siècle, l'électeur palatin le donna en fief aux Fleckenstein, qui obtinrent aussi l'autorisation de le réparer. Après l'extinction de cette famille il advint aux Hatsel.

Château de Hohenbourg.

Au sommet d'une montagne très-élevée, à environ 2 kilomètres de Fleckenstein, les ruines d'un autre vieux château dominent les gorges étroites et boisées, dont les sinuosités conduisent du village de Lembach aux forges bavaroises de • Schœnau. Ce château fut longtemps l'une des résidences de la puissante famille des Hohenbourg.

Ses ruines sont très-considérables. Elles se composent d'abord d'une enceinte pentagonale formée par des murailles de 150 centimètres d'épaisseur, coupées par les débris de cinq tourelles ou forts retranchés. A la partie inférieure de deux

de ces tourelles, on voit encore aujourd'hui de petites baies de 70 centimètres de hauteur sur 26 de largeur. Des broussailles épaisses couvrent le sol inégal et pierreux du château bâti sur une roche assez étroite à sa base, mais qui s'élargit à sa partie supérieure. La dévastation de cet antique manoir est telle, qu'il est impossible d'y pénétrer; des quartiers de rocher et des décombres de maçonnerie en obstruent de tous côtés les abords.

Au pied du château se trouvent deux ouvertures qui laissent voir des marches d'escalier taillées dans le roc. C'est là sans doute, qu'étaient placées les portes d'entrée des galeries souterraines maintenant éboulées. Des arbres rabougris jettent leurs racines dans les fissures des murailles, et le vent recourbe incessamment leurs cimes qui balaient les parois du rocher.

A l'opposé de ces ouvertures, la destruction a fait moins de ravages ; les murs du manoir supportent encore çà et là de belles corniches ornées de moulures exécutées avec soin.

La date de l'établissement de ce château se perd dans la nuit des temps; mais on sait qu'il a appartenu d'abord à l'ancienne famille des Puller de Hohenbourg, puis aux seigneurs de Sickingen.

Les Puller, qui n'ajoutèrent que plus tard à leur nom celui de Hohenbourg, formaient déjà au treizième siècle une des riches et puissantes familles de l'Alsace inférieure. Soultz-sous-Forêts, Wangen, Rhinau, Mutzig et plus de la moitié de la belle vallée de Schirmeck, faisaient partie de leur seigneurie.

L'histoire nous a légué le récit de la défense héroïque que Virie de Hohenbourg soutint à Mutzig, contre les troupes réunies de l'évêque de Mayence, du comte palatin Louis, landvogt d'Alsace, et des comtes de Linange et de Saarwerden, qu'il força à la retraite.

Malheureusement la tradition nous dit aussi comment s'éteignit cette puissante famille. Richard de Hohenbourg, convaincu de s'être rendu coupable de crimes contre nature, fut

brûlé vif, devant la porte de la ville de Zurich, où il s'était réfugié (1482).

La propriété du château, ainsi que le domaine qui y était attaché, échut alors à Schweighard de Sickingen qui avait épousé Marguerite de Hohenbourg, sœur de Richard.

Après la mort de Schweighard, son fils François de Sickingen, l'un des chevaliers les plus puissants, et il faut bien le dire, des plus vaillants du seizième siècle, embrassa le protestantisme et devint l'un des plus zélés protecteurs de la réformation de Luther, auquel il donna asile dans son château de Landstuhl. Emporté par son ardeur toute chevaleresque, autant que par l'exaltation de ses nouvelles croyances religieuses, François de Sickingen leva l'étendard de la révolte, et se mit à la tète du parti qui avait déclaré au clergé catholique une guerre sans trève, et trop souvent sans merci.

Les partisans de la réforme avançaient à pas de géant; chaque jour ils voyaient leurs doctrines adoptées par des villages entiers, et chaque jour de nouveaux prosélytes se joignaient à eux. Pour entraver la marche des sectateurs de Luther, l'électeur palatin, le landgrave de Hesse, et l'archevêque électeur de Trèves réunirent leurs troupes, qu'ils dirigèrent sur les principales forteresses occupées par les champions de la réforme.

Les états de la Basse-Alsace s'assemblèrent à Haguenau, et arrêtèrent le contingent de guerre qu'aurait à fournir chaque localité. L'abbé de Wissembourg promit vingt-cinq hommes à pied complètement armés et trois chevaux; la ville une couleuvrine et un pierrier.

Ces puissances ainsi alliées, attaquèrent à la fois tous les châteaux du seigneur de Sickingen, qui succomba à Landstuhl, après une défense vraiment héroïque.

Hohenbourg, Thanstein, Drachenfels, Lutzelbourg et une quantité d'autres châteaux dont les propriétaires avaient entretenu des intelligences avec François de Sickingen, furent détruits après sa mort.

Plus tard, on restitua aux héritiers de Sickingen les ruines de Hohenbourg et une partie de son domaine ; ils les possédèrent jusqu'à la révolution de 1789.

A 500 pas environ du château de Hohenbourg se trouve une source à laquelle on a donné le nom de Fontaine de la Vierge (Jungfernquelle),

Qu'il nous soit permis de reproduire ici une légende populaire bien connue dans le pays, une de ces vieilles traditions imprégnées du vernis romanesque dont l'imagination couvre si souvent les ruines des anciennes demeures féodales et qui se rattache à la Jungfemquelle ; nous l'avons entendu raconter, il y a quelques années, par une pauvre femme qui habitait la ferme située non loin du château.

Malheureusement nous craignons fort de ne pouvoir reproduire par la traduction son langage vraiment original.

Voici cette légende :

A l'heure solitaire de minuit,'alors que les esprits malfaisants voltigent dans les airs, et que les reflets de la lune abusent les yeux, on voit une jeune châtelaine vêtue tout de blanc, parcourir d'abord les ruines du château, puis en descendre lentement.

Elle porte ses regards tour il tour sur la montagne et les vallées,, et reste plongée dans une rêverie profonde, jusqu'au moment où elle arrive près de la fontaine.

Alors elle se baisse, puise dans ses mains d'albâtre une eau limpide, et en lave ses longs cheveux.

En ce moment sa belle figure prend un air riant, et, légère comme une biche, elle arrive jusque près de la ferme où, toute joyeuse, elle s'assied sur un bloc de rocher qui se trouve au bas de la montagne.

Au moindre bruit, la jeune fille se dresse comme une statue. Elle reste immobile ; la tête levée, l'œil fixe et l'oreille attentive, elle semble vouloir saisir quelque son lointain.

Puis ses regards se reportent en haut, vers ce séjour mé«

lancolique où ses yeux n'aperçoivent que des ruines, elle soupire avec amertume en contemplant les débris de ces murs.

Tout en sanglotant, elle commence à gravir la montagne. Sa marche augmente peu à peu de vitesse. Triste et fatiguée elle arrive près de la porte du château.

Elle appelle : mais personne ne comprend le nom qu'elle murmure. Sa voix a m1 accent douloureux et lent; le chagrin oppresse son cœur.

Après un instant sa voix semble se raffermir, et au milieu de ses sanglots, on a pu saisir ces paroles : «Viens à mon se« cours, ô mon Dieu ; je pleure depuis assez longtemps ; « rends-moi mon père. »

Puis l'apparition disparaît.

Château de Lœwenslein.

Quoique situé sur une partie de l'ancien territoire d'Alsace aujourd'hui abandonnée à la Bavière, le manoir féodal de Lœwenstein, par sa proximité des anciens châteaux de Hohenbourg, Frundsberg, Fleckenstein et Wasenstein, qui tous ont appartenu aux anciennes familles de notre province, mérite dans celte notice une place que nous ne saurions lui refuser. Cependant, M. le professeur Jung1 ayant tracé de main de maître, dans un récent mémoire, l'historique de ce château depuis son origine jusqu'à sa destruction, nous ne donnerons ici qu'une monographie très-succincte de ces ruines dont depuis des siècles, il n'existe plus que d'insignifiants débris.

Ni les chartes, ni les chroniques ne nous font connaître le nom du seigneur auquel le château de Lœwenstein que la tradition populaire désigne souvent sous la dénomination de Lindenschmidt, doit son origine.

Il est probable qu'il a été construit vers le onzième siècle, mais ce n'est qu'à la fin du treizième que nous le trouvons

' Bulletin de la Société historique d'Alsace, t. 1, p. 129.

entre les mains de la famille de Lœwenstein fort peu connue et rarement citée dans les documents historiques qui nous restent sur cette époque.

Les, Lœwenstein cédèrent ce château à Rodolphe de Habsbourg. Celui-ci le donna en fief aux Ochsenstein qui en partagèrent la jouissance avec les Landsberg. Plus tard, il fuL .inféodé aux Hohenbourg avec l'héritage desquels il passa à la famille de Sickingen.

Jean d'Albe et Henri Streiff de Landsberg habitèrent ce château vers l'année 1380, et ils en firent un véritable repaire de brigands, où se donnaient rendez-vous les aventuriers nobles et roturiers de tous les environs.

Malgré les avertissements réitérés de leurs voisins, Jean d'Albe et Henri de Landsberg continuaient leurs actes de déprédations et multipliaient leurs pillages. Les populations de la contrée n avaient plus le courage de parcourir le pays. Pour faire cesser un état de choses aussi déplorable, il fallait frapper un grand coup ; ce fut Jean de Lichtenberg qui, soutenu par la ville de Strasbourg, se chargea du châtiment.

Dans le courant du mois d'avril 1386, il dirigea ses troupes vers le château de Lœwenstein, l'attaqua, et après un siège de plusieurs semaines l'enleva d'assaut et le fit détruire de fond en comble.

Château de Wasenstein.

Tout à l'extrémité du canton de Wissembourg et du département du Bas-Rhin, au sommet de l'une des plus hautes montagnes de cette partie de la belle et majestueuse chaîne des Vosges qui sépare la France de la Bavière, s'élèvent au-dessus d épaisses forêts des ruines aussi grandioses que pittoresques.

Ce sont les restes des deux châteaux de Wasenstein, nom que Schœpflin fait dériver de Wasichenslein, Roche des Vosges.

Assis sur deux éminences rocailleuses coupées à pic à une grande profondeur, l'un de ces châteaux plus élevé que l'autre

sèmble avoir été placé là comme un observatoire redoutable que protégeaient à la fois le château inférieur et une double muraille fortifiée construite plus bas encore.

A cause de leur position respective, les chartes désignent le premier sous le nom de château supérieur, tandis qu'elles donnent au second celui de château inférieur.

Les ruines du château supérieur se composent des restes d'une tour carrée dont les murs ont à la base plus de deux mètres d'épaisseur. Celte tour est aujourd'hui très-délabrée, cependant les parties les mieux conservées laissent voir qu'elle était construite avec soin. A vingt-cinq mètres vers l'est, on remarque une excavation assez profonde taillée dans le roc : c'était la citerne où l'on recueillait les eaux de pluie.

Le château inférieur était évidemment destiné à l'habitation des seigneurs. Ses vastes ruines présentaient, il n'y a pas longtemps encore, plus de traces d'une belle architecture qu'aucun autre de nos monuments du même genre situés dans les environs. Malheureusement depuis quelques années elles ont éprouvé les dégradations les plus fâcheuses.

Dans la tour placée du côté de la vallée qu'elle domine, on trouve encore un bel escalier assez bien conservé, dont les marches taillées dans le roc attestent l'habileté des ouvriers ; les fenêtres de cejte tour présentent les formes les plus variées et sont presque toutes accompagnées de découpures et d'ornements gothiques élégants. Indépendamment de la p-etite tour, le château inférieur était composé d'une vaste construction quadrangulaire dont les murs existent encore en partie.

Une porte très-ornée et fort remarquable a successivement disparu, il n'en reste plus que quelques pierres.

Dans l'intérieur du château on retrouve les traces de plusieurs chambres tantôt construites avec de beaux blocs de grès des Vosges artistement sculptés, tantôt formées d'excavations pratiquées avec art dans le rocher même. A l'ouest, trois fenêtres gothiques très-endommagées s'ouvrent presqu'à fleur de terre sur le précipice qui sépare les deux châteaux

Derrière une première enceinte très-étendue qui entoure vers le sud le bas des rochers, il'y en a une autre, plus grande encore., mais beaucoup plus délabrée. Cette seconde muraille, qu'environne uu fossé, était flanquée de plusieurs tourelles dont on n'aperçoit plus que les assises. Tout cela. formait un système de fortifications des plus importantes pour l'époque où ces constructions avaient été élevées.

Nous avons inutilement cherché parmi ces ruines quelque inscription ou quelque date capable d'indiquer, soit l'époque de la construction du château, soit celle d'une réparation ; il nous a été impossible de rien découvrir.

On ignore à quelle époque ces demeures chevaleresques furent fondées. Les chroniques et les traditions sont muettes à ce sujet. Toujours -est-il que leur origine remonte au delà du treizième siècle, car déjà en 1248 on les trouve en la possession de la famille de Wasenstein, sans cependant qu'il soit possible d'en conclure que ces seigneurs en aient été les fondateurs.

En l'année 1335 l'aventureux et turbulent Fréderic de Wasenstein et ses frères, étaient encore propriétaires de ce domaine. Mais à partir de cette époque ces châteaux passèrent successivement, par portions indivises entre les mains des Ochsensteih, des Hohenstein, des Winstein, des Hunebourg et des Fleckenstein.

Une charte citée par Herzog, nous fait connaître qu'en 1367, ces châteaux qui étaient advenus à la famille des Hunebourg par suite de mariages contractés entre les seigneurs de ce nom et des sœurs de Fréderic de Wasenstein, passèrent -en partie aux nobles de Fleckenstein.

A la fin du quinzième siècle ces seigneurs possédaient seuls l'Ober- et le Nieder-Wasenstein.

Schœpflin rapporte qu'en 1505 Jacques de Fleckenstein décida que le Wasenstein resterait dans sa famille à titre de fief,

et que jamais les femmes ne pourraient en hériter.

Au commencement du dix-huitième siècle les Fleckenstein vendirent ce domaine aux comtes de Hanau.

Abandonnés par leurs propriétaires quelque temps avant les événements de 1789, ces châteaux qui avaient survécu aux luttes si souvent réitérées de l'époque féodale, furent détruits par le souffle aussi impitoyable qu'irrésistible de la tourmente révolutionnaire.

IV. OBERSTEINBACH.

Château d'Arnsberg.

Non loin du village d'Obersteinbach , sur une des hauteurs de la chaîne des Vosges, plus élevés que les ruines de Fleckenstein, on trouve encore aujourd'hui les débris pittoresques de l'ancien château féodal du petit Arnsberg dont la position commandait tous les environs.

Il nous est impossible de remonter à l'origine de ce château ; aucun document de l'histoire d'Alsace ne permet de fixer exactement l'époque de sa construction.

UAlscilia diplomatica mentionne qu'en 1332 le landgrave Ulric, Philippe son frère, et Jean son neveu, vendirent le petit Arnsberg à Haneman et à Louis de Lichtenberg. Devenu peu après fief de la famille d'Ochsenstein, ce château fut, sous le règne de Charles IV, récupéré par l'abbaye de Wissembourg qui, déjà auparavant, en avait été propriétaire.

En 1361 l'empereur Charles IV écrivit au sénat de Strasbourg pour l'inviter à veiller à ce que Jean Ochsenstein, chorévêque de cette ville, ne gardât pas plus longtemps le château d'Arnsberg, d'où un jugement l'obligeait à déguerpir.

Des titres d'investiture de 1483 et de 1551 constatent qu'à cette époque l'abbé de Wissembourg gratifia de ce château les nobles d'Adelsheim.

Deux siècles plus tard, en 1717, la moitié du petit Arnsberg avait passé aux mains des comtes de Hanau et le 19 mai de la mème année, une convention intervenue entre Jean René de Hanau et l'électeur de Mayence transporta au premier,

moyennant la somme de 25,000 florins, le domaine direct de Brumalh et d'Arnsberg avec toutes leurs dépendances.

Les ordonnances d'Alsace constatent que par lettres patentes du mois d'avril 1718, enregistrées au conseil souverain le 3 juin suivant, le roi agréa et confirma cette convention.

A partir de cette époque, on ne découvre plus aucun document relatif au petit Arnsberg. L'histoire n'a pas enregistré ses vicissitudes, mais il paraît certain que ce château i1 été détruit à l'époque de la conquête de l'Alsace par la France.

Ses ruines, sans être d'une grande importance, ont cependant quelque chose de très-imposant. La partie bâtie est placée sur l'extrémité d'un énorme rocher s'élevant à une hauteur d'environ 45 mètres du sommet de la montagne ; elle se compose aujourd'hui des débris de deux tours dominant de larges fossés qui précédaient l'enceinte de cette forteresse. Comme dans presque toutes les ruines que nous venons de décrire, on trouve dans l'intérieur de l'une des tours, des marches d'escalier taillées dans le roc. De l'autre côté du fossé on voit les vestiges d'un bâtiment secondaire.

Château de Lützelhard.

Les données historiques relatives au manoir de Lützelhard remontent à la fin du onzième siècle.

Ce château qui s'élevait au-dessus du village d'Obersteinbach, non loin du petit Arnsberg, mais sur une montagne d'une moindre hauteur, doit avoir appartenu à cette époque à l'un des descendants du duc Athic d'Alsace ; plus tard, vers la fin du treizième siècle il advint à la famille noble des Wasselnheim qui, en 1363 le vendit à Henri de Fleckenstein..

Devenu postérieurement la propriété des comtes de Deux-Ponts-Bitsch, il passa avec leur comté au duc de Lorraine.

En 1606 une transaction amiable le transporta aux mains du comte Hanau-Lichtenberg.

Tout fait supposer qu'entre ces deux dates, 1363 et 1606,

le château de Lützelhard eut à supporter plusieurs attaques importantes. Nos chroniques font mention de l'une d'elles : le 6 avril 1462, après un siége de trente-six heures donné pendant l'absence de son propriétaire le comte de Deux-Ponts-Bitsch, la tour et le château furent pris d'assaut par une bande de 400 Wissembourgeois. Ils pillèrent le château, puis abandonnèrent la place qu'ils ne se sentaient par la force de disputer à son maître.

Lors de la transaction intervenue entre le duc de Lorraine et le comte Hanau-Lichtenberg, ce manoir ne fbrmait plus qu'une ruine.

Le duc Charles, dans l'acte de 1606, déclare renoncer « au «vieil édifice en ruine de Lützelhard. » Le passé ne nous en a laissé que les restes les plus dégradés. Ils se composent aujourd'hui des débris d'une tour reposant sur une roche d'environ 30 mètres de hauteur et 100 mètres de largeur. La porte de cette tour taillée dans le roc, est encore assez bien conservée, ainsi qu'une galerie qui occupe la partie supérieure de la plate-forme du rocher. Des restes de murs ayant évidemment appartenu à des bâtiments d'habitation, prouvent par leur épaisseur et leur étendue, que le château avait une certaine importance.

Telle est l'esquisse des principaux monuments locaux que nous devons aux siècles passés.

Ainsi qu'on a pu le remarquer, la plus grande partie de ces édifices et de ces ruines appartient à la grande époque féodale, si souvent calomniée, et qui cependant a eu aussi sa force et son éclat.

Il est hors de doute que la féodalité était un régime irrégulièrement constitué, par lequel les seigneurs et leurs vassaux se trouvaient les maîtres de la population et du sol, tandis que la masse du peuple était presque complètement déshéritée.

On ne saurait nier non plus qu'alors la condition du paysan était peu enviable et qu'à peine on lui accordait quelques débris des droits de propriété. Sans unité de vues, exerçant un pouvoir absolu et souvent arbitraire sur leurs sujets, les seigneurs , petits souverains et petits despotes, inégaux entre eux, et ayant les uns envers les autres des devoirs et des droits, n'étaient pas toujours assez puissants pour protéger les populations gu'ils considéraient comme leur appartenant. D'un autre côté, la difficulté des communications, l'ignorance profonde dans laquelle croupissait la masse du peuple, sa misère, sa faiblesse, sa vie précaire, résultat de pertes renouvelées à chaque querelle du seigneur avec des voisins presque toujours disposés à la guerre, rendaient certainement des plus misérables la position et la vie du cultivateur.

Cependant on se tromperait si l'on croyait que la féodalité n'a été qu'une domination tyrannique exercée par le riche sur le pauvre, par le puissant sur le faible. L'association féodale a fait naître de beaux et nobles principes ; elle a constitué une organisation sociale et une force publique; c'est de cette époque que datent presque toutes les familles dont le nom se lie aux événements nationaux ; c'est à elle que se rattachent des traditions, des souvenirs qui, aujourd'hui encore, se saisissent fortement de notre imagination. La féodalité s'est illustrée par l'exécution de monuments d'art, que nous ne cessons d'admirer; elle a constitué un pouvoir souvent digne et énergique, mais malheureusement trop oppressif, manquant d'unité et par cela même de stabilité, elle a préparé les populations à la monarchie, elle les a préparées aussi à la liberté.

.Cette influence a-t-elle agi d'une manière aussi favorable sur le développement de l'agriculture ?

Non, sans doute.

Pendant les temps dont nous venons de parler les préjugés existants tendaient à maintenir les cultivateurs dans une ignorance complète, et eux ne faisaient rien pour se soustraire à cette tendance. Ils n'étaient plus assujettis au joug de la glèbe,

et cependant ils étaient considérés comme une espèce inférieure et bien distincte des hommes qui seuls jouissaient de tous les priviléges, de tous les avantages de la société.

Les écrits de l'époque nous assurent à la vérité qu'alors en Alsace, la terre était cultivée avec soin, et que généralement la production se trouvait proportionnée à la population.

Nous admettons ces données, mais en même temps nous faisons remarquer que les besoins de la consommation étant moindres, les produits satisfaisants étaient dus bien plus à la fertilité naturelle du sol, qu'aux procédés de culture et à l'aptitude raisonnée des paysans pour les travaux champêtres. On ne saurait nier qu'à côté d'exploitations assez satisfaisantes pour l'époque, il existait un grand nombre de terrains vagues ; que les prairies étaient généralement mal entretenues; que le nombre des bestiaux beaucoup trop faible ne se trouvait pas en rapport avec l'étendue des terres cultivées annuellement; que les procédés de culture étaient trop routiniers; enfin, que la récolte elle-même n'était jamais assurée, puisque-d'un moment à l'autre elle pouvait être ravagée par les troupes des seigneurs.

Dans de telles conditions il n'y avait pas de progrès possible. Aussi voit-on pendant la féodalité l'agriculture sinon végéter, du moins se traîner dans une ornière dont elle ne parvient à sortir un instant que pour y retomber presque aussitôt.

Sa prospérité réelle dans nos contrées, ne remonte qu'à une cinquantaine d'années avant la réunion de l'Alsace à la France.

Lorsque éclata la révolution de 1789, l'agriculture prit un nouvel élan, et elle faisait des progrès rapides, quand parut Napoléon.

Pour qu'il puisse prospérer, l'art agricole a besoin de la . paix. Napoléon 1er ne put la lui donner; les temps et les circonstances faisaient de la guerre une triste nécessité. L'Empereur tint longtemps haut et ferme le drapeau de la France,

mais ces luttes, quelque glorieuses qu'elles fussent, exigeaient des sacrifices incessants; l'inquiétude s'empara du cultiva. teur et le progrès agricole s'arrêta.

Il ne se releva que quelques années après la restauration , lorsque les petits propriétaires fonciers eurent réparé les pertes qu'ils avaient éprouvées par l'invasion des alliés.

Aujourd'hui le mouvement est incessant, et sous l'impulsion d'un gouvernement qui se fait une gloire d'ennoblir la charrue, l'agriculture progresse et se développe avec la plus louable ardeur.

En résumé, nous croyons que la féodalité a été utile en politique comme acheminement vers une forme régulière de gouvernement; mais que la condition servile ou voisine de la servitude des populations a étouffé alors tout progrès agricole.

Nous admirons les monuments d'art de cette époque, tout en déplorant son influence désastreuse sur l'agriculture.

TROISIÈME PARTIE.

Usages locaux en vigueur dans le canton de Wissembourg.

OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES.

Une circulaire de Son Exc. le Ministre de l'agriculture, du commerce et des travaux publics du 15 février 1855, a prescrit de recueillir et de constater dans chaque canton les usages locaux auxquels se réfèrent des dispositions législatives.

Cette circulaire a reçu une application définitive dans le département du Bas-Rhin, et par arrêté préfectoral du 10 avril 1856 des commissions cantonales ont été nommées pour procéder à cette constatation.

Après les investigations les plus minutieuses, la commission du canton de Wissembourg que je présidais, a arrêté définitivement les bases de son travail, et la rédaction m'en a été confiée.

Le classement des matériaux recueillis n'a pas été aussi difficile qu'on pouvait le penser d'abord ; car, quoique nés des vieilles coutumes et des habitudes féodales de localités soumises autrefois à des dominations diverses, les usages qui ont survécu dans nos communes n'offraient que des différences presque insignifiantes.

Les usages locaux du canton de Wissembourg, législation spontanée qui règle une masse d'intérêts presque aussi considérables que la législation officielle, se trouvent ainsi régulièrement constatés.

J'ai pensé que ce petit code , d'une utilité incontestable pour régler les rapports des propriétaires avec leurs fermiers, des

maîtres avec leurs domestiques et journaliers, enfin, ceux des cultivateurs entre eux, ne serait pas déplacé à la suite d'un travail auquel il me semble se rattacher d'une manière très-directe et dont il est en quelque sorte le corollaire.

Sans attacher à cette œuvre une autorité qu'elle ne peut pas avoir, je la donne telle que je l'ai soumise à la commission qui l'a approuvée en son entier.

CHAPITRE PREMIER.

USAGES RELATIFS AUX EAUX ET A L'AMÉNAGEMENT DES BOIS.

\Art. 644 et 645 du C. Nap. ; Loi du 14 floréal an XI.)

§ 1.

Des eaux courantes.

1. L'intérêt des usiniers et autres riverains ne permet pas l'usage immodéré des eaux courantes bordant ou traversant les héritages.

2. Il est d'usage dans le canton que le droit de jouir de ces 'eaux soit réglementé par une convention intervenue entre les intéressés, ou par un acte de l'autorité administrative.

De pareils actes existent dans les communes de Wissembourg et de Lembach.

3. Pour les ruisseaux où l'on pratique le flottage à bûches perdues, ce flottage ne doit avoir lieu qu'avant la pousse des herbes et après la fenaison.

4. Les riverains doivent le marche-pied.

5. Le droit de pêche s'exerce habituellement par les propriétaires riverains, chacun de son côté jusqu'au milieu du cours d'eau.

6. Il est encore d'usage que tous puisent dans les eaux courantes pour les besoins de la vie, y lavent le linge et y abreuvent les bestiaux.

Presque partout l'irrigation se pratique conformément au

droit commun. Dans certaines communes, la distribution des eaux s'opère par un préposé nommé par les propriétaires.

§2.

Des eaux natives.

7. Il n'existe pas dans le canton d'usage spécial quant aux eaux natives, qui sont celles qui naissent dans le fonds du propriétaire sans rien emprunter des propriétés voisines ; elles sont régies par les termes formels de la loi.

8. Le propriétaire du fonds peut donc disposer à son gré de l'eau native, et lui assigner sur son propre fonds tel cours qui lui convient.

9. Lorsque les eaux de sources sont sorties de l'héritage où elles ont pris naissance, elles rentrent dans la catégorie des eaux courantes.

§3.

Des eaux industrielles.

10. Dans tout le canton, les eaux industrielles, sont, comme les eaux natives, régies par le Code Napoléon (art. 644).

11. Celui qui attire par industrie, dans son fonds , des eaux que la nature n'y a pas créées, est chargé seul du soin de leur procurer un débouché qui ne nuise pas aux voisins, et cela sans pouvoir les contraindre à partager cette charge.

12. Les usages signalés dans les deux paragraphes qui précèdent, leur sont quelquefois applicables.

§4.

Des eaux de seconde main.

13. Des actes de l'autorité administrative réglementent le plus souvent les cours d'eau servant à l'industrie, tant sous le rapport de l'usage, que sous celui de l'altération que les industries diverses font subir à l'eau.

Le cours de la Lati ter est réglementé.

14. Lorsque ces eaux ne sont pas gouvernées par des actes administratifs, elles le sont par des conventions particulières.

On ne connaît pas dans le canton d'usages qui y soient relatifs.

§ 5.

Du curage des canaux et rivières non navigables, et de l'entretien des ouvrages qui y correspondent.

15. Les usages locaux à ce sujet ont toujours été, que les riverains contribuent aux frais de curage dans la proportion de leur intérêt et. entretiennent les berges dans l'étendue de leurs héritages.

16. Avant la création du service hydraulique les curages se faisaient sur simples décisions de l'autorité locale.

Aujourd'hui encore, il est rare qu'on fasse intervenir l'autorité administrative.

Il n'y a rien de déterminé pour les époques auxquelles ces curages doivent avoir lieu.

§ 6.

Du curage dans l'intérêt privé des fossés ou ruisseaux mitoyens.

17. Cet objet rentre dans les attributions de police confiées à l'administration chargée de procurer le libre écoulement des eaux.

18. L'usage existant pour le curage des rivières non navigables, est le même pour le curage des fossés ou des ruisseaux mitoyens.

19. Dans la banlieue de Wissembourg, l'administration locale provoque habituellement le curage ; elle fixe la profondeur et la largeur des fossés, fait publier que le curage devra avoir lieu à telle époque, et si les propriétaires ne font pas les travaux mis à leur charge, elle les fait faire à leurs frais et recouvre sur eux le montant des dépenses. Les matières jectisses provenant du curage appartiennent aux riverains.

§7.

Aménagement des bois particuliers, et usages concernant l'étendue des droits de l'usufruitier.

(Art. 590-593 du Code Napoléon.).

20. Il n'existe point d'usage particulier pour l'aménagement dçsbois1.

21. Les forêts traitées comme bois taillis sont aménagées selon des révolutions conformes à l'essence du bois. 'La durée est de vingt-cinq à trente ans.

L'usage constant des propriétaires, établit que l'usufruitier a le droit de couper le taillis de châtaignier à quinze ans et le taillis de chêne à vingt-cinq ans. Il profite de l'élagage des arbres plus âgés.

22. Les forêts de haute futaie admettent des révolutions de cinquante à cent années, selon les essences.

23. Quant aux arbres qu'on peut tirer des pépinières , aux échalas et aux produits annuels périodiques des arbres, l'usufruitier doit remplacer dans les pépinières les arbres qu'il en sort et extraire les échalas des coupes annuelles qu'il fait; sauf l'extraction des arbres dépérissants et des chablis, qu'il peut de suite convertir en échalas.

24. Les produits annuels et périodiques des arbres sont recueillis par l'usufruitier.

Il a droit à la récolte annuelle des osiers, des branches d'aulnes, bouleaux et autres bois blancs; l'usage lui permet aussi de s'approprier les arbres fruitiers morts, à charge de les remplacer par de jeunes plants de la mème nature.

1 Avant 1791, l'exploitation des bois appartenant aux particuliers, n'était pas laissée à la libre disposition du propriétaire. Diverses ordonnances l'astreignaient à suivre un mode d'aménagement fixe. Aujourd'hui presque toutes les modifications imposées à la propriété des bois ont disparu. Tout propriétaire a le droit le plus étendu sur ses forêts. Dès lors il ne faut pas considérer ce qui est dit dans le § 7, comme usages invariables, ce ne sont que des indications et des renseignements qu'il peut être utile de consulter à l'ouverture et pendant l'exercice des usufruits.

25. Le grand morcellement des bois taillis appartenant à des particuliers, fait qu'on est obligé de les exploiter en jardinant.

Du côté de Lembach où les forêts particulières sont plus considérables, les taillis sont coupés par superficie ou contenance.

26. A l'exception du chêne, tous les bois sont coupés en temps de saison morte.

27. La coupe des bois commence ordinairement du 1er au 15 novembre et finit du 1er au 15 avril.

28. Les chênes qui doivent être écorcés sont coupés en mai et juin.

29. L'usage n'oblige pas à laisser des baliveaux; cependant, d'ordinaire, dans les exploitaiions par jardinage, on choisit et on ménage des baliveaux parmi l'essence la plus convenable à la nature du sol, et surtout parmi le chêne, le châtaignier, le hêtre et le bouleau.

30. L'enlèvement du bois mort n'est point toléré. Le bois mort est rangé dans la catégorie des produits des forêts.

31. Il en est de même-de l'enlèvement des feuilles mortes, des herbes et genêts. Ces produits sont recueillis ou vendus par le propriétaire.

32. L'usage n'autorise pas le pâturage des bestiaux dans les . taillis, et les propriétaires extrêmement rares, qui livrent leurs bois au pâturage, ne le font qu'en vertu de leur droit de propriété, sans qu'aucune coutume les y oblige.

CHAPITRE II.

USAGES URBAINS.

§ 1er.

Des murs de clôture dans la ville et dans les communes rurales.

(Art. 663 du Code Napoléon. )

33. La hauteur des murs dans la ville et les communes rurales du canton, n'est point fixée par les usages locaux ; les

prescriptions de la loi sont généralement suivies à cet égard.

34. L'usage autorise les copropriétaires d'un mur mitoyen à placer sur le chaperon , chacun de son côté, des treillage's qui reçoivent des cordons de vignes.

35. Lorsque le mur non mitoyen est pourvu d'un chaperon avec égout du côté du voisin, il est d'usage que le propriétaire de ce mur laisse, en le construisant, une distance de O^O entre son mur et le fonds du voisin.

36. Un mur ayant son chaperon avec égout seulement du côté du propriétaire de ce mur, est placé à fin d'héritage, que le terrain soit en labour ou non'.

§2.

Des constructions susceptibles de nuire aux voisins.

(Art. 674 du Code Napoléon.)

37. Pour tout ce qui concerne les précautions à prendre relativement aux constructions des cheminées,, âtres, fours, forges, fosses d'aisances, puits, étables, etc., ainsi que pour le dépôt de sel ou amas de matières corrosives; de matières combustibles et des fumiers, il n'existe point dans le canton d'usages locaux en vigueur, mais on doit faire tout ce qui est nécessaire pour éviter de nuire au voisin.

38. Toutes les constructions-qui intéressent l'ordre public et la sécurité générale, sont soumises à la surveillance spéciale de l'autorité administrative laquelle, à cet égard, a le droit d'arrêter tous règlements de police qui lui paraissent utiles ou nécessaires.

39. Il en résulte qu'à l'égard des puits et des fosses d'aisances, c'est aux règlements particuliers de police qu'on doit se reporter pour savoir quelles précautions sont à prèndre à l'effet d'éviter les inconvénients que ces constructions peuvent présenter, non-seulement pour les voisins, mais pour le propriétaire même de l'héritage.

40. Lors du creusement des puits et des fosses, outre les

précautions générales qui doivent être prises dans l'intérêt du propriétaire, on doit veiller à ce qu'ils ne soient pas établis à une distanc-e trop rapprochée des fonds voisins auxquels ils pourraient porter préjudice.

Néanmoins cette distance n'est pas déterminée par l'usage.

§ 3.

Durée des baux verbaux.

A. D'appartements non meublés.

(Art. 1736 du Code Napoléon.)

44. La durée des baux verbaux, d'une maison, d'une partie de maison, comme d'un étage ou partie d'étage, est d'un an.

Cette durée d'un an est d'usage, même lorsque le loyer reconnu est payable en plusieurs termes.

42. Il n'y a que les logements destinés à la classe pauvre qui se louent au mois.

43. Lorsqu'un logement est loué à un fonctionnaire amovible,- il est d'usage que le bail cesse à l'époque de son changement de résidence ; néanmoins dans ce cas il doit au propriétaire une indemnité qui varie entre le prix d'un à trois mois de location.

B. De chambres garnies.

(Art. 1758 du Code Napoléon.)

44. Le bail verbal d'une chambre garnie est censé fait pour un mois.

C. D'habitations à la campagne.

(Art. 1 736 et 1774 du Code Napoléon.)

45. A la campagne les habitations, maisons ou parties de maisons sont toujours censées louées à l'année, à moins de conventions contraires.

4rL L'entrée en jouissance a lieu d'ordinaire au 25 avril.

D. D'usines.

47. La location des usines est toujours constatée par conventions écrites.

§ 4.

Des termes de paiement des différents loyers.

48. Le loyer des logements non garnis et payable par trimestre ou par an , rarement par mois.

49. Le prix des chambres garnies est exigible à la fin de chaque mois de jouissance.

50. Quels que soient les objets, les localités loués et la durée du bail, le paiement du loyer est toujours fait à l'échéance des termes et jamais d'avance.

51. Nulle part il n'est d'usage que le sous-locataire fasse des paiements avant l'échéance du terme.

§5.

Des délais à observer pour les congés aux locataires.

(Art. 1736 et 1762 du Code Napoléon.)

5'3. Le délai à observer pour les congés des maisons et logements non garnis est de trois mois francs.

53. Lorsque le bail a été consenti pour moins d'un an, le congé est ordinairement donné à la moitié de la durée de la jouissance.

54. Le délai de congé pour les chambres garnies est de quinze jours.

55. Ces délais sont les mêmes pour les baux verbaux et pour les baux écrits, quand ces derniers ne contiennent pas de stipulation contraire et qu'il y a lieu de donner congé.

56. L'usage n'accorde aucun délai aux locataires des lieux loués, pour effectuer leur déménagement et faire les réparations locatives.

57. La formalité du congé n'est pas observée dans le canton pour les terres de labour, les prés et autres biens ruraux.

§ 6.

Des réparations locatives.

(Art. 1754 du Code Napoléon.)

A. Aux logements, maisons d'habitation et bâtiments en général.

58. Les réparations locatives ou de menu-entretien, mises par l'usage à la charge des locataires, sont celles prévues par l'art. 1754 du Code Napoléon.

59. Si le locataire fait blanchir les murs et plafonds à son entrée dans le logement, il n'est point tenu de le faire à sa sortie et vice versa.

Le propriétaire ne peut exiger le remplacement des peintures à l'huile et des papiers tapisseries qu'autant qu'ils ont été abusivement dégradés par le locataire.

60. En quittant un logement, le locataire sortant doit faire nettoyer les planchers , laver les vitres, et remplacer celles qui ont été brisées autrement que par la grêle ou une force majeure.

61. Le ramonage des cheminées est à la charge des locataires.

62. Le balayage de la rue se fait ordinairement à tour de rôle par tous les habitants d'une même maison.

63. La vidange des fosses d'aisance que l'art. 1.756 du Code Napoléon met à la charge du bailleur est, d'après l'usage, faite par le locataire et à ses frais.

B. Aux usines et moulins.

64. Le louage des moulins a lieu ordinairement à la prisée. Ce mode de location consiste à faire estimer la valeur en numéraire des tournants et travaillants, des machines, ustensiles , outils et meubles particuliers aux moulins à blé, au moment où le bailleur les livre au preneur, et à la fin du bail ; si la dernière prisée est plus forte que la première, le pro-

priétaire rembourse l'excédant au locataire; si au contraire elle est plus faible, le locataire paie au propriétaire la différence en moins.

65. Le locataire d'un moulin loué à la prisée, est obligé d'entretenir les mouvants et travaillants , les machines, ustensiles et meubles consacrés spécialement au mouvement et à l'exploitation du moulin. Il est responsable de tous ces objets, si les dégradations n'ont pas été causées par une force majeure ou un cas fortuit.

66. L'entretien des berges en terre est une obligation pour les locataires de toute usine mue par une chute.

67. A la fin de sa jouissance, le locataire d'un moulin doit remettre chaque chose en état de marcher et de fonctionner.

§ 7.

De la tacite réconduction.

(Art. -1738 et 1759 du Code Napoléon.)

68. Pour les maisons d'habitation et les logements meublés ou non meublés, la tacite réconduction a lieu si le locataire a été laissé en jouissance après l'échéance de son bail.

69. Il s'opère alors une nouvelle location aux prix, aux conditions et pour le temps de la jouissance antérieure.

CHAPITRE 111.

USAGES RURAUX.

§ 1er-

A. Des plantations d'arbres à proximité des fonds voisins.

(Art. 671 du Code Napoléon.)

70. Dans les environs de Wissembourg et dans toutes les communes qui formaient l'ancien district du Mundat, la distance réglementaire pour les plantations d'arbres à haute tige, doit être de 4 mètres 44 centimètres, longueur de la perche du Mundat.

71. Parmi les arbres à haute tige, il faut aussi comprendre les pruniers (Zwetschenbœume).

72. La distance prescrite par l'usage du Mundat n'est point gardée lorsqu'il existe entre des propriétés voisines un chemin ayant une largeur moindre que la distance à laisser.

73. Les statuts du Mundat interdisent la plantation des noyers dans les vignes.

74. L'usage autorise la plantation des arbres de haute lige (fruitiers et autres) à des distances plus rapprochées du voisin, sans préciser ces distances, dans les terrains clos de murs et particulièrement dans les cours, jardins et vergers de la ville.

75. Les usages ne prescrivent aucune distance pour la plantation des arbres espaliers le long des murs mitoyens.

76. Lorsque la propriété du voisin est en nature de forêt, la plantation et le semis' sont faits jusqu'à la ligne séparative de l'héritage.

77. Dans les prairies ou dans les terrains contigus à des prairies, les osiers sont plantés immédiatement au bord des fossés et ruisseaux.

B. Arbres mitoyens. — Partage des fruits.

78. D'après d'anciens usages, les arbres mitoyens et ceux plantés à une distance moindre que la distance réglementaire, devaient être abattus, à moins que le propriétaire de l'arbre ne consentît au partage des fruits.

79. Les fruits tombés sur la propriété du voisin sont recueillis par ce dernier, lorsque les héritages sont séparés par une clôture.

80. S'il n'existe pas de clôture, et si l'arbre est planté à la distance réglementaire, les fruits qui tombent sur la propriété voisine sont recueillis par le propriétaire de l'arbre, qui doit les ramasser sans causer de dommage aux cultures du voisin.

81. Lorsque les branches d'un arbre dépassent la limite, les

fruits qui se trouvent sur ces branches appartiennent au propriétaire du fonds limitrophe.

82. Pour les noyers, on suit la règle que les noix appartiennent à celui sur le fonds duquel elles tombent; celles qui se trouvent dans les sillons se partagent par moitié.

83. Les statuts du Mundat ordonnent le partage par moitié des châtaignes tombées sur le fonds voisin.

§2.

Haies vives. — Haies sèches. — Fossés.

(Art. 671 du Code Napoléon.)

84. Les haies vives doivent être plantées à Om,50 du fonds voisin.

85. Les pieds corniers servent à déterminer la ligne sur laquelle la séparation a été primitivement faite.

86. En l'absence de titres et de faits de possession, l'existence de bornes sur la ligne médiaire d'une haie est un signe de mitoyenneté.

87. L'usage ne détermine ni l'épaisseur ni la hauteur des haies mitoyennes.

88. Les propriétaires de la haie mitoyenne sont tenus de l'entretenir en bon état de clôture, chacun de son côté.

89. Celui qui clôt sa propriété d'une haie sèche, n'est point tenu de laisser une distance entre sa haie et le fonds du voisin.

90. L'usage ne fixe pas la hauteur de ce genre de clôture. 91. Si la clôture est formée de lattes attachées par des clous, ' ces lattes doivent se trouver intérieurement à l'encadrement, du côté de la propriété qu'elles closent, afin qu'elles puissent être fixées sans qu'on soit obligé de passer sur la propriété voisine.

92. Celui qui fait ouvrir un fossé sur son fonds, doit laisser du côté du fonds voisin et au delà de l'ouverture de ce fossé, une distance de Om,50 sur toute la longueur.

93. Ni la largeur, ni la profondeur des fossés mitoyens ne se trouvent déterminées par les usages locaux.

94. Les fossés doivent toujours être creusés en talus et avoir une pente de 45 degrés.

§ 3.

Distances à garder pour les différentes plantations et cultures en général1.

(Art. 671 du Code Napoléon.)

95. Pour la plantation des vignes la distance entre les pieds plantés de chaque côté de deux héritages contigus, devait être de 10 pieds du Mundat (2m,77).

Lorsqu'il s'agissait de régler les limites de deux propriétés et que la distance était moindre que celle indiquée ci-dessus, la différence se partageait si les vignes étaient du .même âge, autrement la vigne la plus âgée devait obtenir de préférence les 5 pieds.

96. La distance de 10 pieds du Mundat était également admise pour régler la limite avec les aboutissants. Les ceps supérieurs devaient être plantés à 5 pieds ; les ceps inférieurs n'étaient pas soumis à cette règle.

97. Quand la vigne était plantée à 5 pieds du milieu du sillon, on admettait 3 pieds pour la rangée extérieure (Ortfaclï).

98. Les lattes transversales devaient rester à 11/2 pied du voisin; les piquets à 2 pieds.

99. L'usage du Palatinat introduit dans la banlieue de Wissembourg depuis environ quarante ans, et qui se pratique aussi à Riedseltz et à Rott, accorde un mètre à partir du fonds voisin pour la plantation de la première ligne de vignes ; mais alors il n'y a plus de rangée de piquets en dehors (Kein Ortfach).

La distance à garder jusqu'au fonds voisin, pour la plantation des arbres à haute tige, a été indiquée dans le g 1er, B.

400. L'observation rigoureuse des usages du Mundat rendait superflue la délimitation par pierres bornes ; les pieds de vignes formaient les indicateurs. Aujourd'hui la différence admise dans le genre de plantation nécessite la pose de pierres bornes*.

§4.

A. Modes de louer les fermes.

(Art. ^36 et 1774 du Code Napoléon.)

101. Dans le canton les fermes se louent presque toujours par convention écrite.

Le propriétaire fournit rarement du bétail au fermier.

B. Durée des baux. — Assolements.

102. La durée la plus commune des baux est de trois, six ou neuf ans.

103. Aucun usage ne fixe l'assolement des terres. Pendant le cours de son bail le fermier répartit sa culture comme il le juge convenable.

Il est très-rare que le bail d'une ferme soit fait verbalement ; à défaut de convention écrite sa durée est de trois ans.

e. Entrée en jouissance des fermes. — Prise de possession.

104. L'entrée en jouissance a lieu d'ordinaire à la Saint-Martin ou 11 novembre, pour l'ensemble de la propriété.

105. Une certaine portion des terres doit être mise à la disposition du nouveau fermier pour l'époque de la Saint-Michel (29 septembre).

106. A partir du 11 novembre le fermier sortant n'a plus aucun droit sur la ferme.

Les prescriptions indiquées ci-dessus ne sont plus suivies strictement; cependant on s'en écarte peu. Il serait à désirer que la distance à garder jusqu'au fonds voisin fût également fixée pour la plantation des houblons.

D. Droits et obligations dît fermier entrant et du fermier sortant.

107. Au jour fixé pour la prise de possession de la ferme, le fermier sortant doit avoir mis en bon état de réparations locatives les bâtiments et leurs dépendances.

108. Il doit, en quittant, laisser .ensemencée une surface de terre égale à celle qu'il a trouvée en cet état lors de son entrée.

109. Il doit aussi mettre à la disposition du nouveau fermier les fumiers qui se trouvent à la ferme à la fin du bail, et durant sa jouissance il ne peut distraire pour un usage autre que celui de la ferme, aucune partie des foins et engrais.

110. Les pailles et menues pailles, sont presque toujours abandonnées au fermier entrant.

§5.

A. Modes de louer les biens ruraux.

(Art. 1736 et 4774 du Code Napoléon.)

111. Les biens ruraux sont loués verbalement ou par écrit. 112. Le fermage est payé en argent; quelquefois aussi en blé à fournir en nature, mais ce dernier usage a presque entièrement disparu.

113. Quelquefois aussi, les terres se louent pour moitié de la récolte, mais cela est très-rare.

114. Dans ce cas les récoltes se partagent sur les champs. 115. Lorsque le propriétaire fournit le fumier la première année, il a droit aux deux tiers de la récolte ; la seconde année il ne reçoit plus que la moitié, l'autre moitié revient au fermier.

116. Le fermier, pendant toute sa jouissance, cultive les terres de la manière qui lui paraît la plus productive et la plus profitable, sans être astreint à un assolement déterminé.

B. Époque ordinaire d'entrée en jouissance. - Durée des baux.

117. L'entrée en jouissance des terres louées sans corps de ferme a lieu soit au 11 novembre, soit lorsque les champs sont complètement-dépouillés de leurs récoltes.

118. La durée ordinaire de ces baux est de trois, quatre, six ou neuf ans.

Lorsque les baux n'ont pas été faits par écrit, ils sont censés durer trois ans. A l'expiration de cette période, le bail cesse de plein droit.

C. Prés. — Vignes. — Jardins.

119. Il n'existe point d'usage spécial pour la location des prés, vignes et jardins.

120. La jouissance des prés loués isolément commence d'ordinaire après la récolte du regain.

Le bail dure un an sans réconduction.

121. Dans le canton les vignes ne se louent presque jamais. La récolte se vend sur pied au moment de la vendange.

D. Termes de paiement des différents fermages.

122. Les fermages se paient ordinairement à la Saint-Martin (11 novembre); quelquefois à la Saint-Michel ou à Noël; rarement à Pâques.

123. Lorsque les conventions indiquent Pâques comme une époque ou un terme, cette expression représente la date fixe du 25 mars.

124. Quels que soient les immeubles loués et la durée du bail, le paiement des fermages est toujours fait à l'échéance des termes et jamais d'avance.

S 6.

Location des granges, greniers, caves, pressoirs, écuries.

125. La permission de placer des gerbes dans une grange

el de les y faire battre, se paie soit en argent, soit en paille.

De plus on. abandonne une botte de paille par cent gerbes pour indemniser le propriétaire du tarare dont on se sert pour nettoyer les céréales.

126. Pour les greniers et les caves loués isolément, le loyer est d'ordinaire stipulé en argent. L'usage ne détermine pas d'époque fixe pour l'entrée en jouissance.

127. Lorsque le pressurage se fait chez le tonnelier, on lui abandonne les marcs à titre d'indemnité de location du pressoir.

128. L'usage ordinairement suivi est qu'on ne paie pas de loyer en argent pour la location des écuries ; on abandonne les fumiers à titre d'indemnité.

§ 7.

Maturité des fruits. — Modes de faire les différentes récoltes.

129. Pour empêcher la récolte des fruits avant leur maturité, les anticipations ou les dévastations qui auraient pu être commises sur les terres à cette occasion, comme aussi afin de faciliter la perception des droits qu'avaient sur les fruits les anciens seigneurs, ceux-ci indiquaient des époques auxquelles chaque propriétaire devait commencer la récolte. De là les bans de moisson, de fenaison, etc.

Dans le canton de Wissembourg, l'usage n'a maintenu aucune de ces coutumes. Les récoltes se font librement et isolément, sans être soumises à des règlements particuliers, à l'exception toutefois des vendanges, dont il sera question au § 9.

§8.

Du passage forcé sur le fonds voisin à l'époque du défruitement.

130. L'art. 682 du Code Napoléon donne au propriétaire dont les fonds sont enclavés, et qui n'a aucune issue sur la voie publique, le droit de réclamer un passage sur les fonds de ses voisins pour l'exploitation de son héritage, à la charge

d'une indemnité proportionnée au dommage qu'il peut occasioriner. Le passage à travers les propriétés d'autrui est généralement toléré à l'époque du défruÍtement, sans cependant que cette tolérance puisse donner lieu à l'ouverture d'un droit.

131. Lorsque les terres sont dépouillées de leurs récoltes le voisin peut y passer même en temps de pluie , pourvu qu'il ne cause point de dommage.

132. L'ancienne coutume était que si le champ se trouvait labouré, mais non ensemencé et que le voisin le traversât dans la direction de la longueur, il était obligé de faire labourer de nouveau. Cet usage est encore suivi aujourd'hui, et le propriétaire du fonds où le passage a été effectué exige rarement une autre indemnité que celle de la réparation des lieux.

133. Le passage à travers les prairies avec les voitures de foin est toléré à partir de la Saint-Jean (24 juin) puis encore à la Saint-Barthélémy (24 août).

§9.

Ban de vendange. — Du grappillage.

(Art -1er, sect. 5, tit. 1 de la loi du 28 septembre et du 6 octobre 1791, et art. 21, tit. II de la même loi.)

134. L'usage du ban de vendange existe dans toutes les communes du canton où il y a des vignes.

135. Les coutumes prescrivaient au magistrat de prendre l'avis des propriétaires et des vignerons avant de publier les bans. Cet usage s'est conservé, et les maires l'observent encore aujourd'hui.

136. Le grappillage n'est permis que quand la vendange se trouve entièrement terminée dans chaque commune. Il n'est toléré que dans les limites de la loi du 28 septembre et du 6 octobre 1791.

137. L'entrée dans les châtaigneraies est interdite à l'époque des vendanges.

§ 10.

De la coupe des osiers.

138. Les propriétaires de saussaies ne doivent commencer la coupe des osiers qu'à partir du 11 novembre.

139. Il arrive souvent que des pieds d'osiers indiquent la limite de deux prairies ; lorsqu'il en est ainsi, les propriétaires voisins doivent se rendre sur les lieux le jour de la Saini-Martin, afin que les osiers puissent être coupés et partagés en ' leur présence.

Ce jour a été ainsi fixé parce qu'avant, la surveillance des vignes et des châtaigneraies exige plus particulièrement la présence des gardes-champêtres dans la montagne et qu'il leur serait dès lors difficile de surveiller la coupe des osiers dans la plaine et les prairies.

§11.

Du glanage.

(Art. 21, tit. II de la loi du 28 septembre et du 6 octobre d79L)

140. L'usage de ramasser à la main les épis des céréales, ainsi que les pommes de terre sur les champs non clos, après l'enlèvement des récoltes, existe dans toutes les communes du canton.

141. Le râtelage n'est ni reconnu, ni toléré.

142. Le glanage des châtaignes ne peut avoir lieu qu'après le 11 novembre, ou après les vendanges quand celles-ci sont retardées au delà de cette époque.

143. L'usage de grappiller aux arbres fruitiers n'existe pas, néanmoins il est toléré dans quelques communes.

§12.

Des carrières.

(Art. 598 du Code Napoléon, et loi du 21 avril -1810.)

144. Les carrières ne peuvent être ouvertes qu'à une certaine distance des routes et chemins, après que l'autorisation

en a été obtenue de l'autorité compétente. Dans tout le canton elles s'exploitent à ciel ouvert.

Quant à l'usufruitier, l'art. 598 du Code Napoléon ne lui accorde que la jouissance des carrières en exploitation à l'ouverture de l'usufruit. Cette disposition est conforme aux anciennes coutumes admises dans le canton : toutefois l'usage local reconnaissait et reconnaît encore aujourd'hui à l'usufruitier le droit de tirer du fonds les pierres nécessaires pour les réparations d'entretien des bâtiments et murs de clôture.

145. Sur certains terrains communaux, les habitants sont autorisés à extraire sans indemnité de la terre grasse (Lehm).

146. Les usages locaux ne prescrivent aucune distance pour l'ouverture des carrières à proximité des propriétés particulières ; elles sont creusées et exploitées conformément au droit commun qui défend de nuire à autrui.

147. La location des carrières se fait par adjudication publique, lorsque c'est une commune ou l'État qui louent.

Les particuliers traitent presque toujours de la main à la main. Lorsque le louage est purement verbal, l'usage consacre que le bail doit être réputé fait pour l'année entière.

§ 13.

Des bornes.

(Art. 646 du Code Napoléou.)

148. Dans le canton de Wissembourg, le bornage s'effectue presque toujours à l'amiable.

149. Les bornes qui fixent la ligne séparative des propriétés rurales, sont ordinairement en pierres.

Dans les prairies ou endroits humides et dans les champs éloignés des montagnes, on se sert souvent de piquets de bois de chêne, ou bien encore, on plante des osiers sur la ligne séparative des héritages.

150. D'ordinaire les pierres-bornes sont taillées et une raie faite sur la partie supérieure, indique la ligne de séparation

des propriétés; cependant on trouve dans le canton de forts anciennes bornes, consistant en un morceau de rocher brut.

151. L'usage est de placer sous la pierre qui sert de borne, soit des morceaux de tuiles, soit du charbon, soit quelques fragments d'une autre matière, qui paraisse évidemment de main d'homme; c'est ce qu'on nomme des témoins; ils attribuent à la pierre sous laquelle ils sont placés le caractère de borne en l'absence d'un procès-verbal ou d'autres preuves qui constatent la plantation.

§ 14.

Dît parcours.

(Art. 22 et suiv., tit. Il de la loi du 28 septembre et du 6 octobre 1794.)

152. Le parcours ou le droit, pour tous les habitants d'une commune, de mener paître leurs bestiaux sur le terrain d'une autre commune, avec ou sans réciprocité, a cessé d'exister dans la plus grande partie du canton. Cependant il continue d'être exercé au profit des habitants de la ville de Wissembourg sur une portion de la banlieue de la commune d'Altenstadt, au canton Forbach.

§ 15.

De la vaine pâture et du parcage.

(Art. 22 et suiv. , tit. II de la loi du 28 septembre et du 6 octobre 4791.)

153. Le droit de vaine pâture s'exercc de temps immémorial dans toutes les communes du canton.

154. La loi du 6 octobre 1791 fixe les conditions dans lesquelles la vaine pâture peut être exercée. Les coutumes antérieures à cette époque n'ont consacré aucun usage qui soit encore en vigueur en dehors des dispositions de cette loi.

155. En général, la vaine pâture a lieu sur toutes les terres arables dépouillées de leurs récoltes; mais elle subsiste principalement sur les prairies naturelles.

156. Les animaux qu'on y mène sont : les moutons et les bestiaux de la-race bovine; quelquefois aussi les chevaux et les porcs. Partout les oies sont exclues du pâturage.

157. La vaine pâture s'exerce sur les prairies après la coupe des regains, jusqu'au 23 avril, jour de la Saint-George ; jamais elle n'est permise plus tard, et dans les années précoces, elle doit cesser à la fin de mars.

458. Dans le canton, les moutons seulement font des parcages ou fumures.

159. Le droit d'avoir le parc sur ses propriétés est ordinairement vendu au profit de la commune ou de l'association formée à cet effet dans diverses communes du canton.

160. Le pacage commence généralement vers le mois de mars, il continue jusqu'en novembre.

161. Pour le pâturage et le parcage il s'est formé des associations particulières à Wissembourg et dans plusieurs autres communes du canton; leur exercice est réglé soit par des conventions intervenues entre les associés soit par des arrêtés municipaux.

162. Un manuscrit déposé aux archives de la ville de Wissembourg et constatant les droits et statuts du Mundat, contient la nomenclature des différents cantons de la banlieue d'Altenstadt sur lesquels, soit la généralité des habitants de Wissembourg, soit ces mêmes habitants concurremment avec ceux de la commune d'Altenstadt peuvent exercer la vaine pâture; il désigne l'époque où l'exercice de ce droit commence pour chaque canton.

Voici la traduction du chapitre relatif aux pâturages :

Pâturages du ban d'Altenstadt et pâturages communs.

1. Le Weidenfeld à partir du Geiderhof jusqu'au reposoir, est un pâturage commun.

2. A partir du reposoir jusqu'au fossé dit Giesgraben, pâturage de ban jusqu'à la Saint-Michel.

3. Le Zeilfeld, au haut du Zeilweeg, pâturage commun ; au bas du chemin, pâturage de ban jusqu'à la Saint-Michel.

4. A partir du Giesgraben jusqu'au chemin creux du GuLhleith , pâturage commun; du chemin creux du Guthleith jusqu'au chemin du Leimenbergweeg, pâturage de ban jusqu'à la Saint-Michel, ensuite à partir du chemin dit Leimenbergweeg aux prairies du Forbach, pâturage de ban jusqu'à la Saint-Galle.

5. Le Sandfeld près de Schweighoffen jusqu'à la route de Landau, pâturage commun , en bas de la route, un pâturage de ban.

6. 'Le Bachfeld au delà du Schlittweeg du Hafftel prés d'Altenstadt, pâturage commun. Un pâturage de ban, dans la Milwé. Les pâturages de ban durent jusqu'à la Saint-Michel.

7. Les ruelles à partir du nouveau pont jusqu'au Hachbrückel, pâturage de ban jusqu'à la Saint-Michel.

8. A partir du Kahnbrückel jusqu'au village d'Altenstadt vers le haut, le long de la Lauter, pâturage de ban jusqu'à la Saint-Galle.

9. La Bruchwiess, pâturage jusqu'à la Saint-Michel.

10. Les cantons Fischbœll, Thalmond et Teuff, pâturage de ban jusqu'à la Saint-Michel.

11.. La Winckelwiess, pâturage de ban jusqu'à la Saint-Michel.

12. Le bas de la Bruchwiess près de Schweighoffen, pâturage de ban jusqu'à la Saint-Michel.

13. Le haut de la Bruchwiess près de Schweighoffen, pâturage de ban jusqu'à la Saint-Galle.

14. La Hinterwiess près de Schweighoffen, pâturage de ban ainsi que la Boschwiess, dont l'ouverture est fixée au jour de la Saint-Galle.

Pâturages communs.

15. A partir de la Sandwiess jusqu'à la Sandbühl, de la Sandbûhl et la Altwiess jusqu'au chemin de Schweighoffen dit

Haarweeg, dès qu'ils seront dépouillés, droit de pâturage pour chevaux et bêtes à cornes.

16. La Altheywiess de Schweighoffen a été de tous temps ouverte le jour de la Saint-Laurent.

17. De la Wurtzmühl jusqu'au village d'Altenstadt, pâturage commun pour chevaux et bêtes à cornes, ouvert dès le dépouillement.

18. La Schleiffwiess jusqu'à la Eichhochwiess, pâturage commun pour les chevaux et bêtes à cornes dès le dépouillement.

19. La Biebertswiess jusqu'à la Spitalhochwiess, pâturage commun dès que les prairies sont dépouillées.

20. L'ouverture de la Forbachwiess du côté du haut vers la ville, a lieu à la Saint-Barthélémy.

21. Du côté opposé, pâturage d'automne pour chevaux et vaches.

22. Le haut de la Hengehviess, pâturage commun pour tout bétail à partir de la Saint-Barthélemy.

23. Du côté opposé, pâturage d'automne pour tout bétail. 24. La Heuwiess qui est également un pâturage d'automne, est ouverte à la même époque.

25. La Langwiess et le Rechtenbacherthal, pâturage commun dès le dépouillement, pour bêtes à cornes et chevaux.

26. Les deux rives de la Lauterwiess au bas de Saint-Remy, pâturage commun pour tout bétail aussitôt que ces rives sont dépouillées de leurs récoltes.

§ 16.

Du cheptel.

(Art. ^80A du Code Napoléon.)

163. Le bail à cheptel simple est seul en usage dans le canton , encore n'est-il en général pratiqué que par les israélites qui y trouvent un moyen d'usure presque toujours à l'abri des poursuites judiciaires.

164. Ce genre de cheptel n'a lieu que pour l'espèce bovine (vaches ou génisses.)

C'est alors un contrat par lequel l'une des parties donne à l'autre une vache à garder, à nourrir, à soigner, jusqu'à ce qu'elle ait vêlé deux ou trois fois. Le preneur profite seul du lait, du fumier et du travail de la bête. Il profite aussi de la moitié du croît. Enfin il supporte la moitié de la perte, s'il y en a. D'après l'usage local, les parties font ordinairement, au commencement du bail, une estimation des bestiaux.

. § 17.

Du rouissage du chanvre.

(Loi du 24 août 1790. - Décret du 15 octobre -18-10, et ordonnance du 14 janvier -1815.)

165. Pour réduire le chanvre en filasse, il est nécessaire de le faire rouir, mais cette opération est dangereuse par l'odeur pénétrante du chanvre qui rend le rouissage mortel au poisson, l'eau insalubre pour les bestiaux, et qui infecte l'air quand on le retire pour le laver.

166. Afin de parer à ces inconvénients, il est d'usage dans le canton de placer le chanvre sur des prairies qui se trouvent à une assez grande distance des habitations.

CHAPITRE IV.

USAGES RELATIFS AUX GENS DE SERVICE ET DE-TRAVAIL.

Quoique le Code Napoléon et les lois spéciales qui régissent le genre de contrat dont il sera question dans ce chapitre, ne contiennent aucun appel aux usages locaux, nous avons cru utile de résumer dans quelques articles, des habitudes locales bien constantes, remontant presque toutes, à une époque antérieure à la promulgation du Code. Si ces contumes ne peuvent être posées comme des principes qui doivent dominer

l'action du magistrat, du moins elles pourront, dans certaines circonstances, faire apprécier les intentions présumées des parties contractantes et les rapports qui ont dû s'établir entre elles.

§ *•

Des domestiques à la ville.

167. En conformité d'un arrêté du maire de la ville de Wissembourg en date du 20 février 1843 , tout domestique de l'un ou de l'autre sexe, qui entre en service dans la ville, doit se munir d'un livret sur lequel sont exclusivement inscrits les congés et attestations que les maîtres délivrent aux domestiques qui les quittent.

168. Cet arrêté n'a rapport qu'à la délivrance des livrets. Les usages locaux règlent ainsi qu'il suit les engagements, les droits et les obligations des maîtres et des domestiques1.

169. La durée des engagements des domestiques est ordinairement d'une année, quelquefois, mais rarement d'un trimestre ou d'un mois.

170. Les engagements à l'année commencent le 25 décembre, jour de Noël, l'entrée au service a lieu le lendemain.

171. Le louage des domestiques se contracte verbalement; il est donné des arrhes comme signe d'engagement; ce don n'est pas imputable sur les gages.

172. Les arrhes sont dus tous les ans aux domestiques réengagés pour l'année; mais ils ne sont donnés qu'une seule fois , au moment de l'engagement, lorsque cet engagement à lieu au trimestre ou au mois.

173. Les usages locaux ne déterminent pas jusqu'à quelle époque, avant l'entrée au service, les domestiques qui ont contracté un engagement et reçu des arrhes peuvent se retracter.

Il serait à désirer que le livret exigé des domestiques en condition à Wissembourg, devînt obligatoire dans toutes les communes du canton et que des règlements municipaux fixassent d'une manière uniforme les différentes obligations des maîtres, des domestiques et des ouvriers agricoles.

174. Les gages sont fixés, à tant par mois ou par an ; ils sont dus à la fin de chaque mois, mais souvent on ne les paie qu'i la fin du trimestre et même de l'année.

175. Le terme de dénonciation de servicè, soit du maître au domestique, soit du domestique au maître, est de quinze jours si l'engagement est fait au mois ; il est de trente jours si le domestique est engagé au trimestre ou à l'année.

176. Jamais le congé n'est donné par écrit avant la sortie; il est toujours verbal.

177. Lorsqu'un domestique quitte son maître sans avoir fait la dénonciation d'usage, ce dernier a droit d'exiger :

Si le départ a lieu dans le courant d1t temps de l'engagement, qu'il se fasse remplacer par un autre domestique agréé par le maître, pendant le temps qu'il aurait pu être contraint lui-même à continuer son service ;

Si le départ a lieu à l'échéance du temps de l'engagement, mais sans q1t' il y ait eu de dénonciation, que le domestique continue son service pendant le terme ordinaire d'un nouvel engagement, ou qu'il renonce aux gages pour tout le temps de cet engagement, s'il a eu lieu au mois ou au trimestre; et à trois mois de gages si le service devait durer une année.

178. L'indemnité dont il vient d'être parlé est due, bien que le domestique quitte son service par des motifs honorables, mais volontaires.

179. En cas de force majeure, il n'est dû aucune indemnité. 180. Une maladie survenue à un domestique autorise le maître à retenir une partie de ses gages, eu égard à la durée de la maladie.

181. Si une légère indisposition empêche un domestique de faire son service pendant quelques jours seulement, l'usage -n'autorise pas le maître à exiger une réduction sur ses gages.

182. Dans aucun cas, le maître qui appelle un médecin et fait quelques menues dépenses pour soigner son domestique, n'est en droit de les réclamer.

183. Des dommages intérêts sont dus aux domestiques que

les maîtres renvoient sans le congé d'usage, à moins d'existence des motifs légitimes spécifiés aux articles ci-après.

Ces dommages intérêts consistent dans le paiement des gages pour le terme suivant ou leur paiement en entier pour le lerme courant, et suivant les circonstances en une indemnité pour le logement et la nourriture du domestique pendant le terme courant.

184. D'après les usages, les motifs admis comme légitimes pour renvoyer un domestique pendant le courant de l'engagement ou à son échéance sans congé préalable, sont les suivants :

40 S'il a été surpris en flagrant délit de quelque nature que ce soit ;

2° S'il y a de sa part inconduite grave ;

3° S'il s'est rendu coupable d'infidélité, d'insubordination, de désobéissance ou de négligence réitérée ;

40 S'il est incapable de remplir le service qu'il s'est chargé de faire.

Dans ces différents cas les gages ne sont dus que jusqu'au jour du renvoi.

185. Les motifs admis comme légitimes par rapport aux domestiques pour quitter les maîtres sans la dénonciation préalable, sont :

1° Les mauvais traitements, soit par voies de fait, soit par paroles outrageantes ;

2° La tentative de corruption d'une servante ;

3° Le refus de donner aux domestiques les choses nécessaires à la vie ;

4° Le non-paiement des gages échus. Dans ces cas, les domestiques peuvent même avoir droit à des indemnités dont le chiffre est d'ordinaire fixé par le juge de paix.

186. Les domestiques qui, à l'expiration du terme continuent à donner leurs services, sont censés engagés de nouveau et avoir été acceptés par les maîtres, aux mêmes conditions et pour une période égale à celle qui vient de s'écouler.

§ 2.

Des garçons de ferme et de labour ; des servantes à la campagne.

187. Dans les communes rurales du canton, les domestiques ne sont pas astreints au livret dont doivent être munis ceux de la ville.

188. L'engagement des garçons de ferme et de labour, ainsi que celui des servantes, se fait à l'année.

489. Lors de l'engagement, ou du réengagement il leur est donné des arrhes.

190. L'entrée au service a ordinairement lieu le jour de la Saint-Étienne (26 décembre).

191. Sont également applicables au service des domestiques à la campagne les art. 173 à 186 inclusivement.

§3.

Des vignerons et des tonneliers..

192. D'après l'usage généralement admis dans le canton, les vignerons reçoivent pour la culture des vignes un prix qui est proportionné à l'étendue à cultiver.

193. Le salaire par are est de 1 fr., plus un litre de vin blanc de l'année, ou de 1 fr. 20 c. sans vin, moyennant quoi les vignerons doivent, en temps convenable , tailler, labourer et piocher la vigne (.schneiden, rühren und hacken).

Néanmoins depuis quelque temps, beaucoup de propriétaires de vignes font exécuter tous les travaux à la journée.

194. Pour ébourgeonner et lier la vigne, on abandonne au vigneron l'herbe qui croît entre les sillons.

Destinés à la culture des terres et aux travaux agricoles, en général, ces domestiques sont toujours censés loués pour un an.

La nécessité d'exécuter les travaux de la campagne à des époques déterminées et sans interruption, a fait admettre cet usage auquel il n'est dérogé que très-rarement.

195. Il façonne les piquets moyennant les déchets du bois à façonner.

'196. L'entretien des chemins et les autres travaux dont il n'a point été question dans ce chapitre, se font à la journée.

197. Les tonneliers préparent les cuves et les tonneaux pour les vendanges, ils approprient les pressoirs et mettent les caves en état, moyennant l'abandon des marcs.

Autrefois, en compensation de ces marcs, le tonnelier livrait en outre au propriétaire une certaine quantité d'eau-de-vie, mais depuis quelques années cet usage a presque entièrement disparu.

Les tonneliers servent aussi d'intermédiaires entre les propriétaires et les chalands pour le placement des vins. Ils ne reçoivent aucune indemnité pour leurs démarches, mais ils sont payés par les acheteurs pour le remplissage des tonneaux.

§4.

Des taupiers.

198. D'après l'usage admis dans le canton, les propriétaires de terres et prairies de chaque commune se cotisent pour payer le taupier.

La répartition des frais se fait proportionnellement à l'étendue des terrains qui doivent être surveillés.

APPENDICE.

ANNÉE 1858.

L'année 1858 peut être rangée au nombre des bonnes années ordinaires. A l'exception des fourrages, toutes les autres cultures ont produit, dans le canton de Wissembourg, des récoltes satisfaisantes.

Voici, pour chaque culture, un aperçu de l'étendue de terrain qui y a été consacrée, du rendement moyen par hectare et par nature de produit; enfin de la valeur et de la qualité de ces produits.

Céréales, pommes de terre, châtaignes.

Froment. — Il a été cultivé dans le canton, 1238 hectares de froment. Le produit moyen par hectare peut être évalué à 22 hectolitres 70 litres de grains et 26 quintaux métriques de paille. Le prix moyen par hectolitre de blé n'a pas dépassé 15 fr. 50 c. La paille s'est vendue 5 fr. le quintal métrique. Celte récolte doit être considérée comme bonne, quoique le prix ne soit peut-être pas suffisamment rémunérateur.

Épeautre. — On a ensemencé 296 hectares avec de l'épeautre. La récolte a été bonne. Le produit par hectare s'est élevé à 48 hectolitres de grains, balles comprises (soit 20 hectolitres de grains dépouillés et 28 hectolitres de balles), et 25 quintaux métriques de paille. Les épeautres se sont vendus à raison de 11 fr. 50 c. l'hecolitre de grains dépouillés.

Seigle. — Il a été consacré au seigle 390 hectares. Le produit moyen s'est élevé, en grains, à 24 hectolitres 50 litres ; en paille, à 31 quintaux métriques, par hectare. Le prix moyen s'est maintenu à 12 fr. l'hectolitre. Bonne récolte.

Orge. — Cette culture s'est étendue sur 174 hectares. Le produit moyen n'a été que de 28 hectolitres 50 litres de grains

par hectare; le rendement en paille a aussi été taible, Il n a atteint que 14 quintaux métriques. Prix moyen de l'hectolitre 10 fr. Récolte médiocre.

Maïs. — Une étendue de 10 hectares seulement a été ensemencée avec du maïs. Le produit s'est élevé à 28 hectolitres par hectare; le prix moyen n'a été que de 14 fr. 50 c. l'hectolitre. C'est une assez bonne récolte.

Avoine. — Le nombre d'hectares cultivés en avoine s'est maintenu au chiffre de 197. Le produit moyen par hectare a été de 30 hectolitres de grains , et de 16 quintaux métriques de paille. Le prix moyen de l'hectolitre d'avoine a été de 9 fr. 50 c. Récolte ordinaire.

Pommes de terre. — En 1858, le nombre d'hectares affectés à la culture des pommes de terre a été de 992. Le produit moyen s'est élevé à 185 hectolitres par hectare. Le prix moyen de l'hectolitre de pommes de terre n'a été que de 2 fr. 50 c. Cette récolte peut être considérée comme bonne.

Châtaignes. — Le châtaignier occupe, dans certaines localités du canton, une étendue de terrain assez importante pour qu'il en soit fait mention. Les communes de Wissembourg, de Rott et de Cléebourg possèdent des châtaigneraies. Dans les banlieues des autres villages où il existe des arbres de cette essence ; ils sont dispersés dans les champs.

Le produit approximatif a été, en tout, d'environ 320 hectolitres, ayant une valeur de 4,800 fr. (15 fr. par hectolitre).

Cultures industrielles.

Colza. — Il a été cultivé en colza 225 hectares 94 ares. Le rendement moyen n'a été que de 13 hectolitres par hectare. C'est une récolte très-médiocre. Le prix de l'hectolitre de colza s'est maintenu à 30 fr.

Lin. — Culture très-restreinte dans le canton. Elle n'a occupé en 1858 que 13 hectares 20 ares. Le rendement moyen en graines n'a atteint que 3 hectolitres 60 litres par hectare.

Prix de l'hectolitre 21 fr. Le lin a produit par hectare 191 kilogrammes de filasse déliée et prête à être filée, dont le prix moyen a été de 2 fr. par kilogramme. Déduction faite des frais généraux, cette culture ne représente en tout qu'une valeur de 364 fr. 32 c. En comptant l'intérêt du sol qu'elle a occupé, elle constitue le cultivateur en perte réelle. La non-réussite était due à la trop grande sécheresse de l'année.

Chanvre. — Cette culture a occupé 57 hectares 67 arcs. Le produit moyen par hectare, en graines, a été de 6 hectolitres 72 litres. Valeur 18 fr. l'hectolitre. Le rendement en filasse préparée peut être fixé à 450 kilogrammes au prix moyen de 1 fr. 50 c. chacun. La récolte du chanvre doit être considérée comme médiocre.

Houblon. — Depuis deux ans, les prix des houblons se sont maintenus à un taux tellement élevé, que le produit des houblonnières a atteint. une valeur pour ainsi dire exceptionnelle. Cette plante couvre en ce moment dans le canton une étendue de 9 hectares 81 ares. Le produit moyen par hectare a été de 1062 kilogrammes; le prix de vente s'est élevé à 350 fr. les 100 kilogrammes en hausse de 50 fr. sur 1857.

Tabac. — Il a été cultivé en 1858, 10 hectares 31 ares de tabac. Le produit moyen en quintaux métriques de feuilles sèches a été pour le canton de 28 par hectare. Le prix du quintal métrique peut, en moyenne, être fixé à 70 fr.

Légumes secs.

Haricots, fèves, pois. — Une étendue de 46 hectares 72 ares a été consacrée à la culture des légumes secs.

Le produit moyen constaté pour chaque espèce de ces différents légumineux a été le suivant : Haricots et pois secs, 18 hectolitres. Fèves, 10 hectolitres. Ce sont des récoltes faibles. Prix moyen 18 fr. par hectolitre.

Fourrages herbacés et fourrages racines.

Altenstadt, Cléebourg, Oberhoffeu et Riedseltz sont les seules

communes du canton où on ait ensemencé des étendues de terrain de quelque importance avec des fourrages herbacés des tinés à être consommés en vert. L'ensemble de ces terrains mesurait 88 hectares 12 ares. Le produit moyen par hectare n'a été que de 24 quintaux métriques. C'est trop peu, lorsqu'on considère que les plantes perdent 50 à 60 p. 100 de leur poids au séchage. La valeur de ces fourrages peut être évaluée à 5 fr. le quintal métrique.

La culture des fourrages racines (betterave à vache, navet, carotte, topinambour, etc.) est beaucoup plus importante. En 1858, on y a consacré 293 hectares 90 ares. Le rendement moyen a été de 200 quintaux métriques, d'une valeur d'environ 2 fr. chacun.

Prés naturels et artificiels. — Prés non fauchables et pâlis.

Les prairies continuent à n'être pas entretenues avec assez de soins. Cette négligence nuit nécessairement à la quantité comme à la qualité des produits. Si, pendant l'année 1858 il a été créé 119 hectares 36 ares de prairies, ce chiffre porte uniquement sur les prés secs, ou sur ceux arrosés naturellement. Les prairies arrosées artificiellement ont, au contraire, éprouvé une diminution de 106 hectares 76 ares.

A la fin de 1858, l'étendue des prés secs ou ne recevant

que l'eau de pluie était de 1,162h 98a Celle des prés arrosés naturellement de .. 171 62 Celle des prés arrosés artificiellement de .. 259 54

L'hectare de prairie sèche a produit en moyenne 25 quintaux métriques 98 kilogrammes de foin et regain; l'hectare de prés arrosés artificiellement en a donné 35 quintaux métriques 70 kilogrammes; enfin, l'hectare de prés arrosés naturellement a donné 33 quintaux métriques 75 kilogrammes.

Sans la sécheresse extraordinaire de l'année 1858, la différence entre les prés irrigués et ceux non irrigués eût été encore plus grande, car l'irrigation a généralement été faite dans de mauvaises conditions.

Le prix moyen du quintal métrique de foin s'est élevé à 10 fr. 50 c. •

En 1857, le canton comptait 427 hectares 26 ares de trèfle et de luzerne ; il n'y en a eu cette année que 405 hectares 24 ares.

Le produit moyen par hectare, regain compris, n'a été que de 30 quintaux métriques. C'est une récolte médiocre. Le prix moyen de ces espèces de fourrages a été de 12 fr. le quintal métrique.

Les prés non fauchables, bruyères et pâtis se sont étendus sur 471 hectares. Produit total 2,800 quintaux métriques.

Vignes. - Jardins. — Vergers.

La superficie des vignobles est de 451 hectares 16 ares. Le rendement moyen a été, pour 1858, de 80 hectolitres de vin à l'hectare. Cette récolte doit être considérée comme très-satisfaisante. La qualité du vin a été bonne. A la Saint-Martin (11 novembre), le prix de l'hectolitre de vin de l'année était de 30 fr. pour le rouge, et de 18 fr. pour le blanc. La vendange a eu lieu du 11 au 18 octobre.

La culture des jardins et des produits maraîchers a fait, depuis quelques années, de véritables et sérieux progrès. Leur rendement net peut être évalué à 35,000 fr.

Les vergers sont également bien tenus. On peut estimer leurs différentes productions à une valeur de 40,000 fr., chiffre à peu près égal à celui de 1857.

Les noyers disséminés dans les banlieues de plusieurs des communes du canton ont produit net pour environ 25,000 fr. de noix.

Valeur nette des différents produits agricoles du canton, pour l'année 1858.

Fr. C.

Froment, grain et paille ..... 359,971 60 Seigle idem 121,026 1)

A reporter ...... 480,997 60

Fr. C.

Report 480,997 60 Orge, grain et paille 41,282 54 Épeautre idem 66,316 » Maïs idem .. • • • • 3,207 » Avoine idem 45,509 73 Pommes de terre 276,490 » Châtaignes 4,800 » Colza 43,841 » Lin, graine et filasse 364 32 Chanvre idem 27,510 84 Houblon 24,863 77 Tabac 13,506 10 Légumes secs 5,037 20 Fourrages herbacés 6,168 40 Fourrages racines 64,658 » Foins et regains 324,956 82 Trèfle et luzerne 105,362 40 Pâtis 5,600 » Vignes 332,981 76 Jardins et produits maraîchers ... 35,000 » Vergers 40,000 » No vers 25,000 »

Valeur totale des produits agricoles du canton de Wissembourg, pendant l'année 1858 1,973,453 48 Pour VannéelBSiZ^^elle n'était que de . 1,846,815 »

Augment f^étihde 1858. 126,638 48 /i^N ^ ÏY -^\

FIN.

TABLE DES MATIÈRES.

PjltS. INTRODUCTION v

PREMIÈRE PARTIE.

SITUATION ET STATISTIQUE AGRICOLE DU CANTON DE WISSEMBOURG.

Topographie. — Climat 1 Rivière et cours d'eau 3 Routes 8 Sol 10 Modes de jouissance du sol 18 Étendue et composition des exploitations rurales 19 Clôtures 20 Constructions rurales 21 Ouvriers employés à la culture du sol 22 Instruction agricole et instruction primaire 25 Engrais et amendements 32 Drainage 36 Instruments aratoires 40 Charrue du pays 40 Charrue de Bohème 40 Charrue perfectionnée de Merck 41 Herse 42 Rouleau 42 Semoir et rayonneur 44 Houe à cheval 44 Voitures 44 Assolements 46 Froment 49 Épeautre 52 Épeautre locular (Dinkel) 54 Seigle 54 Orge 57 Avoine ...................... 59 Maïs ....................... 60

Iliges. Consommation de grains et de farineux .... 62 Pommes de terre 65 Betteraves 68 Navets. — Carottes 70 Topinambours 71 Colza. — Navette 73 Lin .... 77 Chanvre 78 Haricots 80 Fèves et féveroles 81 Pois 82 Houblon (Bière) 83 Tabac 88 Jardins 91 Prairies artificielles 92 Trèfle • 92 Luzerne 94 Prairies naturelles 95 Pâturages ou prés non fauchables, bruyères et pâtis. 101 Nomenclature des plantes caractéristiques des différents terrains qu'on rencontre dans le canton 102 Vignes 106 Châtaigners. 115 Pommiers, poiriers, cidre 116 Pruniers 118 Cerisiers 119 Noyers 119 Bois et forêts 122 Bétail 132 Espèce bovine 133 Espèce chevaline 143 Espèce ovine 147 Chèvres 149 Espèce porcine 150 Consommation de la viande 154 Oiseaux de basse-cour 159 Abeilles .... 161 Sériciculture 163 Animaux et insectes nuisibles à l'agriculture locale 164 Tourbe 172 Poterie, tuileries et briqueteries 173 Revenus et charges de l'agriculture 174 Professions qui se rattachent à l'agriculture .......... 179 Observations générales ................. 200

hiU. De l'émigration des populations rurales vers les villes 221 Du paupérisme envisagé sous le point de vue agricole 247 DEUXIÈME PARTIE.

TOPOGRAPHIE ET APERÇU HISTORIQUE ET AGRICOLE DE CHAQUE COMMUNE.

Wissembourg 273 Altenstadt 278 Cléebourg 280 Climbach 282 Lembach 283 Niedersteinbach 286 Oberhoffen 288 Obersteinbach 290 Riedseltz 291 Rott 294 Steinseltz 295 Weiler 297 Wingen 298 Anciens poids, anciennes mesures et monnaies qui, avant 1789, étaient en usage à Wissembourg et dans le canton 300 Statistique monumentale - 302 TROISIÈME PARTIE.

USAGES LOCAUX EN VIGUEUR DANS LE CANTON DE WISSEMBOURG.

Observations préliminaires 351 Usages relatifs aux eaux et à l'aménagement des bois.

Des eaux courantes 352 Des eaux natives 353 Des eaux industrielles 353 Des eaux de seconde main 353 Du curage des cours d'eau et de l'entretien des ouvrages qui y correspondent 354 Du curage dans l'intérêt privé des fossés ou ruisseaux mitoyens .... 854 Aménagement des bois particuliers 355

Usages urbains.

Des murs de clôture dans les villes et les communes rurales 356 Des constructions susceptibles de nuire aux voisins 357 Durée des baux verbaux 358 Des termes de paiement des différents loyers 359 Des délais à observer pour les congés ............ 359 Des réparations locatives 360 De la tacite reconduction ................ 361

Usages ruraux.

Pages. Des plantations d'arbres à proximité du fonds voisin 361 Arbres mitoyens; partage des fruits 362 Haies vives; haies sèches; fossés 363 Distances à garder pour les différentes plantations et cultures 364 Modes de louer les fermes 365 Durée ordinaire des baux. — Assolements 365 Entrée en jouissance des fermes 365 Droits et obligations du fermier entrant et du fermier sortant 366 Modes de louer les biens ruraux 366 Époque ordinaire d'entrée en jouissance; durée des baux 367 Prés. — Vignes. — Jardins 367 Termes de paiement des différents fermages 367 Location des granges, greniers, caves, pressoirs, écuries..... 367 Maturité des fruits; modes de faire les différentes récoltes 368 Du passage forcé sur le fonds voisin à l'époque du défruitement.... 368 Ban de vendange. Du grappillage 369 De la coupe des osiers 370 Du glanage 370 Des carrières 370 Des bornes 371 Du parcours 372 Vaine pâture et parcage 372 Du cheptel 375 Rouissage du chanvre 376

Usages relatifs aux gens de service et de travail.

Des domestiques à la ville ... ■ 377 arçons de ferme et de labjprf^JBs serrâtes à la campagne ... 380 Des vignerons et des tonneliar^v^ ^ // 380 Des taupiers &. )]& 381 s :

Appendice ..... 1 ^ . v^y,. ryf : - ........ 382

FIN DE LA TABLE DES MATIÈRES.

Description et statistique agricole du canton de Wissembourg : typographie et aperçu historique de chaque commune, usages locaux qui y sont en vigueur... / par A. Rigaut,... (2024)

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